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Insee Analyses Ile-de-France · Janvier 2023 · n° 164
Insee Analyses Ile-de-FranceLoger les travailleurs essentiels à proximité du lieu de travail : un enjeu fort pour leurs employeurs en Île-de-France

Marie Acs, Joseph Chevrot (Insee), Sandrine Beaufils, Pascale Leroi (L’Institut Paris Region)

En 2019, en Île-de-France, 150 000 entreprises, administrations ou établissements publics emploient 1,7 million de travailleurs salariés « essentiels ».

Dans le secteur de la santé humaine et de l’action sociale, huit salariés sur dix occupent des missions essentielles. Ils sont également nombreux dans les secteurs du commerce et des transports.

Les entreprises emploient les deux tiers des salariés essentiels. Les salaires de ces derniers sont plus faibles que ceux des autres salariés. De même, plus l’entreprise est petite, plus les salaires sont bas. Les travailleurs essentiels ont donc des difficultés pour se loger à proximité de leur lieu de travail, difficultés d’autant plus fortes dans les territoires à forte tension immobilière. Ceci est un enjeu important pour les employeurs, afin de répondre au mieux aux missions essentielles qu’ils accomplissent.

Insee Analyses Ile-de-France
No 164
Paru le :Paru le19/01/2023

Le logement des travailleurs essentiels est aussi un enjeu pour leurs employeurs

En 2019, 1,9 million d’actifs exercent un emploi « essentiel du quotidien » en Île-de-France (figure 1) (pour comprendre), dont 1,7 million de salariés. Fortement mobilisés et exposés pendant la crise sanitaire liée à l’épidémie de Covid-19, ces derniers se répartissent entre les travailleurs de « première ligne » ou « travailleurs-clés » (42 %), les « relais des premières lignes » (33 %) et les travailleurs des « services publics du quotidien » (25 %). Pour beaucoup d’entre eux qui ne peuvent télétravailler, la proximité des lieux de travail et de résidence est particulièrement importante. C’est pourquoi la loi « différenciation, déconcentration, décentralisation et simplification », dite loi 3DS, du 21 février 2022, fixe entre autres « un objectif d’attributions de logements sociaux aux demandeurs exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel pour la continuité de la vie de la Nation ».

Compte tenu des enjeux de disponibilité et d’attractivité de ces emplois « essentiels du quotidien », la question du logement s’avère primordiale pour les entreprises, hôpitaux, administrations, etc. qui emploient de tels travailleurs (encadré). Dans ce contexte, la présente étude dresse le portrait des employeurs des travailleurs essentiels, qu’ils relèvent du champ privé ou de la fonction publique.

Figure 1Répartition des emplois dits essentiels en Île-de-France

en nombre d’actifs
Répartition des emplois dits essentiels en Île-de-France (en nombre d’actifs) - Lecture : 806 000 actifs occupent des emplois de « premières lignes » en Île-de-France.
Emplois essentiels Autres emplois
Premières lignes Relais des premières lignes Services publics du quotidien
806 000 633 000 483 000 3 873 000
  • Lecture : 806 000 actifs occupent des emplois de « premières lignes » en Île-de-France.
  • Champ : actifs occupés en Île-de-France, au lieu de travail.
  • Source : Insee, recensement de la population 2019, exploitation complémentaire.

Figure 1Répartition des emplois dits essentiels en Île-de-France

  • Lecture : 806 000 actifs occupent des emplois de « premières lignes » en Île-de-France.
  • Champ : actifs occupés en Île-de-France, au lieu de travail.
  • Source : Insee, recensement de la population 2019, exploitation complémentaire.

150 000 employeurs de travailleurs « essentiels »

En 2019, parmi les 1,9 million d’actifs franciliens exerçant un emploi « essentiel » du quotidien, moins de 200 000 sont non salariés. Il s’agit principalement de médecins et infirmiers qui exercent une activité libérale, d’ambulanciers indépendants et de certains artisans du bâtiment comme les plombiers et les électriciens. Les autres travailleurs essentiels, qui représentent donc la grande majorité des effectifs, sont salariés dans des entreprises, hôpitaux, administrations, etc.

En 2019, environ 150 000 employeurs comptent au sein de leurs effectifs salariés au moins un travailleur essentiel du quotidien en Île-de-France, soit deux employeurs sur cinq.

