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Novembre 2024 · n° 72En Martinique, un adulte sur huit est en difficulté face à l’écrit
En Martinique, en 2022, 13 % des adultes de 18 à 64 ans rencontrent des difficultés face à l’écrit, dont 9 % des difficultés jugées fortes. Les difficultés en calcul concernent 21 % des adultes. Les personnes ayant des difficultés fortes à l’écrit sont plus souvent allophones : pour un tiers d’entre elles, le français n’est pas leur langue maternelle. D’autres facteurs, comme le niveau de diplôme de l’adulte ou de ses parents ou l’âge peuvent également expliquer ces difficultés. Ces personnes en difficulté habitent plus souvent dans les quartiers prioritaires de la ville.
Des compétences limitées face à l’écrit et en calcul représentent un véritable handicap pour l’accès à l’emploi. En effet, la moitié des personnes dans cette situation n’ont pas d’emploi. Elles sont aussi celles qui utilisent le moins internet.
- 13 % des martiniquais entre 18 et 64 ans sont en difficulté face à l’écrit
- Trois adultes sur dix en difficulté forte face à l’écrit n’ont pas le français comme langue maternelle
- A diplôme équivalent, les difficultés en calcul sont plus fréquentes en Martinique
- Les difficultés sont plus fréquentes dans les quartiers prioritaires
- Les plus jeunes maîtrisent mieux l’écrit et le calcul que leurs aînés
- Une personne en difficulté à l’écrit et en calcul sur deux n’a pas d’emploi
- Comme dans l’Hexagone, les personnes en difficultés utilisent moins internet
- Encadre 1 - La part des personnes en situation d’illettrisme est deux fois plus élevée en Martinique qu’en France hexagonale
- Encadré 2 - Des comparaisons entre territoires mais pas de comparaison temporelle
13 % des martiniquais entre 18 et 64 ans sont en difficulté face à l’écrit
En Martinique, 13 % de la population âgée de 18 à 64 ans éprouve des difficultés face à l’écrit. Ainsi 26 000 personnes réussissent moins de 80 % des exercices qui leur sont proposés dans au moins un des trois domaines fondamentaux de littératie : la lecture, l’écriture et la compréhension d’un texte simple. Ces compétences sont pourtant essentielles dans la vie quotidienne (figure 1).
Parmi ces trois domaines, les difficultés en lecture concernent 4 % des adultes en Martinique, comme en France métropolitaine. Plus fréquentes, les difficultés d’écriture touchent 10 % des adultes en Martinique alors que cette part est de 8 % en France hexagonale. Enfin, les difficultés en compréhension concernent 13 % des adultes martiniquais et 10 % des adultes dans l’Hexagone.
Plus précisément, 4 % des personnes âgées de 18 à 64 ans rencontrent des difficultés modérées face à l’écrit, tandis que 9 % éprouvent des difficultés fortes en Martinique. Les adultes sont considérés en difficulté forte s’ils n’ont pas pu passer les épreuves à cause d’une maîtrise insuffisante de la lecture ou du français (3 %), ou ont réussi moins de 60 % des exercices dans au moins un des trois domaines fondamentaux de l’écrit (6 %).
En Martinique, 21 % des personnes éprouvent des difficultés en calcul. Elles obtiennent moins de 60 % de réussite aux tests proposés (figure 2). Ce groupe inclut notamment les 3 % d’adultes qui n’ont pas pu faire les exercices faute d’une maîtrise suffisante du français. Dans l’Hexagone, la part des personnes en difficulté en calcul est nettement moins élevée (11 % dont 2 % ne passant pas les tests).
Cependant, plus de la moitié des adultes en Martinique (53 %) réussissent entre 60 et 80 % des épreuves de calcul, un résultat supérieur à ceux de la Métropole (49 %). À l’opposé, la part des personnes ayant au moins 80 % de réussite est moins élevée en Martinique (26 %) qu’en France hexagonale (40 %).
