Insee PremièreLes très hauts salaires du secteur privé

Michel Amar, division salaires et revenus d’activité

En 2007, 1 % des salariés à temps complet, les mieux rémunérés du secteur privé, perçoivent un salaire annuel moyen de 215 600 euros : ce sont les très hauts salaires. C’est sept fois plus que la moyenne des salariés à temps complet.

Ce sont principalement des dirigeants d’entreprise, des professionnels de la finance ou des commerciaux. Relativement plus âgés que les autres salariés, ils travaillent majoritairement en Île-de-France et habitent souvent dans l’Ouest parisien. Même si la proportion de femmes au sein de cette population s’accroît, elle reste modeste (13 %).

Les très hauts salaires qui avaient déjà un emploi en 2002, ont bénéficié, au cours des cinq années suivantes, d’augmentations substantielles : + 5,8 % par an, en moyenne et en euros constants, pour ceux qui étaient déjà « au top de la hiérarchie salariale » en 2002 et + 14,5 % pour ceux qui y ont accédé en cours de période, contre + 2,3 % en moyenne pour l’ensemble des salariés ayant travaillé continûment sur la période 2002-2007.

Michel Amar, division salaires et revenus d’activité
Insee Première No 1288- Avril 2010

Dans le secteur privé, un salaire moyen de 215 700 euros pour 1 % des salariés

Pour analyser les inégalités salariales, on distingue le plus souvent les 10 % des salariés les mieux rémunérés et les 10 % les moins bien rémunérés. Dans ce cadre, le périmètre retenu pour les hauts salaires est le dernier décile de la distribution des des temps complets . C’est une population de 1,3 million de personnes très hétérogène en termes salariaux puisque l’écart entre le 90e centile (c’est-à-dire le 9e décile) et le 99e centile est de 144 % contre seulement 34 %, par exemple, entre le 9e et le 8e décile (graphique 1). Il s’agit essentiellement de cadres (82 %) mais aussi de professions intermédiaires (15 %).

C’est pourquoi, on choisit de décrire ici la population plus réduite des « très hauts salaires » (THS), définie comme les 1 % de salariés à temps complet les mieux rémunérés. Ces salariés perçoivent un salaire annuel brut, en 2007, supérieur à 124 573 euros ; on peut les comparer aux « hauts salaires », définis ici comme les salariés situés juste en dessous, entre le 9e décile et le 99e centile, ainsi qu’à l’ensemble des salariés.

Graphique 1Distribution du salaire annuel brut des salariés à temps complet de 2007

  • Source : Insee, DADS exhaustif.

Des très hauts salaires dans la finance, le conseil et le commerce de gros

Ce dernier centile représente en 2007 133 000 personnes qui ont perçu, en moyenne, un salaire brut de 215 600 euros , soit trois fois le salaire moyen des « hauts salaires » ( 70 659 euros ) et près de sept fois le salaire moyen de l’ensemble des salariés à temps complet du secteur privé (près de 32 000 euros).

Même si l’on retrouve des THS dans tous les domaines, trois secteurs en concentrent plus de la moitié. Il s’agit du conseil et de l’assistance (secteur qui inclut l’« administration d’entreprises » avec notamment les holdings, têtes de groupe), des activités financières et du commerce de gros (tableau 1). Ils emploient aussi près de 40 % des « hauts salaires » alors qu’ils représentent moins de 20 % de l’emploi privé total. À l’opposé, trois secteurs rassemblent plus du quart de l’emploi privé (le commerce de détail, la construction et les services opérationnels) mais ne représentent que 10,6 % des « hauts salaires » et 8,5 % des « très hauts salaires ».

Logiquement, le poids des THS est particulièrement important dans les entreprises de plus de 500 salariés puisqu’elles emploient 42 % de cette population, 48 % des « hauts salaires » et seulement 36 % de l’emploi salarié à temps complet du secteur privé. En effet, la taille de l’entreprise est un déterminant du salaire, tout particulièrement pour certaines fonctions comme celle de dirigeant. Néanmoins, les très petites entreprises (TPE), qui représentent un peu plus d’un quart de l’emploi total, emploient 17 % des THS et 16 % des « hauts salaires ». Mais les trois quarts de ces THS sont concentrés dans des TPE de conseil, finance ou commerce de gros qui ne représentent qu’une petite fraction, très spécifique, de l’univers des TPE.

