En Limousin, une PME sur deux innove

Bruno Balouzat, Bruno Granet, André Pagès

Insee Analyses Limousin
No 4
Paru le :Paru le22/10/2014
Bruno Balouzat, Bruno Granet, André Pagès
Insee Analyses Limousin No 4- Octobre 2014

Quels points communs existe-t-il entre Atulam, Cerlase ou Silab ? Ces trois sociétés sont des exemples parmi d’autres de petites et moyennes entreprises (PME) innovantes implantées en Limousin. Dans la région comme ailleurs, les entreprises innovent : 49 % des PME déclarent avoir innové entre 2010 et 2012, deux points de moins cependant qu’en France de province. Les PME prises en compte dans cette étude sont des unités légales ayant entre 10 et 250 salariés dont l’activité principale est industrielle ou relève des secteurs du commerce de gros, des transports ou des services intellectuels et technologiques.

L’innovation au sein de ces entreprises prend des formes variées. Elle intervient à chaque étape de la chaîne de valeur, de la conception à la commercialisation d’un produit. L’innovation technologique concerne la mise en marché de nouveaux produits (biens ou services), la mise en œuvre de nouveaux procédés de fabrication et les activités d’innovation non encore abouties, qu’elles soient en cours de développement ou abandonnées. Par opposition, les innovations touchant à l’organisation ou au marketing (commercialisation) sont appelées non technologiques.

Revêtement céramique pour béton, cordon d’alimentation électrique haute technologie, écomatériaux pour emballage, microsystèmes électromécaniques pour satellites de communication, chaudières hypermodulables ou logiciel d’analyse médicale sont autant d’exemples d’innovations récemment développées en Limousin. Dans la région, 13 % des PME ont ainsi introduit des produits nouveaux pour le marché. Mais innover, c’est également améliorer sensiblement des produits ou processus de production existants. Au total, 36 % des PME du Limousin ont réalisé une innovation technologique entre 2010 et 2012, 28 % ont introduit une ou plusieurs innovations d’organisation et 18 %, des innovations de marketing.

Figure_1Une innovation multiforme

  • Proportion de PME du Limousin selon le type d’innovation, en %

L’innovation en produits dope le chiffre d’affaires

Les impacts de l’innovation sur le développement de certaines entreprises sont importants. Les PME innovantes réalisent en effet près d’un tiers de leur chiffre d’affaires en produits innovants. Au-delà de cette moyenne, l’innovation représente moins de 20 % du chiffre d’affaires pour la moitié des PME innovantes, et cette part dépasse 40 % pour le quart d’entre elles. L’innovation est plus fréquente dans les PME les plus grandes grâce à des ressources financières et humaines plus importantes. En revanche, la part de l’innovation dans le chiffre d’affaires y est moindre.

Plus globalement, pour l’ensemble des PME, le poids économique de l’innovation est modeste : comme en France de province, le lancement de produits nouveaux pour le marché ou pour l’entreprise représente respectivement 3 et 4 % du chiffre d’affaires des PME retenues dans l’étude.

Figure_2Des services intellectuels et technologiques innovants

  • Taux d’innovation des PME limousines suivant le secteur et la taille de l’entreprise, en %

Des soutiens publics en faveur de l’innovation plus fréquents en Limousin

L’innovation constitue un levier de croissance de l’entreprise, de création de valeurs et de richesses collectives. Cependant, elle présente aussi par nature un risque d’échec technologique ou commercial. Les politiques publiques visent donc à soutenir les initiatives d’innovation en s’appuyant sur une bonne connaissance des processus en jeu.

En effet, si deux tiers des PME innovantes financent leurs innovations grâce à leur trésorerie, les soutiens publics, qu’ils soient locaux, nationaux ou européens, sont également souvent sollicités. La moitié des PME ayant réalisé une innovation technologique déclare avoir bénéficié d'un appui au travers d'une aide, type subvention, ou d'un dispositif fiscal ou social, comme le crédit d'impôt recherche. Les PME de la région accèdent plus fréquemment aux aides allouées par les collectivités territoriales (+ 8 points par rapport à la moyenne de province) et aux aides nationales (+ 7 points).

