L’ESS au sein de la Métropole Européenne de Lille : une économie au service des habitants
Sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille, l’économie sociale et solidaire (ESS) compte environ 52 000 salariés et concerne près de 11 % des emplois. Déployée principalement sous la forme d’associations dans l’action sociale, l'ESS couvre plus largement les activités mises en œuvre localement visant la satisfaction des besoins des personnes présentes sur le territoire. Les emplois liés à l’ESS pèsent davantage au sein des territoires résidentiels, situés au nord et à l’ouest de la métropole, avec une part d’emplois dédiés supérieure à la moyenne observée dans l’ensemble du territoire. Si le nombre de salariés n’a pas été impacté par le choc de la crise de 2008-2009, l’emploi dans le secteur a pu pâtir du déficit d’activité qui a suivi cette période. Les salariés sont davantage à temps partiel que dans le reste de l’économie mais plus nombreux à être couverts par une convention collective.
- L’ESS surtout présente dans l’action sociale
- L’action sociale concentrée au sein des territoires résidentiels
- Une certaine résistance à la crise, mais des signes de fragilité
- Des diversités vis-à-vis des conditions d’emploi
- Couvert par des conventions collectives mais moins rémunérateur
- Encadré 1 : Définition et champ de l’économie sociale et solidaire
- Encadré 2 : Soutien de la MEL à l’économie sociale et solidaire.
Sur le territoire de la Métropole Européenne de Lille (MEL), « l’économie sociale et solidaire » (ESS) (encadré 1) compte environ 52 000 salariés et concerne près de 11 % des emplois (figure 1), dont 51 200 dans les quatre statuts d’acteurs traditionnels (associations, coopératives, mutuelles et fondations), appelés dans la suite de l’étude « l’économie sociale » (ES), et 800 dans les sociétés de capitaux engagées dans une démarche sociale et solidaire. Elle constitue par conséquent un domaine d’intérêt à part entière pour les acteurs locaux, qui s’attachent à soutenir son développement (encadré 2). Dans l’ensemble de la région, l’économie sociale restreinte aux quatre statuts des associations, coopératives, mutuelles et fondations concerne environ 146 000 personnes. Elle emploie en France métropolitaine 2,3 millions de salariés et compte pour 10 % des effectifs.
graphique1 – L’ESS pèse davantage dans l’emploi du nord de la métropole lilloise.
L’ESS surtout présente dans l’action sociale
Parmi les quelque 3 900 organismes de l’ESS que compte la métropole lilloise, les associations restent de loin les plus présentes, avec près de 86 % des effectifs et des établissements (figure 2). Celles-ci interviennent essentiellement dans les domaines de l’enseignement et de l’action sociale (figure 3).
tableau2 – Répartition des postes de travail salariés par grandes familles et par secteurs d’activité sur le territoire de la MEL en 2012.
Économie sociale et solidaire | ||||||||
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Économie sociale | Entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux | Économie sociale et solidaire | Hors économie sociale et solidaire | |||||
Coopérative | Mutuelle | Association | Fondation | Ensemble de l'ES | ||||
Industrie et construction | 288 | 0 | 103 | 0 | 391 | 250 | 641 | 68 513 |
Activités financières et d'assurance | 2 783 | 1 844 | 18 | 0 | 4 645 | 0 | 4 645 | 21 557 |
Information et communication, activités immobilières, soutien aux entreprise | 264 | 1 | 2 375 | 270 | 2 910 | 473 | 3 383 | 83 142 |
dont soutien aux entreprises | 22 | 0 | 189 | 0 | 211 | 304 | 515 | 9 185 |
Enseignement, santé humaine et action sociale | 225 | 92 | 34 533 | 502 | 35 352 | 33 | 35 385 | 138 024 |
dont enseignement | 216 | 0 | 13 399 | 161 | 13 776 | 0 | 13 776 | 30 503 |
dont santé humaine | 6 | 92 | 1 738 | 255 | 2 091 | 0 | 2 091 | 39 036 |
dont hébergement médico-social et social | 0 | 0 | 7 199 | 86 | 7 285 | 0 | 7 285 | 4 247 |
dont action sociale sans hébergement | 3 | 0 | 12 197 | 0 | 12 200 | 33 | 12 233 | 6 884 |
Autres activités de services | 64 | 0 | 7 330 | 25 | 7 419 | 6 | 7 425 | 8 187 |
dont activités des organisations associatives | 0 | 0 | 5 233 | 17 | 5 250 | 0 | 5 250 | 1 273 |
Reste des secteurs | 71 | 74 | 345 | 0 | 490 | 50 | 540 | 116 268 |
Ensemble du territoire de Lille Métropole | 3 695 | 2 011 | 44 704 | 797 | 51 207 | 812 | 52 019 | 435 691 |
Ensemble de la région Nord-Pas-de-Calais | 12 866 | 4 399 | 125 114 | 4 089 | 146 468 | // | // | // |
- c : données confidentielles
- // : données non mesurées
- Champ : établissements ayant eu au moins un salarié dans l'année (hors intérimaires)
- Source : Insee, Clap
graphique3 – Une économie portée vers l’enseignement et l’action sociale
Coopératives et mutuelles occupent à elles deux environ 12 % des effectifs et des établissements de l'ESS. Leurs domaines d’action s’orientent en large majorité vers les activités financières et d’assurance, avec trois quarts des effectifs concernés au sein des coopératives et plus de neuf sur dix pour les mutuelles.
