Insee PremièreLa sécurité, un secteur en pleine expansion

Marina Robin, Bénédicte Mordier, division Services, Insee

Depuis la fin des années 1990, le secteur des enquêtes et de la sécurité (agents de sécurité, transporteurs de fonds, détectives…) est en forte croissance, du fait notamment du dynamisme de grands groupes. De 1998 à 2010, le volume de chiffre d’affaires progresse en moyenne de 5,5 % par an et les effectifs salariés de 6,6 % par an. Même la crise de 2009 a peu ralenti l’activité.

Dans ce secteur, la production repose avant tout sur la main-d’œuvre. Les taux de marge sont faibles, mais la rentabilité économique est élevée. Par rapport aux autres services marchands, les emplois sont plus stables, mais les qualifications et les rémunérations sont plus basses.

Marina Robin, Bénédicte Mordier, division Services, Insee
Insee Première No 1432- Janvier 2013

En douze ans, le nombre de sociétés a doublé

En 2010, le secteur des enquêtes et de la sécurité (sources) rassemble 9 000 sociétés (sources) et emploie 131 000 . Il se développe fortement depuis la fin des années 1990 : de 1998 à 2010, le nombre de sociétés croît en moyenne de 6,4 % par an, contre 4,0 % par an pour l’ensemble des services marchands (sources), entendu ici hors secteur financier. Sur la même période, l’effectif salarié du secteur progresse de 6,6 % par an (graphique 1).

L’instauration en décembre 2011 du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps) illustre la place significative acquise par le secteur : cette instance sous la tutelle du ministère de l’Intérieur est entièrement consacrée à la régulation de son activité.

De 1998 à 2010, le chiffre d’affaires du secteur progresse fortement : + 5,5 % par an en volume, contre + 3,4 % pour l’ensemble des services marchands, et atteint près de 8 milliards d’euros en 2010. Le secteur des enquêtes et de la sécurité a été beaucoup moins touché par la crise que les autres services : le chiffre d’affaires en volume a diminué en 2009 (− 1,4 %), alors que le recul est bien plus marqué pour l’ensemble des services marchands (− 4,4 %). Dès 2010, l’activité reprend, bien qu’à un rythme plus modéré qu’auparavant.

Les services de sécurité ont particulièrement bénéficié du mouvement d’externalisation par les entreprises de leurs fonctions supports, lesquelles englobent également le nettoyage et l’entretien des bâtiments, la gestion de la flotte de véhicules ou celle du parc de machines de bureau, par exemple. Ils ont également profité du développement récent de la demande en sécurité des collectivités territoriales. Ainsi, le nombre de sociétés, le chiffre d’affaires ou la valeur ajoutée ont progressé deux fois plus vite dans les enquêtes et la sécurité que dans le nettoyage, autre grand secteur de fonctions supports.

Graphique 1Évolution du nombre de sociétés, du chiffre d'affaires et des effectifs salariés du secteur « Enquêtes et sécurité »

  • Lecture : sur la période 1998-2010, le nombre de sociétés et le chiffre d'affaires (en volume) du secteur « Enquêtes et sécurité » progressent plus fortement que ceux de l'ensemble des services marchands.
  • Champ : sociétés du secteur « Enquêtes et sécurité » et des services marchands non financiers.
  • Source : Insee, fichiers Sirene, DADS et Suse, Esane, indices de chiffre d’affaires.

Les demandes des différentes clientèles progressent au même rythme

Les différentes clientèles du secteur ont accru leur demande à des rythmes comparables. En 2010, la clientèle d’entreprises représente 77 % du chiffre d’affaires, le reste de la clientèle se répartissant également entre particuliers, d’une part, et administrations publiques et collectivités locales, d’autre part. En dix ans, cette répartition a très peu évolué. Le développement récent de la vidéosurveillance, qui réalise un tiers de son chiffre d’affaires auprès des seuls particuliers, a contribué à maintenir le poids de cette clientèle dans la demande adressée à l’ensemble du secteur.

En moyenne, sur la période 1998-2010, 78 % des sociétés emploient moins de dix salariés en équivalent temps plein ; elles représentent 11 % du chiffre d’affaires du secteur. L’activité est dominée par quelques grands acteurs : sur la période, les dix premiers groupes du secteur cumulent 35 % de la (contre 32 % en moyenne dans les services marchands). Cette concentration a peu varié depuis 1998.

