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Insee Analyses Ile-de-France · Juillet 2021 · n° 137
Insee Analyses Ile-de-FranceQuelles conditions de travail et de vie pour les 1,8 million de travailleurs « essentiels du quotidien » résidant en Île-de-France ?

Marie Acs, Joseph Chevrot (Insee), Sandrine Beaufils, Anne-Claire Davy, Pascale Leroi (L’Institut Paris Region), Martin Wolf (Atelier parisien d’urbanisme), Maylis Telle-Lamberton (Observatoire régional de santé Île-de-France)

En Île-de-France, environ 1,8 million de résidents exercent une profession dite « essentielle du quotidien », permettant de subvenir chaque jour aux besoins de la population. Ce sont majoritairement des femmes et, pour certaines professions, plus souvent des personnes immigrées que dans l’ensemble des actifs. Malgré la grande diversité des métiers concernés par ces « essentiels du quotidien » (caissiers, infirmiers, livreurs, médecins, professeurs, etc.), les employés et les ouvriers sont les plus nombreux. Les travailleurs et travailleuses « essentiels du quotidien » sont en moyenne moins bien rémunérés que l’ensemble des salariés quelle que soit leur catégorie socioprofessionnelle, notamment en raison de temps de travail souvent plus faibles. Ils résident plus souvent dans le parc social, surtout pour ceux qui vivent dans la métropole du Grand Paris.

Insee Analyses Ile-de-France
No 137
Paru le :Paru le01/07/2021
Avertissement

Comme toute population active, les travailleurs « essentiels du quotidien » peuvent être recensés soit à leur lieu de travail, soit à leur lieu de résidence.

Leur étude est déclinée en deux publications. Celle sur les profils des travailleurs « essentiels du quotidien » est réalisée à partir des données au lieu de résidence et celle sur la géographie des emplois « essentiels du quotidien » [Acs et al., 2021] à partir des données au lieu de travail.

1 828 000 actifs « essentiels du quotidien » résident en Île-de-France (parmi eux, 27 000 travaillent en dehors de la région).

1 909 000 actifs « essentiels du quotidien » travaillent quotidiennement en Île-de-France (parmi eux, 109 000 habitent en dehors de la région).

Ces études qui mettent en lumière les conditions de vie des travailleurs « essentiels » peuvent venir à l’appui de la réflexion en cours sur l’accès au logement social.

1,8 million de travailleurs « essentiels du quotidien » résident en Île-de-France

La pandémie de Covid-19 a mis en lumière le rôle indispensable de certains travailleurs dits de « première ligne » (ou encore dénommés « travailleurs-clés »), ainsi que de métiers « relais des premières lignes » et de « services publics du quotidien ». L’ensemble de ces trois catégories forme les travailleurs « essentiels du quotidien », objet de cette étude. Le caractère primordial des activités qu’ils exercent a été mis en évidence dans le débat public avec les restrictions qui ont accompagné la crise sanitaire.

Selon la définition retenue (encadré 1), 1,8 million de travailleurs « essentiels du quotidien » résident en Île-de-France, soit 34 % des actifs franciliens occupés (par la suite dénommés « actifs »). Cette proportion est moindre que dans les autres régions de France métropolitaine (42 %) en raison de la forte présence de grands établissements, de sièges sociaux ou de ministères où les travailleurs « essentiels du quotidien » sont sous-représentés.

Deux études publiées conjointement par l’Insee, l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur), L’Institut Paris Region et l’Observatoire régional de santé (ORS) Île-de-France apportent des éléments d’éclairage sur ces travailleurs. La présente étude décrit leur profil et leurs conditions de travail et de vie ; la seconde analyse la géographie de leurs lieux de résidence et d’emploi [Acs et al., 2021].

Une proportion élevée d’employés et d’ouvriers parmi les travailleurs « essentiels du quotidien »

Les travailleurs « essentiels du quotidien » résidant en Île-de-France se caractérisent par une part élevée d’employés (30 %) et d’ouvriers (16 %). À titre de comparaison, les employés représentent un quart de l’ensemble des actifs franciliens et les ouvriers, 13 % (figure 1). La surreprésentation de ces deux catégories socioprofessionnelles est encore plus importante pour les travailleurs de « première ligne ». À l’inverse, les cadres et professions libérales ne représentent que 21 % des travailleurs « essentiels du quotidien » et seulement 11 % des « premières lignes », contre 31 % pour l’ensemble des actifs franciliens.