Enfin, les fondations et les entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux concernent chacune moins de 2 % des effectifs et des établissements de l'ESS. Les premières consacrent près du tiers de leurs ressources au domaine de la santé. Les secondes s’orientent prioritairement vers le soutien aux entreprises ; plus de 37 % d’entre elles interviennent ainsi dans l’accompagnement auprès d’autres unités productives. Enfin, 30 % de ces entreprises sont portées vers l’industrie et la construction, et plus spécifiquement vers le traitement des déchets.
L’action sociale concentrée au sein des territoires résidentiels
Au sein de la MEL, le territoire lillois concentre une large part des effectifs de l’ESS, avec près de 20 000 salariés sur les quelque 52 000 recensés à l’échelle de la métropole. Les emplois liés à l’ESS pèsent par ailleurs davantage au sein des territoires situés au nord de Lille, avec une part d’emplois dédiés supérieure à la moyenne observée dans l’ensemble de la métropole. Les territoires des Weppes et de la Lys, aux profils plus résidentiels, sont ainsi très largement orientés vers les domaines de l’action sociale et de l’enseignement. Ces secteurs y représentent 80 % des emplois de l’ESS. Enfin, excepté une certaine surreprésentation des activités financières au sein du territoire lillois et de la couronne nord, la présence des différents domaines d’activités de l’ESS s’avère assez homogène sur l’ensemble de l’espace de la MEL.
Une certaine résistance à la crise, mais des signes de fragilité
Les acteurs impliqués dans l’économie sociale semblent présenter une meilleure résistance à la crise par rapport à l’économie régionale dans son ensemble. Ainsi, les quatre statuts traditionnels que constituent les associations, coopératives, mutuelles et fondations, ont enregistré dans l’ensemble une hausse des emplois dans la métropole jusqu’en 2010, puis une relative stabilisation jusqu’en 2012, confirmant la moindre dépendance du secteur vis-à-vis des aléas économiques conjoncturels (figure 4). Ceux-ci ont davantage tendance à toucher les secteurs de l’industrie et de la construction, et moins les secteurs de l’économie présentielle (définitions) auxquels appartient en grande partie l'ESS. Entre 2010 et 2012, la légère baisse des effectifs au sein de la MEL est essentiellement due aux changements de statuts juridiques de certains établissements de taille importante qui y étaient auparavant associés. Elle peut également s’expliquer par l’importance des emplois aidés dans le domaine associatif, qui, consécutivement à la période de crise et faute de financements, ont été impactés à la baisse. Si l’on soustrait en particulier l’impact des modifications statutaires de certains établissements, la tendance est davantage à une stabilisation des emplois, un comportement comparable à celui de l’économie sociale du reste de la région.
graphique4 – Un impact indirect de la crise
Des diversités vis-à-vis des conditions d’emploi
Sur le territoire de la MEL, près de 39 % des salariés de l’ESS sont à temps partiel, soit deux fois plus que dans le reste du privé (figure 5). Les emplois à temps partiel sont moins répandus au sein des coopératives, mutuelles et des entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux. De leur côté, un tiers des salariés des fondations sont à temps partiel alors qu’au sein des associations, ils sont deux salariés sur cinq à être à temps partiel. En particulier, le temps partiel est plus fréquent dans les activités d’aide à domicile que dans la culture et les loisirs.
En 2012, les contrats de travail des salariés de l’ESS du territoire de la MEL sont essentiellement à durée indéterminée (CDI). Pour autant, ces derniers sont moins courants que dans le reste du privé. Excepté les associations, l’ensemble des familles de l'ESS propose une part de contrats de travail en CDI supérieure au reste du privé. Les trois quarts des contrats proposés par les associations sont des contrats en CDI. Au sein de ces associations, ce constat varie d’un secteur à l’autre. Si cinq contrats sur six sont en CDI dans les associations proposant des services dans l’éducation et la santé, ils ne sont que deux sur six dans les secteurs de la culture et des loisirs.
tableau5 – Temps de travail, contrats, salaire médian et couverture par une convention collective par famille de l’économie sociale et solidaire sur le territoire de la MEL en 2012.
