Deux siècles de démographie auvergnate

Claude Waszak, Insee

Avec 1 350 700 habitants en 2011, l’Auvergne atteint un niveau de population jamais égalé depuis la première guerre mondiale. Cependant, elle est encore loin de son apogée démographique atteint en 1886, avec 1 547 600 habitants. La région a été particulièrement marquée par l’exode rural qui a sévi au XIXe siècle dans le Cantal et le Puy-de-Dôme. Le dépeuplement a ensuite gagné la Haute-Loire et l’Allier au cours du XXe siècle. C’est en 1954 que la population auvergnate atteint son plus bas niveau. Les Trente Glorieuses marquent un renouveau démographique, qui a bénéficié aux pôles urbains au détriment des campagnes. Après une nouvelle baisse de population de 1982 à 1999, l’Auvergne connaît une expansion démographique qui profite davantage aux périphéries des grandes agglomérations.

Claude Waszak, Insee
Insee Flash Auvergne No 2- Septembre 2014

En 1831, l’Auvergne compte 1 425 800 habitants. Sa densité, proche de 60 habitants au km2, est alors à peine inférieure à celle de la France. De 1831 à 1886, alors que la population française croît régulièrement (+ 0,3 % annuellement), la population auvergnate augmente à un rythme deux fois plus faible. Toutefois, c’est à cette date que l’Auvergne atteint son record de population avec 1 547 600 habitants. De la fin du siècle jusqu’à la première guerre mondiale, le nombre d’auvergnats chute, conséquence d’un fort exode rural, alors que la population française continue sa progression.

Au XIXe siècle, l’exode rural compensé par le dynamisme démographique de l’Allier

Durant le XIXe siècle, le peuplement auvergnat est essentiellement rural. Sous la pression démographique, la population a investi les massifs montagneux, aux terres moins fertiles. Les exploitations agricoles, trop petites, ne permettent plus de faire vivre les familles nombreuses. Les jeunes des montagnes auvergnates partent alors massivement vers les centres industriels en plein développement. L’exode est particulièrement marqué dans les montagnes cantaliennes et puydômoises, où la population décroit fortement. Entre 1846 et 1911, le Puy-de-Dôme et le Cantal perdent respectivement 76 000 et 35 000 habitants. La Haute-Loire, elle, est moins sujette à l’exil de ses habitants. Le développement de la dentelle permet de maintenir la population en offrant un complément de revenu dans les fermes du Velay. Ainsi, la population augmente de 29 000 habitants entre 1831 et 1886, puis baisse jusqu’en 1911. En parallèle, l’Allier connaît une embellie démographique remarquable qui va fortement contribuer à la croissance de la population auvergnate. Entre 1831 et 1886, le département gagne 125 000 habitants, soit une augmentation moyenne de 0,6 % par an, deux fois plus élevée qu’en France. Ce dynamisme résulte d’une forte attractivité initiée par le développement de la métallurgie dans le bassin de Montluçon-Commentry. Les thermes de Vichy connaissent également un essor important. Après cette période faste, la population de l’Allier se stabilise jusqu’aux prémices de la première guerre mondiale.

Première moitié du XXe siècle : la démographie auvergnate s’effondre

En Auvergne, la première guerre mondiale engendre des pertes humaines importantes (dont 51 700 militaires1) et une baisse de la natalité. Ainsi, entre 1911 et 1921, le nombre d’Auvergnats chute de 0,8 % en moyenne chaque année alors que la population de la France métropolitaine baisse de 0,5 %. Toutefois, la région, notamment le Puy-de-Dôme, bénéficie de l’installation d’entreprises stratégiques que le pouvoir de l’époque veut éloigner des frontières de l’Est : l’industrie de l’aluminium à Issoire, l’armement près de Vichy, l’aciérie aux Ancizes-Comps, l’imprimerie et la papeterie de la Banque de France à Chamalières et Vic-le-Comte.