Les entreprises innovantes ont des caractéristiques spécifiques. En particulier, certains secteurs d’activité semblent par nature plus propices à l’innovation. En Limousin, 67 % des PME des services intellectuels et technologiques innovent contre 55 % dans l’industrie manufacturière, et moins de 35 % dans le commerce de gros, les transports et l’entreposage. Ces proportions sont semblables en France de province, hormis celle du commerce de gros, moins innovant en Limousin. L’innovation en produit est quant à elle surtout présente dans l’industrie et les services alors qu’elle est rare dans le commerce de gros et les transports, avec moins d’une entreprise sur dix concernée.

L’innovation est également liée à l’effectif salarié. Quelle que soit sa forme, le taux d’innovation croît avec l’effectif. En effet, dans les PME ayant peu de salariés, les ressources humaines nécessaires au développement de l’innovation peuvent manquer. Seules exceptions à cette règle, les innovations de procédé et marketing sont aussi fréquentes dans les PME de 20 à 49 salariés que dans celles de 10 à moins de 20.

Au-delà de l’aspect quantitatif et toutes choses égales par ailleurs, l’entreprise a besoin de trouver en son sein des qualifications particulières. Il est donc logique de constater que les PME innovent d’autant plus que leur part d'ingénieurs ou d’emplois de conception-recherche est élevée.

Figure_3Les facteurs liés à l’innovation en France de province

  • Variables et effet sur l’innovation par rapport à une situation de référence notée Réf.

Les PME des pôles de compétitivité sont deux fois plus innovantes

Les PME des pôles de compétitivité innovent presque deux fois plus souvent que les autres. Ce différentiel peut s’expliquer par le fait que certaines entreprises avaient une propension à l’innovation plus importante avant même d’intégrer un pôle de compétitivité. Par ailleurs, en favorisant les dynamiques collaboratives entre les PME et les acteurs de la recherche publique autour de projets de recherche et développement, les pôles de compétitivité sont propices à l’innovation. Ces dynamiques collaboratives se retrouvent aussi à l’intérieur des groupes d’entreprises où elles favorisent l’innovation.

Une plus grande ouverture à l’international, mesurée par la part des exportations dans le chiffre d’affaires, va également de pair avec l’innovation. En effet, et au-delà des seuls marchés locaux, l’innovation donne un avantage compétitif par rapport à la concurrence (1), en termes de prix ou de différenciation. Ainsi, 70 % des PME limousines exportatrices innovent, contre 37 % parmi celles qui ont un marché local.

Le taux d’innovation des PME de la région est inférieur de deux points à celui de la France de province. Cet écart s’explique par un déficit d’innovation d’organisation et de marketing dans la région (respectivement quatre et cinq points en dessous de la province). L’innovation technologique est en revanche aussi fréquente qu’en France de province.

La nature du tissu productif régional en termes de secteurs d’activité et de nombre de salariés ne pénalise pas l’innovation régionale (2). L’écart de deux points entre le taux d’innovation du Limousin et celui de province s’explique essentiellement par la moindre propension à innover des PME limousines du commerce de gros ou celles de 20 à 49 salariés. En effet, le taux d’innovation est inférieur de douze points à la moyenne France de province pour les PME limousines du commerce de gros, et de six points pour celles de taille intermédiaire.

(1) PORTER M., « L'avantage concurrentiel des nations », 1993

(2) Dans cette étude, l’analyse structurelle-résiduelle permet de mesurer la différence de taux d’innovation entre le Limousin et la France de province qui est imputable à la différence de profils des activités économiques et de l’emploi salarié.