Part de temps partiel | Part de CDI | Salaire horaire net médian | Part de convention collective | |
---|---|---|---|---|
Coopératives | 16,3 | 84,4 | 14,2 | 65,1 |
Mutuelles | 19,8 | 87,5 | 12,0 | 99,8 |
Associations | 41,3 | 76,8 | 10,8 | 84,3 |
aide par le travail | 35,6 | 95,0 | 7,9 | 100,0 |
culture et loisirs | 62,7 | 34,0 | 13,0 | 96,1 |
sport | 48,0 | 64,7 | 9,7 | 98,8 |
accueil des personnes handicapées | 34,9 | 84,6 | 10,5 | 97,4 |
crèches et garderies | 50,3 | 78,1 | 8,8 | 100,0 |
éducation | 36,9 | 86,6 | 13,3 | 55,2 |
santé | 34,6 | 86,7 | 11,8 | 95,9 |
accueil des personnes âgées | 43,3 | 77,3 | 10,0 | 97,1 |
aide à domicile | 77,3 | 84,2 | 8,1 | 96,0 |
Fondations | 34,3 | 80,8 | 11,8 | 36,8 |
Entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux | 15,3 | 82,6 | 8,5 | 100,0 |
Ensemble de l'économie sociale et solidaire | 38,6 | 77,8 | 11,0 | 83,5 |
Privé hors économie sociale et solidaire | 21,4 | 80,7 | 11,1 | 80,9 |
- Champ : postes réguliers occupés la 1ère semaine d’octobre.
- Source : Insee, DADS (hors Crédit Agricole et particuliers employeurs)
Couvert par des conventions collectives mais moins rémunérateur
Sur le territoire de la MEL, 84 % des effectifs salariés de l’économie sociale et solidaire sont couverts par des conventions collectives en 2012. L’ESS couvre davantage de secteurs et d’activités possédant une convention collective que le reste de l’économie privée. Au sein de l'ESS métropolitaine, les activités pratiquées par les mutuelles et les entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux assurent une couverture en termes de convention collective plus importante que dans le reste de l’ESS à ses salariés. Par contre, les conventions collectives sont beaucoup moins répandues dans les coopératives et dans les fondations. Hormis dans le secteur de l’éducation, pour lequel 55 % des postes sont couverts par une convention collective, presque tous les salariés des activités associatives bénéficient d’une convention collective dans leur contrat de travail.
En 2012, le salaire net médian des salariés de l’ESS du territoire de la MEL est de 11 euros de l’heure. Ce salaire correspond à 1,5 fois le Smic horaire net, d’un montant de 7,37 euros en 2012. Ce salaire est légèrement inférieur à celui d’un salarié du reste du secteur privé. Au sein de l’économie sociale et solidaire, ce sont les salariés travaillant dans des coopératives qui touchent les salaires les plus avantageux alors que les salariés des entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux perçoivent une rémunération proche du Smic. Un salarié d’associations aura quant à lui un salaire proche du niveau global observé dans l'ESS bien que celui-ci varie selon les secteurs d’activités. Si l’aide à domicile est l’une des activités les moins rétribuées, l’éducation, la culture et les loisirs font partie des secteurs les plus rémunérateurs.
Encadré 1 : Définition et champ de l’économie sociale et solidaire
La loi du 31 juillet 2014 a précisé officiellement les contours de l’économie sociale et solidaire. Celle-ci associe au champ classique des organismes de l’économie sociale, définis par leur statut (associations, coopératives, mutuelles et fondations), une nouvelle catégorie constituée d’entreprises adoptant des principes communs (solidarité, finalité collective ou sociale du projet, modes de gouvernance démocratique et lucrativité limitée).
Dans l’attente de la mise en œuvre effective des modalités définies par cette loi, cette étude s’est efforcée de s’approcher au plus près de cette définition. Les travaux exploratoires de la précédente étude Pages de Profil n°116 (Pour en savoir plus) sont ici pérennisés, une cinquième catégorie est donc intégrée ici sous l’acception d’« entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux ».
