Portrait social des ménages agricoles limousins

Kamel Baffou, Frédéric Châtel, Carole Zampini, Insee - Catherine Lavaud, Draaf Limousin

Le Limousin compte 12 600 agriculteurs et fait partie des régions où la profession est la plus fréquente chez les actifs. En moyenne plus âgés que l’ensemble des actifs, les agriculteurs limousins sont majoritairement des hommes.

Si les exploitants agricoles sont pour la plupart nés dans le département où ils exercent, ce constat est moins vrai pour les plus jeunes, plus souvent originaires d’un autre département.

Dans la région, les agriculteurs hommes font partie des actifs qui vivent le moins souvent en couple. Ils sont également plus nombreux à résider avec leurs parents.

Dans plus de la moitié des ménages agricoles, seul l’homme est agriculteur. Les conjointes d’agriculteurs exercent plus souvent une activité professionnelle que celles des autres actifs ; près de neuf sur dix sont dans ce cas. Pour autant, 60 % des conjoints de chefs d’exploitation participent au travail agricole.

Logiquement plus éloignés des équipements et services que les autres actifs, les ménages agricoles sont en revanche plus souvent propriétaires de leur logement.

Insee Analyses Limousin
No 8
Paru le :Paru le31/03/2015
Kamel Baffou, Frédéric Châtel, Carole Zampini, Insee - Catherine Lavaud, Draaf Limousin
Insee Analyses Limousin No 8- Mars 2015

L’agriculture limousine est principalement orientée vers des exploitations spécialisées en bovins viande et, dans une moindre mesure, en ovins viande. Ces productions, souvent extensives, figurent parmi celles qui dégagent les plus faibles revenus. Au-delà de cet aspect économique, un portrait social des ménages agricoles limousins permet de mieux comprendre les enjeux autour de la main-d’œuvre, de la succession dans les exploitations, et, plus généralement, de l’attractivité d’un métier qui évolue, à partir des données du Recensement de la population et du Recensement agricole. En 2010, près de 12 600 exploitants agricoles, chefs d'exploitation ou coexploitants non retraités, travaillent à titre principal au sein d'une ferme (Méthodologie). Le Limousin fait partie des régions où cette profession est la plus fréquente dans la population active. Dans leur très grande majorité, les agriculteurs travaillent à temps complet. Plus de 700 exploitants, soit 6 % de l'ensemble, exercent par ailleurs une seconde activité professionnelle. La proportion de pluriactifs est plus importante chez les femmes et chez les quadragénaires. Les pluriactifs sont en général employés, artisans, commerçants ou entrepreneurs de travaux agricoles ou forestiers.

Des agriculteurs plus âgés que les autres actifs

Les exploitants agricoles limousins sont âgés en moyenne de 46 ans. Ils constituent l'un des groupes professionnels où le poids des seniors (plus de 55 ans), est le plus élevé. Ils rejoignent sur ce plan les artisans, commerçants et chefs d’entreprise. Un exploitant sur cinq a plus de 55 ans. À l'inverse, un sur quatre a moins de 40 ans. Cette ventilation par âge est sensiblement analogue à celle de leurs homologues en France. Au sein des structures de grande dimension économique, les exploitants sont en général plus jeunes.

Malgré un léger sursaut du nombre d’installations entre 2010 et 2013, qui ne s’est pas poursuivi en 2014, le renouvellement des générations d'exploitants constitue un enjeu majeur en Limousin comme en France. Parmi les chefs d’exploitation limousins de plus de 55 ans, deux sur trois ont déclaré en 2010 ne pas connaître de successeur. Cette situation se rencontre davantage dans les petites exploitations.

Les agricultrices en moyenne plus âgées que les agriculteurs

Avec seulement 30 % de femmes, la profession d'agriculteur demeure majoritairement masculine. Mais l’artisanat, un autre milieu constitué d’indépendants, est encore moins féminisé. Parmi les non retraités, les agriculteurs sont dans l’ensemble moins âgés que les agricultrices : 44,5 ans en moyenne, contre 49,2 ans. C’est le groupe professionnel où l’écart d’âge au profit des hommes est le plus marqué. Cette situation s'explique par l'importance des reprises d'exploitations par les conjointes au moment du départ en retraite de leur mari, souvent plus âgé qu’elles.