Se différencier : une stratégie spécifique

L’accroissement de la compétition économique à l’échelle mondiale pousse les entreprises à obtenir un avantage concurrentiel durable afin de préserver ou développer leur part de marché. Pour atteindre cet objectif, les stratégies sont diverses. Néanmoins, l’amélioration de la compétitivité-prix par une meilleure productivité des facteurs de production constitue un défi prioritaire, en particulier dans un contexte de crise économique.

Les PME innovantes ne dérogent pas à la règle, en particulier en Limousin. Ainsi, 52 % d’entre elles poursuivent un objectif de réduction de leurs coûts de fonctionnement interne, 44 % placent la réactivité de leur organisation au cœur de leur stratégie économique et 42 % souhaitent réduire le coût de leurs intrants.

Les PME innovantes ont des stratégies et des priorités qui leur sont spécifiques. Ainsi, l’introduction de biens ou services nouveaux ou sensiblement améliorés pour se différencier concerne 28 % des PME innovantes du Limousin, soit cinq fois plus que celles qui n’innovent pas. De même, avec 18 points d’écart, améliorer la réactivité aux marchés en augmentant la flexibilité concerne davantage les PME innovantes du Limousin que les autres.

Développer de nouveaux marchés au sein de l’Europe et au-delà ou améliorer le marketing sont des stratégies deux à trois fois plus fréquentes pour les entreprises innovantes que pour celles qui n’innovent pas.

Une majorité de PME développe son innovation en interne

Pour innover, les PME développent des stratégies diversifiées qui s’appuient sur des méthodes et des moyens touchant à l’organisation des projets et aux dépenses engagées.

Une majorité des PME développent leurs innovations en interne. Elles restent ainsi au cœur des décisions, maîtrisent les processus et s’assurent de leur confidentialité. Pour les innovations en biens dans lesquelles le risque d’imitation est important, la part des PME développant en interne atteint 70 %, en Limousin comme ailleurs. Enfin, 58 % des PME du Limousin produisent leurs innovations de services en leur sein, dix points de moins qu’en moyenne de province.

Selon le type d’innovation technologique considéré, 6 à 21 % des PME innovantes déclarent néanmoins externaliser leurs innovations. Ce choix est plus fréquent pour développer les innovations de procédés que pour les innovations de produits, dans la mesure où l’usage de technologies et de nouveaux équipements nécessite les compétences d’entreprises spécialisées.

Le développement de liens avec de multiples partenaires intéresse également près d’un tiers des PME innovantes en produits ou procédés. Les collaborations avec des fournisseurs, des prestataires de services comme les laboratoires de recherche, ou des clients, représentent la forme d’écosystèmes d’affaires la plus fréquente. Ainsi, en Limousin, 81 % des collaborations se réalisent principalement avec ces partenaires de marché, 20 points de plus qu’en moyenne de province où le partenariat interne au groupe ou avec les institutionnels est relativement plus fréquent.

La propriété intellectuelle est aussi un puissant levier de protection des innovations. Brevet, marque, dessin ou modèle constituent un avantage compétitif qui octroie un monopole temporaire à son détenteur. Le dépôt de brevets est en usage dans 18 % des PME et celui de modèle ou dessin n’en concerne que 9 %. Dans le secteur des services intellectuels et technologiques en Limousin, le dépôt de brevet est plus fréquent : 40 % des PME de ces services l’utilisent, soit deux fois plus que les PME des autres secteurs d’activité de la région. Spécificité limousine, cette proportion est également le double de celle observée pour ces services en moyenne de province. En permettant de distinguer précisément ses produits de ceux de la concurrence, la marque est aussi une arme économique. Pourtant, seules 14 % des PME de la région déposent ce signe de propriété, contre 19 % en moyenne de province.

Innovation technologique : les PME du Limousin investissent autant qu’ailleurs

Les dépenses engagées pour les innovations technologiques représentent 4 % du montant du chiffre d’affaires et l’effort d’investissement des PME limousines est comparable à la moyenne de province.

