La contribution du travail domestique non marchand au bien-être matériel des ménages : une quantification à partir de l’enquête Emploi du Temps
Le rapport Stiglitz a rappelé qu'une des limites du produit intérieur brut comme indicateur de bien-être est qu'il ne prend pas en compte la production domestique non marchande, réalisée par les ménages pour eux-mêmes. L'enquête Emploi du Temps 1998 permet d'apporter un nouvel éclairage sur sa potentielle contribution au bien-être, et de soulever des questions de définitions et de méthode. Définir le travail domestique ne va pas de soi. Selon que l'on y inclut ou non les activités de semi-loisir comme le bricolage et le jardinage, ou encore les trajets, il représente entre 15 et 32 heures par semaine. Au niveau national, le nombre d'heures annuelles consacrées au travail domestique est égal à une à deux fois le temps de travail rémunéré : entre 38 et 78 milliards d'heures, en 1998. Valorisé au SMIC et mesuré avec la définition la plus restreinte, il apporterait une contribution à la production nationale équivalente à 17,5% du PIB, comparable à la valeur ajoutée de l'ensemble de l'industrie française. En retenant une définition intermédiaire du travail domestique, sa valeur atteint 27% du PIB, plus de la moitié de la valeur ajoutée de tous les services marchands. L'inclure dans le revenu des ménages aurait toutefois un effet modéré sur les écarts de niveau de vie : il n'y a pas de « rattrapage » massif du niveau de vie médian par les ménages les plus pauvres du fait de la production domestique. Enfin, plus on restreint l'analyse aux tâches ménagères et parentales les plus éloignées du loisir, et plus la part réalisée par les femmes apparaît importante: elles réalisent 75% du « cœur » du travail domestique, contre 60% avec la définition la plus extensive.