Insee PremièreL’emploi salarié dans le secteur agricole : le poids croissant des contrats saisonniers

Sophie Villaume, division Agriculture, Insee

En 2009, le secteur agricole (exploitations agricoles et entreprises de services associées) mobilise en moyenne 300 000 contrats salariés par jour (et un peu moins de salariés, certains cumulant plusieurs contrats en même temps). Plus du tiers des contrats sont saisonniers et un contrat non saisonnier sur cinq est un CDD. Le nombre moyen de CDD saisonniers augmente par rapport à 2002, à l’inverse des CDI. La viticulture et la culture de céréales représentent 43 % des contrats agricoles en 2009, saisonniers ou non. La culture de fruits recrute davantage sur contrats saisonniers que les autres spécialisations.

Pour les contrats de salariés non cadres travaillant à temps complet, la moitié des CDI sont rémunérés au moins 10,70 euros de l’heure contre au moins 9,90 euros de l’heure pour la moitié des CDD (saisonniers ou non). Parmi les personnes ayant signé en 2007 un CDD agricole non saisonnier, seules un tiers sont encore salariées du secteur en 2009 ; cette proportion s’élève à près de 60 % pour les signataires de CDI. Quant aux signataires de contrats saisonniers, seuls la moitié travaillent de nouveau dans le secteur en 2008 et près de 40 % en 2009.

Sophie Villaume, division Agriculture, Insee
Insee Première No 1368- Septembre 2011

Le secteur agricole mobilise en moyenne 300 000 contrats salariés par jour

En 2009, en moyenne, 303 600 salariés sont actifs chaque jour dans le . 108 700 contrats, soit plus du tiers, sont des contrats saisonniers et 194 900 sont des contrats non saisonniers (encadré 1). Un peu moins de personnes (286 600) occupent ces contrats, certains salariés cumulant plusieurs contrats (encadré 2).

Le nombre de contrats saisonniers varie fortement au cours de l’année (graphique 1). En 2009, entre le 1er janvier et la mi-septembre (période des vendanges), il passe de 39 500 à 283 700, étant ainsi multiplié par sept. Alors que, début janvier, seuls 20 % des contrats en cours sont saisonniers, ce taux atteint presque 60 % en septembre : un tiers des contrats en cours sont alors des contrats vendanges. Le nombre de contrats non saisonniers varie beaucoup moins au fil de l’année : entre un minimum de 167 500 et un maximum de 209 000 en 2009. En moyenne, en 2009, 21 % des contrats non saisonniers sont des contrats à durée déterminée (CDD).

Les CDD saisonniers sont les contrats les plus courts : sans compter les contrats vendanges, limités réglementairement à un mois maximum, la moitié des CDD saisonniers ont duré moins de 29 jours en 2009 ; seuls 15 % de ces CDD ont duré plus de 100 jours. Parmi les CDD non saisonniers, la moitié ont duré plus de 100 jours et 21 % avaient plus d’un an d’ancienneté. Quant aux contrats à durée indéterminée (CDI), 81 % avaient plus d’un an d’ancienneté en 2009 et la moitié plus de quatre ans et demi.

Les femmes et les jeunes sont sur-représentés dans les contrats les plus courts. Ainsi, 40 % des CDD saisonniers sont signés par des femmes, contre 36 % des CDD non saisonniers et 32 % des CDI. Les signataires de CDD (saisonniers ou non) sont en moyenne plus jeunes que les signataires de CDI : 34 ans en moyenne, contre 40 ans. En particulier, 36 % des signataires de CDD saisonniers ont moins de 25 ans, contre 32 % des signataires de CDD non saisonniers et 10 % des signataires de CDI.

Graphique 1Nombre de contrats salariés agricoles en cours selon les jours de 2009

  • Lecture : le nombre journalier maximum de contrats salariés agricoles en cours en 2009 s’élève à un peu moins de 487 000 unités ; le nombre de contrats saisonniers varie d’un minimum de 39 500 à un maximum de 283 700.
  • Source : Mutualité sociale agricole, calculs Insee.

