Des revenus élevés en périphérie des grands pôles

Laure Leroy, Benoît Werquin (Insee)

Entre 2007 et 2011, le Nord-Pas-de-Calais enregistre, à l'image des tendances nationales, une hausse modérée des revenus des ménages, mais également un recul des ressources avant redistribution sociale et fiscale pour les populations les moins aisées, et une accentuation des inégalités au sein des aires urbaines. Les revenus sont globalement plus élevés au sein des grandes aires urbaines que sur le reste du territoire, en particulier dans la périphérie des grands pôles urbains. Enfin, c’est au sein des villes-centres que les revenus atteignent les niveaux les plus faibles ; les évolutions y sont également les moins favorables et les disparités sociales les plus marquées.

Insee Flash Nord-Pas-de-Calais
No 1
Paru le :Paru le19/11/2014
Laure Leroy, Benoît Werquin (Insee)
Insee Flash Nord-Pas-de-Calais No 1- Novembre 2014

Entre 2007 et 2011, les revenus des ménages nordistes ont connu une hausse comparable à celle de la France métropolitaine. Le revenu médian par unité de consommation, avant prise en compte des prestations sociales et des impôts (), augmente ainsi de 3,6 % sur la période contre 3,0 % pour la France métropolitaine (figure 2). Ce sont cependant les ménages les plus modestes qui, dans le même temps, ont manifestement davantage subi les effets de la crise, avec une baisse du seuil de revenu du premier décile () de 5 % en quatre ans, soit une perte de près de quatre points de plus qu’en métropole. Cette baisse ne prend toutefois pas en compte l'effet amortisseur joué par les prestations sociales. Les écarts de revenus entre ménages aisés et modestes, mesurés par le rapport inter décile (), se sont par ailleurs amplifiés sur la période, en particulier au sein des grandes aires urbaines. Celles-ci s’organisent autour des pôles urbains importants, constitués d’une ville-centre et d’une banlieue. Les grandes aires urbaines rassemblant plus de 88 % des ménages nordistes, c’est au cœur de ces espaces que doivent plus particulièrement s’analyser les contrastes sociaux régionaux.

Figure 1 Des revenus élevés aux périphéries des grands pôles urbains

  • Source : Insee, Revenus fiscaux localisés

Une accentuation des écarts de revenus au sein des grands pôles urbains

Les grandes aires urbaines enregistrent les niveaux de revenus les plus élevés. C’est en particulier dans la périphérie des grands pôles urbains, au sein de la « couronne » - espace plus éloigné encore que la banlieue du cœur de ville, que les revenus sont les plus importants, tous types de ménages confondus (figure 1). Ce phénomène est moins prononcé sur les aires urbaines de Douai-Lens et de Valenciennes, pour lesquelles les niveaux de ressources apparaissent globalement en retrait par rapport à la moyenne régionale, avec en outre des couronnes limitées à des espaces plus restreints.

Figure 2Les écarts de revenus se creusent au sein des villes-centres

Unités : %, euros.
Les écarts de revenus se creusent au sein des villes-centres (Unités : %, euros.)
Répartition de la population en 2011 Revenu par unité de consommation Rapport inter décile (D9/D1)
1er décile (D1) Médiane Dernier décile (D9)
2011 Évolution 2007-2011 2011 Évolution 2007-2011 2011 Évolution 2007-2011 2007 2011
Grandes aires urbaines 88,2 4 950 -5,2 16 800 3,6 33 700 2,9 6,3 6,8
Grands pôles urbains 75,9 4 310 -7,9 16 299 3 33 137 2,8 6,9 7,7
Villes-centre / 2 618 -18,3 15 215 1,6 32 988 2,1 10,1 12,6
Banlieues / 5 068 -4,5 16 692 3,4 33 184 3,1 6,1 6,5
Couronnes des grands pôles urbains 12,3 8 881 4,1 19 883 5,3 37 378 3,5 4,2 4,2
Communes multi polarisées des grandes aires urbaines 6,5 7 457 1,4 17 619 5,4 32 731 3,3 4,3 4,4
Autres communes 5,3 4 550 -3,7 15 280 3,4 29 520 2,4 6,1 6,5
Nord-Pas-de-Calais 100.0 5 020 -5 16 797 3,6 33 539 3 6,2 6,7
France métropolitaine / 6 900 -1,3 19 200 3 39 000 2,7 5,1 5,7
  • Lecture : en 2011, dans les villes-centre, les 10 % de ménages les plus modestes gagnent moins de 2 618 € par unité de consommation (D1) ; à l’opposé les 10 % de ménages les plus aisés gagnent plus de 32 988 € par unité de consommation (D9), soit 12.6 fois plus (rapport inter décile, D9/D1). Au sein des villes-centre, le revenu médian atteint 15 215  € par unité de consommation, soit une augmentation de 1.6  % en euros constants entre 2007 et 2011.
  • Source : Insee, Recensement de la population et Revenus fiscaux localisés