Pour développer leurs innovations de produits ou procédés, les PME se positionnent davantage sur les activités situées en amont du processus de création. En Limousin, les deux tiers des PME innovantes conçoivent leurs innovations dans leurs propres laboratoires de R&D et une même proportion investit dans des équipements tels que machines ou logiciels. Compte tenu d’un coût relativement important, ces deux activités concentrent 85 % de l’ensemble des dépenses d’innovation. L’exigence d’excellence se manifeste aussi auprès des collaborateurs et à ce titre, près de six PME innovantes sur dix misent sur la formation de leur personnel.

En revanche, les PME innovantes du Limousin semblent sous-investir certains segments. Le design ne concerne que 30 % d’entre elles, soit six points de moins qu’en moyenne de province. Dans la région, une proportion identique de PME consacre des moyens à développer la mise en marché, comme la recherche de nouveaux débouchés ou la publicité, onze points de moins qu’en moyenne France de province.

Connaître pour mieux agir

L’innovation est un levier important du développement économique des entreprises que les acteurs publics soutiennent depuis de nombreuses années à travers des outils déclinés dans des stratégies régionales : schéma régional de développement économique (SRDE 2), cadre de référence pour la recherche et l’innovation (CRRI), ainsi que la future stratégie régionale d’innovation et le contrat de plan État-Région 2014-2020. Une stratégie de spécialisation intelligente a également été élaborée pour mettre en avant les domaines innovants prioritaires pour le territoire limousin.

Dans ce cadre, la Direccte, l’Insee et la Région Limousin se sont associés pour développer la connaissance de l’innovation en Limousin et améliorer ainsi l’efficacité des interventions économiques.

Sources

Ces résultats sont issus des déclarations réalisées par les entreprises dans le cadre de l’enquête communautaire sur l’innovation, dite CIS (community innovation survey). Elle découle d'un règlement européen et les concepts qu'elle emploie sont ceux définis dans le manuel d'Oslo, ce qui assure la comparabilité des résultats entre pays. L’enquête CIS 2012 réalisée en France par l’Insee a pour objectif de collecter une information détaillée sur l’innovation des entreprises (définies ici à partir des unités légales) ayant eu une activité au cours de la période 2010-2012.

Cette enquête a fait l’objet d’une extension exhaustive en Limousin sur le champ des entreprises respectant trois critères :

- être régionale ; c’est-à-dire avoir au moins 80 % des salariés localisés en Limousin ;

- avoir entre 10 et 249 salariés ;

- exercer une activité principale dans les secteurs de l’industrie manufacturière (section C de la NAF rév. 2, 2008), de la production et gestion de l’eau, de l’assainissement, de la gestion des déchets et de la dépollution (section E), du commerce de gros hors automobile (division 46 de la section G), des transports et entreposage (section H) et des services intellectuels et technologiques (sections J et K, divisions 71 à 73 de la section M).

Pour des raisons de simplification, ces entreprises sont appelées « PME » dans cette étude et la zone de comparaison appelée « France de province » concerne les entreprises régionales hors Île-de-France, de même taille et secteurs d’activité qu’en Limousin.

L’étude n’a pas pour vocation de suivre un projet ou une innovation en particulier mais une démarche dans son ensemble, aboutie, en cours ou abandonnée au cours de la période de référence.

Définitions

L’innovation regroupe l’innovation technologique (produit, procédé ou une action d’innovation dans ces domaines même si elle n’a pas abouti) et l’innovation non technologique (marketing ou organisationnelle) :

- l’innovation en produits correspond à l’introduction sur le marché d’un bien ou service nouveau ou significativement amélioré ;

- l’innovation en procédés correspond à l’introduction dans l’entreprise de procédés de production, de méthodes concernant la fourniture de service ou la livraison de produits, d’activités de supports nouvelles ou significativement modifiées ;

- l’innovation en marketing concerne la mise en œuvre de nouvelles stratégies de ventes ;

- l’innovation organisationnelle regroupe les nouveautés ou les améliorations significatives apportées dans l’activité de l’entreprise (gestion des connaissances, méthodes de travail, relations externes, etc.).