Pauvreté en Limousin : espace rural, personnes seules et familles monoparentales sont les plus touchés

Catherine Beaudemoulin

En 2006, un Limousin sur sept vit sous le seuil de pauvreté : cette population comprend des bénéficiaires de minima sociaux, des retraités, et parfois des indépendants ou des salariés, car travailler ne préserve pas toujours de la pauvreté. Les familles monoparentales, les personnes seules et les résidents des zones rurales sont les plus exposés. Les départements limousins sont inégaux face à la pauvreté. A forte composante rurale et avec une population plus âgée que la moyenne, la Creuse est l'un des départements français les plus touchés.

Publication électronique
No 17
Paru le :Paru le21/12/2009
Catherine Beaudemoulin
Publication électronique No 17- Décembre 2009

En 2006, un Limousin sur sept vit sous le seuil de pauvreté, c'est-à-dire dispose d'un niveau de vie inférieur à 880 euros par mois (encadré). Légèrement supérieur à la moyenne française, le taux de pauvreté en Limousin (14 %) est comparable à celui de l'Auvergne, de la Lorraine, de Champagne-Ardenne ou de la Picardie. Il est nettement en deçà de celui des régions les plus touchées, telles que Nord-Pas-de-Calais, Languedoc-Roussillon ou la Corse.

Figure 1La région Nord-Pas-de-Calais et le pourtour méditerranéen sont particulièrement touchés par la pauvreté

  • Source : Insee, Revenus disponibles localisés 2006

Les trois départements limousins sont inégaux face à la pauvreté : 13 % des Haut-Viennois et des Corréziens sont concernés, ce qui situe ces départements dans la moyenne de province. En revanche, avec 18 % de pauvres, la Creuse tire vers le haut le taux de pauvreté limousin. La Creuse est ainsi l'un des six départements les plus touchés, dans des proportions comparables à celles du Cantal, autre département du Massif Central à forte composante rurale.

Grande pauvreté : plus présente en Creuse

Dans la population confrontée à la pauvreté, les niveaux de vie individuels sont plus dispersés en Limousin qu’en moyenne nationale. Une personne pauvre sur dix dispose de moins de 413 euros par mois ; à l'opposé, une personne sur dix dispose de plus de 852 euros par mois, soit un rapport supérieur à deux entre le niveau de vie des moins pauvres et celui des plus pauvres. Ce ratio, qui sert à appréhender les inégalités de revenu, est supérieur à celui de la France (1,8). Ce que l'on qualifie parfois de grande pauvreté est moins marqué en Haute-Vienne qu’en Corrèze et surtout en Creuse. Dans ce dernier département, une personne pauvre sur dix vit avec moins de 400 euros.

Ce constat de grande pauvreté monétaire est à relativiser : en effet, les ménages limousins sont plus souvent propriétaires de leur logement, ce qui peut être considéré comme une ressource dont le revenu mesuré ici ne tient pas compte.

Figure 2La Creuse tire vers le haut le taux de pauvreté en Limousin

En euros par mois et par unité de consommation, %
La Creuse tire vers le haut le taux de pauvreté en Limousin (En euros par mois et par unité de consommation, %) - Lecture : en Limousin, 14,1% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Parmi les personnes pauvres, une sur dix a un niveau de vie inférieur à 413 euros par mois, une sur dix a un niveau de vie supérieur à 852 euros par mois, soit un rapport de niveau de vie de 2,1 (rapport interdécile).
Niveau de vie médian de la population Taux de pauvreté (%) Niveau de vie des personnes pauvres
1er décile Médiane 9e décile Rapport interdécile
Corrèze 1 407 13,3 404 733 854 2,1
Creuse 1 299 18,4 395 719 852 2,1
Haute-Vienne 1 447 13,2 440 717 851 1,9
Limousin 1 409 14,1 413 722 852 2,1
France métropolitaine 1 466 13,2 466 717 852 1,8
  • Seuil de pauvreté : 880 euros par mois
  • Lecture : en Limousin, 14,1% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Parmi les personnes pauvres, une sur dix a un niveau de vie inférieur à 413 euros par mois, une sur dix a un niveau de vie supérieur à 852 euros par mois, soit un rapport de niveau de vie de 2,1 (rapport interdécile).
  • Source : Insee - Revenus disponibles localisés 2006

Prestations sociales : plus de 20 % du revenu des pauvres

En Limousin, les prestations sociales (prestations familiales, aides au logement, minima sociaux) constituent 22 % du revenu disponible des ménages en situation de pauvreté, contre 29 % en France. Davantage de propriétaires et des loyers moins élevés tout d’abord, une population plus âgée ensuite contribuent à ce que le poids des prestations logement et des prestations familiales dans le revenu de ces ménages soit plus faible qu’en France. Si les prestations sociales assurent ainsi 22 % du revenu disponible des ménages pauvres, elles ne représentent que 4 % du revenu de l’ensemble de la population, en Limousin comme en France.