Le développement rapide du secteur n’a pas non plus sensiblement modifié ses autres principales caractéristiques. Il s’agit d’un secteur intensif en main-d’œuvre, dont les frais de personnel constituent le principal poste des charges : 62 % du chiffre d’affaires en 2010 contre 31 % dans l’ensemble des services marchands (tableau). Inversement, le poids des est faible (32 % du chiffre d’affaires contre 53 %). Mais également, les marges sont faibles, voisines de 5 % de la valeur ajoutée depuis 2000, contre 31 % en moyenne dans les services marchands. Compte tenu de besoins limités en capital, elles suffisent cependant à assurer une élevée (18 %, contre 12 % dans les services marchands).

Tableau 1Poids des charges dans le chiffre d’affaires du secteur « Enquêtes et sécurité » et taux de marge* en 2010

Poids des charges dans le chiffre d’affaires du secteur « Enquêtes et sécurité » et taux de marge* en 2010
Secteur Nombre de sociétés Chiffre d’affaires hors taxes (en milliards d’euros) Poids des consommations intermédiaires dans le chiffre d'affaires Poids des frais de personnel dans le chiffre d'affaires Taux de marge* Rentabilité économique*
en %
Enquêtes et sécurité 9 100 7,95 32 62 5 18
Activités de sécurité privée 6 600 6,15 27 69 3 14
Activités liées aux systèmes de sécurité 2 000 1,75 52 38 18 24
Activités d'enquête 500 0,05 42 42 24 55
Ensemble des services marchands 1 348 000 727,45 53 31 31 12
  • * Voir définitions.
  • Champ : sociétés du secteur « Enquêtes et sécurité » et des services marchands non financiers.
  • Source : Insee, fiches sectorielles Esane.

En premier lieu la sécurité privée, mais aussi les systèmes de sécurité

Le secteur des activités de sécurité privée (garde et patrouille, transport de fonds) constitue la principale composante du secteur : il représente près des trois quarts des sociétés et, avec plus de 6 milliards d’euros en 2010, près des quatre cinquièmes du chiffre d’affaires. Les sociétés y sont plus grandes (en moyenne 18 salariés en équivalent temps plein contre 6 dans les autres activités de sécurité) ; le poids des frais de personnel y est le plus élevé (69 % du chiffre d’affaires) et l’ y est particulièrement faible : le est seulement de 3 %. Les dix plus grands groupes du secteur dégagent 39 % de la valeur ajoutée.

Le deuxième secteur de la sécurité, celui des activités liées aux systèmes de sécurité, est plus diversifié : les sociétés y sont opérateurs des systèmes de surveillance électronique, mais elles peuvent aussi vendre, installer et réparer ces systèmes. Leurs consommations intermédiaires sont naturellement alourdies par ces achats de marchandises et de matières premières ; elles représentent en moyenne 52 % du chiffre d’affaires. Les sociétés sont plus petites que dans le secteur précédent (7 salariés en équivalent temps plein en moyenne). Les marges sont plus importantes que dans la sécurité privée : elles doivent couvrir les immobilisations, dont le montant moyen par entreprise est plus élevé (298 000 euros contre 167 000 dans la sécurité privée). Ce secteur est caractérisé par l’importance de quelques groupes, les dix plus grands cumulant à eux seuls la moitié de la valeur ajoutée du secteur.

Malgré sa notoriété dans les romans policiers ou au cinéma, le secteur des activités d’enquête reste, du point de vue économique, de loin le plus marginal des secteurs de la sécurité. En effet, il ne regroupe que quelques centaines de sociétés, généralement de très petites structures (souvent réduites au propriétaire de l’agence, le fameux « privé », et à une secrétaire) ; elles génèrent un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros en 2010. À la différence des deux autres secteurs, le statut d’auto-entrepreneur y est particulièrement fréquent (en 2010, 27 % des sociétés, contre 6 % pour les autres secteurs et 11 % en moyenne dans les services marchands).

Des emplois faiblement rémunérés

Le secteur offre des emplois nettement moins rémunérés que la moyenne des emplois dans les services : bien que 40 % au-dessus du Smic horaire net en 2010, les salaires horaires nets, moyens ou médians, sont parmi les plus faibles des services marchands (encadré). Cette faiblesse est la plus marquée dans les activités de sécurité privée. Mais elle s’observe aussi dans les deux autres secteurs, notamment les activités liées aux systèmes de sécurité malgré une plus grande qualification de la main-d’œuvre.

