Diagnostic sur le territoire scolaire cantalien : une inégalité d’accès

Geneviève BUREL, Insee

Dans un département montagneux fortement marqué par le vieillissement et la baisse de sa population, la place de l’école et son accessibilité en tout point du territoire deviennent des enjeux centraux. L’école est un des services au public les plus présents au niveau communal. Cependant, tous les enfants n’accèdent pas avec la même facilité aux écoles. Dans les zones peu denses, se rendre à l’école prend plus de temps. C’est notamment le cas dans les bassins scolaires des marges est et sud-est du Cantal marqués par un déclin démographique. Le maillage scolaire plus dense en périphérie d’Aurillac induit une accessibilité plus favorable. Le nombre d’enfants y est en hausse. Toutefois, de nombreux parents choisissent de ne pas scolariser leur enfant dans leur commune de résidence.

Insee Analyses Auvergne
No 5
Paru le :Paru le19/12/2014
Geneviève BUREL, Insee
Insee Analyses Auvergne No 5- Décembre 2014

Département rural à faible densité de population (26 habitants par km² contre 110 en moyenne métropolitaine), le Cantal est marqué par le vieillissement de sa population et la faiblesse de sa démographie. Il se singularise aussi par son caractère montagneux. Ses enfants de 3 à 11 ans résident, en moyenne, à 690 mètres d’altitude contre 142 en France métropolitaine. Le Cantal est ainsi le 4e département métropolitain où les enfants en âge de fréquenter l’école résident à plus de 600 mètres d’altitude, derrière les Hautes-Alpes (940 mètres), la Lozère (798) et la Haute-Loire (720). Dans ce contexte, le maillage des écoles et leur accessibilité pour les enfants n’habitant pas une commune équipée est une composante de la dynamique des territoires cantaliens . L’école est un des services de proximité les plus structurants. La présence d'un réseau d'établissements éducatifs en zone rurale est un élément majeur de la qualité de vie de la population et un facteur d'attraction de nouveaux résidents. En effet, les familles privilégient les communes dans lesquelles leurs enfants pourront facilement rejoindre leur établissement scolaire. Si les parents travaillent, ils ne disposent pas nécessairement de suffisamment de temps pour prendre en charge les déplacements de leurs enfants entre le lieu de résidence et un lieu d’enseignement différent.

L’école, un des équipements les plus présents

Dans le Cantal, 96 communes (soit 37 %) sont équipées d’au moins une école assurant tous les niveaux de la maternelle à la fin du primaire (figure 1). Ainsi, 79 % des enfants cantaliens de 3 à 11 ans ont la possibilité de fréquenter une école située dans leur commune de résidence, contre 89 % au niveau national. Le Cantal est toutefois loin d’être le département où cette part est la plus faible. Dans 24 départements, moins de 75 % des enfants disposent d’une école dans leur commune de résidence. Par ailleurs, 35 communes cantaliennes proposent un service scolaire pour seulement certains niveaux de maternelle ou de primaire dans le cadre des regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI) dispersés . Elles abritent 9 % des enfants de 3 à 11 ans du département contre 7 % au niveau métropolitain. Au total, 131 communes cantaliennes, soit près de la moitié, offrent un service scolaire sur tout ou partie des classes, de la maternelle à la primaire.

La présence d’une école est associée à celle d’autres équipements de proximité. Dans le Cantal, c’est à partir de 300 habitants que les communes disposent de l’essentiel des équipements de la gamme de la vie courante. Celle-ci regroupe, entre autres, la poste, les artisans du bâtiment, la supérette et la boulangerie. L’école est au centre de ces équipements de proximité de base. Ainsi 90 communes cantaliennes disposent d’au moins la moitié de ces équipements. Parmi ces pôles de service, 73 sont dotées d’une école et 12 proposent un service scolaire dans le cadre d’un RPI. Seuls cinq pôles de services, Antignac, Ferrières-Saint-Mary, Fontanges, Saint-Georges et Saint-Saturnin ne proposent pas de service scolaire. Inversement, parmi les 96 communes dotées d’une école, sept sur dix offrent plus de la moitié des équipements de cette gamme et occupent ainsi un rôle structurant important de pôle de services. Dans six communes seulement (Bassignac, Chaliers, Oradour, Rageade, Tanavelle et Vieillespesse), moins de trois commerces ou services de proximité accompagnent l’école.

