Insee Flash Ile-de-France30 ans d’évolution de l’emploi en Ile-de-France : croissance simultanée des fonctions liées à l'économie de la connaissance et aux services à la population

Christophe Le Guinio, Céline Calvier

Entre 1982 et 2011, en Ile-de-France, le nombre d’emplois a progressé un peu plus vite que la population, tiré par la croissance des activités présentielles destinées à satisfaire les besoins de la population présente. Cependant, l’emploi des activités productives a continué d’augmenter légèrement, alors qu’il diminuait en province. Celui-ci a été soutenu par le développement des fonctions de production abstraite liées à l’économie de la connaissance, structurellement surreprésentées en Ile-de-France, tandis que l’emploi lié à la production concrète, notamment à la fabrication industrielle, déclinait.

Insee Flash Ile-de-France
No 3
Paru le :Paru le18/02/2015
Christophe Le Guinio, Céline Calvier
Insee Flash Ile-de-France No 3- Février 2015

Entre 1982 et 2011, selon le recensement de la population, le nombre d’emplois de la région francilienne a progressé de 20 %, tandis que la population s’est accrue de 18 %. Cette évolution s’est accompagnée d’un desserrement des emplois du centre vers la périphérie de la région. En effet, alors que le nombre d’emplois progressait de 47 % dans la grande couronne, il n’augmentait que de 24 % dans la petite couronne et diminuait de 1 % à Paris (figure 1).

Figure_1Une forte progression de l'emploi dans la sphère présentielle

Variation du nombre d'emplois entre 1982 et 2011 (en %)
Une forte progression de l'emploi dans la sphère présentielle (Variation du nombre d'emplois entre 1982 et 2011 (en %))
Sphère productive Sphère présentielle Ensemble
Ile-de-France 7,0 29,2 20,3
Paris -3,1 0,0 -1,1
Petite couronne 2,9 41,3 23,5
Grande couronne 25,1 61,4 46,7
Province -9,2 45,3 20,6
  • Source: Insee, recensements de la population (exploitations complémentaires au lieu de travail)

Une progression de l’emploi tirée par la sphère présentielle

Pour comprendre les évolutions de l’emploi au regard des mutations économiques à l’œuvre, une première approche consiste à les analyser selon l’orientation « productive » ou « présentielle » de l’activité des établissements (Définitions).

À l’instar de la province, l’emploi en Ile-de-France relève majoritairement de la sphère présentielle (64 % des emplois en 2011). Entre 1982 et 2011, le nombre d’emplois présentiels a progressé de 29 %, plus rapidement que la population, alors que dans la sphère productive l’augmentation n’a été que de 7 %.

Sur cette période, la part de l'économie présentielle dans l’emploi a augmenté de quatre points en Ile-de-France et de onze points en province (passant de 55 % en 1982 à 66 % en 2011). Désormais, les répartitions de l’emploi entre sphères présentielle et productive sont très proches en Ile-de-France et en province, ce qui n’était pas le cas il y a trente ans.

L’emploi présentiel a évolué de façon différenciée dans la région : en lien avec l’évolution de la population, il a augmenté plus vite en grande couronne (+ 61 % entre 1982 et 2011) qu’en petite couronne (+ 41 %) alors qu’il restait stable à Paris.

La progression de l’emploi dans la sphère productive en Ile-de- France (+ 7 %) contraste avec la baisse observée en province (- 9 %). Elle a surtout profité à la grande couronne : entre 1982 et 2011, l’emploi de cette sphère y a progressé de 25 %, contre + 3 % en petite couronne et - 3 % à Paris. La hausse de ces emplois a été particulièrement forte dans le Val-d’Oise (+ 38 %), notamment à Roissy, où l’emploi productif a été multiplié par 5 grâce à l’aéroport Roissy- Charles-de-Gaulle inauguré en 1974, et à Cergy (+ 91 %), principale commune de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise créée en 1972.

Au sein de la sphère productive, de plus en plus de production abstraite

Au-delà des évolutions de l’emploi selon l’activité économique, au sein de chacune des sphères les actifs n’occupent plus aujourd’hui les mêmes fonctions qu’en 1982. Depuis trente ans, la sphère productive francilienne se distingue de celle de la province par une part plus importante des fonctions de production abstraite (conception recherche, culture-loisirs et prestations intellectuelles) dans l’emploi, au détriment des fonctions de production concrète (agriculture, bâtiment-travaux publics (BTP) et fabrication). En effet, en 1982 déjà, ces dernières ne représentaient que 31 % des emplois de la sphère productive, contre 62 % en province.

En outre, entre 1982 et 2011, le recul de l’emploi dans les fonctions de production concrète, observé au niveau national, a été encore plus fort en Ile-de-France (- 57 %) qu’en province (- 48 %). Ainsi en 2011, la production concrète ne représente plus que 13 % de l’emploi des activités productives de la région, contre 35 % en province. En particulier, la part de la fonction fabrication dans la sphère productive francilienne est passée de 28 % en 1982 à 11 % en 2011 (figure 2). La production concrète reste cependant plus présente en grande couronne (18 % des emplois de la sphère productive en 2011) qu’à Paris (9 %) ou en petite couronne (11 %).

Dans le même temps, suivant la tendance nationale de mutation de la sphère productive vers l’économie de la connaissance, de l’information et de la production immatérielle, le nombre d’emplois de production abstraite a doublé en Ile-de-France. En 2011, les fonctions de production abstraite représentent 29 % de l’emploi de la sphère productive francilienne, soit deux fois plus qu’en province. Elles restent donc une spécificité francilienne, même si l’écart avec la province s’est réduit : en 1982, le rapport était de 1 à 3 (15 % contre 5 %). En particulier, en 2011 l’Ile-de-France concentre plus de la moitié des emplois nationaux de la fonction culture et loisirs de la sphère productive (tels que les journalistes ou les techniciens du spectacle vivant), en lien avec la forte concentration des activités de l’édition, de l’audiovisuel, des arts et du spectacle dans la région capitale.