Les personnes en difficulté à l’écrit sont souvent les mêmes (deux tiers) qui éprouvent des difficultés en calcul. Au total en Martinique, 8 % des adultes cumulent les difficultés à l’écrit et en calcul, contre 6 % en France hexagonale.
tableauFigure 1 – Compétences des adultes à l’écrit
Niveau de compétence à l’écrit | Martinique | France métropolitaine | ||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|
Lecture de mots | Production de mots écrits | Compréhension d’un texte simple | Difficultés dans au moins un des trois domaines fondamentaux | Lecture de mots | Production de mots écrits | Compréhension d’un texte simple | Difficultés dans au moins un des trois domaines fondamentaux | |
En difficulté | 5 | 10 | 13 | 13 | 4 | 8 | 10 | 10 |
Difficultés fortes | 4 | 6 | 9 | 9 | 3 | 6 | 7 | 8 |
dont ne passe pas les épreuves | 3 | 3 | 3 | 3 | 2 | 2 | 2 | 2 |
dont moins de 60 % de réussite | 1 | 3 | 6 | 6 | 1 | 4 | 5 | 6 |
Difficultés modérées (de 60 % à 80 % de réussite) | 1 | 4 | 4 | 4 | 1 | 2 | 3 | 2 |
Pas de difficulté | 95 | 90 | 87 | 87 | 96 | 92 | 90 | 90 |
Ensemble | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 | 100 |
- Note : Une personne a des difficultés fortes dans un domaine lorsqu’elle n’a pas pu passer les épreuves en raison d’une maîtrise insuffisante de la lecture ou du français ou quand elle a passé les épreuves et obtenu moins de 60 % de réussite dans ce domaine (voir sources et méthodes).
- Lecture : 4 % des personnes ont des difficultés fortes en lecture de mots (cela inclut les personnes qui n'ont pu passer les exercices, du fait de trop grandes difficultés en français ou face à l'écrit). Cette part est de 6 % en production de mots écrits et 9 % en compréhension. Au total, 9 % des personnes ont des difficultés fortes pour au moins l'un de ces trois domaines.
- Champ : Martinique et France métropolitaine, personnes âgées de 18 à 64 ans.
- Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.
tableauFigure 2 – Compétences des adultes en calcul
Niveau de compétence en calcul | Martinique | France métropolitaine | ||
---|---|---|---|---|
Ensemble des 18-64 ans | Personnes en difficulté à l’écrit | Ensemble des 18-64 ans | Personnes en difficulté à l’écrit | |
En difficulté | 21 | 66 | 11 | 60 |
Dont ne passe pas les épreuves | 3 | 22 | 2 | 23 |
Dont moins de 60 % de réussite | 18 | 44 | 9 | 37 |
Pas de difficulté | 79 | 35 | 89 | 40 |
Dont 60 % à moins de 80 % de réussite | 53 | 32 | 49 | 34 |
Dont au moins 80 % de réussite | 26 | 3 | 40 | 6 |
Ensemble | 100 | 100 | 100 | 100 |
- Note : Une personne est en difficulté à l'écrit quand elle a moins de 80 % de réussite dans au moins un des trois domaines de l'écrit.
- Lecture : 21 % des personnes ont des difficultés en calcul (3 % n’ont pas pu passer les tests et 18 % ont réussi moins de 60 % des questions), 66 % des personnes en difficulté à l'écrit ont également des difficultés en calcul.
- Champ : Martinique et France métropolitaine, personnes âgées de 18 à 64 ans.
- Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.
Trois adultes sur dix en difficulté forte face à l’écrit n’ont pas le français comme langue maternelle
Les langues maternelles influent sur le niveau de compétences en littératie et en numératie (figure 3). En effet, 35 % des allophones présentent des difficultés en français alors que cela ne concerne que 7 % de ceux dont le français est l’une des langues maternelles. Dans l’Hexagone, cette différence est également marquée (respectivement 33 % et 4 %). Ainsi 28 % des adultes qui ont des difficultés fortes face à l’écrit en Martinique sont allophones.
