L’éclaircie ne se confirme pas

Jean-Marc Mierlot, Virginie Tapin, Sophie Mille, Cédric Tassart

Après quelques signes de reprise en fin d’année 2013, l’amélioration de la conjoncture picarde ne se confirme pas. L’emploi repart à la baisse, notamment l’intérim, indicateur d’une activité économique atone. Les autorisations de construction et les mises en chantier continuent de faiblir. Les défaillances d’entreprises sont de nouveau en hausse. Néanmoins, le taux de chômage et le nombre de demandeurs d’emploi se stabilisent, mais restent à un niveau élevé. En ce début d’année, la fréquentation hôtelière est peu dynamique mais soutenue par les touristes étrangers.

Insee Conjoncture Picardie
No 1
Paru le :Paru le23/07/2014
Jean-Marc Mierlot, Virginie Tapin, Sophie Mille, Cédric Tassart
Insee Conjoncture Picardie No 1- Juillet 2014

L’emploi picard de nouveau en baisse

Après une fin d'année 2013 porteuse d'espoir, le premier trimestre 2014 se solde par un déficit de 1 900 emplois salariés marchands en Picardie, soit une réduction de -0,5 % des effectifs. Au niveau national, l'emploi salarié marchand est également en baisse mais résiste mieux, que ce soit en glissement trimestriel (-0,1 %) ou annuel (-0,3 % contre -1,3 % en région) (figure 1).

graph1Évolution de l’emploi salarié marchand

  • Champ : emploi salarié en fin de trimestre hors agriculture, secteurs principalement non marchands et salariés des particuliers employeurs ; données corrigées des variations saisonnières. Note : données trimestrielles.
  • Source: Insee, estimations d’emplois

graph2Évolution de l’emploi salarié marchand par secteur en Picardie

  • Champ : emploi salarié en fin de trimestre hors agriculture, secteurs principalement non marchands et salariés des particuliers employeurs ; données corrigées des variations saisonnières. Note : données trimestrielles.
  • Source : Insee, estimations d’emplois

graph3Évolution de l’emploi intérimaire

  • Champ: emploi salarié en fin de trimestre ; données corrigées des variations saisonnières. Note: données trimestrielles.
  • Source: Insee, estimations d’emplois

L'emploi salarié recule dans les trois départements picards. Après une fin d'année 2013 encourageante (+0,2 %), le bilan axonais du premier trimestre est négatif avec une perte de -800 emplois (-0,9 %). Dans l’Oise, après deux trimestres de stabilité, l'emploi se dégrade légèrement : -500 emplois, soit une évolution de -0,3 %. De même, dans la Somme, la stabilité du 4e trimestre 2013 est suivie d'un retrait (-0,5 %), soit 600 emplois de moins.

Comme au niveau national, les difficultés sont particulièrement marquées dans le secteur de l'intérim (-3,5 %) (figure 3), mais n'expliquent pas à elles seules le repli de l'emploi régional. Tous les grands secteurs d'activité sont malmenés à divers degrés.

Ce trimestre, les services hors intérim et l'intérim concentrent l’essentiel du recul de l’emploi, respectivement -700 et -600 postes salariés, soit 70 % des pertes de la région. Dans les autres secteurs la situation s’assombrit également mais plus modérément.

Le commerce picard est à nouveau en recul : -180 emplois après +150 emplois fin 2013, principalement localisés dans la Somme, mais aussi dans l’Oise.

Dans l'industrie picarde, la dégradation des effectifs se poursuit (-0,3 %), mais à un rythme moins rapide. Le nombre d'emplois disparus au premier trimestre 2014 s’élève à -300 postes à mettre en perspective des -2 800 cumulés sur les quatre derniers trimestres. En ce début d’année, les pertes d'emplois industriels sont localisées pour moitié dans l'Aisne, un tiers dans l'Oise et le reste dans la Somme.

Dans la construction régionale, la situation rappelle celle de l’industrie. Les diminutions d’emplois se poursuivent, mais à un rythme plus faible qu'au trimestre précédent (-0,3 % après -0,9 %), pour des pertes trois fois moindres (-100 après -300). Ces résultats sont les moins défavorables enregistrés depuis neuf trimestres. La quasi-totalité des pertes sont localisées dans la Somme (figure 2).

Le taux de chômage reste stable

Le taux de chômage picard s’établit à 11,5 % au premier trimestre 2014. Il est stable, après une légère baisse fin 2013, et suit la tendance nationale. L’écart avec le taux de la France métropolitaine (9,7 %) reste donc identique, soit 1,8 point. Néanmoins sur un an, la baisse du taux de chômage picard est légèrement plus marquée qu’au niveau national (-0,4 point contre -0,2) (figure 4).

