Insee Analyses MartiniqueLa baisse des investissements publics freine la croissance Les comptes économiques de la Martinique en 2017

Matthieu Cornut, Insee

En 2017, le PIB croît de 0,2 % en volume, après – 1,2 % en 2016. Cette croissance timide est freinée, d’une part, par la baisse de l’investissement (– 3,2 % en volume) et, d’autre part, par la diminution de la dépense publique (– 2,3 % en volume).

La consommation des ménages évolue à un rythme semblable à l’an dernier (+ 0,1 %). La population continue sa baisse tendancielle (rythme compris entre 0 et – 1 % depuis 2007). La production de la SARA baisse de 11,9 % en volume, après avoir chuté de 15,1 % en 2016. La balance commerciale contribue pour – 1,0 point à la croissance, avec + 3,2 % en volume pour les exportations et – 1,9 % pour les importations.

Sur la France entière, la croissance atteint + 2,2 %, après + 1,2 % en 2016. La croissance en Martinique s’inscrit dans une dynamique moins favorable qu’en Guadeloupe, qui connaît une progression de l’activité de 3,4 %, stimulée par la consommation publique.

Matthieu Cornut, Insee
Insee Analyses Martinique No 28- Octobre 2018

En 2017, le produit intérieur brut (PIB) de la Martinique augmente en volume de 0,2 %, contre – 1,2 % en 2016. La population baisse quant à elle de 0,9 %. Elle est estimée au 1er janvier 2017 à 374 780 habitants.

Le PIB par habitant augmente ainsi de 1,1 % en euros constants pour s’établir à 23 188 euros. Sur la France entière, le PIB par habitant s’élève à 34 151 euros, en Guadeloupe à 23 152 euros et en Guyane à 15 339 euros.

La consommation des ménages se maintient

La consommation des ménages en 2017 résiste à la baisse de la population. Elle augmente de 0,1 % en volume et contribue ainsi pour + 0,1 point à la croissance de l’activité. Cette hausse s’inscrit, par ailleurs, dans un contexte de légère reprise de l’inflation (+ 0,7 %) et d’absence d’amélioration sur le marché de l’emploi (taux de chômage stable à 18 %).

Les crédits à la consommation sont en forte hausse (+ 7,3 %), confirmant le rebond constaté en 2016 (+ 6,6 %) comme en 2015 (+ 9,7 %), suite à plusieurs années de stagnation, voire de repli. Les importations de denrées alimentaires, boissons et produits à base de tabac sont en hausse de 5,1 %, après un recul de 1,0 % en 2016.

Le marché des véhicules particuliers neufs continue son redressement avec une hausse des immatriculations de 2,4 % sur un an, après + 9,7 % en 2016 et + 14,5 % en 2015. Ces hausses successives compensent plusieurs années difficiles pour le secteur.

Figure 1La croissance redevient légèrement positiveLes principaux agrégats et leur évolution (en millions d’euros courants et en %)

La croissance redevient légèrement positive
Millions d’euros courants Évolution en %
2017 Volume Prix Valeur Contribution
Produit intérieur brut 8 649 0,2 -0,1 0,1 0,2
Consommation des ménages 5 377 0,1 0,7 0,9 0,1
Consommation des administrations publiques 3 673 -2,3 1,0 -1,3 -1,0
Investissement 1 617 -3,2 0,4 -2,8 -0,6
Imports de biens et services 3 001 -1,9 3,6 1,6 0,6
Exports de biens et services 1 063 3,2 2,6 5,9 0,4
Variation de stocks -66 /// /// /// 0,7
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

L’investissement public est en berne, quand l’investissement privé se maintient

L’investissement continue d’être mal orienté. Il chute de 3,2 % en 2017 après – 4,5 % l’année précédente. Il contribue pour – 0,6 point à la croissance de l’activité.

