Insee Analyses Bourgogne-Franche-ComtéInégalités salariales entre hommes et femmes : les métiers exercés et le temps de travail expliquent plus de la moitié des écarts

Mélanie Chassard, Amandine Ulrich, Alain Ribault, Insee Bourgogne-Franche-Comté

En Bourgogne-Franche-Comté, le revenu salarial annuel moyen des femmes est inférieur de 26 % à celui des hommes. Certes les femmes travaillent davantage à temps partiel, mais cet écart s’explique surtout par une différence de salaire horaire net (16,7 %). D’un secteur d’activité à l’autre, les écarts de salaire sont très variables, toujours en défaveur des femmes.

La répartition sexuée des métiers explique partiellement l’écart de salaire horaire. Les femmes occupent en effet des postes de travail souvent moins qualifiés et donc moins rémunérés. Cependant, à profession équivalente, elles perçoivent encore un salaire horaire de 10 % inférieur à celui d’un homme.

Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté
No 8
Paru le :Paru le15/09/2016
Mélanie Chassard, Amandine Ulrich, Alain Ribault, Insee Bourgogne-Franche-Comté
Insee Analyses Bourgogne-Franche-Comté No 8- Septembre 2016

Des femmes en majorité employées, des hommes ouvriers

Pour les femmes salariées du secteur privé et des entreprises publiques de Bourgogne-Franche-Comté, la rémunération annuelle nette moyenne d’un poste de travail est de 16 300 euros contre 22 100 euros pour les hommes en 2013. Les femmes gagnent ainsi 26 % de moins que les hommes (figure 1). En valeur absolue l’écart correspond à environ un tiers d’un SMIC annuel.

Cette inégalité s’explique en partie par le temps de travail des femmes : 36 % sont à temps partiel contre 12 % des hommes. Elles effectuent ainsi en moyenne 11 % d’heures de travail en moins sur l’année que les hommes. Hors cet effet temps de travail, l’écart de rémunération reste malgré tout élevé : les femmes, avec un salaire horaire net de 11,5 euros gagnent en moyenne 16,7 % de moins que les hommes.

Figure_1Toutes choses égales par ailleurs, un écart salarial inexpliqué de 6,8 %

  • Source : Insee, DADS 2013, fichier salariés au lieu de résidence

La ségrégation professionnelle, autrement dit la répartition différenciée des emplois entre les hommes et les femmes explique cette différence de rémunération horaire à hauteur de 6,7 %. Les femmes n’occupent pas les mêmes emplois que les hommes : l’éventail des métiers qu’elles exercent est moins large et leur poste de travail souvent moins qualifié et donc moins bien rémunéré. Ainsi, elles occupent pour 55 % d’entre elles des postes d’employés qui correspondent à des niveaux de salaire parmi les plus bas. Les hommes sont plus souvent, c’est le cas de 42 % d’entre eux, ouvriers qualifiés et leur rémunération est légèrement supérieure à celle des employés.

En haut de l’échelle des salaires, les femmes occupent aussi moins souvent un poste de cadre : seulement 7 % d’entre elles contre 12 % des hommes accèdent ainsi à ces postes très qualifiés, traduisant la difficulté des femmes à se hisser à des postes à responsabilité.

Ces différences ne rendent toutefois que partiellement compte de l’écart de rémunération horaire : à profession équivalente, une femme perçoit un salaire horaire encore inférieur de 10 % à celui d’un homme.

Les écarts se creusent avec l’âge

Une part de cet écart, à profession équivalente, peut être expliquée par des effets de structure observables : l’âge, le type de contrat, la taille de l’entreprise ou encore le secteur d’activité.

Le salaire des femmes progresse avec l’âge mais moins que celui des hommes. Les disparités salariales sont moindres chez les jeunes. Elles s’élèvent à 22 % pour les moins de 25 ans. En début de carrière, les salaires sont en effet plus bas et moins dispersés. L’écart se creuse essentiellement pour les 35 – 44 ans. C’est en effet à ces âges que certaines femmes reprennent une activité après avoir élevé les enfants du foyer alors que les hommes ont poursuivi leur parcours professionnel. Ainsi, plus sujettes à des interruptions de carrière, les salariées accumulent une moindre expérience professionnelle ce qui peut être à l’origine de ces différences de rémunération liées à l’âge. En fin de carrière, pour les 55 ans et plus, l’écart salarial atteint 29 %. Celui-ci résulte de la structure des emplois, des ruptures de parcours professionnel mais aussi du niveau de diplôme moins élevé des femmes de ces générations plus âgées.

