Un tiers des ménages champardennais en situation de vulnérabilité énergétique

Anh Van Lu, Insee

Pour 33,9 % des ménages résidant en Champagne-Ardenne, la part des revenus consacrés au chauffage du logement et au carburant pour les trajets en voiture contraints est élevée, au sens où elle atteint le double des taux d’effort médian nationaux. Près de 196 000 ménages champardennais sont ainsi en situation de vulnérabilité énergétique en 2008. Les dépenses de chauffage en sont la première cause : la facture annuelle moyenne d’un ménage champardennais s’élève à 1 551 euros, montant supérieur de 20 % à celui de la France de province.

Insee Flash Champagne-Ardenne
No 2
Paru le :Paru le02/11/2015
Anh Van Lu, Insee
Insee Flash Champagne-Ardenne No 2- Novembre 2015

Dans le débat social et environnemental actuel, la capacité des ménages à assumer, voire réduire leurs dépenses liées au chauffage de leur logement et à leurs déplacements contraints constitue un enjeu essentiel. La loi « Grenelle II » du 12 juillet 2010 définit, pour la première fois, la situation de précarité énergétique d’une personne sous l’angle du logement. L’approche retenue ici est celle de la vulnérabilité énergétique (définitions et sources) où la notion de précarité est étendue aux déplacements en voiture pour aller au travail, faire des achats ou accéder à certains services. Lorsque la facture de chauffage ou les dépenses de carburant liées aux trajets en voiture contraints prennent une part importante du revenu d’un ménage, celui-ci est en situation de vulnérabilité énergétique.

196 600 ménages en situation de vulnérabilité énergétique

En 2008, la vulnérabilité énergétique concerne 196 000 ménages champardennais, soit 33,9 % de l’ensemble des ménages (figure 1). La Champagne-Ardenne se situe ainsi au 5e rang des régions les plus touchées par la vulnérabilité énergétique, derrière l’Auvergne (37,1 %), la Lorraine (36,6 %), le Limousin (35,5 %) et la Franche-Comté (35,3 %). La part des ménages champardennais en situation de vulnérabilité énergétique est nettement supérieure aux moyennes de France métropolitaine (22,2 %) et de France de province (25,2 %). Dans certaines régions du sud de la France comme la Provence-Alpes-Côte d’Azur (12,0 %) ou le Languedoc-Roussillon (17,3 %), la proportion de ménages vulnérables est plus de deux fois inférieure à celle des régions les plus touchées.

La situation de l’Île-de-France est la plus favorable avec une part de ménages vulnérables de 8,9 %.

Figure_1La Champagne-Ardenne au 5e rang des régions les plus touchées par la vulnérabilité énergétique

  • Lecture : en 2008, 33,9 % des ménages champardennais sont en situation de vulnérabilité énergétique. Ils sont 23,4 % à être en situation de vulnérabilité énergétique liée à leur logement et 16,0 % en situation de vulnérabilité énergétique liée à leurs déplacements. 5,5 % des ménages cumulent les deux types de vulnérabilité.
  • Source : Insee, recensement de la population (RP), enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) et revenus disponibles localisés (RDL) de 2008 ; SOeS ; Anah

Dans la plupart des régions, les deux composantes de la vulnérabilité énergétique, logement d’un part et déplacement contraint d’autre part, vont de pair : la Champagne-Ardenne se situe au 5e rang des régions les plus touchées en termes de logement et au 4e rang pour les déplacements. Néanmoins, certaines régions très urbanisées du nord et de l’est de la France (Alsace, Lorraine, Nord - Pas-de-Calais, Rhône-Alpes) se distinguent par une vulnérabilité énergétique liée au logement nettement plus dégradée que celle liée aux déplacements, à l’inverse d’autres régions plus rurales (Corse, Poitou-Charentes).

Le chauffage, une dépense importante pour les ménages champardennais

Les dépenses de chauffage sont la première cause de vulnérabilité énergétique. En Champagne-Ardenne comme dans les régions du nord-est, l’impact du climat est un facteur très influent. La facture annuelle moyenne de chauffage s’élève à 1 551 euros pour un ménage champardennais, montant supérieur de 20,3 % à la moyenne de France de province (1 289 euros). L’écart est moindre pour les dépenses consacrées aux déplacements : 747 euros, soit 12,5 % de plus qu’en France de province (664 euros). Au total, la facture énergétique annuelle moyenne d’un ménage de la région s’élève ainsi à 2 298 euros, excédant de 345 euros celle d’un ménage de France de province.

Une vulnérabilité énergétique plus importante pour les ménages à bas revenus

Le risque de vulnérabilité énergétique diminue avec l’élévation du niveau de revenu. En Champagne-Ardenne, les ménages dont les revenus sont inférieurs à 1 000 euros par mois et par unité de consommation sont pour 54,0 % d’entre eux vulnérables, soit 48 950 ménages : 33,5 % d’entre eux le sont pour les dépenses en chauffage seules, 7,6 % pour les dépenses en carburant seules et 12,9 % cumulent à la fois le risque lié au logement et celui lié aux déplacements (figure 2).