Les difficultés en calcul se manifestent différemment selon la langue maternelle. En Martinique, 19 % des adultes ayant le français comme langue maternelle ont des difficultés en calcul contre 45 % des allophones. Cette tendance est comparable en France métropolitaine : 9 % des adultes ayant parlé le français à la maison durant leur enfance sont concernés par des difficultés en calcul tandis qu’ils sont 31 % parmi les allophones.
La maîtrise de la langue française représente un enjeu pour lutter contre ces difficultés. En Martinique, 7 % des adultes sont allophones (12 % en France hexagonale). Il s’agit majoritairement de personnes qui n’ont pratiqué que le créole à la maison dans leur enfance (créole martiniquais ou guadeloupéen 4 % et haïtien 1 %).
tableauFigure 3 – Difficultés à l'écrit et en calcul selon les caractéristiques individuelles
Caractéristiques des personnes | Personnes en difficulté à l'écrit | Dont difficultés fortes | Personnes en difficulté en calcul |
---|---|---|---|
Le Français en langue maternelle | |||
Oui | 10 | 7 | 19 |
Non | 41 | 35 | 45 |
Résidence en zone QPV* | |||
Oui | 36 | 29 | 42 |
Non | 11 | 8 | 20 |
Scolarisé en France dès le début | |||
Oui | 11 | 8 | 20 |
Non | 44 | 39 | 44 |
Sexe | |||
Femmes | 9 | 6 | 21 |
Hommes | 17 | 13 | 21 |
Âge | |||
18 - 24 ans | 8 | 5 | 18 |
25 - 34 ans | 5 | 4 | 18 |
35 - 44 ans | 10 | 6 | 14 |
45 - 54 ans | 13 | 8 | 23 |
55 - 64 ans | 21 | 17 | 26 |
Plus haut diplôme | |||
Aucun diplôme, brevet des collèges | 33 | 28 | 40 |
CAP, BEP ou équivalent | 11 | 6 | 25 |
Baccalauréat (ou équivalent) ou plus | 4 | 2 | 9 |
Plus haut diplôme des parents | |||
Aucun diplôme, brevet des collèges | 16 | 12 | 22 |
CAP, BEP ou équivalent | 6 | 3 | 21 |
Baccalauréat (ou équivalent) ou plus | 2 | 1 | 8 |
Ensemble | 13 | 9 | 21 |
- * QPV : Quartier prioritaire de la politique de la ville.
- Note : Une personne est en difficulté à l'écrit quand elle a moins de 80 % de réussite dans au moins un des trois domaines de l'écrit ; en difficulté forte à l'écrit avec moins de 60 %. Elle est en difficulté en calcul quand elle a moins de 60 % de réussite en calcul.
- Lecture : 11 % des personnes scolarisées en France dès le début sont en difficulté face à l’écrit, 8 % ont des difficultés fortes ; 20 % ont des difficultés en calcul.
- Champ : Martinique, personnes âgées de 18 à 64 ans.
- Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.
A diplôme équivalent, les difficultés en calcul sont plus fréquentes en Martinique
À l’écrit comme en calcul, les difficultés sont moins fréquentes quand le niveau de diplôme s’élève. À diplôme équivalent, les difficultés à l’écrit sont comparables entre la Martinique et la France hexagonale, alors qu’elles sont plus répandues en calcul en Martinique. Ainsi, dans la région, 33 % des personnes peu ou pas diplômées (détenant au plus le brevet des collèges) éprouvent des difficultés face à l’écrit et 40 % en calcul, contre respectivement 34 % et 33 % en France métropolitaine. Les personnes titulaires d’un CAP ou d’un BEP sont moins souvent en difficulté : 11 % rencontrent des difficultés face à l’écrit et 25 % en calcul en Martinique, contre respectivement 12 % et 14 % en France hexagonale. Les détenteurs du baccalauréat et des diplômes supérieurs sont les moins affectés : 4 % d’entre eux rencontrent des difficultés à l’écrit et 9 % en calcul, une part similaire à celle observée en France métropolitaine pour l’écrit (3 %), mais supérieure pour le calcul (5 %). Les difficultés cumulées à l’écrit et en calcul touchent 2 % des personnes les plus diplômées (au moins titulaires du baccalauréat), contre 24 % chez les personnes peu ou pas diplômées en Martinique, comme en France métropolitaine.