Tableau 1Les très hauts salaires en 2007 selon le secteur d’activité

Les très hauts salaires en 2007 selon le secteur d’activité
Salaire brut annuel moyen (euros) Répartition par secteurs ( %) Proportion de THS dans le secteur ( %)
Très hauts salaires Hauts salaires (entre D9 et C99) Ensemble des salariés Très hauts salaires Hauts salaires (entre D9 et C99) Ensemble des salariés
Conseil et assistance 222 324 72 041 45 086 27 19 9 3,1
dont administration de sociétés (holding) 243 131 75 457 59 742 9 4 2 6,0
Activités financières et immobilières 264 178 71 705 44 460 18 12 6 2,9
Activités récréatives, culturelles et sportives 297 298 69 883 37 933 2 2 1 1,9
Commerce de gros 188 008 71 892 35 540 11 10 7 1,6
Activités technologiques 198 214 70 274 36 982 6 9 5 1,2
Autres industries 191 827 70 115 32 705 16 23 21 0,7
Autre tertiaire 192 254 69 185 26 421 15 20 41 0,3
BTP 184 036 69 543 27 892 4 5 9 0,3
Ensemble 215 664 70 659 31 984 100 100 100 1,0
  • Lecture : Le salaire brut moyen des très hauts salaires (THS) du secteur « Conseil et assistance » se monte à plus de 222 000 euros en 2007 contre 45 086 pour l’ensemble des salariés de ce secteur et 72 000 pour les hauts salaires. Ce secteur représente 27 % de la population des THS, 19 % des hauts salaires et 9 % de l’emploi total. Les THS représentent 3,1 % des salariés de ce secteur.
  • Source : Insee, DADS exhaustif.

Avant tout, des dirigeants et des financiers

En termes de professions exercées, 95 % des très hauts salaires sont cadres ou dirigeants d’entreprise. Quatre  groupes peuvent être distingués dont le plus fourni est celui des dirigeants salariés. Cela s’explique pour partie par le dynamisme des salaires des dirigeants au cours de la décennie passée, en particulier dans les plus grandes entreprises. Ce groupe inclut en outre les cadres d’état-major des grandes entreprises ainsi que des cadres supérieurs salariés par des holdings « tête de groupe ». Le salaire annuel brut moyen de cette catégorie, qui représente 40 % des THS, s’élève à environ 230 000 euros (tableau 2). Le deuxième groupe est constitué de professionnels de la finance (15 % des THS). Il s’agit de cadres des services financiers en entreprise (chefs d’un service financier d’une grande entreprise par exemple) ainsi que de professions spécifiques du secteur bancaire comme les « cadres des marchés financiers », catégorie qui inclut les traders, ou encore les « cadres des opérations bancaires ». Ces cadres de banque ont un salaire moyen de près de 290 000 euros. Le troisième groupe est constitué de cadres commerciaux, dont un tiers travaille dans le commerce de gros et un autre tiers exerce dans l’industrie (11 % de la population des THS avec un salaire moyen de 181 000 euros). Enfin, un dernier groupe plus hétérogène est constitué de professions plus techniques, avec des spécialistes de l’informatique ou des télécommunications (4 %), des ingénieurs de l’industrie (7 %) ou des pilotes du transport aérien (2 %). Leur salaire moyen est proche de celui des commerciaux.

Parmi les THS, quelques salariés sont classés en « professions intermédiaires » (4 %). Il s’agit notamment des sportifs de haut niveau, salariés par des entreprises du secteur des activités récréatives, culturelles et sportives, les clubs de sport professionnel. Le salaire moyen de cette dernière population, qui se distingue aussi de toutes les autres par sa jeunesse, est particulièrement élevé (plus de 400 000 euros par an).

La population des très hauts salaires est très masculine. En effet, plus on s’élève dans la hiérarchie salariale, plus la proportion d’hommes s’accroît. Elle est de 55 % dans l’ensemble des salariés du privé, de 65 % pour les seuls salariés à temps complet, de 78 % parmi les « hauts salaires » et s’élève à 87 % parmi les « très hauts salaires ». Elle est nettement plus forte parmi les dirigeants (92 %) et plus faible dans les métiers de la finance (autour de 80 %). Mais si la proportion de femmes au sein de ces THS est réduite, le différentiel moyen de salaire des femmes THS par rapport à celui de leurs homologues masculins est relativement faible (− 6 %).