À caractéristiques observées identiques, un écart de 6,8 %

La taille de l’entreprise influe également de façon indirecte sur l’écart de salaire entre hommes et femmes. En effet, les rémunérations sont plus élevées dans les grands établissements où l’éventail des métiers est plus large et le taux d’encadrement plus élevé. Or l’écart salarial entre femmes et hommes s’accentue à mesure que le niveau de salaire augmente. S’ils sont peu nombreux, ces grands établissements rassemblent une large part de l’emploi. Par conséquent, plus le territoire compte d’entreprises de grande taille, plus l’écart de salaire entre femmes et hommes pourra être accentué au détriment des femmes.

L’ensemble des caractéristiques, des salariés et des postes, observées dans cette étude permettent d’expliquer 3,2 % dans les 10 % d’écart de salaire horaire entre hommes et femmes à profession équivalente. Il reste donc, à caractéristiques observées identiques, un écart de 6,8 % que d’autres facteurs comme l’expérience professionnelle, l’ancienneté dans l’entreprise ou encore le niveau de diplôme acquis peuvent contribuer à expliquer. Il peut aussi être le reflet de pratiques discriminatoires en termes d’avancement ou de primes.

De fortes inégalités de salaires dans les secteurs à dominante féminine

D’un secteur d’activité à l’autre, les écarts de salaire horaire net sont très variables, mais ils sont toujours en défaveur des femmes. Pour une moyenne régionale de 16,7 %, ils s’échelonnent entre 1,1 % pour le secteur de la construction et 31,5 % pour celui des arts, spectacles et activités récréatives (figure 2). Parmi les mécanismes à l’œuvre permettant d’expliquer ces écarts, la ségrégation professionnelle joue un rôle important et surtout différencié selon les secteurs. Une fois son impact éliminé, reste l’écart salarial entre hommes et femmes exerçant un métier identique, qui conduit à revoir la hiérarchie des écarts salariaux par secteur d’activité.

Figure 2Hébergement médico-social : un salaire horaire moyen de 10,1€/h pour les femmes

Hébergement médico-social : un salaire horaire moyen de 10,1€/h pour les femmes
Secteur d'activité de l'établissement Effectifs Part de femmes (%) Salaire horaire moyen (€)
Hommes Femmes Ecart femmes / hommes (%)
Ensemble 747 780 43 13,8 11,5 -16,7
dont : commerce de détail, à l'exception des automobiles et des motocycles 75 650 67 11,7 10,1 -13,9
hébergement médico-social et social et action sociale sans hébergement 53 240 80 10,8 10,1 -6,5
arts, spectacles et activités récréatives 8 540 45 16,7 11,4 -31,5
activités pour la santé humaine 21 120 81 14,6 12,2 -16,5
transports et entreposage 57 300 26 12,6 12,2 -3,0
construction 58 480 10 12,9 12,7 -1,1
activités financières et d'assurance 24 120 62 20,6 14,2 -30,9
industrie pharmaceutique 2 790 54 18,4 15,1 -17,8
  • * tous temps de travail confondus
  • Champ: salariés du secteur privé et des entreprises publiques résidant en Bourgogne-Franche-Comté (hors particuliers employeurs, hors agriculture, sylviculture et pêche).
  • Source: Insee, DADS 2013, fichier salariés au lieu de résidence.

Dans les secteurs employant très majoritairement des femmes, les hommes, moins nombreux occupent beaucoup plus fréquemment les postes les plus qualifiés, des fonctions de cadres ou à haut niveau de compétence. L’effet de la ségrégation professionnelle y est très marqué tandis qu’avec moins de 4 % d’écart, les inégalités salariales femmes-hommes au sein de chaque profession sont faibles (figure 4). C’est le cas des activités pour la santé humaine, de l’édition, audiovisuel et diffusion, comme de l’industrie pharmaceutique, des télécommunications ainsi que de l’hébergement médico-social et de l’action sociale. Dans ces secteurs, la surreprésentation des hommes aux postes de cadres permet ainsi d’expliquer près de 80 % de l’écart salarial global observé.