Les travailleurs « relais des premières lignes » sont également plus souvent ouvriers que l’ensemble des actifs (19 % contre 13 %), mais relativement moins souvent employés (15 % contre 25 %). Les cadres et les professions libérales (34 %) sont à l’inverse surreprésentés parmi ces travailleurs « relais » du fait de l’importance des fonctions d’encadrement des activités de « première ligne » (ingénieur par exemple) et des activités de l’information, de la banque de détail ou de la gestion des réseaux de communication.

Figure 1 Caractéristiques des travailleurs « essentiels du quotidien » en Île-de-France

en %
Caractéristiques des travailleurs « essentiels du quotidien » en Île-de-France (en %) - Lecture : en Île-de-France, 55 % des travailleurs « essentiels du quotidien » sont des femmes.
Travailleurs « essentiels du quotidien » Ensemble des actifs occupés
« Premières lignes » « Relais des premières lignes » « Services publics du quotidien » Total
Nombre d’actifs occupés (résidant en Île-de-France) 765 000 591 000 472 000 1 828 000 5 442 000
Catégories socioprofessionnelles
Agriculteurs et chefs d’entreprise 3 10 s.o 4 5
Cadres et professions libérales 11 34 23 21 31
Professions intermédiaires 22 22 47 29 26
Employés 41 15 30 30 25
Ouvriers 23 19 s.o 16 13
Total 100 100 100 100 100
Part des femmes 55 38 77 55 49
Part des immigrés 30 20 19 24 23
  • s.o : sans objet.
  • Lecture : en Île-de-France, 55 % des travailleurs « essentiels du quotidien » sont des femmes.
  • Champ : actifs occupés en Île-de-France, au lieu de résidence.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire.

55 % des travailleurs « essentiels du quotidien » sont des travailleuses

Les femmes sont majoritaires au sein des travailleurs « essentiels du quotidien ». Les professions qui relèvent des « services publics du quotidien » (services publics de l’enfance, de l’éducation, du social et de la sécurité) sont les plus féminisées, avec un peu plus de trois quarts de femmes. En revanche, les « relais des premières lignes » se distinguent par une proportion plus élevée d’hommes (62 %).

La proportion de femmes varie fortement selon les secteurs d’activité : elle est supérieure à 75 % dans les secteurs hospitaliers (hors médecins), parmi les aides à domicile, au sein des professions de l’éducation et de l’accompagnement social, mais inférieure à 30 % dans les secteurs de la logistique, de la livraison, du commerce de proximité et de la sécurité des individus (police, pompiers, etc.).

Les immigrés plus nombreux parmi les « premières lignes »

Un quart des travailleurs « essentiels du quotidien » franciliens sont . Cette proportion proche de celle de l’ensemble des actifs (23 %) cache des disparités entre les trois catégories : elle est de 30 % pour les travailleurs de « première ligne », contre 20 % pour leurs « relais » et 19 % pour les « services publics du quotidien ». La part des immigrés est la plus élevée parmi les ouvriers (41 %), les artisans et chefs d’entreprise (37 %) et les employés (30 %). Elle est en revanche plus faible parmi les cadres et professions libérales (15 %) et les professions intermédiaires (13 %).

Dans certaines professions, la proportion d’immigrés est particulièrement importante, notamment parmi les agents de propreté (76 %), les aides à domicile et les aides ménagères (54 %). En revanche, elle est relativement faible dans les métiers de l’éducation (11 %) et des forces de l’ordre (5 %).

Des salaires plus faibles pour les travailleurs « essentiels du quotidien »

Le salaire médian des travailleurs « essentiels du quotidien » est plus faible de 10 % que celui de l’ensemble des salariés franciliens (27 100 euros bruts par an, contre 30 200 euros) (figure 2). En particulier, le salaire médian des travailleurs de « première ligne » (23 500 euros bruts annuels) est inférieur de 22 % à celui de l’ensemble des salariés franciliens.

Les salaires des « relais des premières lignes » sont les plus élevés parmi les professions « essentielles du quotidien ». Cela tient à la plus grande proportion de cadres et de professions libérales (34 %) et à l’importance des secteurs des banques et assurances ou encore de l’information.

