Comprendre le calcul du pouvoir d’achat : perceptions individuelles et mesure statistique
- Ressenti individuel et statistiques ?
- L'indice des prix à la consommation n'est pas un indice du coût de la vie
- L’indice des prix à la consommation : pourquoi doit-on le calculer ? comment ?
- Comment se construit l’indice des prix à la consommation (IPC) ?
- Comment se calcule l'indice des prix ?
- Le pouvoir d'achat mesuré par l’Insee
- Les autres indices
Ressenti individuel et statistiques ?
La croissance du pouvoir d'achat mesurée par l'Insee se heurte quelquefois au scepticisme. Le malentendu, incarné par un « pouvoir d’achat ressenti » se nourrit largement de la confrontation entre un total national et des situations individuelles.
Un total national et des situations individuelles
Le chiffre le plus couramment diffusé par l'Insee correspond au pouvoir d’achat du revenu total des ménages résidant sur le territoire français. L’évolution de cet indicateur ne renseigne donc pas directement sur celle d’un individu en moyenne. En effet, deux phénomènes sont à prendre en compte :
- l’augmentation régulière de la population française soit environ 0,4 % par an. Les revenus créés par l’activité économique se répartissent donc sur un nombre croissant d’habitants.
- les modes de vie à l’instar de la vie en commun qui permet de réduire certaines dépenses comme celles pour le logement. Or la taille moyenne des ménages tend à diminuer.
Le pouvoir d’achat par unité de consommation pour refléter la situation individuelle moyenne
Pour mieux refléter la situation individuelle moyenne, l’Insee calcule un revenu et un pouvoir d’achat par unité de consommation.
La notion d’unité de consommation (UC) rend compte du fait que la vie en commun permet de réduire certaines dépenses. Dans un foyer, le premier adulte compte pour une UC, une personne supplémentaire de plus de 14 ans pour 0,5 UC. Chaque enfant de moins de 14 ans compte pour 0,3 UC.
Ainsi, les besoins d'un ménage ne s'accroissent pas en stricte proportion de sa taille. Lorsque plusieurs personnes vivent ensemble, il n'est pas nécessaire de multiplier par le nombre de personnes tous les biens de consommation pour garder le même niveau de vie, en particulier, les biens de consommation durables tels que le réfrigérateur ou la machine à laver, mais aussi l’abonnement à internet ou à un fournisseur de gaz et d’électricité.
Évolution en moyenne et diversité des situations individuelles
Comme toute moyenne, le pouvoir d’achat par unité de consommation n'interdit pas une grande variété des situations individuelles. Ainsi, une hausse du pouvoir d'achat moyen n'est pas contradictoire avec une baisse pour une partie des ménages, et même une forte baisse pour certains d'entre eux.
Cette disparité entre les ménages est d’autant plus importante que la croissance du pouvoir d’achat par unité de consommation a fortement ralenti depuis la crise : +0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2017 au lieu de +1,9 % par an en moyenne entre 1997 et 2007. Il y a donc eu au cours des dernières années davantage de ménages qui ont subi des pertes de pouvoir d’achat.
Revenu et pouvoir d’achat « arbitrables » plus proches du vécu
Pour se rapprocher du vécu des Français, l’Insee calcule le revenu et le pouvoir d’achat « arbitrables » des ménages. Il s’agit du revenu et du pouvoir d’achat, déduction faite des dépenses pré-engagées. Ces dépenses sont les consommations qui prennent la forme d’un contrat ou d’un abonnement difficilement renégociable à court terme. Ils concernent le logement (loyer, chauffage…), les services financiers, les technologies de l’information et de la communication.
La part des dépenses pré-engagées dans le budget des ménages a été forte entre 1960 et 1985. Sur les 20 dernières années le poids des dépenses pre engagées est passé de 26,8 % à 29,4 %.
De ce fait, les ménages disposent de marges de manœuvre plus réduites qu’auparavant dans la gestion de leur budget. Ceci influence sans nul doute la perception qu’ils ont de l’évolution de leur pouvoir d’achat. De plus, la part des dépenses pré-engagées dans le budget est plus élevée pour les ménages à faibles revenus : elle passe de 38 % pour les ménages pauvres et à 22 % pour les ménages aisés, selon une étude de la Drees de 2016.
L'indice des prix à la consommation n'est pas un indice du coût de la vie
La croissance du pouvoir d'achat mesurée par l'Insee se heurte quelquefois au scepticisme. Le malentendu, incarné par un « pouvoir d’achat ressenti » se nourrit largement de la confrontation entre un total national et des situations individuelles.
L’indice des prix à la consommation : pourquoi doit-on le calculer ? comment ?
Pourquoi un indice moyen, représentatif de l'ensemble de la consommation des ménages ?