La situation est pourtant en nette amélioration par rapport à celle qui prévalait il y a une dizaine d’années. L’essentiel des progrès a été acquis au début des années 2000, marquées par des fortes dans le secteur. De 1998 à 2001, en effet, l’emploi salarié dans la sécurité progresse fortement (+ 13,6 % en moyenne annuelle), accompagnant la croissance du nombre de sociétés (graphique 2). Dans le même temps, le volume d’heures travaillées dans le secteur augmente de 5,4 % en moyenne par an. Par contre, le turn-over s’accroît, les salariés restant moins longtemps chez le même employeur (− 12 jours sur un an, entre 1998 et 2001). De fait, la main-d’œuvre disponible se raréfie et les tensions sur le marché du travail s’accroissent. Pour faire face aux difficultés de recrutement, les employeurs augmentent les rémunérations : entre 1998 et 2002, les salaires horaires moyens en euros constants (par rapport à 1998) progressent de 4,4 % en moyenne par an (graphique 2), contre 3,4 % dans les services marchands.

Depuis 2003, les difficultés de recrutement se sont résorbées et, en valeur réelle, la rémunération horaire progresse plus lentement. Entre 2003 et 2010, le marché du travail se stabilise, avec une augmentation du nombre de postes de 0,6 % en moyenne annuelle ; la durée dans l’emploi s’allonge régulièrement (+ 2,0 % par an) tandis que la part des postes à temps plein progresse. En 2010, le turn-over des emplois dans le secteur de la sécurité diffère peu de la moyenne des services marchands, il est même légèrement inférieur : la probabilité qu’un salarié occupant un emploi dans une société soit encore présent dans la même société un an après est de 53 % contre 51 % dans les services marchands.

La crise de 2009 n’a pas dégradé les conditions d’emploi des salariés en place : les employeurs ont limité les embauches et ont répondu à la demande de leurs clients par l’allongement du temps travaillé, notamment via les heures supplémentaires. Le salaire horaire moyen a ainsi poursuivi sa progression, malgré de moindres tensions sur le marché du travail.

Graphique 2Le salaire horaire du secteur « Enquêtes et sécurité » a bénéficié de tensions sur le marché du travail

  • * Voir définitions.
  • Champ : sociétés du secteur « Enquêtes et sécurité ».
  • Sources : Insee, fichiers DADS ; Dares, indicateur de tensions sur le marché du travail.

Une main-d’œuvre peu qualifiée et faiblement rémunérée

En 2010, le secteur des enquêtes et de la sécurité emploie 131 000 salariés en équivalent temps plein (tableau). Ces salariés sont majoritairement peu qualifiés : les deux tiers n’ont pas le baccalauréat, contre seulement 40 % des salariés des services marchands. En 2010, 92 % d’entre eux sont des employés. Ce pourcentage est le plus élevé dans les activités de sécurité privée, où 90 % des salariés sont agents de surveillance. La main-d’œuvre est plus diversifiée dans les activités liées aux systèmes de sécurité : 51 % des salariés sont agents de surveillance, 13 % sont ouvriers et 9 % sont techniciens.

Dans l’ensemble, les salaires versés sont très inférieurs aux salaires des services. Le salaire horaire net moyen est de 9,7 euros en 2010 (contre 13,8 euros dans les services marchands). Les salaires horaires sont les plus faibles dans les activités de sécurité privée (9,5 euros). Les activités d’enquête sont plus rémunératrices (13,1 euros) mais restent inférieures à la moyenne des services.

Les emplois en contrat à durée indéterminée dominent néanmoins (86 % des contrats). Dans ce secteur, dont la main-d’œuvre est essentiellement masculine, le temps plein est plus répandu que dans la moyenne des services (88 % des salariés à temps plein contre 74 % dans les services). Il progresse depuis 2000.