Figure_1Les agricultrices limousines plus âgées que les agriculteurs

  • Répartition des agriculteurs exploitants et des artisans limousins par sexe et par tranche
  • d’âge quinquennal, en %.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2010, exploitation complémentaire, au lieu de résidence

Un agriculteur sur trois est originaire d'un autre département

En Limousin comme en France, 23 % des agriculteurs de plus de 60 ans sont nés hors du département où ils habitent aujourd’hui. Les jeunes agriculteurs sont plus souvent originaires d'un autre département que les générations plus âgées : c'est ainsi le cas de 37 % des moins de 40 ans. Cette proportion de jeunes agriculteurs issus d'un autre département est nettement supérieure à la moyenne nationale (25 %). Ceci peut témoigner d'une certaine attractivité du Limousin pour l'installation en agriculture, liée notamment à un prix du foncier agricole abordable. Par ailleurs, quatre agriculteurs exploitants sur 100 sont nés à l’étranger, contre 6,5 % pour le reste de la population active régionale.

Les agriculteurs parmi les groupes sociaux où le célibat est le plus marqué

Avec les ouvriers et les employés, les agriculteurs hommes font partie des actifs limousins qui, à partir de 30 ans, vivent le moins souvent en couple. Le célibat des agriculteurs est davantage marqué en Limousin qu’en France. En revanche, parmi les femmes qui ont une activité professionnelle, les agricultrices sont celles qui vivent le plus souvent en couple, ceci à tous les âges. Au total, 68 % des agriculteurs hommes déclarent vivre en couple, contre 88 % des agricultrices.

Les agriculteurs hommes vivent plus souvent chez leurs parents

Ne pas vivre en couple ne signifie pas nécessairement vivre seul. Aux âges où presque tous les actifs ne vivent plus avec leurs parents, les agriculteurs hommes sont beaucoup plus nombreux que les autres actifs à résider avec un ou deux parents, et à ne pas avoir eux-mêmes d'enfants. Entre 40 et 50 ans, 15 % des agriculteurs limousins hommes vivent ainsi avec un ou deux parents, contre 6 % des ouvriers, 2 % des artisans et 1 % des cadres. Chez les agricultrices, cette situation familiale est nettement plus rare. Au total, elle concerne 13 % des agriculteurs limousins, soit davantage qu’en France (9 %). Ce phénomène est par ailleurs plus marqué en Creuse (16 %).

Figure_2Les agriculteurs limousins vivent plus souvent chez leurs parents

  • Part des agriculteurs exploitants vivant chez leur(s) parent(s) et sans enfant, par département, en %
  • Source : Insee, Recensement de la population 2010, exploitation complémentaire, au lieu de résidence

Une conjointe d'agriculteur sur deux a une activité professionnelle non agricole

La profession agricole est plutôt masculine. Cette situation se reflète dans la composition des couples. Dans 55 % des couples comportant au moins un agriculteur, c’est uniquement l’homme qui exerce ce métier. Dans seulement 24 % des cas, les deux conjoints sont agriculteurs. Ils sont davantage présents parmi les générations les plus âgées. Dans 21 %, la femme, seule, est agricultrice.

Au total, 87 % des conjointes d’agriculteurs déclarent avoir une activité professionnelle. C’est davantage que pour les conjointes d’artisans (79 %), ainsi que globalement pour l'ensemble des conjointes d’actifs en Limousin (80 %).

Lorsqu’elles déclarent travailler, les conjointes d’agriculteurs exercent majoritairement une activité professionnelle non agricole et ce d’autant plus qu’elles sont jeunes. Parmi les conjointes d’agriculteurs qui ont moins de 40 ans, seule une sur quatre est aussi agricultrice. Les métiers des conjointes non agricultrices ne diffèrent pas de ceux des autres femmes actives, leur activité est principalement salariée et elles travaillent le plus souvent en dehors de leur commune de résidence.