Les structures employant des travailleurs essentiels relèvent majoritairement de cinq secteurs d’activité (figure 2), lesquels totalisent les deux tiers des emplois salariés essentiels : la santé humaine et l’action sociale (23 %), l’administration publique (13 %), le commerce (12 %), le transport et l’entreposage (10 %) et l’enseignement (9 %).

Les emplois essentiels sont particulièrement nombreux dans le secteur de la santé humaine et de l’action sociale : près de huit salariés sur dix (78 %) y exercent une activité essentielle du quotidien. Cette part s’élève à 33 % dans le secteur de l’administration publique et à 31 % dans le commerce. Dans certains secteurs, totalisant des effectifs de salariés relativement faibles, comme la production et la distribution d’eau ou l’activité des ménages en tant qu’employeurs (femmes de ménage, jardiniers, chauffeurs, garde d’enfants à domicile, etc.), les effectifs de travailleurs essentiels représentent une part très importante de l’emploi total (respectivement 52 % et 43 %).

Figure 2Répartition des salariés essentiels et autres salariés selon le secteur d’activité de l’employeur

en %
Répartition des salariés essentiels et autres salariés selon le secteur d’activité de l’employeur (en %) - Lecture : sur 100 salariés travaillant en Île-de-France, plus de 9 travaillent dans le secteur de la santé humaine et action sociale. Parmi eux, 7 sont des travailleurs essentiels.
Secteurs d’activité Salariés essentiels Autres salariés
Premières lignes Relais des premières lignes Services publics du quotidien
Santé humaine et action sociale 4,80 0,80 1,63 2,05
Administration publique 1,27 0,19 2,67 8,37
Commerce ; réparation d'automobiles et de motocycles 2,62 1,23 0,00 8,55
Transports et entreposage 1,65 1,42 0,01 3,53
Enseignement 0,06 0,02 2,67 1,66
Activités de services administratifs et de soutien 2,05 0,48 0,02 5,32
Activités financières et d'assurance 0,07 1,65 0,01 4,13
Industrie manufacturière 0,85 0,70 0,00 4,79
Information et communication 0,02 1,12 0,00 6,30
Construction 0,21 0,43 0,00 4,80
Activités spécialisées, scientifiques et techniques 0,15 0,43 0,02 8,69
Activités des ménages en tant qu'employeurs 0,00 0,00 0,43 0,58
Autres activités de services 0,16 0,08 0,15 1,75
Production et distribution d'eau ; assainissement, gestion des déchets et dépollution 0,22 0,08 0,00 0,28
Industries extractives et production et distribution d'électricité, de gaz, de vapeur et d'air conditionné 0,06 0,22 0,00 0,48
Hébergement et restauration 0,14 0,05 0,02 4,88
Arts, spectacles et activités récréatives 0,03 0,04 0,06 1,51
Activités immobilières 0,04 0,02 0,01 1,27
Ensemble 14,40 8,96 7,70 68,94
  • Lecture : sur 100 salariés travaillant en Île-de-France, plus de 9 travaillent dans le secteur de la santé humaine et action sociale. Parmi eux, 7 sont des travailleurs essentiels.
  • Champ : salariés en emploi au 31 décembre 2019 travaillant en Île-de-France.
  • Source : Insee, base Tous salariés (DSN) 2019.

Figure 2Répartition des salariés essentiels et autres salariés selon le secteur d’activité de l’employeur

  • Lecture : sur 100 salariés travaillant en Île-de-France, plus de 9 travaillent dans le secteur de la santé humaine et action sociale. Parmi eux, 7 sont des travailleurs essentiels.
  • Champ : salariés en emploi au 31 décembre 2019 travaillant en Île-de-France.
  • Source : Insee, base Tous salariés (DSN) 2019.

Les travailleurs-clés ont des rythmes de travail plus atypiques

De manière générale, les travailleurs essentiels sont davantage concernés par les horaires de travail atypiques. Ainsi, les salariés exerçant un emploi de première ligne travaillent deux fois plus souvent le dimanche (31 %) ou de nuit (15 %) que les autres salariés. Cela tient pour grande partie au secteur de la santé humaine et l’action sociale dont ils font souvent partie : les horaires atypiques (travail de nuit et le dimanche) y sont trois fois plus fréquents pour les actifs essentiels que pour les autres salariés du secteur. Dans l’administration publique, les salariés travaillant la nuit sont pour la grande majorité des « essentiels » (agents de police, pompiers, surveillants de prison, etc.) : un travailleur de première ligne sur trois exerce la nuit, un sur deux le dimanche. Dans le transport et l’entreposage, les salariés sont également astreints à respecter des horaires atypiques, s’agissant aussi bien des salariés essentiels que des autres salariés : près d’un quart est exposé au travail de nuit, un tiers à celui en soirée ou le dimanche.