Les écarts de salaires avec l’ensemble des salariés s’expliquent en grande partie par la surreprésentation, parmi les travailleurs « essentiels du quotidien », des ouvriers et des employés dont les salaires sont relativement faibles.

Les ouvriers de « première ligne » disposent toutefois de salaires inférieurs à ceux de l’ensemble des ouvriers franciliens. Le salaire médian des ouvriers de « première ligne » est ainsi de 19 400 euros bruts par an, contre 23 500 euros pour l’ensemble des ouvriers salariés, soit une différence de 18 %.

Figure 2Salaires médians bruts annuels des actifs occupés en Île-de-France par catégorie socioprofessionnelle

en euros
Salaires médians bruts annuels des actifs occupés en Île-de-France par catégorie socioprofessionnelle (en euros) - Lecture : le salaire brut médian annuel des employés de « première ligne » est de 22 300 euros.
« Premières lignes » « Relais des premières lignes » « Services publics du quotidien » Ensemble des travailleurs « essentiels du quotidien » Ensemble des salariés
Ouvriers 19 400 24 800 s.o 21 200 23 500
Employés 22 300 25 300 17 400 22 000 22 200
Professions intermédiaires 32 300 35 200 30 500 32 200 33 100
Cadres et professions libérales 44 400 53 700 37 800 46 900 52 800
  • s.o : sans objet.
  • Lecture : le salaire brut médian annuel des employés de « première ligne » est de 22 300 euros.
  • Source : Insee, Déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2017.

Figure 2Salaires médians bruts annuels des actifs occupés en Île-de-France par catégorie socioprofessionnelle

  • s.o : sans objet.
  • Lecture : le salaire brut médian annuel des employés de « première ligne » est de 22 300 euros.
  • Source : Insee, Déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2017.

Moins d’heures de travail pour les travailleurs « essentiels du quotidien »

Les niveaux inférieurs des salaires des travailleurs « essentiels du quotidien » peuvent s’expliquer par des durées annuelles de travail plus faibles. En effet, parmi les salariés travaillant le moins d’heures à l’année, les travailleurs « essentiels du quotidien » sont surreprésentés. Cela s’observe encore plus parmi les « premières lignes ». Leur temps de travail médian est de 1 796 heures, c’est-à-dire qu’un salarié de « première ligne » sur deux travaille moins que la durée légale payée (1 820 heures, congés et jours fériés inclus).

En particulier, les travailleurs « essentiels du quotidien » ont plus souvent que les autres salariés des contrats de travail à temps partiel ou à durée déterminée. Certaines professions, les plus féminisées, sont en effet fréquemment exercées à temps partiel, notamment les caissières et vendeuses des commerces « essentiels du quotidien » (28 % de contrats de travail à temps partiel), les agentes de propreté (41 %) et les aides à domicile et aides ménagères (46 %).

Par ailleurs, les salaires plus faibles des « premières lignes », inférieurs à 7 000 euros bruts par an, sont plus fréquents au cœur de la région (métropole du Grand Paris et l’est des Yvelines), là où les inégalités de revenus sont les plus fortes (figure 3).

La prédominance de contrats de travail courts ou à temps partiel pourraient expliquer des salaires plus faibles : 10 % des travailleurs « essentiels du quotidien » perçoivent moins de 8 100 euros bruts par an, contre 9 200 euros pour l’ensemble des actifs. De plus, pour le même nombre d’heures travaillées, les métiers « essentiels du quotidien » sont moins rémunérés que les autres métiers, quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle.

Figure 3Salaire brut annuel maximum du premier décile des travailleurs de « première ligne », par EPT et EPCI franciliens