À l'inverse, quand ils ne sont pas retraités, les conjoints d’agricultrices sont souvent eux-mêmes agriculteurs, y compris dans les générations les plus jeunes. Par ailleurs et quel que soit leur âge, les conjoints d’agricultrices ont des diplômes de niveau moins élevé que les conjointes d’agriculteurs. Au total, 30 % ont au moins un diplôme égal au baccalauréat, contre 54 % des conjointes.

Les conjoint(e)s aident néanmoins au travail sur l'exploitation

Six conjoints de chefs d’exploitation agricole sur dix participent au travail agricole, et ce à des degrés divers. Seul un conjoint sur quatre y travaille à temps complet (27 %). Dans les exploitations de grande taille économique, le conjoint a plus fréquemment un statut de coexploitant. Il travaille également plus souvent à temps complet à la ferme. Au sein des petites structures, le conjoint accorde nettement moins de son temps à l'activité agricole : 40 % des conjoints travaillent moins d'un mi-temps sur la ferme. Dans l’élevage plus que dans d’autres productions, la présence du conjoint est un atout pour appuyer le chef d'exploitation dans ses travaux. Dans les élevages bovins mixtes lait-viande, trois conjoints sur quatre ont une activité sur l'exploitation. La proportion de conjoints travaillant à temps plein sur l’exploitation est supérieure à la moyenne au sein des élevages bovins laitiers (39 %) et hors sol (34 %). À l'opposé, dans les exploitations à orientation dominante en cultures fruitières, le conjoint est moins sollicité par les travaux de la ferme. Dans ces productions, ainsi que dans les structures à orientation maraîchère et celles de polyculture et polyélevage, le conjoint est d’ailleurs plus souvent pluriactif qu’ailleurs.

Des jeunes agriculteurs plus diplômés

Chez les agriculteurs, le niveau de qualification varie fortement entre générations, et ceci de façon plus marquée que dans les autres groupes professionnels : 72 % des agriculteurs de moins de 40 ans ont au moins un diplôme de niveau baccalauréat, contre 24 % pour ceux ayant 50 ans ou plus. Ceci est à mettre en relation avec l'obligation pour le jeune candidat à l'installation de posséder un diplôme de l'enseignement agricole de niveau au moins égal au baccalauréat (niveau IV) pour pouvoir bénéficier des aides publiques à l'installation. Les jeunes agriculteurs limousins (moins de 40 ans) détiennent plus souvent le baccalauréat ou un diplôme plus élevé que les employés et les ouvriers du même âge (60 % et 34 %) ou que les artisans (46 %). Pour ces derniers, le BEP ou le CAP demeurent des niveaux de formation fréquents.

Les jeunes agriculteurs limousins sont aussi plus souvent diplômés du seul baccalauréat qu'au niveau national. Le constat est inverse si l'on considère uniquement les diplômés de l'enseignement supérieur : ils représentent 21 % des agriculteurs limousins de moins de 40 ans, contre 30 % en France.

Figure_3Les disparités de niveau de qualification entre générations sont davantage marquéeschez les agriculteurs

  • Part de diplômés du baccalauréat ou du supérieur parmi les actifs occupés, par âge et catégorie socioprofessionnelle, en %
  • Source : Insee, Recensement de la population 2010, exploitation complémentaire, au lieu de résidence

Les ménages d’agriculteurs sont très souvent propriétaires

Les ménages limousins qui comprennent au moins un agriculteur résident quasiment tous dans une maison (98 % contre 72 % pour l’ensemble des ménages d’actifs) et sont très majoritairement propriétaires de leur logement (87 % contre 62 %). Ils vivent plus souvent dans de grands logements (51 % ont un logement de plus de 100 m², contre 37 %). Malgré tout, en Limousin, les ménages agricoles habitent dans des logements de surface plus petite qu’en France. Deux modes de chauffage dominent : le chauffage central (42 %) et le chauffage autre que le "tout électrique" (cheminée, poêle, cuisinière…). Ce dernier est largement plus présent que chez l’ensemble des ménages agricoles français (52 % contre 37 %) et que chez les autres ménages d’actifs limousins (21 %). Le recours au bois de chauffage est par ailleurs plus répandu. L'approvisionnement est sans doute facilité par le fait que trois exploitations sur quatre disposent d’un bois, de taillis ou de haies.