Les grands pôles urbains sont par ailleurs les espaces pour lesquels les évolutions sont les moins favorables aux ménages les moins aisés, avec une baisse de près de 8 % du revenu entre 2007 et 2011, nettement supérieure à la tendance métropolitaine, et une accentuation des écarts de revenus, elle-même plus prononcée (figure 2).

Les villes-centre sont, au sein-même des grands pôles urbains, les lieux où s’observent les plus forts contrastes sociaux, avec, en 2011, un seuil de revenus des ménages les plus aisés 13 fois supérieur à celui des moins favorisés (figure 2). La cohabitation fréquente au sein des grandes villes, de populations à faibles revenus et de populations à revenus élevés influe directement sur le degré d’inégalités observé. Si les écarts s’accentuent au cœur des villes en raison de cette forte mixité sociale, les disparités de revenus se réduisent dès lors que l’on s’éloigne ; les inégalités économiques ont ainsi tendance non seulement à être moindre en grande périphérie des pôles urbains, mais également à se stabiliser entre 2007 et 2011 (figure 2).

L’aire urbaine de Lille : un profil atypique

L’aire urbaine de Lille s’éloigne en partie du profil observé au sein des autres grands pôles urbains régionaux, pour lesquels un phénomène de décroissance progressive du revenu s’observe avec l’éloignement du cœur urbain, et plus particulièrement de la banlieue. Autour de l’aire lilloise, la répartition spatiale des richesses est plus irrégulière en raison notamment d’un tissu urbain très dense. Une partie de l’aire urbaine semble s’organiser en cercles autour de la ville-centre, en présentant globalement une hausse quasi-régulière des revenus (figure 3) ; le centre-ville lillois dispose ainsi d’un revenu médian de 16 500 euros environ en 2011 contre 22 400 pour la couronne.

Ce phénomène ne se retrouve cependant pas au nord-est de l’aire urbaine lilloise, du fait de la forte influence exercée par les communes de Roubaix et de Tourcoing ; celles-ci ont en effet la densité et la physionomie de villes-centre, correspondant aux fonctions assurées par le passé par ces communes avant l'émergence de la vaste conurbation les reliant à Lille.

Figure 3 Des disparités au sein de l’aire urbaine de Lille

  • Source : Insee, Revenus fiscaux localisés

Enfin, bien que, contrairement à la tendance régionale, les revenus des ménages les plus modestes aient légèrement augmenté entre 2007 et 2011 au sein de l’aire urbaine lilloise, les inégalités y sont assez prononcées et s’y sont également accrues. Les 10 % des ménages les plus favorisés touchent ainsi en moyenne 8 fois plus que les 10 % les plus modestes.

Définitions

Revenu médian par unité de consommation (UC) : Pour étudier le niveau du revenu, on utilise le revenu fiscal médian par UC. Contrairement au revenu disponible qui sert usuellement pour mesurer le niveau de vie, le revenu fiscal ne tient compte ni de l’impôt sur le revenu, ni des prestations sociales.

Revenu inter décile : Pour mesurer la dispersion du revenu, on utilise le rapport inter décile du revenu fiscal par UC. Il établit le rapport entre les hauts revenus et les bas revenus (9e décile / 1er décile).

La médiane partage les personnes en deux groupes : la moitié des personnes appartient à un ménage qui déclare un revenu par UC inférieur et l’autre moitié un revenu par UC supérieur.

La mesure par unité de consommation présente l’avantage de relativiser le niveau de revenu par rapport à la composition du ménage fiscal. Par rapport au revenu d’une personne, il permet de prendre en compte les économies d’échelle résultant de la vie en groupe.

Aire urbaine : Une aire urbaine ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

Lorsqu’un pôle est constitué de plusieurs communes, les communes qui la composent sont soit ville-centre, soit banlieue. Si une commune représente plus de 50 % de la population du pôle, elle est seule ville-centre. Sinon, toutes les communes qui ont une population supérieure à 50 % de celle de la commune la plus peuplée, sont villes-centre. Les communes urbaines qui ne sont pas villes-centre constituent la banlieue du pôle.