Figure 3Une hausse du Pacs beaucoup plus rapide que le baisse des mariages

  • Source : Insee, Revenus disponibles localisés 2006

Ayant pour vocation de redistribuer les revenus, les prestations sociales contribuent effectivement à réduire la pauvreté et atténuent les inégalités : sans redistribution, la pauvreté en Limousin toucherait près de 20 % de la population.

Être pauvre n'implique pas que l'on dépende principalement des prestations sociales et encore moins des minima sociaux. En Limousin, 38 % des pauvres ont des revenus d'activité pour ressource principale (activité salariée ou indépendante), alors que 22 % dépendent principalement de prestations sociales, soit moins d'une personne pauvre sur quatre. Les minima sociaux n'entrent qu'à hauteur de 9 % dans le revenu des ménages pauvres limousins.

Travailler ne préserve pas toujours de la pauvreté

Travailler ne préserve pas toujours de la pauvreté : en Limousin, 8 % des personnes dont les ressources proviennent essentiellement d'une activité salariée sont pauvres, situation comparable à celle de la France. Lorsque le revenu provient surtout d’une activité d’indépendant, le risque d’être pauvre est encore plus élevé (19 %). En Creuse, parmi cette population, c'est même une personne sur quatre qui vit sous le seuil de pauvreté.

En Limousin, les membres de ménages d’actifs travaillant à leur compte sont donc plus touchés par la pauvreté qu'en France (13 %). Ce poids élevé de la pauvreté parmi les ménages d’indépendants n'est pas spécifique aux départements du Limousin. Elle touche d'autres départements du Massif Central et de ses marges, à dominante rurale, où les petites exploitations agricoles sont nombreuses, comme le Cantal, la Lozère, la Haute-Loire ou le Lot.

Anciens actifs, les retraités disposent d'un revenu régulier. Par ailleurs, leurs enfants ayant le plus souvent quitté le foyer, ils ne pèsent plus comme charge. Mais avec des retraites inférieures aux revenus d'activité, et parfois très faibles, les ménages de retraités sont plus souvent touchés que les actifs par la pauvreté. En Limousin, parmi les ménages dont la retraite est la principale ressource, le taux de pauvreté est supérieur à celui de la France. Tiré vers le haut par les deux départements les plus ruraux, il atteint 19 % en Creuse.

Un écart marqué entre ville et campagne

En France, la pauvreté est plus fréquente dans les campagnes que dans les villes ; mais en Limousin les écarts entre territoires ruraux et urbains sont particulièrement marqués. Le Limousin se distingue, comme l'Auvergne, par un taux de pauvreté en zone rurale élevé (18 % contre 15 % au niveau national). Le rural creusois est particulièrement concerné : un habitant sur cinq y vit sous le seuil de pauvreté. En revanche, la pauvreté urbaine est légèrement moins importante en Limousin qu'en France. Les couronnes périurbaines sont les zones les moins touchées, en Limousin comme en France, avec seulement 9 % de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Espaces intermédiaires entre l'urbain et le rural, elles conservent certes une population agricole mais accueillent aussi des « rurbains » aux revenus plus élevés. En outre, elles comptent moins de personnes touchées par la précarité financière que les coeurs d'agglomération (jeunes en début de carrière, familles monoparentales).

Figure 4Dans le rural creusois, un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté

  • Source : Insee, Revenus disponibles localisés 2006

Personnes seules et familles monoparentales plus souvent touchées

Familles avec enfants, personnes seules, couples : les Limousins sont inégalement concernés par la pauvreté selon le type de ménage dans lequel ils vivent. Les familles monoparentales sont les plus touchées. En Limousin, trois sur dix vivent sous le seuil de pauvreté. Elles se distinguent nettement des familles composées d'un couple avec enfant(s), dont un peu plus d'une sur dix est pauvre.