Les fonctions de production abstraite font, plus largement, partie des fonctions métropolitaines. Ces dernières sont surreprésentées en Ile-de-France : la région regroupe 35 % des emplois nationaux relevant des fonctions métropolitaines, contre 23 % de l’ensemble des emplois productifs. Paris et les Hauts-de-Seine concentrent 60 % des emplois franciliens relevant des fonctions métropolitaines de la sphère productive (et 52 % de l’ensemble des emplois productifs franciliens). Dans les Hauts-de-Seine, les trois quarts des emplois productifs appartiennent aux fonctions métropolitaines, celles-ci y ayant fortement progressé en trente ans (55 % des emplois en 1982). En grande couronne, la sphère productive comprend moins de fonctions métropolitaines, malgré une importante progression (50 % des emplois, contre 37 % en 1982).

Figure_2Dans la sphère productive, recul des fonctions de production concrète au profit des fonctions de production abstraite

Répartition de l'emploi selon les sphères et les fonctions en Ile-de-France (en %)
Dans la sphère productive, recul des fonctions de production concrète au profit des fonctions de production abstraite (Répartition de l'emploi selon les sphères et les fonctions en Ile-de-France (en %))
Sphère productive Sphère présentielle
2011 1982 2011 1982
Effectifs totaux, dont : 2 013 000 1 881 000 3 646 000 2 824 000
Production concrète, dont : 12,6 31,5 8,9 12,7
Agriculture 0,7 1,4 0,1 0,1
BTP 1,4 1,7 6,1 9,4
Fabrication 10,5 28,4 2,7 3,2
Production abstraite (1), dont : 28,8 15,4 7,3 3,3
Conception recherche 10,9 7,7 1,3 0,7
Culture loisirs 5,6 3,2 3,2 1,2
Prestations intellectuelles 12,3 4,5 2,8 1,4
Autres fonctions métropolitaines (2), dont : 33,3 34,0 18,2 19,0
Commerce interentreprises 10,6 9,3 2,2 0,9
Gestion 22,7 24,7 16,0 18,1
Fonctions métropolitaines (1+2) 62,1 49,4 25,5 22,3
Administration publique 1,4 0,7 13,7 12,4
Distribution 3,3 1,5 8,1 9,8
Éducation formation 0,5 0,1 7,1 6,3
Entretien réparation 5,6 5,7 5,4 7,2
Logistique 8,5 8,8 7,2 9,8
Santé action sociale 1,3 0,6 11,2 8,0
Services de proximité 4,7 1,7 12,9 11,5
Ensemble 100,0 100,0 100,0 100,0
  • Source : Insee, recensements de la population (exploitations complémentaires au lieu de travail)

Au sein de la sphère présentielle, une progression de l’emploi tirée par les fonctions santé-social, services de proximité et administration publique

Comme en province, la progression de l’emploi présentiel en Ile-de- France s’explique principalement par la croissance de trois fonctions : la santé et l’action sociale (+ 80 %), les services de proximité (+ 46 %) et l’administration publique (+ 43 %). Cependant, ces fonctions ont moins progressé en Ile-de-France qu’en province, notamment celles de la santé et de l’action sociale dont l’emploi a été multiplié par 2,3 en province.

Les fonctions métropolitaines sont minoritaires dans la sphère présentielle (26 % des emplois en 2011). Elles ont cependant progressé entre 1982 et 2011 (22 % des emplois en 1982), et la hausse a été notable pour les fonctions culture et loisirs et commerce inter- entreprises dont l’emploi a plus que doublé en trente ans.

En Ile-de-France, seules trois fonctions reculent au sein de la sphère présentielle entre 1982 et 2011 : le BTP (- 17 %), l’entretien et la réparation (- 3 %) et la logistique (- 5 %).

Définitions

Sphères

La sphère productive (parfois dénommée sphère « non présentielle ») regroupe les activités potentiellement exportatrices de biens et services : agriculture, industrie, commerce de gros et services aux entreprises.

La sphère présentielle, tournée vers la satisfaction des besoins des personnes présentes, qu’elles soient résidentes ou touristes, regroupe notamment le commerce de détail, la santé et l’action sociale, l’éducation, les services aux particuliers, l’administration et la construction (cf. Sphères présentielle et productive de 1975 à 2014)

Fonctions

L’approche par les fonctions est établie à partir de la profession déclarée occupée par les actifs. Les professions sont réparties en quinze fonctions, transversales par rapport aux secteurs d’activité, au statut (salarié/non salarié, public/privé) et au niveau de qualification.

Les fonctions métropolitaines sont définies comme celles qui se concentrent davantage dans les plus grandes aires urbaines. Ce sont les fonctions de gestion, conception-recherche, prestations intellectuelles, de commerce interentreprises et de culture-loisirs (cf. Analyse fonctionnelle des emplois et cadres des fonctions métropolitaines de 1982 à 2014)

Pour en savoir plus

Gass C., Reynard R., Vialette P., « Trente ans de mutations fonctionnelles de l’emploi dans les territoires », Insee Première n° 1538, février 2015.

Burfin Y., Machado I., Omont L., « Industrie francilienne : des emplois plus qualifiés et moins industriels », Insee Ile-de-France à la page n° 378, décembre 2011.

Claudel A., « Emploi : extension des fonctions métropolitaines au sud- ouest de Paris », Insee Ile-de-France à la page n° 358, mai 2011.