L’indice des prix à la consommation est la référence pour déterminer l'évolution : des loyers (via l'indice de référence des loyers), des retraites, ainsi que des pensions alimentaires et des rentes viagères. De même, l'IPC est pris en compte pour l'indexation du SMIC.
L'indice des prix à la consommation a, par ailleurs, un usage économique. Il permet de diagnostiquer, au mois le mois, une éventuelle accentuation des tensions inflationnistes ou déflationnistes au sein de l'économie française. Autour du 13 de chaque mois, l'IPC du mois précédent est mis en ligne avec une décomposition fine en 250 postes environ. En janvier de chaque année sont mises en ligne des données annuelles encore plus détaillées pour plus de 350 postes. Afin de fournir le plus rapidement possible l’information aux décideurs, l’Insee publie aussi un indice des prix provisoire portant sur le mois courant en fin de mois.
La huitième génération d'indice
La première génération d'IPC date de 1914. Bien sûr, à l'époque, le champ des
produits couverts et du territoire concerné était légèrement différent. Nous sommes
passés de l'agglomération parisienne à l'ensemble du territoire et à nous couvrons
l'ensemble de la consommation des ménages. L'IPC publié aujourd'hui (la base 2015)
est la huitième génération d'indice.
La construction de l'IPC se fonde sur des méthodologies internationales
La méthodologie de l’IPC résulte des travaux et des arbitrages des experts nationaux et des organisations internationales (Eurostat, FMI, ONU, BIT). Les méthodologies et les choix de l'Insee ne sont pas spécifiques à la France : il existe un règlement européen qui définit très précisément la manière de calculer l'IPC et qui est partagé avec les autres pays européens.
Les discussions dans ces groupes ne portent pas uniquement sur une possible sous-estimation de l'inflation mais également une sur-estimation.
Par exemple : le progrès technologique et les nouveaux produits numériques sont-ils pris en compte correctement dans l'IPC ? Ne sous-estime-t-on pas la croissance qui en découle ? Ces discussions ont été particulièrement importantes dans les années 90 avec le développement des ordinateurs, puis ces dernières années avec le développement de l' économie numérique.
Comment se construit l’indice des prix à la consommation (IPC) ?
L’IPC est basé sur l'observation d'un panier fixe de biens et services
Ce panier est actualisé chaque année pour rester représentatif de la consommation des ménages : au cours de ces 40 dernières années, l’indice des prix à la consommation a donc remplacé dans son panier le disque vinyle par la cassette-audio puis par le CD avant d’intégrer la musique en streaming. Le poids de chaque produit dans l'indice global est celui qu’il a dans la dépense de consommation des ménages. Le calcul de l'IPC se fonde chaque mois sur 200 000 prix collectés par des enquêteurs dans des points de vente et 190 000 prix relevés centralement ( consommation internet, tarifs collectés auprès d'organismes nationaux ou régionaux tels que les opérateurs de télécommunications, EDF, la SNCF, les banques, les services publics locaux…). Toutes les formes de ventes sont concernées, marchés, grande distribution..., sur tout le territoire et pour l'ensemble des produits consommés par les ménages. Les mêmes articles sont relevés mois après mois, dans les mêmes points de vente. Pour chacun, il doit s'agir exactement du même modèle, de la même marque, du même conditionnement. L’objectif est de s’assurer que l’écart de prix mesuré ne reflète pas un changement de quantité ou de qualité du produit qui pourrait le justifier.
Les caractéristiques sont définis ainsi avec une grande précision : par exemple le prix au kilo de la baguette de pain ordinaire de 180 à 270 grammes ; le prix au kilo de l'entrecôte de bœuf ; la place de cinéma dans un complexe multisalles ; la place de cinéma hors complexe multisalles... Cependant, le prix d'un produit et son évolution dépendent du type de commerce dans lequel il est acheté : petits magasins traditionnels, grands magasins et grandes surfaces spécialisées, hypermarchés, supermarchés, supérettes, maxi-discompte, marchés... Le prix dépend aussi, dans une moindre mesure, de l'implantation géographique du commerce : certains prix sont plus élevés dans les grandes agglomérations, en particulier à Paris, que dans les petites villes, d'autres sont plus bas. Les points de vente visités sont donc répartis dans toutes les formes de vente et sur l'ensemble du territoire, pour que chaque taille d'agglomération soit convenablement représentée.
Les prix relevés sont les prix affichés, toutes taxes comprises et tiennent compte des soldes, des promotions et des remises immédiates en caisse, mais pas des réductions privées (cartes de fidélité) ni des remises non immédiatement déductibles en caisse (coupons).