en euros
Salaire brut annuel maximum du premier décile des travailleurs de « première ligne », par EPT et EPCI franciliens (en euros) - Lecture : 10 % des travailleurs de « première ligne » résidant à Paris ont un salaire brut annuel inférieur à 6 000 euros.
Code Territoire Salaire
200017846 CA L’Étampois Sud-Essonne 8 600
200023125 CC Les Portes Briardes Entre Villes et Forêts 9 100
200023240 CC Pays de Nemours 7 900
200023919 CC Gâtinais Val-de-Loing 8 300
200033090 CC Plaines & Monts de France 12 000
200033173 CC de la Haute Vallée de Chevreuse 7 500
200034130 CC Gally Mauldre 7 500
200035970 CC Vexin Centre 10 500
200037133 CC du Provinois 7 900
200040251 CC Bassée-Montois 8 100
200055655 CA Roissy Pays de France 7 200
200056232 CA Paris-Saclay 7 700
200056380 CA Plaine Vallée 7 200
200057859 CA Cœur d'Essonne Agglomération 8 600
200057958 CA Paris - Vallée de la Marne 7 600
200058477 CA Val d'Yerres Val de Seine 7 600
200058485 CA Val Parisis 7 700
200058519 CA Saint Germain Boucles de Seine 6 800
200058782 CA de Saint-Quentin-en-Yvelines 7 200
200059228 CA Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart 7 700
200059889 CU Grand Paris Seine & Oise 7 400
200070779 CC Brie des Rivières et Châteaux 11 000
200071074 CC Les Portes de l'Île de France 8 900
200072130 CA du Pays de Meaux 7 900
200072346 CA du Pays de Fontainebleau 8 200
200072544 CC des Deux Morin 8 800
200072874 CC Val Briard 10 500
200073013 CC Carnelle Pays-de-France 9 700
200073344 CA Rambouillet Territoires 8 000
200090504 CA Coulommiers Pays de Brie 9 300
247700032 CC Moret Seine & Loing 9 200
247700057 CA Melun Val de Seine 6 500
247700065 CC du Pays de l'Ourcq 9 400
247700107 CC Pays de Montereau 7 200
247700339 CA Val d'Europe Agglomération 9 200
247700594 CA Marne et Gondoire 8 400
247700644 CC L'Orée de la Brie 9 900
247700701 CC Brie Nangissienne 7 500
247800550 CC du Pays Houdanais (partie francilienne) 9 600
247800584 CA Versailles Grand Parc 6 900
247800618 CC Cœur d'Yvelines 7 500
249100074 CC du Pays de Limours 8 700
249100157 CC des Deux Vallées 9 000
249100546 CC du Val d'Essonne 9 500
249100553 CC Entre Juine et Renarde 10 000
249100595 CC le Dourdannais en Hurepoix 8 400
249500109 CA de Cergy-Pontoise 7 300
249500430 CC Sausseron Impressionnistes 9 400
249500455 CC de la Vallée de l'Oise et des Trois Forêts 8 300
249500489 CC du Haut Val d'Oise 8 600
249500513 CC du Vexin Val de Seine 10 200
217500016 T1 Ville de Paris 5 800
200057966 T2 Vallée Sud Grand Paris 7 400
200057974 T3 Grand Paris Seine Ouest 6 900
200057982 T4 Paris Ouest La Défense 6 900
200057990 T5 Boucle Nord de Seine 6 500
200057867 T6 Plaine Commune 5 900
200058097 T7 Paris Terres d'Envol 6 500
200057875 T8 Est Ensemble 6 300
200058790 T9 Grand Paris Grand Est 6 900
200057941 T10 Paris Est Marne & Bois 6 900
200058006 T11 Grand Paris Sud Est Avenir 7 400
200058014 T12 Grand-Orly Seine Bièvre 7 100
  • Note : cette carte étant réalisée à partir de données détaillées, les données arrondies indiquées en info-bulle et dans l'onglet "Tableau" peuvent ne pas coïncider avec les classes affichées.
  • Lecture : 10 % des travailleurs de « première ligne » résidant à Paris ont un salaire brut annuel inférieur à 6 000 euros.
  • Source : Insee, Déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2017.

Figure 3Salaire brut annuel maximum du premier décile des travailleurs de « première ligne », par EPT et EPCI franciliens

  • Note : cette carte étant réalisée à partir de données détaillées, les données arrondies indiquées en info-bulle et dans l'onglet "Tableau" peuvent ne pas coïncider avec les classes affichées.
  • Lecture : 10 % des travailleurs de « première ligne » résidant à Paris ont un salaire brut annuel inférieur à 6 000 euros.
  • Source : Insee, Déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2017.

Moins de propriétaires et plus de locataires dans le parc social

Les travailleurs « essentiels du quotidien » sont un peu moins souvent propriétaires (47 %) et locataires dans le parc privé (22 %) que l’ensemble des actifs franciliens (respectivement 49 % et 24 %) (figure 4). En revanche, ils sont plus nombreux à occuper un logement social : 25 % contre 20 % des actifs.