Sept travailleurs-clés sur dix exercent dans le champ privé

Tous secteurs d’activité confondus, les deux tiers des salariés essentiels exercent un emploi dans le champ privé (y compris les entreprises publiques) (sources). Cette proportion est plus importante pour les travailleurs-clés (71 %) et pour les relais des premières lignes (95 %) (figure 3). Dans le commerce et dans le transport et l’entreposage, toutes les entreprises employeuses relèvent du champ privé. Parmi les salariés des services publics du quotidien, un sur cinq relève du champ privé.

À l’instar des organismes publics, les entreprises du champ privé peuvent aider les salariés dans leur accès au logement grâce à plusieurs dispositifs. Notamment, les entreprises de 50 salariés ou plus doivent financièrement participer à l’effort de construction (PEEC) géré par Action Logement. Cette contribution équivaut à 0,45 % de leur masse salariale. Elle vise à faciliter l’accès au logement des salariés à travers le financement de logements sociaux et intermédiaires, mais aussi celui de cautions sur les loyers (notamment en cas de location dans le parc privé) ou d’aides financières à l’accession à la propriété. Cet éventail de dispositifs portés par Action Logement bénéfice à l’ensemble des salariés des entreprises de dix salariés ou plus, c’est-à-dire à 83 % des effectifs totaux du champ privé et à 87 % des travailleurs essentiels du champ privé.

Pour autant, 13 % des salariés essentiels travaillent au sein d’une entreprise de moins de dix salariés et ne sont donc pas concernés par ces dispositifs d’aide à l’accès au logement, et ce plus particulièrement dans le secteur du commerce où 25 % des salariés essentiels travaillent dans des entreprises de cette taille.

Figure 3Répartition des salariés selon leur caractère essentiel et par domaine

en %
Répartition des salariés selon leur caractère essentiel et par domaine (en %) - Lecture : 71 % des travailleurs essentiels des premières lignes exercent dans le champ privé, 28 % dans la fonction publique et 1 % chez un particulier employeur.
Emplois Champ privé Fonction publique Particuliers employeurs
Premières lignes 71,0 27,6 1,4
Relais des premières lignes 95,2 4,8 0,0
Services publics du quotidien 19,4 67,7 12,9
Ensemble des essentiels 65,7 30,5 3,8
Autres salariés 84,0 15,1 0,9
Emplois totaux 78,4 19,9 1,7
  • Lecture : 71 % des travailleurs essentiels des premières lignes exercent dans le champ privé, 28 % dans la fonction publique et 1 % chez un particulier employeur.
  • Champ : salariés en emploi au 31 décembre 2019 travaillant en Île-de-France.
  • Source : Insee, base Tous salariés (DSN) 2019.

Figure 3Répartition des salariés selon leur caractère essentiel et par domaine

  • Lecture : 71 % des travailleurs essentiels des premières lignes exercent dans le champ privé, 28 % dans la fonction publique et 1 % chez un particulier employeur.
  • Champ : salariés en emploi au 31 décembre 2019 travaillant en Île-de-France.
  • Source : Insee, base Tous salariés (DSN) 2019.

31 % des travailleurs essentiels exercent dans la fonction publique

Les agents de la fonction publique ont la possibilité de bénéficier d’un logement social par l’intermédiaire du 5 % préfectoral (5 % des logements de chaque programme HLM sont réservés pour les agents de l’État) ou par les réservations des collectivités territoriales.

En 2019, 31 % des travailleurs essentiels relèvent de la fonction publique. Parmi les salariés des services publics du quotidien, la proportion est nettement plus importante (68 %). En effet, parmi eux, les enseignants et les animateurs socio-culturels forment les plus gros effectifs. Dans la santé humaine et l’action sociale, 43 % des salariés essentiels exercent dans la fonction publique, cette proportion est plus élevée pour les travailleurs de première ligne (54 %).