Les personnes seules ne sont pas non plus épargnées : en Limousin, plus d'une sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit davantage qu'en France. La Creuse est le département français où le taux de pauvreté des personnes seules est le plus élevé (28 %). La situation est proche dans d'autres départements âgés à forte composante rurale, tels que le Cantal, la Lozère ou les départements corses. A l'opposé, les couples sans enfant, qui comptent notamment les couples en fin de carrière professionnelle, qui disposent des revenus d'activité les plus élevés et qui n'ont plus d'enfants à charge, sont proportionnellement les moins nombreux à vivre sous le seuil de pauvreté (moins d'un sur dix).

Figure 5Personnes seules : plus concernées par la pauvreté en limousin qu'en France, en particulier en Creuse

  • Source : Insee, Revenus disponibles localisés 2006

Un enfant sur cinq vit dans un ménage pauvre

Les jeunes et les enfants sont les plus touchés par la pauvreté. En Limousin, près d'un enfant sur cinq vit dans un ménage pauvre alors que, tous âges confondus, seul un habitant sur sept est dans ce cas. En Creuse, c'est près d'un enfant sur quatre qui est concerné par la pauvreté.

Figure 6En Haute-Vienne, les jeunes sont deux fois plus souvent pauvres que leurs ainés

  • Source : Insee, Revenus disponibles localisés 2006

En début de carrière professionnelle ou en cours d'insertion dans le monde du travail, avec des revenus parfois plus aléatoires et plus faibles que leurs aînés, les jeunes ménages font partie des générations où la pauvreté est la plus présente : un Limousin sur quatre qui vit dans un ménage dont le référent a moins de 30 ans est pauvre. Département limousin par ailleurs le moins touché par la pauvreté, la Haute-Vienne se distingue pour les jeunes ménages : 27 % des jeunes Haut-Viennois qui vivent dans un ménage dont le référent a moins de 30 ans sont pauvres (20 % en Corrèze).

Les seniors les plus âgés davantage touchés par la pauvreté

En Limousin comme en France, la pauvreté décroît avec l'âge, y compris après la cessation d'activité professionnelle. Les jeunes connaissent plus souvent des situations de pauvreté que leurs aînés actifs, et ces derniers sont plus souvent pauvres que les retraités de fraîche date, qui n'ont souvent plus d'enfant à charge. Les seniors les plus âgés (75 ans et plus) font exception : avec une présence plus importante d'anciens agriculteurs aux retraites souvent faibles et des générations où l'épouse avait moins souvent exercé une activité professionnelle donnant lieu à cotisation à un régime d'assurance-vieillesse, ils sont plus souvent pauvres que les générations plus jeunes.

L'écart entre générations est particulièrement marqué en Limousin, notamment en Corrèze et en Creuse : 23 % des Creusois qui vivent dans un ménage dont la personne de référence a 75 ans ou plus vivent sous le seuil de pauvreté, contre 13 % pour ceux dont le référent du ménage a entre 60 et 75 ans. En France, l'écart est nettement plus faible (11 % contre 9 %). Les seniors les plus âgés sont ainsi plus touchés par la pauvreté en Limousin qu'en France.

Figure 7La pauvreté diminue avec l'âge, hormis pour les seniors

  • Source : Insee, Revenus disponibles localisés 2006

Haute-Vienne : un niveau de vie médian supérieur à celui de la province

Pour l'ensemble des ménages, les revenus des Corréziens et des Haut-Viennois se situent dans la moyenne de province, aussi bien pour les plus riches que les plus pauvres. En revanche, qu'ils soient aisés ou défavorisés, les Creusois ont des revenus plus faibles qu'en province. Ainsi, dans l'ensemble, le niveau de vie des Limousins est inférieur à la moyenne provinciale.

En euros par mois et par unité de consommation
(En euros par mois et par unité de consommation)
1er décile Niveau de vie médian 9e décile
Corrèze 816 1 407 2 551
Creuse 738 1 299 2 348
Haute-Vienne 811 1 447 2 614
Limousin 800 1 409 2 554
Province 808 1 433 2 613
France métropolitaine 810 1 466 2 766
  • Source : Insee - Revenus disponibles localisés 2006

En Limousin, une personne sur dix dispose de moins de 800 euros par mois et une sur dix a un niveau de vie supérieur à 2 550 euros. Les 10 % les plus riches ont ainsi un revenu plus de 3,2 fois supérieur à celui des 10 % les plus pauvres. Ce ratio, qui permet d'appréhender les inégalités de revenu, est le même que celui observé pour la province. Il est identique dans les trois départements limousins.

Sources

Avertissement : les améliorations méthodologiques apportées au dispositif Revenus disponibles localisés (RDL) et la confrontation de sources multiples font que les données de 2006 ne sont pas comparables à celles de 2004.