Le commerce de détail est aussi un secteur à dominante féminine dans lequel l’écart salarial est inférieur à la moyenne tous secteurs (13,9 % contre 16,7 %). Les femmes y exercent pour les trois quarts des métiers d’employées de commerce, employées de magasin en libre service, caissières ou vendeuses en habillement et articles de sport. Seulement la moitié des hommes sont employés ; ils accèdent plus fréquemment aux métiers plus qualifiés et à des postes de cadres. Seuls les métiers qualifiés de préparateurs en pharmacie et de pharmaciens salariés sont davantage occupés par les femmes. Dans le commerce de détail, la ségrégation professionnelle explique la moitié de l’écart salarial observé (7 %). Ce secteur est assez peu rémunérateur. De ce fait, à métier équivalent, les écarts de salaires apparaissent plus resserrés (6,9 %) puisque le salaire moyen est plus proche du salaire minimum « plancher » en vigueur en France.

Dans le secteur de l’hébergement médico-social et de l’action sociale, l’écart salarial de 6,5 % figure parmi les plus faibles. La ségrégation professionnelle, un peu moins marquée explique néanmoins un peu plus de la moitié de l’écart salarial (- 3,7 %). Moins de 20 % des salariés du secteur sont des hommes et les emplois proposés sont particulièrement peu rémunérés. De ce fait, les écarts de rémunération entre femmes et hommes sont encore plus réduits. Les femmes y exercent un éventail de métiers assez large, souvent à temps partiel : aides à domicile ou aides ménagères, mais aussi agents de services hospitaliers, aides-soignantes ou aides médico-psychologiques. À métier équivalent, l’écart de salaire horaire s’établit à 2,8 % : c’est le plus faible écart intraprofessionnel de tous les secteurs.

À métiers équivalents, des écarts de salaires plus marqués dans les secteurs à dominante masculine

L’écart de salaire horaire entre hommes et femmes apparaît plus faible dans certains secteurs qui emploient une majorité d’hommes ; il est de 1,1 % dans la construction et de 3,0 % dans le transport et entreposage. Dans ces secteurs, les femmes, peu nombreuses, occupent des professions plus rémunératrices. Dans ce cas, la ségrégation professionnelle leur est donc favorable tandis qu’à métier équivalent, l’écart salarial est en leur défaveur (figure 3). Dans la construction, la majorité des femmes sont employées administratifs, souvent secrétaires ou employées de services comptables ou financiers, professions qui offrent un niveau de rémunération plus élevé. De la même façon, dans le transport et entreposage, la moitié des hommes sont chauffeurs, alors que les femmes occupent des postes mieux rémunérés, le plus souvent employées administratifs d’entreprises.

Cette forte présence des femmes sur des postes plus rémunérateurs masque ainsi de fortes inégalités intraprofessionnelles. À métiers équivalents, le salaire des femmes est de 12  % inférieur à celui des hommes dans la construction. Dans le secteur des transports et de l’entreposage, l’écart s’élève à 6,1  % en défaveur des femmes, secteur où elles exercent une plus grande variété de métiers et accèdent à des postes d’encadrement aussi souvent que les hommes.

Figure_3Activités pour la santé humaine : la ségrégation professionnelle explique 80 % de l’écart salarial observé - Décomposition de l’écart salarial observé pour quelques secteurs d’activité

  • Note de lecture : dans le secteur des activités financières et d’assurance, l’écart de salaire horaire moyen entre les femmes et les hommes atteint - 30,9 %. L’écart salarial interprofessionnel ou ségrégation professionnelle s’élève à -18,8 %. L’écart restant, soit -12,1%, correspond aux inégalités intraprofessionnelles, c’est-à-dire aux écarts de salaires mesurés entre femmes et hommes occupant les mêmes métiers.
  • Champ : salariés du secteur privé et des entreprises publiques résidant en Bourgogne-Franche-Comté (hors particuliers employeurs, hors agriculture, sylviculture et pêche)
  • Source : Insee, DADS 2013, fichier salariés au lieu de résidence

Figure_4À métiers équivalents, de plus faibles écarts de salaire dans les secteurs très féminisés - Inégalités intraprofessionnelles entre femmes et hommes par secteur d’activité selon le revenu des hommes (ronds proportionnels au nombre d’heures travaillées)