La part de locataires dans le parc privé est quasiment identique au sein des trois catégories de travailleurs « essentiels du quotidien ». En revanche, les « premières lignes » sont moins souvent propriétaires de leur logement (43 %) que l’ensemble des travailleurs « essentiels du quotidien » (47 %), à l’inverse des « relais des premières lignes » (52 %) et des « services publics du quotidien » (49 %). Les travailleurs de « première ligne » sont ceux qui résident le plus souvent dans un logement social (29 %).

Figure 4Statut d’occupation du logement selon la catégorie des travailleurs « essentiels du quotidien » en Île-de-France

en %
Statut d’occupation du logement selon la catégorie des travailleurs « essentiels du quotidien » en Île-de-France (en %) - Lecture : 25 % des travailleurs « essentiels du quotidien » franciliens sont locataires d’un logement du parc social.
Propriétaire Locataire du parc privé Locataire du parc social Locataire d'un logement meublé Logé gratuitement
« Premières lignes » 43 22 29 3 3
« Relais des premières lignes » 52 22 20 3 3
« Services publics du quotidien » 49 21 24 3 3
Ensemble des travailleurs « essentiels du quotidien » 47 22 25 3 3
Ensemble des actifs occupés 49 24 20 4 3
  • Lecture : 25 % des travailleurs « essentiels du quotidien » franciliens sont locataires d’un logement du parc social.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire.

19 % des travailleurs « essentiels du quotidien » résident dans un logement suroccupé

En Île-de-France, la est quatre fois plus importante qu’en province. Elle touche en particulier 290 000 travailleurs « essentiels du quotidien », soit 19 % de l’ensemble de ces travailleurs, ce qui est comparable à l’ensemble des actifs (18 %). La suroccupation des logements est plus fréquente pour les locataires du parc social et du parc privé, elle est moindre pour les propriétaires. 86 000 travailleurs « essentiels du quotidien » sont locataires dans le parc privé et vivent dans un logement suroccupé ; parmi eux, 23 000 sont même en situation de suroccupation accentuée.

Ces moins bonnes conditions de logement peuvent s’expliquer par les difficultés à se loger dans une région où les prix immobiliers sont élevés, en particulier à Paris et en petite couronne.

Les travailleurs de « première ligne » sont les plus concernés par la suroccupation : 43 000 d’entre eux occupent des logements suroccupés dans le parc privé, dont 12 500 en situation de suroccupation accentuée (10 %). Les travailleurs « relais des premières lignes » et ceux des « services publics du quotidien » vivent un peu moins souvent dans un logement suroccupé que l’ensemble des actifs.

Une plus forte présence dans le parc social, surtout au centre de la région

Un travailleur « essentiel du quotidien » sur quatre réside en logement social. Leur présence dans le parc social est très nette en cœur d’agglomération, notamment pour les « premières lignes » (figure 5). À Paris, 28 % des « premières lignes » résident dans un logement social, contre 18 % de l’ensemble des actifs. Dans les Hauts-de-Seine, 36 % des « premières lignes » occupent un logement social, contre 24 % de l’ensemble des actifs.

La surreprésentation des ouvriers et des employés parmi les professions « essentielles du quotidien » explique en partie cette plus forte présence des travailleurs « essentiels du quotidien » dans le parc social. En outre, à catégorie socioprofessionnelle équivalente, les ouvriers et employés « essentiels du quotidien » résident un peu plus souvent dans un logement social que l’ensemble des ouvriers et employés (respectivement 39 % contre 35 %, et 36 % contre 33 %). Ces écarts demeurent néanmoins relativement limités, au regard des fonctions exercées et des faibles niveaux de rémunération de ces actifs.

Figure 5Part des travailleurs « essentiels du quotidien » occupant un logement du parc social, par EPT et EPCI franciliens