Figure_1Huit enfants sur dix habitent une commune équipée d’une école - Courbe de concentration de la population et des équipements dans le Cantal

  • Sources : Insee, Recensement de la population 2011, Base permanente des équipements 2012.

Un tissu scolaire dense autour des pôles économiques

Sur le territoire, le maillage des écoles dépend fortement de la densité de population (figure 2) mais aussi, et surtout, de la présence des familles avec jeunes enfants. Or dans le Cantal, comme sur le reste du territoire national, les jeunes familles se concentrent dans ou autour des pôles économiques qui offrent les emplois. En 2011, l’aire urbaine d’Aurillac, qui s’étend de Carlat au Rouget et de Jussac à Vitrac, est l’espace le plus densément peuplé (61 habitants/km2). Près de la moitié des enfants cantaliens y résident. Le maillage scolaire y est dense (54 % des communes disposent d’une école). Il en est de même à proximité des pôles économiques de plus petite taille, Saint-Flour, Mauriac ou Bort-Les-Orgues.

À l’inverse, dans les espaces plus ruraux, le tissu scolaire est moins fourni. Les écoles se concentrent dans les pôles de services les plus peuplés. Dans les Monts du Cantal, du Cézallier, de l’Aubrac ou de la Margeride, 98 communes abritent moins de dix habitants au km². Elles ne disposent que de huit écoles et de sept RPI, alors que 9 % des enfants de 3 à 11 ans y résident.

Figure_2Les écoles peu présentes dans les espaces peu denses - Maillage scolaire et densité de population

  • Source : Insee, Recensement de la population 2011.

Des bassins scolaires regroupant en moyenne une centaine d’enfants

Autour des 96 communes abritant une école se dessinent les bassins scolaires. Ces derniers associent chaque commune non équipée à l’école la plus proche. Ils correspondent au plus petit espace au sein duquel les enfants peuvent accéder dans les meilleures conditions de temps à l’ensemble des niveaux scolaires, sans tenir compte de la carte scolaire et des éventuelles dérogations. Un bassin sur trois est composé d’une seule commune. Les bassins mono communaux sont situés principalement dans la couronne périurbaine d’Aurillac dans laquelle le maillage des écoles est aussi le plus dense. Hors la ville d’Aurillac, la population moyenne des bassins composés d’une seule commune est de 1 100 habitants dont 110 enfants.

Les bassins multi communaux regroupent, quant à eux, en moyenne quatre communes. C’est dans les espaces de montagne que les bassins scolaires sont les plus étendus. Leur population (1 350 habitants en moyenne dont 120 enfants) se rapproche de celles des bassins périurbains. Les bassins scolaires les plus étendus, Allanche (120 enfants de trois à 11 ans), Chaudes-Aigues (130) et Riom-ès-Montagnes (340) sont composés de huit communes. Par ailleurs, parmi les vingt bassins scolaires cantaliens dont le nombre d’enfants ne dépasse pas 50, 11 sont composés d’une seule commune. Les bassins les plus étendus et où le nombre d’enfants est le plus faible sont ceux de Raulhac (cinq communes, 50 enfants) et Rageade (six communes, 40 enfants).

Les petits montagnards accèdent plus difficilement à l’école

Un temps d’accès moyen à l’école est calculé pour les enfants de chaque bassin habitant une commune non équipée . Il est obtenu à partir du temps de trajet en voiture entre le chef lieu de la commune de résidence et celui de la commune équipée. Ce temps moyen ne correspond donc en aucun cas au temps réel mis par les enfants pour se rendre, chaque matin, à l’école. Il permet cependant d’étudier les disparités territoriales d’accessibilité à l’école (figure 3). Les 2 750 enfants cantaliens habitant une commune sans école sont en moyenne à 9 minutes de la commune équipée la plus proche. En zone de montagne, le temps d’accès à l’école s’allonge du fait de l’étendue des bassins et des contraintes liées au relief. Globalement, dans le Cantal, 2 000 enfants de 3 à 11 ans (soit 15 %) résident dans une commune distante de plus de dix minutes de celle abritant l’école la plus proche. Dans les bassins des massifs de la Margeride, de l’Aubrac ou du Cézallier, les temps d’accès sont très élevés. Les successions de vallées escarpées constituent un réel obstacle à la circulation et limitent fortement l’accessibilité aux écoles présentes. Les délais sont égaux ou supérieurs à 13 minutes pour les bassins scolaires de Chaudes-Aigues, Raulhac, Faverolles et Allanche. Toutefois, c’est dans le bassin de Saint-Santin-Cantalès au nord-ouest de l’aire urbaine Aurillacoise, que le temps d’accès est le plus élevé. Dans ce territoire, la vingtaine d’enfants réside, en moyenne, à près de 16 minutes de la commune centre. Dans les autres bassins multi communaux au sud ouest de la capitale départementale, les temps de parcours des enfants pour rejoindre l’école la plus proche sont plus faibles et plus uniformes, variant entre cinq et sept minutes.