Cette baisse s’explique en partie par le recul de l’investissement public de 26,8 %. Les dépenses d’investissement des collectivités locales (77 % de l’investissement public total)reculent de 31,2 %. Celles de l’État (12 % de l’investissement public total) diminuent de 5,2 %, alors que les dépenses d’investissement des hôpitaux (11 % de l’investissement public total) baissent de 7,6 %.

L’investissement privé augmente, quant à lui, légèrement (+ 1,6 %), malgré le trou d’air du secteur de la construction. Ce secteur affiche une nette diminution du nombre de créations d’entreprises (– 4,1 %), ainsi que du nombre de mises en chantier (2 350 logements en 2017, soit une diminution de 11 % par rapport à 2016). Le nombre de logements autorisés à la construction augmente cependant de 6,1 % en 2017, laissant augurer une reprise en 2018.

L’évolution du crédit est plutôt dynamique. Du côté des entreprises, les crédits d’investissement sont une nouvelle fois en hausse (+ 6,5 %), bien que le rythme de progression ralentisse, après + 8,8 % en 2016 et + 13,1 % en 2015. Du côté des ménages, l’encours des crédits à l’habitat continue de progresser avec une hausse de 3,7 %.

Figure 2Croissance inférieure à la moyenne nationaleTaux de croissance du PIB en volume (en %)

Croissance inférieure à la moyenne nationale
Martinique France entière
2013 -1,2 0,6
2014 2,0 0,9
2015 0,5 1,1
2016 -1,1 1,2
2017 0,2 2,2
  • Note : les estimations antérieures à 2017 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 2Croissance inférieure à la moyenne nationaleTaux de croissance du PIB en volume (en %)

  • Note : les estimations antérieures à 2017 sont révisées, voir encadré méthodologique en fin de document.
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Le retour de l’inflation

Les prix moyens à la consommation repartent légèrement à la hausse : + 0,7 %, après – 0,8 % en 2016. Cette évolution est similaire à celle des prix relevés en Guadeloupe et en Guyane. Sur la France entière les prix moyens augmentent de 1,0 %.

Les produits pétroliers, dont les prix augmentent de 10,7 %, sont les principaux contributeurs à la hausse des prix (+ 0,6 point).

Suivent les produits alimentaires dont les prix progressent de + 1,2 %, et contribuent pour + 0,2 point à l’inflation. Cette hausse est tirée par les produits frais dont les prix augmententde 3,8 % (+ 0,1 point). L’alimentation, hors produits frais, est en hausse plus modérée (+ 0,9 %), mais contribue également pour + 0,1 point à l’inflation à la faveur de son plus grand poids dans le panier de consommation. Le prix des services croît de 0,4 % (+ 0,2 point à l’inflation), dynamisé par la hausse du prix des services de santé (+ 2,0 %).

Le prix des produits manufacturés baisse, quant à lui, de 1,5 % et contribue pour – 0,4 point à l’inflation. En particulier, le prix des produits en habillement et chaussures fléchit de 5,1 % et celui des produits de santé de – 2,9 %.

Figure 3L’inflation est de retourÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

L’inflation est de retour
Martinique France
2013 1,3 0,9
2014 0,7 0,5
2015 0,1 0,0
2016 -0,2 0,2
2017 0,7 1,0
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 3L’inflation est de retourÉvolution de l’indice des prix, moyenne annuelle (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Les exportations ne font plus recette

Les échanges commerciaux diminuent fortement en volume en 2017 : – 1,9 % pour les importations et – 9,3 % pour les exportations, hors dépenses liées au tourisme. En valeur, les importations augmentent de 1,6 %. Dans un contexte de renchérissement du prix du Brent (+ 21,4 % sur l’année), les importations d’hydrocarbures naturels (+ 21,6 %) et de produits pétroliers raffinés (+ 14,7 %) portent une contribution de + 2,9 points à cette hausse en valeur. Les importations des produits du secteur des industries agro-alimentaires augmentent de 5,3 %, tandis que les importations en biens manufacturés reculent légèrement, de 0,4 %.