en %
Part des travailleurs « essentiels du quotidien » occupant un logement du parc social, par EPT et EPCI franciliens (en %) - Lecture : 23 % des travailleurs « essentiels du quotidien » résidant à Paris occupent un logement social.
Code Territoire Part
200017846 CA L’Étampois Sud-Essonne 10,4
200023125 CC Les Portes Briardes Entre Villes et Forêts 14,7
200023240 CC Pays de Nemours 17,3
200023919 CC Gâtinais Val-de-Loing 4,3
200033090 CC Plaines & Monts de France 1,6
200033173 CC de la Haute Vallée de Chevreuse 9,2
200034130 CC Gally Mauldre 4,0
200035970 CC Vexin Centre 3,0
200037133 CC du Provinois 11,2
200040251 CC Bassée-Montois 2,5
200055655 CA Roissy Pays de France 27,5
200056232 CA Paris-Saclay 21,1
200056380 CA Plaine Vallée 18,5
200057859 CA Cœur d'Essonne Agglomération 23,0
200057958 CA Paris - Vallée de la Marne 24,0
200058477 CA Val d'Yerres Val de Seine 26,4
200058485 CA Val Parisis 21,2
200058519 CA Saint Germain Boucles de Seine 19,8
200058782 CA de Saint-Quentin-en-Yvelines 32,7
200059228 CA Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart 24,0
200059889 CU Grand Paris Seine & Oise 25,8
200070779 CC Brie des Rivières et Châteaux 3,1
200071074 CC Les Portes de l'Île de France 9,1
200072130 CA du Pays de Meaux 19,8
200072346 CA du Pays de Fontainebleau 8,7
200072544 CC des Deux Morin 4,2
200072874 CC Val Briard 4,0
200073013 CC Carnelle Pays-de-France 5,8
200073344 CA Rambouillet Territoires 9,8
200090504 CA Coulommiers Pays de Brie 6,5
247700032 CC Moret Seine & Loing 8,0
247700057 CA Melun Val de Seine 28,4
247700065 CC du Pays de l'Ourcq 6,9
247700107 CC Pays de Montereau 17,7
247700339 CA Val d'Europe Agglomération 7,7
247700594 CA Marne et Gondoire 14,0
247700644 CC L'Orée de la Brie 14,0
247700701 CC Brie Nangissienne 14,2
247800550 CC du Pays Houdanais (partie francilienne) 4,3
247800584 CA Versailles Grand Parc 20,6
247800618 CC Cœur d'Yvelines 4,6
249100074 CC du Pays de Limours 3,2
249100157 CC des Deux Vallées 1,3
249100546 CC du Val d'Essonne 11,4
249100553 CC Entre Juine et Renarde 4,3
249100595 CC le Dourdannais en Hurepoix 16,5
249500109 CA de Cergy-Pontoise 27,3
249500430 CC Sausseron Impressionnistes 5,3
249500455 CC de la Vallée de l'Oise et des Trois Forêts 12,3
249500489 CC du Haut Val d'Oise 22,6
249500513 CC du Vexin Val de Seine 8,4
217500016 T1 Ville de Paris 22,9
200057966 T2 Vallée Sud Grand Paris 32,8
200057974 T3 Grand Paris Seine Ouest 22,9
200057982 T4 Paris Ouest La Défense 29,3
200057990 T5 Boucle Nord de Seine 34,1
200057867 T6 Plaine Commune 41,7
200058097 T7 Paris Terres d'Envol 31,0
200057875 T8 Est Ensemble 38,5
200058790 T9 Grand Paris Grand Est 22,1
200057941 T10 Paris Est Marne & Bois 21,8
200058006 T11 Grand Paris Sud Est Avenir 32,1
200058014 T12 Grand-Orly Seine Bièvre 33,4
  • Lecture : 23 % des travailleurs « essentiels du quotidien » résidant à Paris occupent un logement social.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire.

Figure 5Part des travailleurs « essentiels du quotidien » occupant un logement du parc social, par EPT et EPCI franciliens

  • Lecture : 23 % des travailleurs « essentiels du quotidien » résidant à Paris occupent un logement social.
  • Source : Insee, recensement de la population 2017, exploitation complémentaire.

Encadré 1 - Les travailleurs « essentiels du quotidien » : quelle définition ?

La crise sanitaire et l’arrêt de l’économie qui en a découlé ont mis sur le devant de la scène des travailleurs dits de « première ligne », c’est-à-dire ceux ayant continué leur activité sur leur lieu de travail pendant le premier confinement de mi-mars à mi-mai 2020.

Cette définition inclut les métiers de l’urgence et les métiers assurant les besoins vitaux du quotidien : santé, alimentation, transport et sécurité notamment. Ces actifs, appelés aussi « travailleurs-clés », ont fait l’objet d’analyses de l’Observatoire régional de santé Île-de-France (ORS) [Ouvrir dans un nouvel ongletBouscaren et al., 2020] et de l’Insee, notamment en lien avec leur surexposition au risque de la Covid-19.