Les travailleurs essentiels ont des salaires plus faibles

Qu’il s’agisse de location ou d’accès à la propriété, les bailleurs comme les banques exigent généralement de la part des ménages des revenus trois fois plus élevés que le loyer ou la mensualité d’emprunt. Dans un contexte de cherté des biens immobiliers en Île-de-France, le niveau du salaire est déterminant dans l’accès des ménages au logement (type de bien et localisation). À cet égard, les travailleurs essentiels sont moins bien positionnés que les autres salariés : tous secteurs d’activité confondus, leur salaire médian est inférieur d’environ 400 euros nets par mois en équivalent temps plein (EQPT) à celui des autres salariés (respectivement 2 040 euros contre 2 470 euros). Les salariés des « premières lignes » disposent des salaires les plus faibles : la moitié d’entre eux perçoivent moins de 1 850 euros nets par mois en EQTP. Leurs difficultés pour habiter à proximité de leur emploi sont ainsi plus grandes que pour les autres actifs, alors même que leurs fonctions sont beaucoup moins souvent télétravaillables.

Dans le champ privé, les niveaux des salaires sont fortement corrélés à la taille de la structure : plus l’entreprise est petite et plus elle verse des salaires bas. Les différences de salaires selon la taille de l’entreprise sont notamment corrélées aux secteurs d’activité : le commerce est notamment surreprésenté parmi les entreprises les plus petites et l’industrie, plus rémunératrice, est sous-représentée. Cette corrélation est également présente pour les travailleurs essentiels. Leur salaire médian est inférieur de 570 euros dans les entreprises de moins de dix salariés par rapport aux entreprises employant 1 000 salariés ou plus (figure 4). Les écarts sont également importants pour les « premières lignes » qui perçoivent les salaires médians les plus faibles, et ce quelle que soit la taille de la structure employeuse.

Pour les travailleurs essentiels comme pour l’ensemble des actifs, l’accès au logement est plus ou moins facilité selon le type de contrat de travail. En effet, l’obtention d’un emprunt ou la signature d’un bail pour un logement locatif privé sont plus aisées pour les actifs disposant d’un contrat de travail à durée indéterminée ou du statut de fonctionnaire. À cet égard, les formes particulières d’emploi (CDD, intérim, etc.) ne concernent pas davantage les travailleurs essentiels que les autres actifs. Mais ce constat masque des disparités : les travailleurs essentiels exerçant dans les services publics du quotidien font exception avec une surreprésentation des personnes en CDD (10 %, contre une moyenne francilienne de 6 %).

L’ancienneté du contrat de travail est un autre facteur favorisant l’accès au logement. Or, elle est légèrement plus faible pour les travailleurs de première ligne ou des services publics du quotidien : 38 % d’entre eux ont un contrat de travail de moins de deux ans contre 35 % pour les autres salariés. Dans le champ privé, l’ancienneté du contrat est liée à la taille de l’entreprise : dans celles de moins de dix salariés, près de la moitié des travailleurs essentiels ont signé leur contrat depuis moins de deux ans ; dans les entreprises de 1 000 salariés ou plus, seul un quart (24 %) des effectifs se trouvent dans cette situation.

Figure 4Distribution des revenus en équivalent temps plein selon le type d’emplois (essentiels ou autres) et la taille de l’entreprise en 2019

en euros
Distribution des revenus en équivalent temps plein selon le type d’emplois (essentiels ou autres) et la taille de l’entreprise en 2019 (en euros) - Lecture : 50 % des salariés « travailleurs essentiels » dans une entreprise de moins de 10 postes perçoivent moins de 1 590 euros nets mensuels en équivalent temps plein.
Décile Entreprise de moins de 10 salariés Entreprise de 10 à 49 salariés Entreprise de 50 à 999 salariés Entreprise de 1 000 salariés ou plus
Salariés essentiels Salariés hors essentiels Salariés essentiels Salariés hors essentiels Salariés essentiels Salariés hors essentiels Salariés essentiels Salariés hors essentiels
D1 1 140 1 180 1 200 1 350 1 260 1 500 1 340 1 530
D2 1 210 1 290 1 310 1 600 1 400 1 840 1 540 1 910
D3 1 300 1 440 1 430 1 840 1 570 2 150 1 710 2 260
D4 1 440 1 620 1 580 2 100 1 750 2 450 1 920 2 570
D5 1 590 1 840 1 760 2 380 1 970 2 750 2 160 2 880
D6 1 770 2 100 1 960 2 700 2 220 3 130 2 430 3 270
D7 1 980 2 440 2 200 3 120 2 520 3 630 2 770 3 770
D8 2 260 2 950 2 540 3 760 2 990 4 380 3 290 4 520
D9 2 800 4 000 3 180 5 100 3 980 5 920 4 300 5 970
  • Lecture : 50 % des salariés « travailleurs essentiels » dans une entreprise de moins de 10 postes perçoivent moins de 1 590 euros nets mensuels en équivalent temps plein.
  • Champ : postes non annexes dans une entreprise du champ privé, au 31 décembre 2019 en Île-de-France.
  • Source : Insee, base Tous salariés (DSN) 2019.