Dans le secteur agricole, le nombre de CDD saisonniers augmente alors que celui des CDI baisse

Dans les exploitations agricoles (hors entreprises de services), l’emploi total diminue : selon l’enquête sur la structure des exploitations agricoles (sources), le nombre d’ baisse de 17 % entre 2000 et 2007 (soit une moyenne de − 2,7 % par an), le recul étant plus marqué pour l’emploi non salarié (− 21 %) que pour l’emploi salarié (− 6 %). Cette baisse va de pair avec une augmentation de la de 2,2 % par an entre 2000 et 2007.

La diminution, plus modérée, de l’emploi salarié se traduit par une baisse de 5 % du nombre annuel moyen de contrats conclus dans le secteur agricole entre 2002 et 2009. Cette baisse touche en réalité uniquement les CDI (− 12 %). Le nombre annuel moyen de CDD non saisonniers est en effet assez stable et celui des CDD saisonniers augmente même de 9 % sur la période.

La viticulture et la culture de céréales concentrent 43 % des contrats agricoles

La viticulture est le troisième secteur agricole en termes d’emploi total. La part du salariat y est par ailleurs plus importante que la moyenne : 54 % des UTA y sont salariées, contre 30 % pour l’ensemble du secteur agricole. C’est ainsi l’activité agricole qui conclut le plus de contrats salariés, suivie de la culture de céréales (graphique 2). Ces deux activités représentent 43 % des contrats signés dans le secteur agricole en 2009. Près de la moitié sont des CDI. Dans le secteur viticole, 64 % des CDD saisonniers sont des contrats vendanges. Les autres contrats saisonniers sont surtout utilisés au printemps et en hiver pour la préparation des vignes (taille, traitement contre les maladies, désherbage, etc.). En culture de céréales, le pic d’activité a lieu en été, lors des moissons (graphique 3).

En culture de fruits et maraîchage, deux tiers de la main-d’œuvre sont salariés ; c’est la proportion la plus forte de toutes les spécialisations. En culture de fruits, 70 % des contrats sont des CDD saisonniers. Ils sont surtout utilisés en été (récolte des pêches, abricots, cerises) et en automne (pommes, poires, prunes). C’est le deuxième secteur agricole employant le plus de contrats saisonniers après la viticulture ; c’est aussi celui qui connaît la plus forte baisse du nombre de contrats salariés entre 2002 et 2009 (− 25 %), ainsi que d’UTA non salariées entre 2000 et 2007.

Graphique 2Nombre moyen annuel de contrats salariés en 2009 et évolution 2002-2009

  • Lecture : en 2009, 83 100 contrats salariés sont en cours dans le secteur viticole (en moyenne par jour) ; 39 700 sont à durée indéterminée. Entre 2002 et 2009, le nombre moyen annuel de l’ensemble des contrats de ce secteur baisse de 3 %.
  • Source : Mutualité sociale agricole, calculs Insee.

Graphique 3 Part des contrats à durée déterminée salariés saisonniers en cours selon les jours de 2009

  • Lecture : pour chaque jour de 2009, la part des contrats à durée déterminée salariés saisonniers en cours est la plus élevée pour la culture de fruits.
  • Source : Mutualité sociale agricole, calculs Insee.

Les contrats se développent dans les services à la production, les activités de diversification et l’élevage bovin

Au sein des exploitations agricoles, le recours aux prestataires de services s’accroît, et les activités de diversification se développent. Le nombre de contrats augmente ainsi fortement dans ces deux secteurs entre 2002 et 2009 (+ 34 % chacun). En 2009, les services à la production représentent 14 % des contrats agricoles en cours. Le nombre moyen de contrats saisonniers y a été multiplié par trois entre 2002 et 2009.

L’élevage bovin est le secteur agricole le plus important en termes d’emploi (salarié ou non). Mais la part du salariat y est très faible (9 % des UTA). Elle est plus élevée dans les autres types d’élevage (porcins, volailles) où elle atteint 47 % de la main-d’œuvre totale. Quel que soit le type d’élevage, les contrats salariés utilisés sont surtout des contrats non saisonniers (plus de 60 % de CDI). Les éleveurs peuvent aussi recourir aux contrats saisonniers pour effectuer divers travaux associés à leur activité d’élevage, comme la culture de fourrages. Dans l’élevage bovin, la hausse du nombre de contrats salariés entre 2002 et 2009 (+ 29 %) peut s’expliquer en partie par l’adoption du statut salarié par de la main-d’œuvre familiale auparavant non salariée.