Figure_3Des disparités territoriales d’accessibilité à l’école - Temps d’accessibilité à l’école pour les enfants habitant une commune non équipée

  • Sources : Insee, Recensement de la population 2011, Distancier Metric.

La mobilité des actifs induit une mobilité scolaire

En moyenne, 19 % des enfants cantaliens habitant une commune équipée d’une école n’y sont pas scolarisés. Cette forte mobilité des enfants est essentiellement liée à la concentration des écoles dans les aires d’influence des pôles d’emploi. En effet, le taux de mobilité des enfants est fortement corrélé à celui des actifs. Les parents peuvent ainsi accompagner leur enfant dans une école proche de leur lieu de travail ou sur leur trajet. Plus le nombre de parents travaillant dans une commune différente de leur habitation augmente, plus la mobilité des enfants est importante (figure 4). En 2011, dans les communes quittées par plus de 60 % des actifs, ce sont 30 % des enfants qui vont à l’école dans une autre commune. Cela concerne 46 communes en périphérie d’Aurillac, Saint-Flour ou Bort-les-Orgues. Lorsque le taux de mobilité des actifs s’échelonne entre 40 % et 60 %, la part des enfants scolarisés dans une autre commune est de 20 % (31 communes concernées). Ainsi, dans l’aire urbaine d’Aurillac, trois enfants sur dix ne sont pas scolarisés dans la commune où ils vivent.

Figure 4La mobilité des enfants dépend de celle des adultes

La mobilité des enfants dépend de celle des adultes
Part des actifs travaillant hors de leur commune* (en %) Part des enfants scolarisés hors de leur commune* (en %)
Moins de 40 9
De 40 à moins de 60 19,7
De 60 à moins de 80 27
80 et plus 33,2
  • * Commune cantalienne disposant d'une école.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011.

Figure 4La mobilité des enfants dépend de celle des adultesTaux de mobilité des actifs et des enfants dans le Cantal

  • * Commune cantalienne disposant d'une école.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011.

Un nombre d’enfants stabilisé

Alors que la population du Cantal baisse de 1,4 % entre 2006 et 2011, le nombre d’enfants de 3 à 11 ans est stable (+ 0,3 %). Ceci s’explique en partie par la reprise de la fécondité du début des années 2000. À cette époque, dans le Cantal comme sur le reste du territoire national, le taux de fécondité s’est redressé (1,76 enfant par femme en 2002 contre 1,46 en 1999). La stabilité du nombre d’enfants constatée entre 2006 et 2011 n’est pas effective sur tout le territoire (figure 5). Parallèlement au vieillissement de la population, le nombre d’enfants entre 2006 et 2011 diminue fortement à Aurillac (– 19 %) ainsi que dans certaines communes périphériques (– 33 % à Yolet, – 11 % à Reilhac, – 9 % à Naucelles). À l’inverse, dans tous les autres bassins scolaires de l’aire urbaine d’Aurillac, le nombre d’enfants progresse nettement grâce à leur attractivité résidentielle auprès des familles. Il augmente aussi mais avec une moindre intensité dans les bassins scolaires de Saint-Flour et Mauriac ainsi que dans ceux de leur périphérie. À l’écart des principaux pôles économiques, le contraste est marqué entre les bassins du nord Cantal où le nombre d’enfants est resté stable sur la période 2006-2011, et les bassins montagneux à la périphérie Est qui accusent des baisses importantes variant de – 5 % (Chaudes-Aigues) à – 17 % (Saint-Martin-sous-Vigouroux).

Figure_5De plus en plus d’enfants dans les bassins scolaires autour d’Aurillac - Évolution du nombre d’enfants de 3 à 11 ans des bassins scolaires de 2006 à 2011.

