Insee Analyses Pays de la LoireDes emplois éloignés l’un de l’autre pour un couple biactif sur cinq

Jean-François Hervé, Insee

Dans les Pays de la Loire, 94 000 couples ont des emplois éloignés de plus de 30 kilomètres l’un de l’autre. Plus jeunes et plus diplômés que les autres couples biactifs, ils occupent plus souvent des emplois qualifiés. Très majoritairement propriétaires, ils résident plus loin des principaux pôles d’emploi. Leurs trajets domicile-travail sont plus longs que ceux des autres couples biactifs.

Dans deux cas sur cinq, ces couples résident près du lieu de travail de la femme, dans un cas sur cinq près de celui de l’homme. Vivre à proximité du lieu de travail de la femme est plus fréquent lorsque l’homme occupe un emploi plus qualifié. À l’inverse, quand la catégorie sociale de la femme est plus élevée, les couples biactifs résident davantage à mi-chemin.

Insee Analyses Pays de la Loire
No 19
Paru le :Paru le25/09/2015
Jean-François Hervé, Insee
Insee Analyses Pays de la Loire No 19- Septembre 2015

En 2011, les Pays de la Loire comptent 1 509 000 personnes occupant un emploi. Parmi elles, 906 000 vivent au sein d’un couple dont les deux membres travaillent (figure 1).

Quatre couples biactifs sur cinq occupent des emplois distants de moins de 30 kilomètres. Leurs besoins en matière de logement et leurs capacités financières font qu’ils habitent souvent relativement loin d’un pôle d’emploi. Pour autant, en raison de la faible distance entre les deux lieux de travail, les choix résidentiels reposent davantage sur un arbitrage entre le cadre de vie et la distance globale aux emplois.

En revanche, pour les 188 000 personnes qui vivent dans un couple biactif dont les lieux de travail sont distants de plus de 30 kilomètres, les trajets quotidiens pour aller travailler sont plus importants. Pour ces couples, l’organisation domestique, le budget et le temps consacrés aux déplacements, la gestion des temps professionnels et personnels ou les contraintes liées à leur activité sont des défis à relever. La question de la localisation résidentielle se pose alors avec davantage d’acuité.

Figure 1Couples biactifs aux emplois "distants" : plus jeunes et exerçant des emplois plus qualifiés - Principales caractéristiques des membres des couples biactifs

Couples biactifs aux emplois "distants" : plus jeunes et exerçant des emplois plus qualifiés - Principales caractéristiques des membres des couples biactifs
Ensemble des actifs en emploi Personnes vivant au sein d'un couple biactif Personnes d'un couple biactif aux emplois "distants"
Nombre de personnes 1 509 000 906 000 188 000
Part des moins de 40 ans (en %) 47 45 54
Part des diplômés du supérieur (en %) 32 34 45
Part des cadres ou professions intermédiaires (en %) 37 40 50
Part des propriétaires de leur résidence principale (en %) 68 78 78
Part des logements d'au moins cinq pièces (en %) 54 64 64
Médiane des distances domicile-travail pour les hommes (en km) 10,1 10,3 34,0
Médiane des distances domicile-travail pour les femmes (en km) 7,6 8,4 18,5
  • Source : Insee, Recensement de la population (RP) 2011.

Plus jeunes et aux emplois plus qualifiés

Les couples dont les lieux de travail sont distants de plus de 30 kilomètres sont généralement plus jeunes, plus diplômés et occupent des emplois davantage qualifiés que les autres couples biactifs. Plus de la moitié d’entre eux a moins de 40 ans. Ils sont 45 % à détenir un diplôme d’études supérieures et 50 % à être cadres ou exercer une profession intermédiaire. En revanche, la composition familiale des couples biactifs varie peu selon la distance des emplois.

Propriétaires d’une maison éloignée des pôles d’emploi

Que leurs emplois soient « distants » ou non, les couples biactifs sont plus souvent propriétaires de leur logement. Le double salaire du couple facilite l’accession à la propriété. Huit couples aux emplois « distants » sur dix sont propriétaires, neuf sur dix résident dans une maison individuelle. Il s’agit le plus souvent d’un logement d’au moins cinq pièces et de plus de 100 m². Ce logement est souvent récent, datant de moins de 25 ans dans près de la moitié des cas.

Ces caractéristiques vont de pair avec la répartition spatiale de ces couples. Lorsque les emplois des conjoints sont distants de plus de 30 kilomètres, les couples résident moins souvent que les autres couples biactifs dans les grands pôles urbains de la région (). Seulement 28 % vivent dans les principales unités urbaines de la région, alors que 35 % de l’ensemble des couples biactifs et 41 % de l’ensemble des actifs y résident. Dans les couronnes de ces grands pôles urbains, en revanche, ils sont plus représentés que les autres couples biactifs : un tiers d’entre eux habite ce type d’espace.