Le niveau de diplôme est, en moyenne, moins élevé en Martinique qu’en France hexagonale. En effet, la part de personnes peu ou pas diplômées est de 24 % en Martinique contre 16 % en France métropolitaine. Cette différence explique en partie les écarts de difficultés entre les deux territoires.
Le diplôme des parents influence aussi le fait de rencontrer des difficultés à l’écrit ou en calcul. Parmi les personnes dont les parents sont peu ou pas diplômés (aucun diplôme, études primaires ou brevet), 16 % éprouvent des difficultés à l’écrit et 22 % en calcul. Pour celles dont les parents ont un BEP ou un CAP, 6 % rencontrent des difficultés à l’écrit et 21 % en calcul. Enfin, les personnes dont les parents sont titulaires du baccalauréat ou de diplômes supérieurs sont 2 % à avoir des difficultés face à l’écrit et 8 % en calcul. Cela témoigne d’une forme d’inertie sociale et éducative : les parents plus diplômés transmettent des ressources ou un environnement qui favorisent l’apprentissage de leurs enfants. En revanche, les enfants de parents peu diplômés bénéficient moins de ces avantages.
Les difficultés sont plus fréquentes dans les quartiers prioritaires
En Martinique, les personnes résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) sont plus souvent confrontées à des difficultés à l’écrit et en calcul que celles vivant hors de ces quartiers : 36 % des habitants des QPV ont des difficultés à l’écrit contre 11 % pour ceux résidant en dehors de ces zones. Les difficultés en calcul concernent 42 % des habitants des QPV et 20 % de ceux vivant en dehors. Ces différences s’expliquent par une plus grande concentration de personnes peu diplômées et de personnes n’ayant pas le français comme langue maternelle dans ces quartiers. En effet, 53 % des résidents en QPV martiniquais sont peu ou pas diplômés contre 22 % hors QPV. De plus, parmi les adultes qui ont débuté leur scolarité en France, 75 % d’entre eux ont le français comme langue maternelle dans les QPV contre 96 % hors QPV.
La situation économique des quartiers prioritaires est moins favorable que celle des zones urbaines environnantes. Ces quartiers se caractérisent par des niveaux plus élevés de pauvreté, de chômage et de précarité, ce qui peut limiter l’accès à des ressources éducatives de qualité et à un contexte propice à l’apprentissage [ONPV, 2020 ; pour en savoir plus (2)].
Les plus jeunes maîtrisent mieux l’écrit et le calcul que leurs aînés
Les plus jeunes maîtrisent mieux l’écrit que leurs aînés : la part des personnes en difficulté varie de 8 % pour les 18-24 ans à 21 % pour les 55-64 ans (de 5 % à 17 % pour les personnes avec des difficultés fortes). En France métropolitaine, ces proportions varient de 6 % pour les 18-24 ans à 13 % pour les 55-64 ans.
En Martinique, en calcul, les différences selon l’âge sont également marquées : 18 % des 18-24 ans ont des difficultés, contre 26 % des 55-64 ans. En France hexagonale, en calcul, les différences selon les âges sont moins importantes: 10 % des 18-24 ans ont des difficultés en calcul, contre 14 % des 55-64 ans.
Ces différences s’expliquent en grande partie par des effets générationnels : les générations les plus jeunes ont eu des scolarités plus longues et sont plus diplômées que les plus anciennes. En 2022, 86 % des jeunes de 18 à 24 ans en Martinique ont au moins le baccalauréat, un CAP ou BEP contre seulement 62 % des 55 à 64 ans. De plus, le français devient progressivement la langue maternelle des nouvelles générations.