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L’immédiate après-guerre est marquée par la première vague d’immigration étrangère en Auvergne. Tandis que les immigrés italiens et polonais viennent travailler dans les bassins miniers puydômois (Saint-Éloy-les-Mines, Brassac-Sainte-Florine), les Espagnols sont recrutés dans l’industrie du caoutchouc. Entre 1921 et 1926, le Puy-de-Dôme gagne ainsi 25 000 habitants, soit 14 000 de plus que les pertes cumulées en Haute-Loire et dans le Cantal. L’expansion de la manufacture Michelin booste particulièrement la démographie clermontoise. Entre 1911 et 1926, la population de la capitale auvergnate augmente de plus de 70 % pour atteindre 112 000 habitants.

Avec la crise des années 1930, les pôles industriels deviennent moins attractifs, la natalité décroit et le dépeuplement rural se poursuit. Ainsi, l’Auvergne perd 53 000 habitants entre 1926 et 1936. La seconde guerre mondiale ne fait qu’accentuer cette tendance. La population auvergnate atteint son plus bas niveau en 1954 : 1 241 000 habitants.

Figure_1Chute de la population auvergnate entre 1886 et 1954 - Population de l’Auvergne aux recensements de 1831 à 2011

  • Source : Insee, Recensements de la population.

Le Puy-de-Dôme, seul bénéficiaire de l’embellie des Trente Glorieuses

En France, la reconstruction d’après-guerre et le dynamisme économique des Trente Glorieuses s’accompagnent d’un essor démographique sans précédent. Les décennies 1950-1970 sont celles du baby-boom. De 1954 à 1982, la population française croît de 0,8 % en moyenne par an. La démographie auvergnate, elle, est moins vigoureuse (+ 0,2 %). La natalité reste en deçà de la moyenne nationale et l’arrivée de travailleurs immigrés est moindre qu’en France. Cependant, de 1962 à 1982, les industries des bassins clermontois et montluçonnais attirent une importante communauté portugaise contribuant à leur essor démographique. Sur cette période, les apports de populations étrangères compensent les départs des jeunes auvergnats. La mécanisation et la concentration des exploitations agricoles limitent les débouchés des travailleurs des campagnes. S’ensuit une seconde vague d’exode rural, aussi massive qu’à la fin du XIXsiècle. Celle-ci bénéficie, cette fois, davantage aux villes de la région. Ainsi, tous les pôles urbains auvergnats, petits et grands, connaissent leur maximum de population sur cette période.

La croissance démographique ne bénéficie qu’au Puy-de-Dôme. Il gagne 113 200 habitants entre 1954 et 1982 (+ 0,7 % en moyenne annuelle). Dans l’Allier, le nombre d’habitants se stabilise. L’exode des jeunes cantaliens et altiligériens se poursuit. Le déclin démographique de ces deux départements perdure donc sur le même rythme qu’au début du siècle. Entre 1954 et 1982, le Cantal et la Haute-Loire perdent respectivement 14 000 et 10 000 habitants.

Le nouveau souffle des campagnes…proches des grands centres urbains

De 1982 à 1999, alors que la population française continue de croître (+ 0,4 % en moyenne chaque année), l’Auvergne cumule déficits naturel et migratoire. Durant cette période, la région perd 24 000 habitants, soit 1 % de population tous les ans.

Depuis le début des années 2000, la démographie auvergnate repart à la hausse. Cette croissance reste toutefois inférieure de moitié à la moyenne nationale. Ce nouveau regain démographique bénéficie essentiellement aux communes en périphérie des grands pôles urbains. Entre 1999 et 2011, le Puy-de-Dôme gagne 42 000 habitants. En Haute-Loire, la population augmente en moyenne de 0,5 % chaque année, comme en France métropolitaine. Dans l’Allier, le nombre d’habitants est stable, mettant fin à la baisse continue depuis 1968. Enfin, la population du Cantal continue de baisser. De 1831 à 2011, le département aura perdu 115 400 habitants, soit près de la moitié de sa population.

Figure_2D’un peuplement rural à un peuplement urbain - Population des communes auvergnates en 1911 et 2011

  • Source : Insee, Recensements de la population.