Cette dernière inclut une liste d’organismes reconnus par les réseaux d’acteurs locaux comme ayant des pratiques solidaires au regard de la classification présentée lors du congrès de l’Association d’Économie Sociale (AÉS) en 2013. Sont ainsi intégrés 71 établissements, pour plus de 815 emplois, répondants à l’un au moins des trois critères suivants : être reconnu par l’État telles que les entreprises de l’insertion par l’activité économique ou les « entreprises solidaires », obtenir le soutien des politiques publiques locales de l'ESS ou adhérer à un des réseaux d’acteurs de l'ESS. Y sont associées les entreprises soutenues par la finance solidaire (Cigales, Nef, Autonomie et Solidarité, Caisse Solidaire), les entreprises utilisant la monnaie complémentaire SOL, les entreprises des réseaux Acteurs pour une Économie Solidaire ou Commune Idée (possédant une Charte sur les commerces et échanges responsables), les entreprises liées à une agriculture paysanne ou biologique et s’impliquant dans un travail collectif à partir de leur réseau (Gabnor, Amap), les entreprises référencées dans la BDIS Pro, site sur les achats responsables, les entreprises engagées dans la démarche Progrès en économie solidaire de l'APES, les entreprises du Mouves Nord-Pas-de-Calais, les entreprises étant passées dans les Coopératives d’Activité et d’Emploi et restant dans une dynamique collective et de réciprocité et les entreprises soutenues dans le cadre d’appels à projets ESS de collectivités (MEL, Ville de Lille).
Encadré 2 : Soutien de la MEL à l’économie sociale et solidaire.
L’observation du secteur de l’ESS est un axe majeur de travail pour la MEL dans le cadre de son plan d’actions délibéré le 28 janvier 2011. L’un des objectifs de ce plan est en effet de contribuer à la création de 3 000 emplois dans les quatre ans. La MEL apporte un soutien direct à 40 établissements en 2012 (appel à projets, subventions,…), pour 342 emplois. Ce soutien concerne principalement des associations, des entreprises sociales et solidaires avec statut de société de capitaux et des coopératives (21 associations, 13 entreprises avec statut de société de capitaux et 6 coopératives). La MEL apporte également un soutien indirect à de nombreuses structures en appuyant des dispositifs d’accompagnement et de financement (pôle de la finance solidaire : Cigales, Caisse Solidaire, NEF, Autonomie et Solidarité ; Nord Actif ; Dispositif Local d’accompagnement (DLA) ; Coopératives d’activités et d’emploi…). Ce soutien indirect concerne 167 établissements et 1 955 emplois sur la métropole lilloise en 2012.
Sources
La source Clap (Connaissance locale de l’appareil productif) permet de localiser et donc de comptabiliser les emplois salariés réguliers en niveau au 31/12 de l’année.
Les sources DADS (Déclarations Annuelles de Données Sociales) recensent les contrats de travail des salariés.
Métropole Européenne de Lille : Clara Schmidt et Yves Fostier
Acteurs pour une Économie Solidaire : Véronique Branger et Bérengère Delfairière
Chambre régionale de l’Économie Sociale et Solidaire : Laurence Duflou
Université de Valenciennes et du Hainaut Cambrésis : Laurent Gardin
Centre de recherche et d’intervention pour la démocratie et l’autonomie (CRIDA)
Insee : Benjamin Lestienne et Benoît Werquin
Définitions
Les activités de la sphère présentielle sont les activités mises en œuvre localement pour la production de biens et de services visant la satisfaction des besoins de personnes présentes dans la zone, qu’elles soient résidentes ou touristes. L’ESS regroupe de nombreux secteurs de la sphère présentielle et plus particulièrement de secteurs liés aux personnes résidentes.
L’action sociale sans hébergement regroupe les activités d’aide à domicile, d’accueil ou accompagnement sans hébergement d’adultes handicapés ou de personnes âgées, d’aide par le travail, d’accueil de jeunes enfants, d’accueil ou accompagnement sans hébergement d’enfants handicapés, d’autre accueil ou accompagnement sans hébergement d’enfants et d’adolescents et d’action sociale sans hébergement non classée ailleurs.
Une convention collective est un texte réglementaire de droit du travail définissant chacun des statuts des employés d’une branche professionnelle. Elle couvre l’ensemble des conditions d’emploi, de formation professionnelle et de travail ainsi que les garanties sociales.
Pour en savoir plus
« L’économie sociale, des principes communs et beaucoup de diversité », Insee Première n°1522, novembre 2014.
« Économie sociale en Nord-Pas-de-Calais : un important vivier d’emplois sur le territoire de Lille Métropole »,
« Ressorts des territoires face à la crise économique de 2008 »,
« Mesurer l’économie sociale et solidaire au-delà des statuts juridiques », XXXIIIes Journées de l’Association d’Économie Sociale (AES), Marne-la-Vallée, « Les nouvelles frontières de l’économie sociale et solidaire », Cahiers du CIRTES, Presses universitaires de Louvain, septembre 2013, HS n°3, Branger V., Duflou L., V., Dughera J., Gardin L.