  • Champ : salariés du secteur privé et des entreprises publiques résidant en Bourgogne-Franche-Comté (hors particuliers employeurs, hors agriculture, sylviculture et pêche)
  • Source : Insee, DADS 2013, fichier salariés au lieu de résidence

Les plus fortes disparités salariales parmi les cadres de la finance et des assurances

Les écarts de salaires horaires sont particulièrement élevés dans le secteur des arts, spectacles et activités récréatives et dans celui des activités financières et des assurances, où ils dépassent 30  %. Dans ces secteurs, les deux composantes de l’écart salarial, ségrégation professionnelle et écart intraprofessionnel jouent dans le même sens.

La ségrégation professionnelle y est en effet marquée : 42  % des hommes salariés des activités financières et des assurances sont cadres contre 14  % des femmes. Cette inégale répartition des hommes et des femmes au sein des métiers explique ainsi 61  % de l’écart salarial observé dans ce secteur, et 62  % dans les arts, spectacles et activités récréatives. Par ailleurs, le salaire horaire des femmes est très inférieur à celui des hommes quel que soit le métier avec un écart intraprofessionnel de l’ordre de 12  %. Cet écart, mesuré à métier équivalent ne prend toutefois pas en compte les caractéristiques des salariés, notamment leur âge, qui peut expliquer une autre partie de ce différentiel.

Méthodologie d’étude de l’écart salarial

Identifier le rôle de la ségrégation professionnelle

L’écart de salaire horaire net entre les femmes et les hommes étudié peut s’écrire :

où βm est le nombre d’heures de travail effectuées par les hommes exerçant le métier m rapporté à l’ensemble des heures de travail des hommes ;

SFm est le salaire horaire moyen des femmes exerçant le métier m

SHm est le salaire horaire moyen des hommes exerçant le métier m.

Cette expression peut se réécrire de manière à faire apparaître d’une part le rôle de l’écart de salaire dans un métier donné, et de l’autre la différence entre la part des femmes et la part des hommes exerçant ce métier :

L’effet « inégalités interprofessionnelles », encore appelé « ségrégation professionnelle » mesure l’écart salarial dû à l’inégale répartition des genres selon les métiers. Les salaires horaires nets des femmes et des hommes sont alors supposés identiques au sein de chaque métier.

L’effet « inégalités intraprofessionnelles » mesure l’écart salarial à métier équivalent, en l’absence de toute ségrégation professionnelle. Le poids de chaque métier dans le volume horaire des femmes est alors supposé identique à celui des hommes.

Identifier un écart salarial « toutes choses égales par ailleurs »

Au sein de chaque métier, des différences importantes entre les postes occupés par les femmes et les hommes peuvent expliquer qu’ils ne soient pas rémunérés de la même façon. Il est donc courant d’analyser les différences de salaires entre les femmes et les hommes comme la somme de deux composantes. L’une correspond à l’écart expliqué par des différences moyennes de caractéristiques observables entre ces deux groupes (tranches d’âges, type de contrat, catégorie socioprofessionnelle, secteur d’activité, taille de l’entreprise), l’autre à l’écart salarial entre hommes et femmes à caractéristiques observables identiques.

La décomposition de Blinder et Oaxaca est une des méthodes qui permet d’identifier ces deux composantes. Cette décomposition suppose de mettre en équation le salaire horaire net pour simuler un salaire horaire net féminin noté SFm pour le métier m, avec une structure des emplois identique à celle des hommes.

Décomposer finalement l’écart salarial femmes-hommes en trois facteurs

L’écart intraprofessionnel non expliqué, encore appelé « toutes choses égales par ailleurs » peut être exploité pour scinder l’écart salarial femmes-hommes de l’ensemble du champ (— 16,7  % en 2013) en trois facteurs : l’écart interprofessionnel, reflet de la ségrégation professionnelle (— 6,7  % en 2013 en retenant une nomenclature en PCS), l’écart intraprofessionnel expliqué par la structure de l’emploi par genre au sein de chaque métier (— 3,2  %) et l’écart salarial intraprofessionnel restant non expliqué (— 6,8  %).

Pour une présentation détaillée de cette méthode, se référer à la publication Dares Analyses n° 16.

Méthodologie Dares, calcul Insee