Insee Première · Octobre 2025 · n° 2074

22 % des exportations régionales sont concentrées sur une centaine d’établissements et révèlent de fortes spécificités géographiques

En 2022, les établissements français (des secteurs marchands non agricoles, non financiers) exportent 470 milliards d’euros de marchandises. Les exportations de services (environ 117 milliards d’euros en 2022), ne sont pas comptabilisées (méthodes).

Les exportations des grandes entreprises (GE) ou des entreprises multirégionales ne sont pas toujours représentatives des exportations depuis une région française donnée. Ces entreprises ont des stratégies comptables complexes. Leur prise en compte biaiserait l’analyse régionale.

La suite de l’étude porte donc sur les 97 000 établissements exportateurs de marchandises dits « régionaux » (méthodes). Ils appartiennent à une petite et moyenne entreprise (PME) ou à une entreprise de taille intermédiaire (ETI) dont plus de 80 % des effectifs salariés sont localisés dans une même région (entreprises dites monorégionales ou quasi monorégionales). En 2022, ces établissements, qui représentent 2 % de l’ensemble des établissements appartenant à des PME et des ETI, exportent 192 milliards d’euros de marchandises, soit 41 % de l’ensemble des exportations de marchandises (figure 1).

En 2022, 42 % des établissements exportateurs régionaux ont exporté des marchandises chaque année, au moins depuis 2019 (figure 2). Ces exportateurs réguliers représentent 84 % des exportations régionales, soit 161 milliards d’euros de marchandises. Parmi eux, moins de 10 % destinent l’ensemble de leurs exportations à un seul pays ou exportent un seul produit, ce qui représente respectivement 2,2 % et 3,4 % de l’ensemble des exportations régionales.

La taille influence fortement le niveau des exportations : 14 % des exportateurs régionaux appartiennent à une ETI et réalisent 69 % des exportations régionales, soit 133 milliards d’euros de marchandises. Une entreprise sécurise plutôt d’abord son marché national et s’ouvre généralement au marché international lorsqu’elle croît. Pour exporter, elle doit donc atteindre une certaine taille ou appartenir à un groupe.

Près de la moitié des établissements exportateurs régionaux (47 %) font partie d’une entreprise qui est soit un groupe, soit appartient elle‑même à un groupe et réalisent à eux-seuls 89 % des exportations régionales. L’implantation internationale du groupe favorise d’autant plus les exportations. Les établissements exportateurs appartenant à un groupe étranger destinent fréquemment leur marchandise au pays d’origine du groupe : ces flux représentent 7 % des exportations régionales (13 milliards d’euros).

Les 100 premiers établissements exportateurs régionaux réalisent 22 % des exportations régionales, soit 42 milliards d’euros. Ils appartiennent presque tous à une ETI qui fait elle‑même partie d’un groupe, et sont des exportateurs réguliers. Ce sont notamment des acteurs de l’énergie (raffinage de pétrole, fourniture de gaz), des fabricants de matériels de transport (aérospatial, automobile et bateaux), des fournisseurs industriels (spécialisés dans la manutention, les semi‑conducteurs, etc.), des établissements de l’industrie pharmaceutique, de la parfumerie et de la joaillerie. Parmi eux, quelques exportateurs commerciaux exportent des marchandises produites par autrui. Ils sont fréquemment situés en Île‑de‑France, en Auvergne Rhône‑Alpes, ou à proximité des ports (Le Havre, Rouen, Dunkerque).

Les produits issus de l’industrie chimique (notamment le parfum), de la fabrication de machines et d’équipement et des industries alimentaires constituent un tiers des exportations régionales (figure 3). Les exportations de ces produits proviennent pour les deux tiers des quatre premières régions exportatrices, l’Île-de-France, Auvergne Rhône‑Alpes, Grand‑Est et les Hauts‑de‑France.

D’autres marchandises se distinguent. Le vin représente 4 % des exportations régionales. Il provient principalement de Nouvelle‑Aquitaine et de Bourgogne Franche‑Comté. Les céréales (3 % des exportations régionales) sont surtout exportées depuis la Normandie à partir du port de Rouen, premier port céréalier français. Dans cette région, deux établissements exportateurs commerciaux exportent des céréales produites par d’autres établissements, qui ne sont pas exclusivement normands. Les aéronefs et astronefs représentent également 3 % des exportations régionales. Ils sont exportés d’Occitanie où le siège d’Airbus et de nombreux sous-traitants spécialisés dans ce secteur sont implantés. Les catégories de produits exportés sont globalement stables entre 2019 et 2022.

L’Île‑de‑France est la première région exportatrice (18 % des exportations régionales) (figure 4). Elle exporte principalement des parfums et produits pour la toilette (d’abord vers les États‑Unis), des articles de joaillerie et bijouterie, et des aéronefs et engins spatiaux (notamment vers le Royaume-Uni et l’Allemagne).

Au sein des quatre principaux groupes de luxe, environ 11 500 établissements sont des exportateurs régionaux (PME ou ETI mono ou quasi monorégionales). Ils exportent 1,3 milliard d’euros de marchandises, soit moins de 1 % des exportations régionales. Il s’agit essentiellement de bijoux, de vêtements et d’articles de maroquinerie. 71 % de ces exportations partent d’Île‑de‑France. Ces établissements sont détenus par les groupes Agache (qui possède LVMH) et Kering. Aucun n’appartient à Hermès et L’Oréal, groupes formés d’entreprises de plus grande taille et/ou multirégionales.