Des contrats diversement rémunérés

En 2009, parmi les travaillant à temps complet, la moitié des CDI sont rémunérés au moins 10,70 euros de l’heure (graphique 4) contre 9,90 euros de l’heure pour la moitié des CDD, saisonniers ou non (salaires bruts). Un quart des CDI sont payés plus de 12,40 euros de l’heure, contre seulement 12 % des CDD. Les contrats vendanges sont mieux rétribués dans les départements producteurs de champagne (Marne, Aube et Aisne) - soit 37 % des contrats vendanges - où la dépasse 12 euros pour la moitié d’entre eux. À titre de comparaison, le Smic horaire brut était de 8,82 euros au 1er juillet 2009.

Graphique 4Rémunération horaire brute en 2009 selon le type de contrat

  • Lecture : en 2009, la moitié des contrats vendanges dans l'Aube, la Marne et l'Aisne sont rémunérés au moins 12 euros de l'heure.
  • Champ : contrats des employés (essentiellement des ouvriers et des techniciens agricoles) travaillant à temps complet.
  • Source : Mutualité sociale agricole, calculs Insee.

Plus de la moitié des saisonniers agricoles ne sont plus salariés du secteur les deux années suivantes

Parmi les salariés du secteur agricole dont le premier contrat en cours en 2007 est un CDD saisonnier, à peine la moitié signent à nouveau un contrat dans ce secteur en 2008 et 39 % en 2009. Les nouveaux contrats sont généralement d’autres CDD saisonniers ; seuls 9 % accèdent en 2008 ou 2009 à un autre type de contrat : 6 % signent au moins un CDD non saisonnier mais pas de CDI et 3 % signent au moins un CDI.

S’agissant des salariés dont le premier contrat en cours en 2007 est un CDD non saisonnier, 10 % ont accès à un CDI dans ce secteur en 2007, 2008 ou 2009, dont 57 % chez le même employeur ; 34 % signent au moins un autre CDD non saisonnier, mais pas de CDI. À peine la moitié sont encore salariés non saisonniers dans le secteur agricole en 2008 et un tiers en 2009.

Concernant les salariés dont le premier contrat en cours en 2007 est un CDI, 48 % sont encore sous ce contrat au 31 décembre 2009. Tout en restant dans le secteur agricole, 11 % changent de contrat, en très grande majorité (82 %) pour un autre CDI et le plus souvent (58 %) en changeant d’employeur ; ils sont en moyenne plus jeunes de trois ans que les salariés qui gardent le même CDI. Parmi les 41 % restants qui ne sont plus salariés agricoles après le 31 décembre 2009, les moins de 30 ans ou les plus de 55 ans (âge en 2008) sont plus nombreux que parmi les salariés toujours actifs fin 2009. Les fins de CDI apparaissent ainsi dues en partie aux départs à la retraite, mais aussi au départ des jeunes (éventuellement pour s’installer comme chef d’exploitation).

Contrats salariés saisonniers et non saisonniers

Dans cette étude, les contrats saisonniers sont ceux pour lesquels l’employeur bénéficie d’une exonération ou d’une réduction de charges patronales spécifique aux travailleurs occasionnels, ou qui bénéficient de dispositifs spécifiques à l’emploi saisonnier (titre emploi simplifié agricole par exemple). La mesure « travailleurs occasionnels » concerne exclusivement les salariés embauchés pour réaliser des tâches temporaires, liées au cycle de la production agricole, et s’applique pour une durée de 119 jours de travail au maximum, par salarié et par employeur.

Les contrats saisonniers sont ici tous des CDD. En effet, les contrats de travail intermittents (CTI), qui sont des CDI conclus pour effectuer des travaux de courte durée récurrents chaque année, ne sont pas repérés dans les fichiers de la Mutualité sociale agricole (MSA ; sources). Mais ces contrats sont peu fréquents.

Parmi les contrats saisonniers, on distingue les contrats vendanges des autres contrats. Les contrats vendanges durent au maximum un mois et sont signés exclusivement dans le but de réaliser des travaux de vendange (préparatifs, réalisation des vendanges, travaux de rangement associés).