Le salaire étant fortement corrélé avec l’expérience, la population des THS est plus âgée (49 ans) que celle des « hauts salaires » (45 ans), des cadres (42 ans) et de l’ensemble des salariés à temps complet (un peu moins de 40 ans). Leur pyramide des âges est très différente de celle de l’ensemble des salariés : 11 % sont sexagénaires contre 2 % ; les quadras et quinquagénaires dominent (72 %) alors qu’ils représentent moins de la moitié de la population des salariés à temps complet ; enfin, seulement 16 % d’entre eux ont moins de quarante ans.

Les sportifs de haut niveau se distinguent par leur jeunesse (31 ans en moyenne) ainsi que, dans une moindre mesure, les professionnels de la banque (43 ans d’âge moyen). À l’opposé, les dirigeants salariés sont les plus âgés avec une moyenne de 52 ans.

Tableau 2Les très hauts salaires en 2007 par profession

Les très hauts salaires en 2007 par profession
Salaire brut moyen (euros) Âge moyen Part ( %)
Dirigeants 225 340 52 25,3
Cadres d’état-major 238 674 50 14,0
Cadres des fonctions financières 244 878 45 14,9
dont métiers de la banque 289 913 43 5,8
Fonction commerciale 181 257 47 10,2
Fonction technique 180 230 48 12,7
Divers cadres 195 349 49 17,5
Sportifs de haut niveau 444 955 31 0,8
Autres 210 446 47 3,1
  • Source : Insee, DADS exhaustif.

Souvent en Île-de-France

La population des THS se concentre là où se trouvent les sièges sociaux des grandes entreprises c’est-à-dire en Île-de-France. Alors qu’un quart des salariés à temps complet travaillent dans cette région, c’est le cas de près de la moitié des « hauts salaires » et de deux THS sur trois.

En termes de lieu de résidence, près d’un THS sur deux (47 %) habite dans l’Ouest parisien (Paris, Yvelines, Hauts-de-Seine) alors que ces trois départements ne regroupent que 10 % de l’emploi national et un quart des « hauts salaires ». Cette concentration des très hauts salaires est particulièrement significative pour les métiers de la banque, les cadres financiers, les cadres d’état-major des grandes entreprises, les informaticiens et les pilotes de ligne. Elle est moins marquée pour les autres types d’ingénieurs, les dirigeants salariés et les sportifs de haut niveau. Par secteur d’activité, cette polarisation géographique est marquée dans le secteur bancaire et celui du conseil et de l’assistance alors qu’elle est très atténuée dans l’industrie et le BTP.

En dix ans, la population des THS s’est un peu modifiée

Signe d’un accroissement de l’écart entre les très hauts salaires et le reste de la population salariée, le 99e centile de la distribution des salaires des temps complets du secteur privé a crû nettement plus rapidement que le salaire médian au cours de la décennie passée (+ 1,35 % par an de 1996 à 2007 contre + 0,6 %), évolution qui s’est aussi traduite par une croissance de la part de la masse salariale qui leur est dévolue et qui est passée de 5,5 % à 6,8 %. Cette évolution s’est aussi accompagnée d’une modification de la composition de la population des THS. Le poids des secteurs de la finance et du conseil et de l’assistance (particulièrement celui des holdings des grands groupes) s’est accru. La concentration géographique de cette population en Île-de-France s’est aussi accentuée (64 % en 2007 contre 62 % en 1996). Enfin, cette population s’est légèrement féminisée (la proportion de femmes passant de 9 % à 13 %) et a un peu vieilli (avec un âge moyen de près de 49 ans contre un peu moins de 48 ans en 1996).