Sollicitées par les pouvoirs publics, les agences d’urbanisme (L’Institut Paris Region et l’Atelier parisien d’urbanisme) ont souhaité compléter cette définition conjoncturelle liée au premier confinement de mars 2020 en l’élargissant à l’ensemble des métiers « essentiels du quotidien ». Ainsi, au premier groupe défini par l’ORS, ont été ajoutés deux groupes :

  • Les « relais des premières lignes » correspondent aux professions contribuant au bon fonctionnement et à la réalisation des missions des « premières lignes » et relèvent souvent des mêmes secteurs que ces dernières. S’y ajoutent d’autres fonctions clés telles que la logistique, l’information ou le secteur bancaire.
  • Les « métiers des services publics du quotidien » assurent des missions de service à la population, indépendamment de la situation de crise sanitaire. Il s’agit des services publics de l’enfance et de l’éducation, du social et du sport.

L’ensemble des actifs de ces trois groupes sont dénommés travailleurs « essentiels du quotidien ».

Cette définition, subjective, n’est pas immuable et ne saurait constituer une liste invariable de professions prioritaires dans le cadre de dispositifs spécifiques d’aides des pouvoirs publics. À titre d’exemple, la définition ici retenue diffère de celle établie lors de travaux réalisés en 2014 sur le thème des travailleurs-clés.

Quelques exemples de professions « essentielles du quotidien » (liste non exhaustive) :

  • « Premières lignes » : professions hospitalières (médecins, infirmiers, aides-soignants, ambulanciers), livreurs et coursiers, agents de propreté, aides à domicile et auxiliaires de vie, caissiers et vendeurs des commerces essentiels, boulangers, agents de police, éboueurs...
  • « Relais des premières lignes » : ouvriers de la logistique (caristes, manutentionnaires, magasiniers, ouvriers emballage), officiers des forces de l’ordre, ingénieurs dans les secteurs d’activité des « premières lignes », professions intermédiaires de La Poste, journalistes...
  • « Services publics du quotidien » : métiers de l’éducation (enseignants des premier et second degrés, surveillants et aides-éducateurs scolaires), professionnels du social de proximité (assistants de service social, puéricultrices, éducateurs, animateurs)...

Encadré 2 - Plus de 4 millions de Franciliens vivent dans un ménage qui compte au moins un travailleur « essentiel du quotidien »

En Île-de-France, un million et demi de ménages comprennent au moins un travailleur « essentiel du quotidien », soit trois ménages sur dix. Ces ménages regroupent 4 430 000 individus dont 820 000 enfants de onze ans ou moins. La plupart des ménages sont composés d’un couple, comprenant généralement un seul travailleur « essentiel du quotidien », même lorsque les deux conjoints sont des actifs occupés. Dans les autres formes de ménage (multi-générationnels, colocations, familles monoparentales…), les parents isolés sont surreprésentés parmi les travailleurs « essentiels du quotidien » (40 %), ainsi que les personnes vivant hors famille, dans une moindre mesure (31 %).

Les travailleurs « essentiels du quotidien » vivent plus fréquemment avec un travailleur « essentiel » que la moyenne des actifs franciliens.

Encadré 3 - Zoom sur quelques professions « essentielles du quotidien »

58 000 agents de propreté participent au nettoyage et à la désinfection des locaux professionnels et des équipements collectifs en Île-de-France. Ces métiers ont notamment joué un rôle primordial dans la lutte contre la pandémie de Covid-19. Ils sont considérés comme « premières lignes » dans cette note. Les femmes y sont majoritaires (62 %) et la proportion d’immigrés est très élevée (76 %). 41 % d’entre eux travaillent à temps partiel, un taux trois fois plus élevé que pour l’ensemble des actifs. Seulement un quart d’entre eux recourent à la voiture individuelle ou à un deux-roues motorisé pour se rendre au travail, bien qu’ils soient très souvent concernés par les horaires décalés. 24 % occupent un logement social, un taux plus faible que la moyenne des « premières lignes » (29 %).