La baisse des exportations à destination des autres DFA, combinée à une série d’incidents techniques, a entraîné le ralentissement de la production de la SARA (– 11,9 % après – 15,1 % en 2016) tout en lui permettant de reconstituer ses stocks (+ 37,4 %).

Il s’ensuit que les exportations de produits pétroliers raffinés diminuent de 26,1 % en volume. La hausse des prix des carburants a limité leur baisse en valeur à 18,4 %.

Les exportations de bananes chutent de – 32,8 % en volume, sous l’effet conjugué de la tempête tropicale Matthew en 2016 et de l’ouragan Maria en 2017. La stabilité du prix à l’export, imposée par le marché international, n’a pas permis de compenser cette baisse.

La production de rhum est en baisse (– 3,5 %) suite à une campagne sucrière médiocre (– 7,8 % de cannes broyées), mais l’utilisation des stocks permet de maintenir les exportations à un bon niveau (+ 3,5 %).

Figure 4Les exportations chutentÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

Les exportations chutent
Imports Exports (hors tourisme)
2013 -2,4 -2,9
2014 2,8 32,9
2015 -2,3 -6,2
2016 -2,0 -6,0
2017 1,6 -5,7
  • Note : Les données n’incluent pas les dépenses des touristes (voir encadré méthodologique).
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 4Les exportations chutentÉvolution des échanges extérieurs en valeur (en %)

  • Note : Les données n’incluent pas les dépenses des touristes (voir encadré méthodologique).
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

La contraction des dépenses publiques freinent la croissance

En 2017, les dépenses publiques chutent de 2,3 % en volume et contribuent pour – 1,0 point à la croissance. Cette baisse est due à la forte diminution de la consommation intermédiaire des administrations publiques (– 20,0 %), que la hausse de la masse salariale (+ 4,3 % en volume pour un point d’indice en hausse de 0,9 %) ne compense que partiellement.

Figure 5L’investissement continue de baisserÉvolution de l’investissement en volume (en %)

L’investissement continue de baisser
Public Privé Ensemble
2013 -48,3 20,5 -1,4
2014 55,5 -5,8 4,4
2015 -10,2 4,2 0,6
2016 -23,4 0,8 -4,6
2017 -27,1 2,0 -3,2
  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Figure 5L’investissement continue de baisserÉvolution de l’investissement en volume (en %)

  • Source : Insee, CEROM, Comptes rapides.

Le tourisme au beau fixe

En 2017, les dépenses provenant du tourisme augmentent de 28,9 %. Les dépenses directes (hors effets d’entraînement) s’élèvent à 424,7 millions d’euros sur l’année. Elles contribuent ainsi pour + 1,0 point à la croissance du PIB en 2017 (+ 0,3 point en 2016).

Malgré la hausse des prix du transport liée au renchérissement des carburants, le tourisme de séjour est en hausse de 3,1 %, tandis que le nombre de croisiéristes poursuit la forte progression des dernières années avec une hausse de 44,5 % en 2017 (après + 16,1 % en 2016 et + 35,9 % en 2015).

Avec 41,7 % du total, l’hébergement représente toujours le premier poste de dépenses des touristes. Par ailleurs, la pérennisation par la Norwegian Airlines de vols directs entre la Martinique et les États-Unis, qui fait suite au succès remporté par ces nouvelles liaisons, devrait soutenir la bonne santé du tourisme sur le territoire à moyen terme.