Figure 4Distribution des revenus en équivalent temps plein selon le type d’emplois (essentiels ou autres) et la taille de l’entreprise en 2019

  • Lecture : 50 % des salariés « travailleurs essentiels » dans une entreprise de moins de 10 postes perçoivent moins de 1 590 euros nets mensuels en équivalent temps plein.
  • Champ : postes non annexes dans une entreprise du champ privé, au 31 décembre 2019 en Île-de-France.
  • Source : Insee, base Tous salariés (DSN) 2019.

Les difficultés de logement sont plus fortes au cœur de la région

Les difficultés des travailleurs essentiels cherchant à résider à proximité de leur lieu de travail diffèrent selon le territoire. Cela tient d’une part aux salaires perçus, d’autre part au coût du logement dans le territoire considéré et enfin au profil des travailleurs essentiels. La mesure de la proportion de salariés essentiels disposant d’un salaire trois fois supérieur au loyer d’un logement-type rend compte de ces difficultés. En effet, rares seraient les travailleurs essentiels en mesure de se loger dans le même établissement public de coopération intercommunale (EPCI) ou établissement public territorial (EPT) que celui de leur lieu de travail, exceptés ceux travaillant aux franges de l’Île-de-France (figure 5). Les territoires ruraux de grande couronne sont les plus accessibles : pour les emplois situés dans les communautés de communes des 2 Morin et Gâtinais Val-de-Loing, près des trois quarts des salariés essentiels perçoivent un salaire qui leur permettrait de louer un appartement-type à proximité de leur emploi, dans celles de Bassée-Montois, du Provinois ou du Pays de Montereau, cette proportion est de près des deux tiers. Par contre, pour les emplois situés à Paris, moins d’un salarié essentiel sur dix gagne suffisamment pour se loger à proximité de son lieu de travail. Dans les communautés d’agglomération comme Saint Germain Boucles de Seine ou Versailles Grand Parc et dans certains EPT de la métropole du Grand Paris, cette proportion est inférieure à 20 %.

Avec des salaires médians plus faibles, les travailleurs de première ligne sont encore moins susceptibles d’habiter près de leur lieu de travail s’il est situé dans une zone de forte tension immobilière. Parmi ceux exerçant à Paris, moins de 5 % perçoivent un salaire correspondant au moins à trois fois le loyer d’un logement-type. Cette proportion est inférieure à 10 % dans les EPT Vallée Sud Grand Paris, Grand Paris Seine Ouest, Paris Ouest La Défense, Paris Est Marne & Bois et l’EPCI Saint Germain Boucles de Seine.

Les difficultés rencontrées par les travailleurs essentiels pour se loger en dehors du parc social, démontrées ici théoriquement, sont aussi effectives en pratique. De fait, globalement, les travailleurs essentiels sont sous-représentés dans le cœur de la région [Acs et al., 2021], même s’ils résident davantage dans le parc social que les autres salariés. Dans les territoires ruraux de grande couronne, cette sous-représentation ne s’observe pas. De même, les travailleurs essentiels ont des difficultés à se loger près de leur emploi dans les territoires de la métropole du Grand Paris et les EPCI où les marchés immobiliers sont très tendus, notamment dans les Yvelines. Ces difficultés sont accentuées pour les premières lignes qui ont les salaires les plus faibles. A contrario, dans les territoires ruraux, l’accès au logement est plus facile.