Des hausses de salaires substantielles au cours des cinq dernières années

Les très hauts salaires ont connu des trajectoires salariales individuelles particulièrement dynamiques entre 2002 et 2007. Ainsi, les salariés déjà classés THS en 2002 et qui le sont toujours en 2007, soit près de 80 % des THS de 2002 toujours en emploi en 2007, ont bénéficié d’une croissance annuelle moyenne de leurs salaires de 5,8 % en termes réels. Ceux qui ont atteint cette position dans la hiérarchie salariale sur la fin de la période, soit 28 % des THS de 2007, ont bénéficié d’évolutions encore plus substantielles (14,5 % en moyenne annuelle). Pour ces deux groupes, il s’agit d’augmentations salariales nettement supérieures à celles de l’ensemble des salariés ayant toujours eu un emploi sur la période (+ 2,3 %) ou même des seuls cadres (+ 2,9 %). A contrario, pour la minorité de THS de 2002 qui n’ont pu rester à ce niveau de la hiérarchie salariale, le repli de leur rémunération est particulièrement marqué (− 10,5 % en moyenne par an de 2002 à 2007). La dispersion des trajectoires salariales est plus marquée chez les très hauts salaires que parmi l’ensemble des salariés ou même les seuls salariés positionnés au-dessus du 9e décile. Les femmes et les moins de 40 ans sont un peu plus présents (15 % et 26 %) dans la catégorie des nouveaux THS (ceux qui le sont devenus entre 2002 et 2007) contribuant au renouvellement de cette population. En 2002, ces derniers étaient déjà relativement bien placés dans la hiérarchie salariale (en moyenne entre le 97e et le 98e centile). Dans la population de ceux qui se sont maintenus au sommet tout au long de la période, les séniors, les hommes et les dirigeants de société sont les plus représentés. Par métiers, ce sont les THS des métiers de la banque qui connaissent les évolutions les plus favorables (+ 11 % par an en moyenne). À l’opposé, les gains sont plus modérés pour les informaticiens, les pilotes et les ingénieurs de l’industrie (de l’ordre de + 7 % par an).

Des emplois bien rémunérés aussi chez les non-salariés

Cette étude se limite aux très hauts salaires du secteur privé, mais on observe aussi des THS dans la Fonction publique, en retenant pour les définir le même seuil que celui du secteur privé (124 573 euros). Ils sont environ 1 200 dans la fonction publique d’État, quelques centaines seulement dans la territoriale, soit au total 0,05 % de l’emploi public. Comme dans le secteur privé, les hommes sont très majoritaires (87 %), ils travaillent le plus souvent en Île-de-France (80 %) et 50 % d’entre eux appartiennent à une administration financière.

Mais c’est surtout chez les non-salariés, que l’on trouve des actifs atteignant de très hauts revenus d’activité comparables à ceux des très hauts salaires du secteur privé : environ 160 000 non-salariés perçoivent en effet un supérieur au seuil retenu ici , soit près de 8 % des non-salariés (hors agriculture). Dans cette population, elle aussi très masculine (82 %), 43 % exercent des professions de santé (médecins, chirurgiens-dentistes, pharmaciens), 12 % des métiers du droit (avocats, notaires) ainsi que diverses professions libérales (conseils, architectes...). Contrairement aux salariés ayant un très haut salaire, les non-salariés ayant des très hauts revenus d’activité sont présents sur tout le territoire, seulement un quart d’entre eux travaillant en Île-de-France. En revanche, comme les THS, ils sont relativement âgés (près de 49 ans en moyenne).

TableauLes très hauts revenus d’activité (THRA) en 2007 des non-salariés

Les très hauts revenus d’activité (THRA) en 2007 des non-salariés
Activité Répartition par secteurs des THRA ( %) Revenu annuel moyen des THRA (euros)
Médecins 27 151 775
Professions libérales juridiques 12 243 467
Dentistes 9 150 519
Pharmaciens 7 153 226
Auxiliaires d'assurances 3 157 820
Architectes 2 173 768
Conseils pour les affaires et la gestion 2 182 494
Comptables et experts comptables 2 154 773
Autres 36 152 000
Ensemble 100 164 280
  • Lecture : les médecins représentent 27 % des 159 000 non-salariés ayant un revenu d’activité 2007 supérieur au 99e centile de la distribution des salaires nets des salariés à temps complet du secteur privé ; leur revenu d’activité moyen s’élève à 151 775 euros.
  • Source : Insee, Base de données non-salariés.

Définitions

Le salaire retenu ici est le salaire brut (cotisations salariales incluses). Il inclut tous les éléments de rémunérations soumis à la contribution sociale généralisée (CSG). Cela inclut l’épargne salariale, les indemnités de licenciement et, en principe, les rabais consentis à l’attribution de stock options.

Pour les non-salariés, le revenu d’activité, seul indicateur disponible dans notre base de données, est plus proche du salaire net que du salaire brut. Aussi, le seuil retenu pour définir les « très hauts revenus d’activité » a été le 99e centile du salaire net des salariés du secteur privé, c’est-à-dire 91 150 euros. 159 000 non-salariés avaient en 2007 un revenu d’activité supérieur à ce seuil. Si l’on avait retenu un seuil assis sur le 99e centile du salaire brut des salariés du privé (124 573 euros), on en aurait trouvé seulement 92 000.