En général, quand les deux membres du couple exercent un emploi, les trajets domicile-travail se font majoritairement en voiture (80 %). Cette part atteint son maximum (87 %) pour les ménages ayant des emplois « distants » l’un de l’autre. Pour autant, ces derniers empruntent aussi plus fréquemment les transports en commun (6 % soit 2 points de plus qu’en moyenne), notamment le train.

Plus encore, les couples biactifs aux emplois « distants » résident plus fréquemment loin des grands pôles urbains. 25 % de ces couples vivent dans les espaces multipolarisés, intermédiaires entre deux pôles d’emploi, contre seulement 18 % de l’ensemble des biactifs comme de l’ensemble des actifs (figure 2). Ils s’installent par ailleurs à proximité des axes majeurs de communication qui mènent aux principaux pôles d’emploi.

Figure 2Les couples biactifs aux emplois "distants" résident plus loin des pôles urbains - Part de couples biactifs aux emplois "distants"

  • Source : Insee, RP 2011.

Figure 3Habiter en pôle urbain pour être proche du travail de la femme ou en périphérie pour partager les trajets - Localisation dominante des couples biactifs aux emplois « distants »

  • Lecture : dans chaque commune, la localisation dominante correspond à la modalité la plus fréquente.
  • Source : Insee, RP 2011.

Des trajets quotidiens plus importants

Les couples biactifs font souvent le choix d’augmenter leur temps de trajet domicile-travail pour acheter un logement plus grand. Ils participent ainsi à l’étalement urbain. Depuis une soixantaine d’années, la distance domicile-travail augmente pour tous les actifs. Dans les Pays de la Loire, la moitié des hommes en emploi parcourt au moins 10 kilomètres et la moitié des femmes au moins 8 kilomètres. Quand ils travaillent à plus de 30 kilomètres l’un de l’autre, la médiane des trajets domicile-travail est environ 2 fois plus élevée pour les femmes et 3,5 fois plus pour les hommes. Les distances parcourues en transports en commun sont plus longues que celles effectuées en voiture.

Ces distances se révèlent encore plus importantes pour les couples de cadres aux emplois « distants ». La moitié des hommes travaille alors à plus de 44 kilomètres de leur domicile et la moitié des femmes à plus de 27 kilomètres. Cela s’explique pour partie par la concentration des emplois les plus qualifiés dans les grands pôles urbains, loin des lieux de résidence privilégiés par ces couples. Ainsi, les situations où les deux membres du couple travaillent dans deux pôles urbains différents sont plus fréquentes, ce qui impose de longs trajets quotidiens.

Le constat est similaire pour les couples de diplômés du supérieur. Parmi eux, la plus forte différence concerne les femmes : la moitié d’entre elles effectue plus de 24 kilomètres contre 11 kilomètres pour les non diplômées.

Pour l’ensemble des couples biactifs, l’écart moyen entre les distances domicile-travail parcourues par chacun des membres du ménage se révèle peu important (5 kilomètres). En revanche, pour les ménages dont les lieux d’emplois sont éloignés d'au moins 30 kilomètres, cet écart se creuse (22 kilomètres, voire 33 kilomètres pour les 45 ans ou plus).

Des trajets globalement plus importants pour l’homme

La proximité entre le lieu de résidence et le lieu de travail peut résulter du choix d’habiter près de son emploi ou de travailler à proximité de son domicile. En l’absence d’informations sur la chronologie entre l’installation dans le logement et la localisation des deux emplois, il est difficile de savoir dans quelle mesure l’une ou l’autre de ces localisations résulte d’un véritable choix.

Trois situations de localisation coexistent quand les emplois du ménage sont éloignés de plus de 30 kilomètres. Soit les trajets quotidiens sont partagés (41 %), soit le couple réside près du lieu de travail de la femme (39 %), soit le domicile se situe à proximité de l’emploi de l’homme (20 %). Cette dernière option est la moins fréquente quel que soit le lieu d’habitat, la composition ou le profil socio-économique du ménage.

Figure 4Une plus grande qualification de l'homme favorise l'habitat à proximité du travail de la femme - Positionnement de l'habitat des couples biactifs aux emplois « distants » suivant la qualification et le nombre d'enfants (part en %)

  • Source : Insee, RP 2011.

Ménages urbains ou périurbains : des options différentes

Pour les couples biactifs, le fait d’habiter en milieu urbain ou dans la périphérie modifie le partage des trajets au sein du couple.