Comme pour l’ensemble de la région, les taux de chômage des trois départements picards sont stables en ce début d’année. Avec un taux de 13,7 %, l’Aisne reste cependant le troisième département français le plus touché par le chômage derrière les Pyrénées-Orientales et l’Hérault. Les taux de la Somme et de l’Oise s’élèvent respectivement à 11,8 % et 10 %, au dessus de la moyenne nationale.

graph4Taux de chômage

  • Note : données trimestrielles.
  • Source : Insee, taux de chômage localisé (région), et au sens du BIT (France)

Un répit pour la demande d’emploi ?

Fin mars 2014, la Picardie compte 165 994 demandeurs d’emploi inscrits à pôle emploi en catégorie A, B et C. Ce nombre est en légère baisse (-0,2 %), soit 400 personnes, au cours du premier trimestre 2014 alors qu’il augmente de +0,9 % au niveau national. Toutefois, sur un an il reste en hausse de +2,9 % en Picardie et de +4,5 % en France métropolitaine.

Cette stabilisation, début 2014, de la demande d’emploi s’explique par le recul des moins de 25 ans inscrits à pôle emploi. En effet, leur nombre est en baisse de -2,4 % ce trimestre et de -4,2 % sur les douze derniers mois.

À l’inverse, les séniors sont toujours plus nombreux à être inscrits à pôle emploi, +2,6 % ce trimestre. Sur un an, leur nombre a augmenté de +11,5 %, soit plus de 3 600 picards âgés de 50 ans ou plus supplémentaires.

Par ailleurs, si le nombre de demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an reste stable au premier trimestre 2014, il est en progression de +9,1 % en variation annuelle. Fin mars 2014, ils représentent 47 % des demandeurs d’emploi contre 44,3 % un an auparavant.

La construction ne va pas mieux

En recul tout au long de l’année 2013, tant au niveau national que régional, le nombre d’autorisations de construction de logements neufs continue de diminuer au premier trimestre 2014. En Picardie, en glissement annuel, la baisse sur un trimestre atteint -14,8 %, soit deux fois plus qu’en France métropolitaine (-7,8 %). Moins de 7 900 autorisations ont été accordées au cours des quatre derniers trimestres contre plus de 10 600 l’année précédente, ce qui porte à -25,5 % la chute du nombre de permis de construire. Cette décroissance concerne aussi bien les logements individuels que collectifs. Elle touche les trois départements mais plus particulièrement la Somme (-41,4 %) (figure 5).

graph5Évolution du nombre de logements autorisés à la construction

  • Note: données mensuelles brutes, en date de prise en compte. Chaque point représente la moyenne des 12 derniers mois.
  • Source: SoeS, Sit@del2

graph6Évolution du nombre de logements commencés

  • Note : données mensuelles brutes, en date de prise en compte. Chaque point représente la moyenne des 12 derniers mois.
  • Source : SoeS, Sit@del2

Tout comme les autorisations, le nombre de logements commencés est en perte de vitesse en Picardie. Avec 6 500 mises en chantier au cours des douze derniers mois, la baisse s’établit à -10 % par rapport à la période précédente. Là encore, l’intensité du ralentissement du nombre de logements commencés est deux fois plus importante qu’en France métropolitaine (-4,6 %). Elles ne concerne cependant que les logements individuels, la hausse du nombre de logements collectifs commencés constituant la seule note positive ce trimestre (figure 6).

En Picardie : un début d’année porté par les touristes étrangers

La fréquentation hôtelière du premier trimestre 2014 en Picardie atteint 488 000 nuitées. Elle est en diminution de -1,4 % par rapport au début d’année 2013. Cependant, cette baisse est moins importante qu’en France métropolitaine où elle atteint -2,9 %. En effet, ce début d’année est marqué par la présence de plus en plus importante de la clientèle étrangère. Ainsi, le nombre de nuitées étrangères en Picardie a augmenté de +3,2 % alors que dans l’hexagone, il a diminué de -2,8 %. Les touristes anglais, belges et allemands sont, dans l’ordre, les plus nombreux dans la région picarde et voient leur fréquentation augmenter respectivement de +6,5 %, +11,0 % et de +7,6 %.

Le volume de nuitées françaises est par contre en diminution en Picardie (-2,1 %) comme sur l’ensemble du territoire (-2,9 %).

Les vacances scolaires de février ont réussi à la Picardie et ce mois seul connaît une progression de sa fréquentation (+2,9 % contre -0,9 % en France métropolitaine). Le nombre de nuitées en janvier et en mars a baissé en moyenne de -3,3 % (-3,8 % en France métropolitaine) (figure 7).

graph7Évolution de la fréquentation dans les hôtels

  • Notes : données mensuelles brutes. Suite au changement de méthodes intervenu début 2013, les données 2011 et 2012 ont été rétropolées.
  • Sources : Insee ; direction du tourisme ; partenaires régionaux

Au sein de la région picarde, le département de l’Aisne tire son épingle du jeu avec une fréquentation en hausse de +6,1 % grâce à une progression de la clientèle étrangère (+31 %). Dans l’Oise et dans la Somme, le nombre de nuitées diminue respectivement de -3,3 % et de -2,8 %.