Figure 5Part des salariés percevant un salaire suffisant pour se loger dans un appartement de 49 m² du parc locatif privé situé dans le territoire (Paris ou intercommunalité) où ils travaillentSalariés travailleurs essentiels

en %
Part des salariés percevant un salaire suffisant pour se loger dans un appartement de 49 m² du parc locatif privé situé dans le territoire (Paris ou intercommunalité) où ils travaillent (en %) - Lecture : au moins 70 % des salariés « travailleurs essentiels » travaillant dans la communauté de communes Gâtinais Val-de-Loing perçoivent un salaire suffisant pour se loger dans un appartement de 49 m² du parc privé situé dans cet EPCI.
Code Territoire Salariés travailleurs essentiels
217500016 Paris Moins de 10
200057990 Boucle Nord de Seine De 10 à moins de 30
200057875 Est Ensemble De 10 à moins de 30
200057867 Plaine Commune De 10 à moins de 30
200033173 La Haute Vallée de Chevreuse De 10 à moins de 30
247700339 Val d'Europe Agglomération De 10 à moins de 30
247800618 Coeur d'Yvelines De 10 à moins de 30
247800584 Versailles Grand Parc De 10 à moins de 30
200058014 Grand-Orly Seine Bièvre De 10 à moins de 30
200056380 Plaine Vallée De 10 à moins de 30
200058097 Paris Terres d’Envol De 10 à moins de 30
200034130 Gally Mauldre De 10 à moins de 30
247700644 L'Orée de la Brie De 10 à moins de 30
249100074 Pays de Limours De 10 à moins de 30
249500455 La Vallée de l'Oise et des Trois Forêts De 10 à moins de 30
200056232 Communauté Paris-Saclay De 30 à moins de 50
200057958 Paris - Vallée de la Marne De 30 à moins de 50
200058790 Grand Paris Grand Est De 10 à moins de 30
200058006 Grand Paris Sud Est Avenir De 10 à moins de 30
200058485 Val Parisis De 10 à moins de 30
200023125 Les Portes Briardes entre Villes et Forêts De 30 à moins de 50
200058477 Val d'Yerres Val de Seine De 30 à moins de 50
200058782 Saint-Quentin-en-Yvelines De 30 à moins de 50
200072874 Val briard De 30 à moins de 50
200073013 Carnelle Pays de France De 30 à moins de 50
200073344 Rambouillet Territoires De 30 à moins de 50
249100546 Val d'Essonne De 30 à moins de 50
200033090 Plaines & Monts de France De 30 à moins de 50
249100553 Entre Juine et Renarde De 30 à moins de 50
249500109 Cergy-Pontoise De 30 à moins de 50
249500430 Sausseron Impressionnistes De 30 à moins de 50
200055655 Roissy Pays de France De 30 à moins de 50
200059889 Grand Paris Seine & Oise De 30 à moins de 50
200072346 Pays de Fontainebleau De 30 à moins de 50
247800550 Pays houdanais (partie francilienne) De 30 à moins de 50
247700032 Moret Seine & Loing De 30 à moins de 50
247700594 Marne et Gondoire De 30 à moins de 50
200057859 Cœur d'Essonne Agglomération De 30 à moins de 50
200059228 Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart De 30 à moins de 50
200035970 Vexin Centre De 30 à moins de 50
200072130 Pays de Meaux De 30 à moins de 50
249100595 Dourdannais en Hurepoix De 30 à moins de 50
200071074 Les Portes de l'Île-de-France De 30 à moins de 50
249100157 Les Deux Vallées De 30 à moins de 50
247700065 Pays de l'Ourcq De 50 à moins de 70
249500489 Haut-Val-d'Oise De 30 à moins de 50
200070779 Brie des Rivières et Châteaux De 30 à moins de 50
200090504 Coulommiers Pays de Brie De 30 à moins de 50
249500513 Vexin Val de Seine De 30 à moins de 50
200017846 Étampois Sud-Essonne De 50 à moins de 70
200023240 Pays de Nemours De 50 à moins de 70
247700701 La Brie nangissienne De 50 à moins de 70
200057982 Paris Ouest La Défense De 10 à moins de 30
200057941 Paris Est Marne & Bois De 10 à moins de 30
200058519 Saint Germain Boucles de Seine De 10 à moins de 30
200057966 Vallée Sud – Grand Paris De 10 à moins de 30
200057974 Grand Paris Seine-Ouest De 10 à moins de 30
247700057 Melun Val de Seine De 50 à moins de 70
247700107 Pays de Montereau De 50 à moins de 70
200037133 Provinois De 50 à moins de 70
200040251 Bassée-Montois De 50 à moins de 70
200023919 Gâtinais Val de Loing 70 ou plus
200072544 2 Morin 70 ou plus
  • Lecture : au moins 70 % des salariés « travailleurs essentiels » travaillant dans la communauté de communes Gâtinais Val-de-Loing perçoivent un salaire suffisant pour se loger dans un appartement de 49 m² du parc privé situé dans cet EPCI.
  • Sources : estimations UMR 1041 CESAER (AgroSup Dijon-INRAE) à partir des données SeLoger, leboncoin, pap.fr ; Insee, base Tous salariés 2019, fichier postes.