TableauCaractéristiques des emplois salariés du secteur « Enquêtes et sécurité » en 2010

Caractéristiques des emplois salariés du secteur « Enquêtes et sécurité » en 2010
Secteur Nombre de salariés en équivalent temps plein Salaire horaire net (en euros courants) Part des hommes dans l'ensemble des salariés Part des employés dans l'ensemble des salariés Part des salariés à temps plein Part des contrats à durée indéterminée (CDI)
en %
Enquêtes et sécurité 130 800 9,7 85 92 88 86
Activités de sécurité privée 116 600 9,5 86 94 88 86
Activités liées aux systèmes de sécurité 13 800 11,1 81 64 94 91
Activités d'enquête 400 13,1 27 84 94 75
Ensemble des services marchands 3 703 200 13,8 54 39 74 74
  • Champ : sociétés du secteur « Enquêtes et sécurité » et des services marchands non financiers.
  • Source : Insee, Esane 2010 et DADS 2010.

Sources

Les fichiers exploités sont les fichiers fiscaux provenant de la direction générale des Finances publiques et traités par l’Insee. Depuis 2008, le système d’Élaboration des statistiques annuelles d’entreprises (Esane) rassemble dans un seul système les données d’enquête et les fichiers fiscaux sur les unités légales, qu’elles soient indépendantes ou qu’elles appartiennent à un groupe. Pour disposer de données en nomenclature NAF rév. 2 depuis 1994, une rétropolation a été effectuée à partir du répertoire d’entreprises Sirene, des déclarations annuelles de données sociales (DADS, voir ci-dessous) et des liasses fiscales.

Cette étude se fonde sur les unités légales, qui correspondent à la définition juridique de l’entreprise ; la définition économique de la loi de modernisation de l’économie (LME) ne peut pas être actuellement appréhendée sur les données disponibles. Les résultats sont présentés en utilisant l’appellation « sociétés » pour désigner ces unités légales qu’il s’agisse de sociétés, d’entrepreneurs individuels ou d’auto-entrepreneurs.

L’enquête Liaisons financières (Lifi), complétée par la base de données Diane (Disque pour l’analyse économique), permet d’identifier les groupes de sociétés opérant en France et de déterminer leur contour. Elle est utilisée pour les calculs de concentration.

Les déclarations annuelles de données sociales (DADS) sont des déclarations que doit fournir toute entreprise employant des salariés. Elles sont transmises aux organismes de sécurité sociale et à l’administration fiscale. Elles fournissent des données sur les emplois, les salaires et les heures travaillées.

Les enquêtes Emploi de 2008 à 2010 sont utilisées ici pour déterminer le niveau d’études. En métropole, la collecte de l’enquête Emploi est effectuée en continu sur toutes les semaines de l’année. Son échantillon est partiellement renouvelé chaque trimestre.

Le secteur « Enquêtes et sécurité » (division 80 de la NAF rév. 2) comprend les activités de sécurité privée (groupe 80.1), les activités liées aux systèmes de sécurité (groupe 80.2) et les activités d’enquête (groupe 80.3).

Les services marchands non financiers correspondent dans cette étude aux sections I à S de la nomenclature NAF rév. 2, hors sections K, O, P et Q.

Définitions

Nombre de salariés en équivalent temps plein : il est calculé en rapportant le nombre d’heures salariées travaillées à celui d’un temps plein dépendant du secteur et de la taille de l’entreprise.

Valeur ajoutée hors taxes : c’est le solde du compte de production de l’entreprise. Elle est égale à la valeur de la production diminuée des consommations intermédiaires.

Consommations intermédiaires : il s’agit de la valeur des biens et services transformés ou entièrement consommés au cours du processus de production.

Rentabilité économique : c’est le rapport entre l’EBE et les immobilisations corporelles et incorporelles (hors fonds commercial).

Les immobilisations corporelles regroupent les terrains, les constructions, les installations techniques, le matériel et outillage industriels, les immobilisations en cours et les avances et acomptes versés pour leur acquisition.

Les immobilisations incorporelles (hors fonds commercial) regroupent les frais d’établissements, de recherche, de développement, de concessions, de brevets et les avances et acomptes versés pour leur acquisition.

Excédent brut d’exploitation (EBE) : c’est la différence entre la valeur ajoutée et les frais de personnel.

Taux de marge : il rapporte l’EBE à la valeur ajoutée hors taxes.

Indicateur de tensions sur le marché du travail : calculé par la direction de l’Animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares), au ministère du Travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, cet indicateur rapporte le nombre d’offres d’emploi collectées par Pôle emploi aux demandes d’emploi enregistrées.