Les premiers destinataires des exportations régionales sont des pays européens frontaliers : l’Allemagne accueille 14 % des exportations, l’Espagne et l’Italie chacune 8 % et la Belgique 7 %. Cette répartition reste quasi identique entre 2019 et 2022. La proximité géographique facilite les échanges : les régions frontalières exportent davantage vers les pays avec lesquels elles partagent une frontière. La région Grand Est exporte 32 % de ses marchandises vers l’Allemagne (d’abord des véhicules et des pièces automobiles). Les Hauts‑de‑France expédient 18 % de leurs exportations vers la Belgique. L’Italie est le deuxième pays destinataire des exportations provenant d’Auvergne Rhône-Alpes après l’Allemagne. La Suisse est le troisième pays destinataire de la région Bourgogne Franche-Comté, après l’Allemagne et l’Italie, pour des articles d’horlogerie notamment. Enfin, la région PACA exporte d’abord vers l’Italie (produits chimiques) et les régions Nouvelle-Aquitaine et Occitanie vers l’Espagne.

Les produits exportés dépendent des spécialisations sectorielles régionales, qui s’affirment de façon très marquée au niveau départemental. Certains des départements pour lesquels les entreprises régionales exportent plus d’un milliard d’euros de marchandises sont très spécialisés. Pour une trentaine d’entre eux, le premier produit exporté représente plus du quart du total des exportations (figure 5). Par exemple, 48 % des exportations régionales des Alpes‑Maritimes sont des huiles essentielles. Dans ce département, une centaine d’établissements exportent ce type de produit, en lien avec la spécialisation historique de la ville de Grasse dans l’univers de la parfumerie (culture de fleurs à parfums, transformation de ces fleurs en huiles essentielles et élaboration de fragrances). De même, la Marne, la Gironde et la Charente sont très spécialisées dans les exportations de boissons alcoolisées (environ la moitié de leurs exportations) : 300 établissements marnais exportent essentiellement du champagne, 850 établissements girondins du vin et une centaine d’établissements charentais du cognac.

Les États‑Unis sont le premier pays destinataire des exportations régionales hors Union européenne (UE). En 2022, les exportations vers ce pays s’élèvent à 7 % de l’ensemble des exportations régionales, soit 14 milliards d’euros. Il s’agit d’abord de produits chimiques (16 %, notamment des parfums et produits pour la toilette), de machines et équipements (13 %) et de boissons (vin 9 % et boissons alcoolisées distillées 4 %).

20 530 établissements régionaux exportent vers les États‑Unis. Un tiers d’entre eux y expédient plus de la moitié de leurs exportations, soit 3 milliards d’euros au total. Parmi eux, 3 500 établissements destinent même la totalité de leurs exportations (2 milliards d’euros) aux États‑Unis. Cette dépendance est particulièrement marquée pour les vins et le cognac.

Un millier d’établissements régionaux dépendent à la fois des États-Unis (plus de 50 % de leurs exportations partent vers ce pays) et des marchés extérieurs (ils appartiennent à une unité légale qui réalise plus de 50 % de son chiffre d’affaires à l’exportation).

En 2022, 37 % des exportations ne partent ni vers les pays membres de l’UE, ni vers les États‑Unis. Elles sont d’abord destinées à deux pays européens, le Royaume‑Uni (6,1 %, soit 11,6 milliards d’euros) et la Suisse (4,3 % soit 5,0 milliards d’euros). Viennent ensuite la Chine (3,3 %, soit 6,3 milliards d’euros), les pays du Maghreb (Maroc, Algérie, Tunisie, 3,6 % au total, soit 7,0 milliards d’euros), la Turquie (1,2 %, soit 2,4 milliards d’euros) et des pays est-asiatiques : Japon et Corée du Sud (ensemble 2,2 % au total, soit 4,3 milliards d’euros).

En 2022, 9 340 établissements exportent vers la Chine. 5 320 établissements exportent à la fois vers la Chine et les États‑Unis. Cela s’explique par la similarité des produits exportés : en 2022, le vin est le premier produit exporté vers la Chine. Viennent ensuite les parfums et produits pour la toilette, puis les fils et fibres textiles (du fait de la spécialisation chinoise dans la fabrication de vêtements). Les principaux départements exportateurs sont situés en Île‑de‑France et dans les régions viticoles.

La Chine est le premier pays de destination des produits de luxe : 16 % des exportations des établissements régionaux identifiés comme appartenant à un grand groupe de luxe français partent vers ce pays. Mais rapporté au montant total des exportations à destination de ce pays, c’est peu : les produits de luxe ne pèsent que 3,4 % des exportations régionales vers la Chine.

Le contexte géopolitique a un impact sur les échanges de marchandises. En 2020, la crise sanitaire et le Brexit ont engendré une diminution des exportations régionales vers le Royaume-Uni (y compris l’Irlande du Nord) de 16 %. Ce n’est qu’en 2022, qu’elles dépassent à nouveau leur niveau de 2019 en valeur. Cependant, la part des exportations régionales vers le Royaume‑Uni passe de 7,0 % en 2019 à 6,1 % en 2022.

Entre 2021 et 2022, en raison de la guerre russo‑ukrainienne et des embargos européens décidés à l’encontre de la Russie, les exportations vers les deux pays concernés ont été divisées par deux. Ces exportations représentent à peine 1 % des exportations régionales.