Au plus près des consommateurs dans le respect du code de la statistique publique
La réglementation européenne rend obligatoire le suivi de tout produit représentant plus d'un millième de la consommation des ménages. Les variétés effectivement retenues ne sont connues que des unités chargées du calcul de l'indice des prix à l'Insee. Il en est de même pour la liste des points de vente où sont relevés les prix. Ceci permet d'éviter les suspicions de manipulation de l'indice comme dans les années 1950 où des politiques de blocage des prix étaient la réponse aux poussées inflationnistes.
Cependant, comme pour toutes les données recueillies par l’Insee, le secret statistique peut être levé pour autoriser l’accès aux données qui ont contribué au calcul de l’IPC à des fins de recherche scientifique notamment. Une telle décision appartient au comité du secret statistique (art. 6 bis de la loi n°51-711 sur l'obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques).
La totalité des décisions concernant l'élaboration de l'indice de prix sont prises en toute indépendance par les statisticiens de l'Insee. Ce principe d'indépendance a été réaffirmé par le Code de bonnes pratiques de la statistique européenne promulgué par la Commission européenne en 2005.
Pourquoi l’IPC exclut-il les dépenses d'achat de logement ?
Les logements ne sont pas considérés comme des produits de consommation, mais comme des biens patrimoniaux : l'usage d'un logement n'entraîne pas sa destruction, même progressive, il est fréquent que la valeur d'un logement augmente avec le temps, enfin l'achat d'un logement est, pour une part, un placement financier. C'est pourquoi les acquisitions de logement ne sont pas prises en compte dans l'indice des prix à la consommation. Les remboursements de prêts immobiliers, ou d'ailleurs ceux relatifs aux crédits à la consommation, ne le sont pas davantage du fait qu'ils relèvent d'opérations financières et qu'ils n'ont pas la nature de dépenses de consommation.
Les loyers payés par les ménages locataires sont, eux, pris en compte, parce que l'on considère qu'ils correspondent à la consommation d'un service de logement. La part des loyers dans l'IPC, 8 % en 2018, correspond à la part de ces dépenses dans l'ensemble de la consommation des ménages. Il s'agit d'un taux moyen, calculé pour tous des ménages, qu'ils soient locataires ou propriétaires : pour les locataires, qui représentent 40 % des ménages environ, ce taux est de l’ordre de 20 %, et pour les propriétaires, 60 % des ménages, il est par définition nul En conséquence, ce chiffre de 8 % est bien inférieur au poids des loyers dans le budget des ménages locataires.
Afin de décrire la situation de différents types de ménage, l'Insee produit également des indices par catégorie de ménages (locataire, accédant à la propriété, propriétaire).
Au cours des 20 dernières années, l'inflation subie par les ménages locataires n'est de fait pas très différente de l’inflation calculée pour l’ensemble des ménages (elle est même légèrement inférieure ces dernières années).
L'IPC neutralise les améliorations de qualité des produits achetés par les ménages
L’IPC est fondé sur l'observation des prix d'un ensemble fixe de produits et de services, de caractéristiques constantes afin de s’assurer que les évolutions de prix ne mesurent pas des différences de qualité du produit qui justifieraient la différence de prix. Cependant, certains produits disparaissent en cours d’année (par exemple : une nouvelle génération de téléphone remplace la précédente), empêchant les enquêteurs de l’Insee de suivre le même produit. L’Insee procède alors au remplacement de ces produits et effectue des ajustements pour neutraliser la différence de qualité. Ces ajustements ne sont pas subjectifs. Ils reposent sur l'idée qu'à un moment du temps, si deux produits coexistent, leurs différences de prix reflètent une différence de qualité.
L’IPC mesure donc l'évolution des prix à qualité constante : une amélioration de la qualité procure une utilité plus importante au consommateur qui justifierait un prix plus élevé
La neutralisation de la qualité se fait dans les deux sens : on neutralisera tout autant une augmentation de prix d'un produit liée à une amélioration de la qualité du produit qu'une baisse de prix liée à la détérioration de la qualité.
L'indice des prix à la consommation n'est pas un indice du coût de la vie. Un indice du coût de la vie prendrait notamment en compte les coûts supplémentaires pour les ménages, résultat de l'apparition de biens et services qui n'existaient pas auparavant ainsi que des nouveaux modes de vie et de consommation devenus la norme. Aujourd’hui, le coût de la vie serait probablement plus important qu’il y a 50 ans car c’est la norme d’avoir un téléphone portable, le forfait associé, une voiture, un téléviseur, ce qui n’était pas le cas il y a 50 ans…
À l’inverse, l’indice des prix à la consommation mesure l’évolution des prix à structure de consommation constante. Le prix de tous ces biens devenus indispensables a baissé (ou bien leur qualité s’est considérablement accrue) et c’est cette baisse que l’IPC retrace. Le changement de structure de la consommation - l’achat d’un téléphone portable devenu indispensable à la vie de tous les jours - ou l’amélioration de la qualité de ces produits - les smartphones rendant beaucoup plus de services que les premiers téléphones portables - se traduisent par une augmentation de l'utilité du consommateur et pas par une augmentation des prix.
