Insee Analyses Normandie · Décembre 2024 · n° 133

Adéquation emploi niveau de diplôme : seul un salarié sur quatre en situation de déclassement professionnel en Normandie

Sur le marché du travail, le diplôme reste déterminant pour accéder à l’emploi. En 2021, près de 80 % des bacheliers normands en âge de travailler, et qui ne sont pas étudiants, occupent un emploi contre moins de 65 % des non-bacheliers. Le taux d’emploi dépasse même les 85 % pour les diplômés de l’enseignement supérieur dans la région. Pour autant, l’emploi occupé ne correspond pas nécessairement au niveau de diplôme détenu : dans cette étude, un salarié est ainsi considéré en situation de déclassement professionnel si le niveau de diplôme qu’il a atteint est supérieur à celui le plus fréquemment observé au sein de sa catégorie socioprofessionnelle à l’échelle nationale (pour comprendre).

Selon cette approche, parmi les 1,1 million de salariés résidant en Normandie, 260 000 sont en situation de déclassement professionnel en 2021. Avec 23,3 % de salariés déclassés, la Normandie est la troisième région métropolitaine la moins concernée par le déclassement professionnel, à peine plus qu’en Île-de-France (23,0 %) et en Centre-Val de Loire (22,9 %), bien en deçà du taux atteint en France métropolitaine (24,7 %). Les positions de la Normandie et du Centre-Val de Loire sont en particulier liées à la moindre proportion de personnes diplômées de l’enseignement supérieur sur leur territoire. Un peu plus de deux salariés sur dix seulement sont titulaires d’un diplôme de niveau « Bac+3 » ou plus dans ces deux régions, contre trois sur dix au niveau national. En Île-de-France, les résidents sont en revanche plus diplômés et donc, a priori, plus susceptibles d’être déclassés. Mais, le taux de déclassement observé dans cette région reste faible en raison de la présence marquée d’emplois de cadres (un emploi sur trois contre un emploi sur cinq au niveau national), et de ce fait d’une certaine adéquation entre les diplômes des salariés et les emplois occupés. A contrario, la Bretagne apparaît comme la région où le déclassement est le plus fréquent (28,1 %), en raison d’une population plus diplômée et alors que les emplois d’ouvriers sont surreprésentés.

Les ouvriers et les employés sont plus souvent en situation de déclassement professionnel, en Normandie comme en France métropolitaine (figure 1). Plus de 25 % des ouvriers ou des employés qui résident dans la région sont déclassés professionnellement. Avec un taux de déclassement professionnel supérieur à 40 %, les employés administratifs d’entreprise et les ouvriers agricoles sont les plus concernés. À l’inverse, les employés de commerce ou de la fonction publique sont moins fréquemment déclassés professionnellement, avec une part deux fois moins élevée.

Dans la région comme au niveau national, les personnes occupant une profession intermédiaire sont également sujettes au déclassement professionnel. En effet, un Normand sur quatre exerçant ce type de profession est déclassé professionnellement. Avec plus de la moitié des salariés en situation de déclassement professionnel, les contremaîtres, agents de maîtrise et les professions intermédiaires administratives de la fonction publique sont particulièrement concernés. À l’inverse, les professions intermédiaires de la santé et du travail social, et dans une moindre mesure, les techniciens et les employés de la fonction publique, sont moins de 20 % à se trouver dans cette situation.

S’agissant des cadres, le niveau de diplôme le plus souvent observé parmi ces emplois est le plus élevé (bac+5 ou doctorat). De facto, les salariés de cette catégorie socio-professionnelle ne peuvent donc pas être en situation de déclassement professionnel.

En Normandie comme en France métropolitaine, la fréquence des situations de déclassement professionnel diminue avec l’âge (figure 2). Avec un taux proche de 40 %, les salariés normands âgés de moins de 30 ans sont trois fois plus concernés par le déclassement professionnel que les plus de 50 ans. Cette différence marquée peut s’expliquer par les diplômes en moyenne plus élevés détenus par les plus jeunes (encadré 1) et par un recrutement sur des postes de débutants. À l’inverse, grâce à la valorisation de leur expérience professionnelle et à des promotions, les salariés plus âgés sont nettement plus souvent surclassés professionnellement : plus de 40 % des plus de 50 ans sont en position de surclassement professionnel (pour comprendre) contre moins de 25 % des moins de 30 ans.