Figure 5Part des salariés percevant un salaire suffisant pour se loger dans un appartement de 49 m² du parc locatif privé situé dans le territoire (Paris ou intercommunalité) où ils travaillentSalariés travailleurs essentiels

  • Lecture : au moins 70 % des salariés « travailleurs essentiels » travaillant dans la communauté de communes Gâtinais Val-de-Loing perçoivent un salaire suffisant pour se loger dans un appartement de 49 m² du parc privé situé dans cet EPCI.
  • Sources : estimations UMR 1041 CESAER (AgroSup Dijon-INRAE) à partir des données SeLoger, leboncoin, pap.fr ; Insee, base Tous salariés 2019, fichier postes.

Encadré - Les préoccupations et les interventions des employeurs en matière de logement

La question du logement est susceptible d’interpeler les employeurs – champ privé et fonction publique – pour plusieurs raisons. D’une part, l’éloignement domicile-travail a des conséquences sur les conditions de prise de poste des salariés : des temps longs de déplacement exposent à des risques pénalisants pour l’activité (absentéisme, retard, fatigue). D’autre part, la question du logement est prégnante dans les secteurs d’activité considérés comme peu attractifs et avec de fortes tensions pour le recrutement. À ce titre, les aides à l’accès au logement comptent parmi les leviers mobilisables par l’employeur pour se différencier sur le marché du travail et attirer ou fidéliser les profils recherchés. Enfin, l’employeur, en cas de besoins, peut ponctuellement proposer de l’accompagnement à la mobilité résidentielle du fait d’une relocalisation d’un site d’activité ou par exemple proposer à un collaborateur un relogement urgent suite à un accident de la vie.

L’action des employeurs en matière de logement est essentiellement indirecte et s’inscrit, dans le secteur privé (PEEC) comme dans la fonction publique d’État, dans le cadre de dispositifs réglementaires créés après-guerre pour améliorer le logement des travailleurs. Malgré ce cadre, certains sont totalement désinvestis alors que d’autres ont intégré depuis longtemps le logement comme un élément central de leur politique sociale ou de ressources humaines. Chez ces derniers, deux approches s’observent. La première consiste à accroître leurs efforts dans ce domaine (augmentation des fonds consacrés au logement, diversification des aides, etc.). La seconde, moins fréquente, est d’œuvrer à la diversification de l’offre proposée à leurs salariés, en réfléchissant notamment aux modalités d’émergence de nouveaux gisements dans le parc privé.

Ces éléments sont issus d’une recherche sur le logement des travailleurs essentiels menée dans le cadre du programme « Ville productive » du Plan urbanisme construction architecture (PUCA) ».

Jules-Mathieu Meunier, chercheur associé au Lab’Urba (UPEC)

Publication rédigée par :Marie Acs, Joseph Chevrot (Insee), Sandrine Beaufils, Pascale Leroi (L’Institut Paris Region)

Pour comprendre

La crise sanitaire et l’arrêt de l’économie qui en a découlé ont mis sur le devant de la scène des travailleurs dits « travailleurs-clés » ou de « première ligne », c’est-à-dire ceux ayant continué leur activité sur leur lieu de travail pendant le premier confinement de mi-mars à mi-mai 2020.

Les « relais des premières lignes » correspondent aux professions contribuant au bon fonctionnement et à la réalisation des missions des « premières lignes » et relèvent souvent des mêmes secteurs que ces dernières. S’y ajoutent d’autres fonctions-clés telles que la logistique, l’information ou le secteur bancaire.