Comment se calcule l'indice des prix ?
Chaque relevé de prix est incorporé dans l'indice d'ensemble en fonction de son poids dans la consommation des ménages. Ce poids est tiré notamment de la répartition des dépenses de consommation par postes évaluée dans le cadre des comptes nationaux : le poids des carburants par exemple représente 3,5 % de la consommation des ménages. Celle-ci comprend à la fois des dépenses fréquentes, récurrentes (comme les carburants, les dépenses alimentaires) mais également des dépenses peu fréquentes mais onéreuses et dont le poids peut être de ce fait conséquent (l’achat de voiture représente ainsi 3,6 % de la consommation des ménages). Cette répartition est mise à jour chaque année : le poids de la communication dans le panier de l’IPC, a ainsi augmenté de près de moitié en 30 ans.
Ces calculs donnent un indice des prix moyen. En complément, l'Insee publie des indices de prix par catégories de ménages, calculés à partir de la structure de consommation de ces catégories. Des indices de prix sont par exemple calculés selon l’âge (les ménages plus âgés consomment par exemple plus de produits de santé dont les prix progressent moins vite que l’inflation), la situation par rapport au logement (le poids des loyers étant plus important pour les locataires)...
Ce sont toujours des indices de prix moyens : au sein d'une catégorie, les prix évoluent plus vite que l'indice pour certains ménages et moins vite pour d'autres. C’est pourquoi, l’Insee a réalisé un simulateur d'indice personnalisé. Avec ce simulateur, chacun peut calculer un indice des prix plus ou moins proche de sa situation personnelle en modifiant les pondérations de 21 groupes de produits (carburants, loyers, alimentation, communication...) en fonction de ses propres habitudes de consommation.
Le pouvoir d'achat mesuré par l’Insee
Les statistiques sur le pouvoir d'achat proviennent généralement des comptes nationaux. Ceux-ci fournissent une image globale et cohérente de l'activité économique du pays, selon des définitions internationales. Dans ce cadre, l'évolution du pouvoir d'achat est calculée pour l'ensemble des ménages, par différence entre l'évolution du revenu des ménages et l'évolution de l'indice des prix.
évolution du pouvoir d'achat = évolution du revenu des ménages – évolution des prix
Le revenu utilisé est le revenu disponible brut dont sont déduits les cotisations sociales et impôts directs.
Indice utilisé pour le calcul du pouvoir d'achat des ménages
L'indice de prix utilisé pour le calcul du pouvoir d'achat des ménages dans le cadre des comptes nationaux est l'indice de la dépense de consommation des ménages. Cet indice est légèrement différent de l'indice des prix à la consommation (IPC). Il utilise les évolutions de prix collectés pour les besoins de l'IPC, mais il donne un poids différent à certains postes. En particulier, il donne un poids beaucoup plus important aux loyers que l'IPC (plus du double). En effet, en comptabilité nationale, on considère que les ménages propriétaires consomment un service de logement, comme le font les ménages locataires. Le montant retenu pour la consommation d'un ménage propriétaire de son logement est égal au loyer qu'il paierait pour un logement ayant des caractéristiques équivalentes.
Les autres indices
Inflation sous-jacente
Cet indice exclut les prix soumis à l'intervention de l'État, le tabac et les tarifs publics, et ceux qui subissent des variations brutales dues à des facteurs climatiques ou à des mouvements sur les marchés mondiaux : les produits frais et l'énergie. Cet indice est corrigé des variations saisonnières. Il permet de mieux apprécier la tendance de fond de l'évolution des prix que l'indice général.
Indice pour la revalorisation du SMIC
L’indice des prix à la consommation des ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie est utilisé pour l'indexation du SMIC.
Cet indice est une déclinaison de l'IPC dans laquelle on prend en compte, non plus la structure moyenne de consommation d'un ménage français, mais la structure de consommation des 20 % de ces ménages dont le niveau de vie est le plus faible.
Indice des prix dans la grande distribution (hypermarchés, supermarchés)
L'indice dans la grande distribution porte sur les prix des produits de grande consommation. Il est élaboré à partir des données collectées pour l'indice général dans ce type de magasin. Les contrôles et le traitement des données sont identiques à ceux de l'indice général.
L'indice ne concerne que la métropole.
Indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH)
Les indices de prix des pays de l'Union européenne ont fait l'objet d'un travail d'harmonisation sous la coordination d'Eurostat. Dans le cas de la France, l'IPC et l'IPCH ont des évolutions assez proches, reflet de leur proximité méthodologique.