Les femmes et les hommes présentent des disparités de compétences. En littératie, la part des hommes en difficulté est plus importante (17 %) que celle des femmes (9 %). Cet écart s’explique en partie par la différence de niveau de diplôme. En effet, celui-ci est en moyenne plus faible pour les hommes en Martinique que pour les femmes : 26 % des hommes n’ont pas ou peu de diplômes, contre 21 % des femmes. Par ailleurs, la proportion de femmes et d’hommes en diffultés en calcul est identique (21 %). Néanmoins, seulement 25 % des femmes ne rencontrent aucune difficulté en calcul (au moins 80 % de réussite aux exercices), une part légèrement moins élevée que les hommes (28 %).
Une personne en difficulté à l’écrit et en calcul sur deux n’a pas d’emploi
Les difficultés à l’écrit et en calcul constituent des freins à l’emploi. En Martinique, la moitié des adultes ayant des difficultés dans les deux domaines ne sont pas en emploi, alors que seulement un tiers des adultes sans ces difficultés cumulées se trouvent dans la même situation. Ces compétences de base sont indispensables pour exercer une activité professionnelle, notamment, au niveau de la gestion de l’information (par exemple : lire et interpréter une notice technique, communiquer avec un fournisseur ou un client) et l’exécution des tâches (par exemple : respecter le mode d’emploi d’une machine, calculer des cotes). Elles sont également nécessaires pour développer les compétences techniques via la formation et accéder à une mobilité ou à une reconversion professionnelle. Les personnes ayant des difficultés dans ces domaines peuvent donc rencontrer des obstacles à l’accès et au maintien en emploi. Ainsi, la part de personnes en difficulté est plus élevée parmi les adultes qui ne sont pas en emploi (15 % à l’écrit et 27 % en calcul), que parmi ceux qui le sont (respectivement 11 % et 17 %). Dans une moindre mesure, le même constat est fait dans l’Hexagone : 16 % des personnes qui ne sont pas en emploi rencontrent des difficultés à l’écrit (respectivement 17 % en calcul), contre 7 % (9 % en Martinique) pour celles en emploi.
Les difficultés en calcul ou à l’écrit sont également liées au niveau de revenu. Cela peut s’expliquer par un accès à de meilleures opportunités éducatives ou d’apprentissage pour les personnes au niveau de revenu le plus élevé. En Martinique, parmi les personnes vivant dans les 20 % de ménages les plus modestes, 31 % rencontrent des difficultés en calcul et 19 % à l’écrit. Ces proportions se limitent à 8 % pour le calcul et 4 % pour l’écrit parmis les 20 % de ménages les plus aisés. Le niveau de difficulté des personnes résidant dans les ménages les plus aisés en Martinique est proche de celui observé dans les ménages comparables en France métropolitaine (3 % en calcul et 4 % à l’écrit). En revanche, pour les ménages les plus modestes, les difficultés en calcul sont plus élevées en Martinique qu’en France métropolitaine (26 % en calcul), mais elles sont plus faibles à l’écrit (27 % en métropole).
Comme dans l’Hexagone, les personnes en difficultés utilisent moins internet
Des compétences limitées à l’écrit et en calcul peuvent nuire à la capacité de s’informer, de faire valoir ses droits et peuvent contribuer à une plus grande précarisation. Alors qu’internet peut être un vecteur de développement de compétences, les plus en difficulté sont ceux qui l’utilisent le moins. En effet, en Martinique 30 % des personnes en difficulté à l’écrit n’ont pas utilisé internet au cours des trois derniers mois, contre 2 % des personnes qui ne rencontrent pas de telles difficultés (figure 4). Ce constat est similaire en France hexagonale, où ils sont respectivement 16 % et 2 %. Cette différence s’observe à tous les âges mais augmente particulièrement pour les adultes les plus âgés.
Les personnes en difficulté à l’écrit entreprennent également moins de démarches administratives elles-mêmes : 59 % d’entre elles ont effectué une démarche administrative par leurs propres moyens au cours des douze mois précédant l’enquête, contre 83 % dans l’ensemble de la population martiniquaise, sans que rien ne laisse penser qu’elles en éprouvent moins le besoin.