La part des ménages disposant de revenus supérieurs à 2 000 euros par mois vulnérables pour leurs déplacements est supérieure à celle pour leur logement : 10,8 % d’entre eux le sont pour les dépenses en carburant seules et 8,0 % pour les dépenses en chauffage seules ; 1,6 % cumulent les deux risques.

Figure 2Plus de la moitié des ménages champardennais à bas revenus sont vulnérables

en % des ménages champardennais
Plus de la moitié des ménages champardennais à bas revenus sont vulnérables (en % des ménages champardennais)
Logements seuls Logements et déplacements Déplacements seuls
Inférieurs à| 1 000 € 33,5 12,9 7,6
Entre 1 000| et moins de| 1 500 € 22,7 6,5 11,3
Entre 1 500| et moins de| 2 000 € 13,6 3,7 12,2
2 000 €| ou plus 6,4 1,6 9,2
  • Lecture : En 2008, 33,5 % des ménages à bas revenus (inférieurs à 1 000 euros par mois) sont vulnérables pour les dépenses énergétiques liées au logement.
  • Sources : Insee, recensement de la population (RP), enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) et revenus disponibles localisés (RDL) de 2008 ; SOeS ; Anah

Figure 2Plus de la moitié des ménages champardennais à bas revenus sont vulnérablesPart de ménages vulnérables selon le revenu mensuel par unité de consommation

  • Lecture : En 2008, 33,5 % des ménages à bas revenus (inférieurs à 1 000 euros par mois) sont vulnérables pour les dépenses énergétiques liées au logement.
  • Sources : Insee, recensement de la population (RP), enquête sur les revenus fiscaux et sociaux (ERFS) et revenus disponibles localisés (RDL) de 2008 ; SOeS ; Anah

Les Ardennais et les Haut-Marnais sont les plus touchés

En Champagne-Ardenne, les disparités départementales en termes de vulnérabilité énergétique sont importantes. La proportion de ménages en situation de vulnérabilité énergétique atteint 42,0 % dans les Ardennes et 42,7 % en Haute-Marne, proportions très supérieures à celles de l’Aube (33,4 %) et de la Marne (27,3 %). Par an, les dépenses énergétiques liées au logement dépassent de 158 euros dans les Ardennes et de 116 euros en Haute-Marne celles d’un ménage de la région. Pour les dépenses liées aux déplacements contraints, l’écart est respectivement de 34 euros et 49 euros. Les ménages ardennais et haut-marnais résident plus souvent dans des zones éloignées des pôles urbains (respectivement 27,2 % et 35,5 % d’entre eux) que les ménages aubois (22,2 %) et marnais (15,8 %).

Définitions

La présente étude se base sur une étude nationale (pour en savoir plus), fruit d’un partenariat entre l’Insee et le SOeS, qui s’appuie sur le recensement de la population, source fournissant les principales caractéristiques de la population et des logements.

La notion de vulnérabilité énergétique ne correspond pas stricto sensu à la précarité énergétique telle qu’elle est définie dans la loi du 12 juillet 2010 : « est en situation de précarité énergétique une personne qui éprouve dans son logement des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat ». Un ménage est considéré en situation de vulnérabilité énergétique si son taux d’effort énergétique est supérieur à un seuil correspondant au double des taux d’effort médian nationaux : 8,0 % pour les dépenses énergétiques liées au logement et 4,5 % pour celles liées aux déplacements.

Le taux d’effort énergétique rapporte les dépenses énergétiques « contraintes » d’un ménage à son revenu disponible.

Le revenu disponible d'un ménage comprend les revenus d'activité (nets des cotisations sociales), les revenus du patrimoine, les transferts en provenance d'autres ménages et les prestations sociales (y compris les pensions de retraite et les indemnités de chômage), nets des impôts directs. Les unités de consommation (UC) sont calculées selon l'échelle d'équivalence dite de l'OCDE modifiée qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

Les dépenses énergétiques liées au logement mettent en œuvre le modèle utilisé par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), fournissant une distribution des diagnostics de performance énergétique selon différentes caractéristiques des logements. Les dépenses énergétiques liées aux déplacements sont calculées grâce au modèle Copert de l’Agence européenne pour l’environnement. Les déplacements pour autre motif que domicile/travail sont estimés à partir de l’enquête nationale Transport et Déplacements de 2008 réalisée conjointement par le SOeS et l’Insee et l’Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité (Inrets).

Pour en savoir plus

D. Callewaert, G. Durousseau, Y. Frydel, J-P. Strauss, « Énergie : des dépenses qui rendent plus vulnérable un ménage alsacien sur quatre », Insee Analyses Alsace n°21, octobre 2015

N. Cochez, É. Durieux, D. Levy, « Vulnérabilité énergétique : Loin des pôles urbains, chauffage et carburant pèsent fortement sur le budget », Insee Première n°1530, janvier 2015

G. Genin, H. Loiseau, « Les émissions de CO2 liées aux déplacements en Champagne-Ardenne : Les longs trajets en voiture pénalisent la région », Insee flash Champagne-Ardenne n°160, septembre 2012