À l’inverse de la situation générale en Normandie, le taux de déclassement professionnel des salariés âgés de moins de 30 ans est plus élevé dans la région que dans l’ensemble de la France métropolitaine. Le nombre de postes de cadres présents sur le territoire, proportionnellement plus faible que dans l’ensemble de la France métropolitaine, engendre cette spécificité de la région. En revanche, les salariés de plus de 50 ans sont davantage surclassés en Normandie qu’au niveau national.

L’adéquation (pour comprendre) entre profession et niveau de diplôme est maximale entre 30 ans et 55 ans. La part des salariés de ces classes d’âges dont l’emploi correspond à leur niveau d’études est comprise entre 43 % et 47 %. Ceci peut traduire un préalable souvent nécessaire pour les plus jeunes, à savoir l’acquisition d’une première expérience professionnelle avant d’occuper une profession conforme à leur niveau de diplôme.

En Normandie, les salariés du secteur agricole, essentiellement des ouvriers, sont plus fréquemment en situation de déclassement professionnel (figure 3). Si près de 40 % d’entre eux sont concernés, ils ne sont jamais plus de 25 % dans les autres secteurs. Cependant, l’agriculture ne représente que 1 % des salariés de la région et ne contribue, de ce fait, que marginalement au taux de déclassement observé en Normandie (+0,5 point).

Les services principalement marchands contribuent fortement au déclassement professionnel à hauteur de 10,3 points. Avec plus de trois salariés sur dix en situation de déclassement professionnel, les activités financières et d’assurance (forte présence de diplômés du supérieur) ou de l’hébergement et de la restauration (prépondérance des employés et des salariés plus jeunes) sont les plus concernées.

Dans l’industrie, plus d’un tiers des salariés travaillant dans l’activité de production et distribution d’électricité, de gaz, de vapeur et d’air conditionné sont déclassés. L’industrie manufacturière, qui domine l’industrie normande, affiche un taux de déclassement professionnel légèrement supérieur à la moyenne régionale (24,8 % contre 23,3 %), alors que les industries extractives, peu présentes dans la région, sont moins concernées (15,3 %).

Le tertiaire non marchand, incluant notamment les services publics, est le secteur présentant le moins de situations de déclassement professionnel (encadré 2).

Les intérimaires constituent une catégorie de salariés qui apparaît particulièrement concernée par le déclassement professionnel. Toutes choses égales par ailleurs, les salariés placés en agence d’intérim sont deux fois plus souvent déclassés professionnellement que l’ensemble des autres salariés. En revanche, les femmes sont moins exposées à cette situation que les hommes. C’est donc la structure productive régionale qui explique le taux de déclassement professionnel plus important pour les femmes que pour les hommes dans la région, ces derniers étant communément moins diplômés du supérieur.

Le déclassement professionnel est plus présent dans l’ouest que dans l’est de la Normandie (figure 4). Avec un salarié sur quatre en situation de déclassement professionnel, les zones d’emploi d’Avranches, de Granville et de Saint-Lô sont particulièrement concernées par cette situation. Il s’agit en effet de territoires où l’agriculture est proportionnellement plus présente, et l’offre de postes de cadres plus faible.

Les zones d’emploi incluant les plus grandes villes de Normandie telles que Caen, Rouen et Le Havre présentent également des taux de déclassement professionnel supérieurs à la moyenne régionale. Les niveaux de diplôme y sont généralement plus élevés que dans le reste de la région, mais avec une part de postes de cadres relativement faible. Les activités financières et d’assurances, très présentes dans les grandes villes, se caractérisent aussi par un taux de déclassement professionnel élevé. Enfin, le taux de chômage plus élevé dans ces territoires peut inciter certains individus à occuper un emploi pour lequel ils apparaissent surqualifiés.

À l’est et au sud-est de la région, certaines zones d’emploi sont dans une toute autre situation. Avec un peu moins d’un salarié sur cinq en situation de déclassement professionnel, la zone d’emploi de Dreux est celle qui affiche le taux de déclassement professionnel le plus faible de France métropolitaine. Plus largement, l’Eure et l’est de l’Orne sont des territoires moins concernés du fait de la proximité de la région parisienne qui offre de nombreux postes de cadres.