Davantage de créations, mais plus de défaillances d’entreprises

Au cours du premier trimestre 2014, 2 967 entreprises ont été créées en Picardie. Ce volume, le plus important enregistré sur un trimestre depuis près de quatre ans, fait suite à trois trimestres consécutifs de baisse. Cette reprise des créations d’entreprises est plus vigoureuse en Picardie qu’en France métropolitaine (+15,2 % contre +5,1 %) et conforte la tendance annuelle (+5,4 % en Picardie, +2,4 % en France) (figure 8).

graph8Créations d’entreprises

  • Champ : ensemble des activités marchandes hors agriculture. Note : les créations d’entreprises hors entrepreneurs sont corrigées des jours ouvrables et corrigées des variations saisonnières (CJO-CVS), les créations sous régime d’auto-entrepreneurs sont brutes. Données trimestrielles.
  • Source : Insee, REE (Répertoire des Entreprises et des Établissements – Sirene)

graph9Défaillances d’entreprises

  • Note : données mensuelles brutes au 10 septembre 2013, en date de jugement. Chaque point représente la moyenne des douze derniers mois.
  • Source : Banque de France, Fiben

La hausse simultanée des créations d’entreprises hors auto-entreprenariat (+7,8 %) et des auto-entreprises (+22,5 %) explique ce rebond du premier trimestre 2014 pour la région.

C’est dans le secteur du transport que la croissance est la plus marquée : les créations d’entreprises picardes y ont augmenté de +23,4 % par rapport à la même période l’année précédente. De même, après une année 2013 difficile, le secteur de la construction picarde semble retrouver un peu de dynamisme avec un nombre de créations trimestriel en hausse de +18,4 %. À l’inverse, le secteur industriel baisse en Picardie (-5,8 %) alors qu’il progresse en France (+9,6%).

Durant le 1er semestre 2014, 434 procédures de redressement ou liquidation judiciaire ont été prononcées contre des entreprises picardes. Après un mois de janvier plutôt favorable, dans la continuité de l’année 2013, les défaillances d’entreprises sont reparties à la hausse en février et en mars. Sur un an, la tendance reste cependant à la baisse pour la région (-9,8 %) contrairement au niveau national (+3,7 %) (figure 9). La Somme (-28,4 %) et l’Aisne (-7,4 %) contribuent pour l’essentiel à cette diminution alors que l’Oise enregistre une progression de +5,9 % du nombre de défaillances d’entreprises en cumul sur un an.

Après la relative amélioration de 2013, les défaillances dans l’industrie et la construction s’intensifient de nouveau, comme dans presque tous les secteurs d’activités. Seul le commerce reste sur une dynamique positive.

Contexte national

La croissance revient mais ne décolle pas

Au premier trimestre 2014, l’activité stagne. La croissance reviendrait en France au deuxième trimestre (+ 0,3%). Au second semestre, la croissance ne décollerait pas : elle resterait moyenne (+ 0,3% par trimestre). Au total, le PIB progresserait de 0,7% en 2014, après + 0,4% en 2012 et 2013. Des facteurs persistants continuent de limiter l’ampleur de la reprise. Le pouvoir d’achat des ménages s’améliore certes, mais trop modestement pour conduire à une franche accélération de la consommation (+0,3% en 2014) et à une reprise de l’investissement en logements neufs. Confrontées à une demande qui ne décolle pas, et avec un taux de marge qui se redresse mais reste bas, les entreprises ne sont pas enclines à investir. Enfin, les exportations françaises ne profiteraient pas pleinement de l’accélération attendue du commerce mondial, pénalisées notamment par l’appréciation de l’euro.

L’emploi total progresserait au premier semestre 2014 (+22 000 postes) comme au second semestre (+38 000) du fait des emplois aidés. Le taux de chômage augmenterait légèrement d’ici fin 2014 (10,2%).

Contexte international

Les économies avancées ralentissent ponctuellement

Les économies avancées ralentissent au premier trimestre 2014, principalement du fait de la contraction de l’économie américaine. Dans la zone euro, l’activité accélère en Allemagne et en Espagne mais cale en France et en Italie.

Les économies émergentes traversent toujours une zone de turbulences : les attaques monétaires ont cessé mais les resserrements monétaires passés continueraient de peser sur l’activité. Leurs importations ne progresseraient que modérément d’ici la fin de l’année.

À l’inverse, les économies avancées retrouveraient de l’élan d'ici fin 2014. Aux États-Unis, l’activité rebondirait fortement. Au Royaume-Uni, la demande intérieure progresserait vigoureusement malgré un marché immobilier qui s’assagirait au second semestre. La zone euro, et notamment l’Espagne, retrouverait du tonus (+ 0,3 % par trimestre), grâce à une moindre consolidation budgétaire, un redressement de l’investissement et une baisse de l’épargne de précaution des ménages. En revanche, la construction continuerait de peser négativement dans la zone, excepté en Allemagne.

Pour en savoir plus

Note de conjoncture nationale de juin 2014 « La croissance revient mais ne décolle pas ».