176 000 travailleurs exercent une profession hospitalière (hors médecins) en Île-de-France, dont 76 000 infirmiers, 57 000 aides-soignants, 37 000 agents de services hospitaliers et 5 000 ambulanciers. Ces professions, toutes considérées comme « premières lignes », ont été particulièrement mobilisées pour faire face à la pandémie de Covid-19. 82 % de ces travailleurs sont des femmes, faisant du secteur hospitalier (hors médecins) l’un des plus féminisés parmi les professions « essentielles du quotidien ». 23 % sont immigrés. Près de la moitié (49 %) utilisent leur voiture ou un deux-roues motorisé pour se rendre sur leur lieu de travail, un taux supérieur à la moyenne des actifs (41 %). La proportion élevée de professions hospitalières travaillant en horaires décalés, à des horaires où l’offre de transports en commun est peu développée, peut en partie expliquer ce recours plus fréquent à la voiture. 21 % occupent un logement social, un taux plus faible que la moyenne des « premières lignes » (29 %).

97 000 travailleurs exercent un métier de la logistique en Île-de-France. Les caristes, manutentionnaires, magasiniers et ouvriers emballage ont joué un rôle central dans le maintien de l’approvisionnement, en particulier lors des périodes de confinement. Parmi eux, 39 000 font partie des « relais des premières lignes ».

Ces métiers comptent l’une des plus fortes proportions d’hommes (72 %) parmi les professions « essentielles du quotidien ». 35 % sont immigrés. Plus de la moitié (51 %) utilisent leur voiture ou un deux-roues motorisé pour se rendre sur leur lieu de travail. Seulement 19 % occupent un logement social, un taux proche de l’ensemble des actifs mais plus faible que celui des travailleurs « essentiels du quotidien » (25 %).

Publication rédigée par :Marie Acs, Joseph Chevrot (Insee), Sandrine Beaufils, Anne-Claire Davy, Pascale Leroi (L’Institut Paris Region), Martin Wolf (Atelier parisien d’urbanisme), Maylis Telle-Lamberton (Observatoire régional de santé Île-de-France)

Sources

La plupart des données sont issues du recensement de la population de l’Insee de 2017, exploitation complémentaire.

Certaines données de description de l’emploi et de salaires sont issues des déclarations annuelles de données sociales (DADS) 2017.

Définitions

Immigré : personne née étrangère à l’étranger résidant en France, qu’elle ait ou non acquis la nationalité française.

Suroccupation des logements : un logement est suroccupé quand il lui manque au moins une pièce par rapport à la situation d’occupation « normale » définie ainsi : une pièce de séjour pour le ménage, une pièce pour chaque personne de référence d’une famille ou un couple, une pièce pour les personnes hors famille non célibataires ou les célibataires de 19 ans ou plus. Pour les célibataires de moins de 19 ans, on compte une pièce pour deux enfants s’ils sont de même sexe ou ont moins de 7 ans, sinon, une pièce par enfant. Les studios occupés par une personne sont exclus du champ. Un logement auquel il manque deux pièces est en situation de suroccupation accentuée.

Déciles des salaires : les déciles sont les valeurs qui partagent la distribution des salaires en dix parties d’effectifs égaux. Pour une distribution de salaires : le premier décile est le salaire au-dessous duquel se situent 10 % des salaires, le neuvième décile est le salaire au-dessous duquel se situent 90 % des salaires.

Pour en savoir plus

Acs M., Beaufils S., Chevrot J., Davy A.-C., Leroi P., Telle-Lamberton M., Wolf M., « Où habitent les 1,9 million d’actifs « essentiels du quotidien » qui travaillent en Île-de-France ? », Insee Analyses Île-de-France n° 138, juillet 2021.

Faucon F., Grémy I., Pancarte K., Sarron C., Saunal A., Telle-Lamberton M., « 765 000 travailleurs-clés franciliens répondent aux besoins fondamentaux de la population », Insee Analyses Île-de-France n° 128, février 2021.

Beaufils S., Davy A.-C., Leroi P., Telle-Lamberton M., « Ouvrir dans un nouvel ongletCrise Covid : des travailleurs sous les projecteurs » , L’Institut Paris Region, Chronique des confins n° 12, décembre 2020.

Bouscaren N., Telle-Lamberton M., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuels « travailleurs-clés » lors de la première vague de Covid-19 ? », Observatoire régional de santé Île-de-France, Focus Santé en Île-de-France, décembre 2020.

Arènes J.-F., Dubujet F., Virot P., « En Île-de-France, les travailleurs clés résident un peu moins loin de leur lieu de travail », Insee Analyses Île-de-France n° 9, décembre 2014.