Pour les couples résidant dans les pôles urbains, ou dans une commune desservie par une gare ferroviaire, la proximité avec le lieu de travail de la femme est dominante (figure 3).

Le partage des trajets domicile-travail concerne davantage des couples installés à l’écart des pôles urbains, dans les couronnes des villes ou les espaces multipolarisés. Ces territoires attirent notamment de jeunes familles avec enfants. Dans ces espaces moins dotés en emplois, chaque membre du couple doit effectuer un certain trajet pour rejoindre son lieu de travail.

Enfin, dans certains espaces ruraux, les ménages ont davantage tendance qu’ailleurs à résider près du travail de l’homme. C’est le cas notamment de 82 % des agriculteurs dont la conjointe occupe un emploi à plus de 30 kilomètres de l’exploitation.

Quand l’homme est le plus qualifié, il fait la route

Les différences de catégorie sociale entre les membres du couple influent nettement sur la localisation du domicile.

Quand la catégorie sociale de l’homme est plus élevée que celle de la femme, le domicile est proche de l’emploi de cette dernière dans un cas sur deux (figure 4). Le couple a alors 1,5 fois plus de chance de résider à proximité de l’emploi de la femme que si les membres du couple occupaient des emplois de même niveau social.

À l’inverse, quand la catégorie sociale de la femme est plus élevée que celle de l’homme, un couple sur deux réside à mi-chemin. C’est également dans cette configuration que le choix de la proximité de l’emploi de l’homme est le plus fréquent. Le couple a 1,6 fois plus de chance de résider à proximité de l’emploi de l’homme que si les membres du couple occupaient des emplois de même niveau social.

Enfin, quand leurs catégories sociales sont équivalentes, les couples optent soit pour le partage des navettes quotidiennes, soit pour la proximité du lieu de travail de la femme.

Davantage d’éloignement pour une femme cadre

Lorsque la femme occupe un poste de cadre, son emploi est moins souvent proche de sa résidence (35 % soit 4 points de moins qu’en moyenne). Ce phénomène est encore accentué si l’homme exerce aussi un emploi d’un niveau social élevé. Plus particulièrement, quand l’homme est également cadre ou de profession intermédiaire, l’option de la proximité du domicile pour l’homme est plus fréquente (25 %). A contrario, le couple réside plus fréquemment près du lieu de travail de la femme lorsque celle-ci occupe un poste d’employée, probablement parce que ces emplois sont plus répartis sur le territoire, comme les services à la personne ou le commerce.

L’apparition de nombreux couples où la femme et l’homme exerçent des responsabilités importantes est un phénomène assez récent. Le « rééquilibrage » constaté sur les distances parcourues par les femmes cadres reflète, comme pour les hommes, la concentration de ces emplois dans les grands centres urbains et une plus grande distance au lieu de résidence.

Le nombre d’enfants et leur âge pèsent sur les choix

La propension à résider près du lieu de travail de la femme plutôt que de celui de l’homme augmente avec le nombre d’enfants. Si 36 % des couples sans enfant habitent près du lieu de travail de la femme, ils sont 44 % parmi ceux ayant trois enfants (figure 4). Pour autant, toutes choses égales par ailleurs, la présence d’enfants en bas âge au domicile réduit la probabilité de résider à proximité de l’emploi de la femme et multiplie par 1,6 les chances d’opter pour une localisation intermédiaire. Ce constat reflète la situation des jeunes familles, notamment primo accédantes, souvent amenées à habiter plus loin de leurs emplois.

Les contraintes professionnelles influent peu

Les contraintes professionnelles (horaires décalés, variation du nombre d’heures hebdomadaires, etc.) modifient peu les choix de résidence des couples.

Selon une étude nationale de l’université de Paris I et du CNRS, « un tiers des parents en horaires décalés déclarent avoir fait ce choix pour réduire les dépenses consacrées à la garde des enfants ».

Quand la femme travaille en horaires de bureau, sans contrainte particulière, le couple réside très souvent à proximité de son lieu de travail. Quand les deux membres du couple occupent des emplois avec contraintes, ils privilégient une résidence à mi-chemin.

Une évolution chez les jeunes générations ?

Parmi les 30-34 ans, le partage des trajets est nettement plus privilégié que pour les ménages plus âgés. Le choix de localisation du domicile près du lieu de travail de la femme arrive en deuxième position mais son occurrence se réduit au profit d’une localisation entre les deux lieux de travail (figure 5).