Pour comprendre

Les comptes économiques rapides : une estimation précoce de la croissance

Produits par l’Insee, en partenariat avec l’AFD et l’Iedom dans le cadre du projet Cerom, les comptes rapides 2017 de la Martinique reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit pas des comptes définitifs : les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Les comptes économiques passent en base 2014

À partir de cette année, les comptes économiques sont réalisés en base 2014. Les changements de base sont opérés régulièrement afin de tenir compte de l’évolution du fonctionnement de l’économie. Le présent changement intègre les modifications conceptuelles et méthodologiques introduites par la mise à jour du Système Européen des Comptes paru en 2010 (SEC 2010). En particulier, le champ des dépenses comptabilisées en investissements est élargi pour inclure les dépenses en recherche et développement, ainsi que les systèmes d’armes. Le trafic de stupéfiants et la production de la Banque centrale sont également pris en compte. Toutes les recommandations du SEC 2010 n’ont néanmoins pas été transcrites dans les comptes des Antilles et de la Guyane, soit qu’ils relèvent de la prérogative nationale, soit qu’ils ne sont pas jugés pertinents au niveau régional.

Les changements introduits par une base sont tels que deux comptes de bases différentes ne sont pas comparables en niveaux. Pour assurer la comparabilité des séries de comptes du passé avec la série de comptes élaborée dans la base actuelle, il est nécessaire de recalculer entièrement les premiers selon les concepts et méthodes retenus dans la base actuelle. Il n’est donc pas pertinent de comparer les chiffres publiés aujourd’hui en base 2014 avec les chiffres publiés précédemment en base 2005 ou 1995. Afin d’effectuer des comparaisons spatiales ou temporelle, il faut disposer de l’ensemble des données rétropolées en base 2014 que l’Insee mettra prochainement à disposition.

Des comptes rapides issus d’une modélisation de l’économie martiniquaise

Le modèle utilisé pour construire les comptes rapides est un modèle macro-économique, de type keynésien, dit « quasi-comptable ». Il permet de projeter les comptes économiques d’une année donnée à partir d’hypothèses d’évolutions de l’offre et de la demande de biens et services. Aux Antilles-Guyane, ce modèle est construit avec 22 branches et 22 produits. Le modèle est basé sur le TES (Tableau des Entrées-­Sorties) de la Comptabilité Nationale. En effet, ces relations comptables permettent d’assurer la cohérence du modèle en décrivant les équilibres nécessaires entre les ressources et les emplois pour chaque opération. La projection du compte se fait selon la méthode de Leontief, fondée sur les interactions entre branches, et celle de Keynes, fondée sur l’interaction revenu-consommation.

Définitions

Le Produit intérieur brut (PIB) mesure la richesse produite sur un territoire donné, grâce à la somme des valeurs ajoutées des biens et services produits sur le territoire. Il est publié en volume et en valeur.

L’évolution en volume ou en « euros constants » permet de mesurer l’évo­lution du PIB d’une année sur l’autre, indépendamment de l’évolution des prix. Elle décrit l’évolution des quantités produites et fournit la croissance de l’économie.

L’évolution du prix du PIB mesure l’évolution de tous les prix présents dans l’économie : prix à la consommation des ménages (IPC), prix à la consommation des administrations, prix de l’investis­sement et prix du commerce extérieur.

L’évolution globale (volume et prix) fournit l’évolution du PIB en valeur.

Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) : les comptes économiques rapides de la Martinique sont construits dans le cadre du projet tripartite Comptes rapides pour l’Outre-mer (Cerom) entre l’Insee, l’AFD et l’IEDOM. Ils reposent sur une modélisation macroéconomique alimentée par les premières données disponibles de l’année écoulée. Il ne s’agit donc pas d’un compte définitif. Les estimations pourront faire l’objet d’une révision lorsque la totalité des données de l’année seront connues.

Pour en savoir plus

« Les comptes économiques de la Martinique » consultables sur les sites du Ouvrir dans un nouvel ongletCEROM et de l'Insee

« Rapport annuel 2017 de l’Iedom Martinique », édition 2017 sur Ouvrir dans un nouvel ongletwww.iedom.fr/martinique.

« Bilan économique 2017 de Martinique », Insee Conjoncture n° 4, mai 2018.

« Les comptes économiques de Guadeloupe en 2017 », Insee Analyse n° 32, octobre 2018.

« Les comptes économiques de Guyane en 2017 », Insee Analyse n° 32, novembre 2018.