Parmi l’ensemble des personnes résidant en Martinique, 76 % ont réalisé eux-mêmes leurs démarches administratives sur internet. Cette proportion tombe à 39 % pour les personnes en difficulté à l’écrit.
tableauFigure 4 – Usage d'Internet et démarches administratives selon les difficultés
Usage d'Internet et démarches administratives | Ensemble | En difficulté à l'écrit | En difficulté en calcul |
---|---|---|---|
Fréquence de l’usage d’Internet au cours des 3 derniers mois | |||
Tous les jours ou presque | 77 | 41 | 54 |
Pas tous les jours mais au moins une fois par semaine | 13 | 20 | 24 |
Moins d'une fois par semaine | 4 | 9 | 6 |
Jamais au cours des 3 derniers mois | 5 | 30 | 15 |
A effectué une démarche administrative personnellement au cours des 12 derniers mois | 83 | 59 | 66 |
Dont au moins une démarche entreprise sur Internet | 76 | 39 | 48 |
Opinion sur l'utilité d'Internet dans les démarches administratives pour les personnes utilisant Internet | |||
Facilite ses démarches | 72 | 56 | 62 |
Complique ses démarches administratives | 16 | 26 | 18 |
Ne change rien | 12 | 18 | 20 |
Ensemble | 100 | 100 | 100 |
- Lecture : 5 % des personnes n’ont jamais utilisé Internet au cours des 3 derniers mois ; 30 % des personnes en difficulté à l’écrit n’ont jamais utilisé Internet au cours des 3 derniers mois.
- Champ : Martinique, personnes âgées de 18 à 64 ans.
- Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.
Encadre 1 - La part des personnes en situation d’illettrisme est deux fois plus élevée en Martinique qu’en France hexagonale
Par convention, la définition d’illettrisme est applicable aux personnes qui ont débuté leur scolarité en France et qui ont des difficultés fortes face à l’écrit. En 2022 en Martinique, 15 000 personnes sont en situation d’illettrisme, soit un taux de 8 %. En France métropolitaine ce taux s’élève à 4 %.
En Martinique, l’illettrisme concerne plus fréquemment les hommes que les femmes : 11 % des hommes se trouvent en situation d’illettrisme contre 4 % des femmes. La part de personnes en situation d’illettrisme est plus élevée dans les QPV (15 %) qu’en dehors (7 %).
Encadré 2 - Des comparaisons entre territoires mais pas de comparaison temporelle
Les indicateurs de difficulté, et en particulier le taux d’illettrisme régional, calculés auparavant à partir de l’enquête Information et vie quotidienne (IVQ) (la dernière en Martinique date de 2014) ne sont pas comparables aux indicateurs mesurés dans l’enquête Formation tout au long de la vie (FLV) de 2022.
Tout d’abord, le champ n’est pas le même : les personnes de 16 et 17 ans et de 65 ans ne sont pas interrogées en 2022, contrairement à 2014. Par ailleurs, le protocole de questionnement a été modifié, en adossant notamment le module « compétences » à un volet sur la formation et en positionnant ces questions à la fin de l’enquête (sources). De plus, afin de limiter le temps d’interrogation, deux questions ont été retirées des exercices de calcul en 2022.
Tous ces changements dans le protocole induisent des effets difficiles à mesurer et rendent ainsi toute comparaison temporelle inopportune. En revanche, la simultanéité des enquêtes ainsi que leur protocole identique permet des comparaisons entre territoires. Ainsi il est possible de comparer le taux de difficulté à l’écrit ou en calcul de la population martiniquaise à celui de la France métropolitaine ou des autres régions ultramarines.
Sources
En Martinique, l’enquête Formation tout au long de la vie (FLV) a été réalisée en face-à-face de septembre 2022 à mars 2023 par les enquêteurs de l’Insee.