Les contrats non saisonniers regroupent les CDI et les autres CDD. Ces contrats ne bénéficient pas des mesures spécifiques aux travailleurs occasionnels. 81 % des CDD non saisonniers (et 83 % des CDI) ont par contre bénéficié de la réduction Fillon. Cette mesure permet aussi de réduire les cotisations patronales de sécurité sociale. La réduction décroît avec le salaire versé, et devient nulle si le salaire atteint un certain seuil (1,6 Smic). Son application n’est pas soumise à une limite de durée.

Différentes estimations du nombre de salariés du secteur agricole

Selon les données de la MSA, en moyenne 286 600 salariés travaillent chaque jour dans le secteur agricole en 2009. Mais comme pour le nombre de contrats, ce nombre varie fortement au cours de l’année, en lien avec la saisonnalité de l’activité agricole.

À champ comparable, les données sont cohérentes avec les autres sources.

Le service statistique du ministère de l’agriculture (SSP) fournit également des estimations d’emploi issues de l’enquête sur la structure des exploitations. En 2007, celle-ci permet d’estimer à 173 300 le nombre de salariés permanents, c’est-à-dire ayant travaillé dans des exploitations agricoles de façon régulière, chaque semaine ou chaque mois, au cours de la période 2006-2007. Sur un champ proche (hors services à la production et hors salariés n’ayant signé que des contrats saisonniers), les données de la MSA permettent d’estimer à 175 500 le nombre moyen de salariés ayant travaillé dans le secteur agricole en 2007 (hors salariés purement saisonniers).

Les données de la MSA constituent également l’une des sources utilisées dans le dispositif d’estimations d’emploi localisées (Estel). Celui-ci fournit des estimations d’emploi salarié au 31 décembre sur le champ « Agriculture, sylviculture, pêche ». La différence de champ due à la sylviculture et la pêche est de nature à expliquer l’écart avec les données utiisées dans cette étude (6 % d’écart en moyenne selon les années). Les estimations issues d’Estel et celles de cette étude suivent d’ailleurs les mêmes évolutions.

Sources

Les données relatives aux contrats sont issues des fichiers annuels de la MSA (années 2002 et 2009). Celles relatives aux UTA proviennent de l’enquête sur la structure des exploitations agricoles réalisée en 2007 par le service statistique du ministère en charge de l’agriculture (SSP). La productivité du travail est issue des comptes de l’agriculture.

Définitions

Nombre moyen de contrats sur une année : c’est la moyenne sur les jours de l’année du nombre de contrats en cours. La part d’un type de contrat donné (CDI, CDD, saisonnier, non saisonnier...) dans l’ensemble des contrats est le rapport du nombre moyen de contrats de ce type au nombre moyen de contrats.

Secteur agricole : le champ de l’étude comprend les exploitations agricoles et les entreprises de services à la production, classées en :

− activités de production agricole : culture, élevage ;

− activités de diversification : commerce et transformation de produits, activités touristiques (restauration, hébergement) au sein d’exploitations agricoles. L’activité de production agricole est alors une activité secondaire : ceci élargit un peu la notion de secteur agricole ;

− activités de services à la production : entreprises de travaux agricoles et coopératives d’utilisation de matériel agricole, groupements d’employeurs.

Unité de travail annuelle (UTA) : travail agricole effectué par une personne employée à plein temps pendant une année.

Productivité du travail : rapport de la production (au prix de base, en valeur) à l’emploi (salarié ou non) mesuré en UTA.

Qualification et profession : les fichiers de la MSA ne comportent pas d’informations sur le niveau de diplôme des salariés. Leur profession est répartie en deux catégories, cadres et employés. Les employés sont essentiellement des ouvriers et des techniciens agricoles.

Rémunération horaire brute : rapport de la rémunération brute du salarié (avant prélèvement des cotisations de part ouvrière) au nombre d’heures rémunérées. La rémunération inclut les diverses primes (sauf la prime d’indemnité de congés pour les CDD non terminés). Le nombre d’heures rémunérées inclut les heures supplémentaires pour tous les contrats, mais n’inclut les congés payés que pour les CDI.