Les « métiers des services publics du quotidien » assurent des missions de service à la population, indépendamment de la situation de crise sanitaire. Il s’agit des services publics de l’enfance et de l’éducation, du social et du sport.

L’ensemble des actifs de ces trois groupes sont dénommés travailleurs « essentiels du quotidien ».

Quelques exemples de professions « essentielles du quotidien » (liste non exhaustive) :

  • « Travailleurs-clés » ou « Premières lignes » : professions hospitalières (médecins, infirmiers, aides-soignants, ambulanciers), livreurs et coursiers, agents de propreté, aides à domicile et auxiliaires de vie, caissiers et vendeurs des commerces essentiels, boulangers, agents de police, éboueurs...
  • « Relais des premières lignes » : ouvriers de la logistique (caristes, manutentionnaires, magasiniers, ouvriers emballage), officiers des forces de l’ordre, ingénieurs dans les secteurs d’activité des « premières lignes », professions intermédiaires du secteur public, journalistes…
  • « Services publics du quotidien » : métiers de l’éducation (enseignants des premier et second degrés, surveillants et aides-éducateurs scolaires), professionnels du social de proximité (assistants de service social, puéricultrices, éducateurs, animateurs)…

Sources

Les données sur les salariés sont issues de l’exploitation de la base Tous salariés 2019. Le poste principal est retenu pour identifier le caractère « essentiel » de l’emploi.

Le champ privé comprend les salariés du privé, et les salariés des entreprises publiques. La fonction publique comprend les agents de la fonction publique territoriale, hospitalière ou d’État. Enfin, les salariés des particuliers employeurs sont classés dans la catégorie Particuliers employeurs.

L’exploitation complémentaire du recensement de la population de l’Insee de 2019 permet d’apporter des éléments sur les effectifs et sur les non-salariés.

Les données sur les horaires de travail atypiques sont issues des données de l’enquête Emploi.

Les éléments sur les loyers moyens observés dans le parc privé sont issus du projet « Carte des loyers » porté par l’Agence Nationale pour l’Information sur le Logement (ANIL), en partenariat avec une équipe de recherche en économie d’Agrosup Dijon, de l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE), et avec SeLoger et leboncoin. Ce partenariat innovant a permis d’élaborer une méthodologie pour estimer des indicateurs de loyer (charges comprises) par m² pour les appartements et maisons. Les travaux réalisés pour cette étude utilisent les données disponibles, à savoir le loyer d’appartement type de 49 m², au niveau géographique de l’EPCI et de l’EPT. On considère qu’un individu peut se loger à proximité de son lieu de travail quand son salaire net mensuel en équivalent temps plein (EQTP) correspond à trois fois ou plus le montant du loyer moyen observé sur le territoire. Ces calculs tiennent compte uniquement des informations relatives à l’emploi du salarié (salaire provenant de cet emploi et lieu de travail), celles relatives au ménage du salarié (revenu du conjoint, composition familiale, etc.) n’étant pas disponibles.

Pour en savoir plus

Do T., Beatriz M., Bèque M., Coutrot T., Duval M., Erb L., Inan C., Rosankis É., « Les conséquences de la crise sanitaire sur les conditions de travail selon les métiers », in Emploi, chômage, revenus du travail, coll. « Insee Références », édition 2022.

Erhel C., Moreau-Follenfant S., Ouvrir dans un nouvel ongletRapport de la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne, décembre 2021.

Acs M., Beaufils S., Chevrot J., Davy A.-C., Leroi P., Telle-Lamberton M., Wolf M., « Où habitent les 1,9 million d’actifs « essentiels du quotidien » qui travaillent en Île-de-France ? », Insee Analyses Île-de-France n° 138, juillet 2021.

Acs M., Arènes J.-F., Beaufils S., Chevrot J., Davy A.-C., Leroi P., Telle-Lamberton M., Wolf M., « Quelles conditions de travail et de vie pour les 1,8 million de travailleurs « essentiels du quotidien » résidant en Île-de-France ? », Insee Analyses Île-de-France n° 137, juillet 2021.

Amossé T., Beatriz M., Erhel C., Koubi M., Mauroux A., « Ouvrir dans un nouvel ongletLes métiers “de deuxième ligne” de la crise Covid-19 : quelles conditions de travail et d’emploi dans le secteur privé ? », Dares, Document d’études n° 246, mai 2021.