L’enquête se compose de deux parties. Un premier volet, « formation », constitue la version française de l’enquête européenne Adult Education Survey (AES), visant à quantifier la participation des personnes en âge de travailler à la formation tout au long de la vie. Elle se concentre sur les études ou formations formelles suivies au cours des douze derniers mois, le parcours scolaire, les autres formations suivies, les difficultés pour suivre des formations, les apprentissages informels, la connaissance des droits en matière de formation, les langues et les origines géographiques, et l’état de santé de l’enquêté. Le second volet, « compétences », s’attache avant tout à évaluer les compétences en lecture et en écriture dans les gestes courants de la vie personnelle et professionnelle. Il permet notamment de mesurer l’illettrisme et comporte aussi un module sur l’usage d’Internet.
Le volet « compétences » de l’enquête FLV a été réalisé auprès d’un échantillon de 1 005 adultes répondants, âgés de 18 à 64 ans et il est composé d’exercices issus de l’enquête Information et Vie Quotidienne (IVQ) menée au niveau national en 2004 et 2011 [Degorre, Murat, 2010 ; pour en savoir plus (5)]. Ce module de l’enquête a été réalisé avec l’appui de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme (ANLCI) et de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) du ministère de l’Éducation nationale.
Le questionnement a été simplifié par rapport aux éditions précédentes d’IVQ. Chaque personne réalise un exercice d’orientation, portant sur une page d’un programme de télévision, qui permet d’évaluer la capacité à lire des mots isolés et à comprendre un texte simple (figure 5). Si les résultats à l’exercice d’orientation sont faibles, l’enquêté passe un test pour affiner le diagnostic sur ses difficultés : outre des questions sur la lecture de mots et la compréhension de textes courts, ce test évalue les capacités à produire des mots écrits (dictée d’une liste de courses).
tableauFigure 5 – Le questionnement pour évaluer les compétences à l’écrit en 2022
Exercices d’orientation | Exercices complémentaires | Évaluation des compétences à l’écrit |
---|---|---|
Réussite | /// | Pas de difficultés |
Échec partiel ou total | Réussite | Pas de difficultés |
60 – 80 % de réussite | Difficultés modérées | |
0 – 60 % de réussite | Difficultés fortes | |
Maîtrise insuffisante de la lecture ou du français pour passer les épreuves | /// | Difficultés fortes |
- /// : Absence de résultat due à la nature des choses.
- Source : Insee-ANLCI, module "compétences" de l'enquête sur la formation tout au long de la vie, 2022-2023.
graphiqueFigure 5 – Le questionnement pour évaluer les compétences à l’écrit en 2022
Définitions
Une personne a des difficultés face à l’écrit lorsqu’elle a eu moins de 80 % de réussite à l’un des trois exercices portant sur les compétences fondamentales à l’écrit : lecture de mots, écriture de mots, compréhension de textes simples. Ces difficultés sont dites fortes lorsque le taux de réussite est de moins 60 % dans un exercice.
Une personne a des difficultés en calcul lorsqu’elle a eu moins de 60 % de réussite aux questions de calculs (plus difficiles que celles à l’écrit).
Le terme langue maternelle employé dans cette étude fait référence aux différentes langues parlées dans l’enfance à la maison. Lorsque le français n’en fait pas partie, la personne est qualifiée d’allophone.
Pour en savoir plus
(1) Retrouvez davantage de données associées à cette publication en téléchargement.
(2) Observatoire national de la politique de la ville, 2020, « Ouvrir dans un nouvel ongletVulnérabilités et ressources des quartiers prioritaires », Rapport 2020, page 17.
(3) Gautier-Touzo M., Brouillaud A., Burricand C., Dauphin L., Monso O., 2024, « Ouvrir dans un nouvel ongletLes différences d’orientation entre les filles et les garçons à l’entrée de l’enseignement supérieur », Note d'Information, no 24.20, DEPP.
(4) Breda T., Napp C., 2019, « Ouvrir dans un nouvel ongletGirls comparative advantage in reading can largely explain the gender gap in math-related fields », PNAS, vol. 116, no 31.
(5) Degorre A., Murat F., « La mesure des compétences des adultes, un nouvel enjeu pour la statistique publique », Economie et Statistique no 424-425, février 2010.
(6) Bentoudja L., Murat F., « En 2022, un adulte sur dix rencontre des difficultés à l’écrit », Insee Première no 1993, avril 2024.