  • Sources : Insee, Recensements de la population 2006 et 2011.

Pour un aménagement partagé du territoire scolaire cantalien

Dans le cadre de la loi n°2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, le rectorat de l’Académie de Clermont-Ferrand et l’association des Maires du Cantal ont conventionné pour l’élaboration et le suivi d’un schéma d’aménagement du territoire scolaire dans le cadre d’une réflexion pluri annuelle partagée par tous les acteurs impliqués. Fruit d’un partenariat associant l’Insee et l’inspection académique du Cantal, cette étude s’inscrit dans ce processus en tant que diagnostic initial présentant les disparités territoriales d’accessibilité à l’école.

Constats territoriaux

Dans les monts de la Margeride et de l’Aubrac sur les marges est et sud-est du département, le nombre d’enfants diminue fortement. Les bassins scolaires sont très étendus, du fait d’une faible densité du tissu scolaire.

Au nord du département dans les massifs de l’Artense et du Cézallier, l’accessibilité aux écoles est elle aussi contrainte. Cependant, les bassins scolaires bénéficient d’une démographie plus favorable. De 2006 à 2011 le nombre d’enfants y est resté stable.

Les communes qui connaissent le plus fort dynamisme démographique se concentrent autour d’Aurillac et Saint-Flour. Les écoles y sont plus présentes que dans les zones rurales les plus éloignées des centres urbains. Le temps d’accès moyen des enfants pour accéder à l’école la plus proche y est donc faible. Toutefois, du fait de la forte mobilité quotidienne des actifs, une part importante des enfants ne fréquente pas cette école.

Vers une nouvelle baisse du nombre d’enfants ?

Dans le département, le nombre de naissances entre 2000 et 2008, c’est-à-dire les enfants qui ont entre 3 et 11 ans en 2011 est supérieur de 2 % à celui des naissances constatées entre 1995 et 2003 (enfants de 3 à 11 ans en 2006). Cette dynamique positive pourrait ne pas durer. Depuis 2010, le nombre de naissances dans le Cantal baisse de nouveau sensiblement. Le nombre d’enfants nés dans le Cantal entre 2005 et 2013 qui auront de 3 à 11 ans en 2016 est inférieur de 0,3 % à celui des enfants nés entre 2002 et 2010.

Définitions

École et RPI

Dans cette étude sauf mention contraire, une école est un établissement scolaire qui assure en son sein tous les niveaux pédagogiques.

Un Regroupement Pédagogique Intercommunal (RPI) repose sur un accord contractuel entre plusieurs communes. Il consiste à associer plusieurs écoles à faibles effectifs scolaires en regroupant les élèves de même niveau scolaire sur un seul site, chaque école du regroupement conservant une existence légale propre. Par exemple, les classes maternelles, le cours préparatoire et les cours élémentaires sont implantés dans une école, les cours moyens dans une autre.

Les établissements scolaires, écoles ou RPI, pris en compte dans cette étude sont ceux présents en septembre 2014.

Aire urbaine d’Aurillac

L’aire urbaine d’Aurillac est l’espace où les mobilités quotidiennes liées aux emplois d’Aurillac sont élevées. C’est un ensemble de 52 communes constitué de l’unité urbaine d’Aurillac et des communes rurales (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille à Aurillac ou dans une autre commune de l’aire.

Temps d’accès moyen à l’école

On utilise le distancier Metric, développé par l’Insee. Il calcule pour chacune des communes du Cantal la distance-temps en minutes entre cette commune et la commune équipée d’une école. Il s’agit d’une distance par la route entre les chefs-lieux de commune. On considère donc que la distance d’accès est nulle pour les habitants qui résident dans une commune équipée.

Le temps d'accès en minutes des enfants habitant une commune non équipée d’une école est la moyenne des temps de trajet à l’école la plus proche, pondérée par le nombre d’enfants âgés de 3 à 11 ans. Cette moyenne pondérée met en évidence les inégalités territoriales d'accès à l’école pour les enfants habitant une commune non équipée.

Bassins scolaires

Chaque commune est associée à la commune équipée d’une école la plus proche (en temps d’accès en voiture en heure creuse). Du fait du relief, certains bassins scolaires ne sont pas contigus. Par exemple, la commune du Falgoux est associée au bassin non limitrophe de Triziac.