Des ménages agricoles souvent plus éloignés des services

Ne pas disposer sur son lieu de vie de services considérés aujourd’hui comme courants peut constituer un frein à l’installation durable de personnes en milieu rural. Résidant le plus souvent dans des communes de petite taille, les ménages agricoles sont plus éloignés des services que les autres actifs. Les équipements les moins courants comme les hypermarchés, les médecins spécialistes, les cinémas sont ceux pour lesquels la distance d’accès est la plus importante, et où l’écart en termes de distance d’accès avec les autres ménages est le plus prononcé (définitions). Même pour les équipements « de proximité » (boulangerie, médecin généraliste…), l’éloignement est davantage marqué. Ainsi, les ménages agricoles parcourent en moyenne près de 10 km pour y accéder, soit deux fois plus que les autres ménages d’actifs en Limousin. Les distances aux établissements d'enseignement secondaire – collèges et lycées – sont plus importantes pour les enfants d'agriculteurs. Toutefois, le maillage actuel d’écoles élémentaires et de regroupements pédagogiques intercommunaux permet aux enfants d'agriculteurs de parcourir des distances d’accès à ces établissements primaires peu supérieures aux autres enfants.

Le célibat plus fréquent dans certains territoires

Parmi les agriculteurs exploitants qui sont à la tête de l’exploitation, ou « chefs d’exploitation », le célibat est un phénomène marqué dans certains territoires limousins, notamment en Creuse.

Les chefs d’exploitation célibataires sont dans l’ensemble moins diplômés que ceux qui vivent en couple. Ils consacrent autant de temps à travailler sur leur ferme que le font les chefs en couple, et la pluri-activité est aussi fréquente chez l'un que chez l'autre. Les chefs célibataires travaillent plus fréquemment au sein d'une structure de petite taille économique : 27 %, contre 20 % des chefs en couple. Le célibat est plus fréquent chez les éleveurs de bovins viande et d’ovins-caprins, et se rencontre moins souvent chez les éleveurs hors sol, les éleveurs de bovins lait, les producteurs fruitiers et les maraîchers.

Figure_4Un phénomène marqué en Creuse

  • Part des chefs d’exploitation célibataires en Limousin en 2010
  • Source : Agreste, Recensement agricole 2010

Méthodologie

Les agriculteurs retenus dans cette étude au sens du Recensement de la population sont les personnes déclarant exercer la profession d’agriculteur exploitant et ne pas déclarer être, à titre principal, retraité, étudiant ou personne au foyer. Ils exercent par définition à titre indépendant, employeur ou non, et peuvent être aide familial. Les entrepreneurs de travaux agricoles, les exploitants forestiers et les pêcheurs et aquaculteurs (élevages piscicoles) sont exclus. Les actifs des autres catégories socioprofessionnelles retenus pour les comparaisons sont aussi ceux qui déclarent être actifs à titre principal.

Les exploitants retenus au sens du Recensement agricole de 2010 sont les personnes qui se sont déclarées exploitants agricoles ou aides familiaux à titre d'activité principale et non retraités en profession secondaire. Parmi ces personnes, certaines sont chefs d'exploitation, les autres sont dites co-exploitants. Parmi les co-exploitants, certains sont les conjoints de chefs d'exploitation.

Ne conserver que les exploitants agricoles exerçant cette activité à titre principal et exclure les retraités conduit à avoir un profil un peu différent de celui de l’ensemble des exploitants, population habituellement retenue pour des données de cadrage : notamment, les exploitants concernés sont moins souvent âgés et travaillent plus fréquemment dans de grandes structures.

Les ménages d’agriculteurs retenus au sens du Recensement de la population sont ceux qui comportent au moins un agriculteur exploitant selon la définition ci-dessus, que cette personne soit ou non la personne de référence du ménage.

Les ménages « d’actifs » sont les ménages qui comportent au moins une personne active. Ils comprennent les ménages agricoles retenus pour l’étude.

Définitions

Pour en savoir plus

« Ouvrir dans un nouvel ongletAtlas agricole du Limousin » - Agreste Limousin, n° 100, janvier 2014

« Les revenus non agricoles réduisent les écarts de revenus entre foyers d’agriculteurs » - Emploi et revenus des indépendants - Insee Références - Édition 2015