Pour les couples de moins de 30 ans, la résidence à mi-chemin est dominante et l’écart entre les deux autres options « proximité de l’emploi de la femme » et « proximité de l’emploi de l’homme » s’estompe considérablement (de 10 à 1 points). Ces constats peuvent révéler une évolution des choix des couples dont les lieux de travail sont éloignés. Selon l’enquête du Crédoc, Conditions de vie et Aspirations des Français, « les hommes adhèrent moins qu’hier à l’idée que les mères doivent assurer l’essentiel des tâches domestiques, de soins et d’éducation des enfants » (45 % en 1997 contre 30 % en 2015).

Figure 5Figure 5 - Les jeunes couples habitent plus souvent à mi-chemin de leurs emplois - Localisation du lieu de résidence des couples biactifs aux emplois "distants" suivant l'âge de l'homme (en %)

%
Figure 5 - Les jeunes couples habitent plus souvent à mi-chemin de leurs emplois - Localisation du lieu de résidence des couples biactifs aux emplois "distants" suivant l'âge de l'homme (en %) (%)
Proximité du travail de la femme Entre les deux lieux de travail Proximité du travail de l'homme
Moins de 30 ans 25,2 50,5 24,3
30 à 34 ans 30,2 49,2 20,6
35 à 39 ans 36,3 44,9 18,8
40 à 44 ans 43,3 39,0 17,7
45 ans ou plus 48,9 32,7 18,5
  • Source : Insee, RP 2011.

Figure 5Figure 5 - Les jeunes couples habitent plus souvent à mi-chemin de leurs emplois - Localisation du lieu de résidence des couples biactifs aux emplois "distants" suivant l'âge de l'homme (en %)

  • Source : Insee, RP 2011.

Sources

Les emplois d’un couple biactif sont considérés comme « distants » lorsqu'ils sont éloignés de plus de 30 kilomètres. Ce seuil permet d’exclure de l’étude 99 % des couples exerçant dans le même pôle d’emploi et de conserver ceux qui travaillent dans deux pôles différents. Ainsi, on considère qu’une distance de 30 kilomètres amène le couple à arbitrer son lieu de résidence de manière différente que dans la configuration plus classique de l’étalement urbain autour d’un seul pôle d’emploi.

La répartition de la somme des deux distances domicile-travail du couple permet de distinguer trois situations :

- proche du lieu de travail de la femme (respectivement, de l’homme) si elle (il) effectue moins de 20 % de la somme des distances domicile-travail du couple ;

- partage des distances si chacun en effectue entre 20 % et 80 %.

La distance est déterminée par la route, entre les chefs-lieux des communes de résidence et de travail. En retenant un seuil de 20 % plutôt que 0 %, les deux situations qui favorisent l’un des deux conjoints permettent d’inclure ceux qui habitent dans une commune limitrophe de leurs lieux de travail.

Des régressions logistiques permettent de mettre en évidence les déterminants de la localisation du domicile. Trois modèles sont donc estimés, chacun explique la probabilité d’occurrence d’une situation contre l’ensemble des deux autres. Différentes variables explicatives sont testées : la position relative entre les catégories sociales du couple, l’exercice à temps partiel de la femme, la présence d’enfants de moins de 3 ans, de 4 à 6 ans, de 7 à 11 ans, l’existence de contraintes relatives au secteur d’activité pour l’un, les deux, ou aucun des deux membres du couple.

Les agriculteurs et les artisans ont été exclus du modèle parce qu’ils exercent et résident bien souvent en un même lieu.

Définitions

Les grands pôles urbains sont des unités urbaines offrant au moins 10 000 emplois et qui ne sont pas situées dans la couronne d’un autre pôle urbain. On distingue des moyens pôles (unités urbaines de 5 000 à 10 000 emplois) et des petits pôles (unités urbaines de 1 500 à moins de 5 000 emplois).

Pour en savoir plus

Hervé J.-F et Neveu-Cheramy L., « Dans les couples aux emplois « distants », le plus qualifié fait la route », Insee Analyses Bretagne, n°18, mai 2015.

Brice L. et al., « Ouvrir dans un nouvel ongletUne société qui aspire à plus d’égalité entre les femmes et les hommes », Crédoc, Note de synthèse, n°15, mars 2015.

Burricand K. et Grobon S., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuels stéréotypes sur le rôle des femmes et des hommes en 2014 ? », DREES, Études et Résultats, n°907, mars 2015.

Fagnani J. et Letablier M.-T., « Ouvrir dans un nouvel ongletQui s’occupe des enfants pendant que les parents travaillent ? », Université Paris I/CNRS, Recherches et Prévisions, n°72, pp. 21-35, juin 2003.