Transports en commun amiénois : des inégalités en termes de temps d’accès à l’hôpital
La commune d’Amiens concentre 75 % de la population de l’agglomération. Son centre-ville très dense polarise le réseau de transports en commun de la communauté d’agglomération d’Amiens Métropole. Les Amiénois les plus à même d’utiliser ces moyens de transports en commun sont ceux qui ne possèdent pas de voiture. Ils résident principalement au centre-ville (7 000 personnes, soit 26 % des personnes sans voiture) et au nord d’Amiens (2 500 personnes, soit 9 % des personnes sans voiture). La concentration récente des sites du centre hospitalier universitaire régional et le déménagement du campus de l’université de Picardie Jules Verne modifient l’accès à ces établissements pour les usagers des transports en commun. Ainsi, accéder en bus à l’hôpital situé au sud d’Amiens est rapide depuis le centre et plus long depuis les quartiers périphériques. En revanche, la relocalisation des sites universitaires au centre-ville favorise la proximité avec les étudiants. Celui-ci est bien desservi par les transports en commun, et près d’un étudiant sur trois y réside.
- Le rôle central de l’agglomération amiénoise dans le département
- Un réseau de transports en étoile articulé autour du centre-ville
- Des inégalités territoriales en termes de temps d’accès à l’hôpital
- Des personnes sans voiture au centre-ville et dans les quartiers du nord de la commune
- Une localisation des sites de l’université au centre-ville…
- … à proximité des étudiants
Le rôle central de l’agglomération amiénoise dans le département
La communauté d’agglomération d’Amiens Métropole occupe un rôle central dans le département de la Somme. Elle concentre un nombre important d’emplois (plus de 95 000 emplois, soit 45 % des emplois du département) et d’équipements supérieurs (établissements de santé, lycées, musées…) qui génèrent un nombre important de déplacements. Le réseau de transports en commun de l’agglomération doit permettre de desservir au mieux les pôles d’activité, de résidence et de consommation. La relocalisation récente des sites du centre hospitalier universitaire Amiens Picardie (CHU) et de l’université de Picardie Jules Verne (UPJV) a ainsi conduit à une réorganisation du réseau de transports en commun. Ce dernier comprend une vingtaine de lignes de bus, dont quatre lignes à haut niveau de service (appelées Lianes 1, 2, 3 et 4) et une ligne express (nommée X11). Ces cinq lignes desservent Amiens dans un axe nord-sud, à l’exception de la Liane 1 qui traverse Amiens d’est en ouest.
Un réseau de transports en étoile articulé autour du centre-ville
Le réseau de transports en commun permet d’accéder aux principaux pôles et quartiers installés en périphérie de l’agglomération comme les centres commerciaux, le CHU ou le quartier populaire d’Étouvie.
Pour accéder à ces lieux périphériques, l’usager des transports en commun doit souvent transiter par le centre-ville, la plupart des lignes de bus s’y croisant. Cela donne au réseau de transports une forme d’étoile articulée autour du centre de l’agglomération.
Cette structure du réseau s’explique par la répartition de la population au sein de l’agglomération. En effet, la commune d’Amiens concentre 75 % de la population de l’agglomération qui compte 180 000 habitants. La population est dense au centre-ville (figure 1), beaucoup moins à mesure que l’on s’en éloigne, notamment dans les autres communes de la communauté d’agglomération d’Amiens Métropole.
graphiqueFigure 1 – Une forte densité de population au cœur d’AmiensDensité de population par carreau de 200 m de côté et zones de surreprésentation des personnes de 18 ans ou plus sans voiture
Des inégalités territoriales en termes de temps d’accès à l’hôpital
Les principaux sites du CHU ont été réunis au sud-ouest de l’agglomération fin 2016 (figure 2). Pour accéder en bus au nouveau site (pour comprendre), il faut compter entre 15 et 25 minutes à partir du sud-ouest d’Amiens, entre 25 et 35 minutes à partir du centre-ville ou du sud-est d’Amiens (à proximité de la ligne X11), entre 35 à 45 minutes à partir d’Amiens Nord et plus de 45 minutes à partir d’Étouvie (figure 2).
L’ensemble de la population est concerné par l’accès à l’hôpital, qui est l’un des plus importants employeurs de l’agglomération amiénoise, aussi bien ses employés (environ 7 000) que les patients et leurs proches. Toutefois, les personnes ne disposant pas d’un véhicule sont plus dépendantes des transports en commun que les autres. Leur lieu de résidence permet d’identifier des zones à enjeux pour la desserte en transports en commun.
Les trois principales zones dans lesquelles les personnes sans voiture sont surreprésentées sont le centre-ville, Amiens Nord et Étouvie (figure 1 et figure 2).
graphiqueFigure 2 – Étouvie, le quartier d’Amiens le plus éloigné de l’hôpitalTemps d’accès à l’hôpital après son transfert en 2016 via le réseau de transports en commun
Des personnes sans voiture au centre-ville et dans les quartiers du nord de la commune
Les personnes sans voiture sont très présentes au centre-ville (figure 3) : un habitant sur trois vit dans un ménage ne disposant pas de véhicule personnel contre un sur cinq en moyenne dans Amiens. Au centre-ville, près de 7 000 personnes sont concernées, soit un quart des Amiénois sans voiture. La proximité des différents services ou les difficultés de circulation et de stationnement y rendent la voiture moins indispensable qu’à la périphérie de l’agglomération.
La Liane 2 et les lignes X11 et 5 permettent ainsi d’accéder au centre hospitalier sans correspondance en environ une demi-heure depuis le centre-ville. L’équivalent de ces lignes sera maintenu dans le réseau mis en place en 2019.
La population du centre-ville est plutôt jeune (45 % de la population a entre 15 et 30 ans) et favorisée. Le revenu par habitant y est supérieur à la moyenne de la commune et 37 % de la population est diplômée du supérieur. Cette population est principalement constituée d’étudiants (environ 5 700 personnes) et d’actifs occupés (environ 8 600) dont la moitié occupe des postes de cadres ou de professions intermédiaires. Pour une partie de cette population, le fait de ne pas posséder de véhicule est donc un choix non contraint économiquement.
tableauFigure 3 – La zone du centre-ville regroupe plus de 7 000 personnes sans voiture, soit un habitant de la zone sur troisPopulation et poids des personnes sans voiture dans leurs zones de surreprésentation
Population totale | Effectif des 18 ans ou plus sans voiture | Part de personnes sans voiture | ||
---|---|---|---|---|
parmi la population (en %) | dans la commune d’Amiens (en %) | |||
Centre-ville | 22 290 | 7 040 | 32 | 26 |
Amiens Nord ( + poche Saint-Pierre) | 8 920 | 2 510 | 28 | 9 |
Étouvie | 3 180 | 960 | 30 | 4 |
Petit Saint-Jean / Saint-Honoré – Jeanne d’Arc | 1 630 | 480 | 29 | 2 |
Total des zones de surreprésentation | 36 020 | 10 990 | 31 | 41 |
Total Amiens | 132 800 | 26 900 | 20 | 100 |
- Lecture : le centre-ville compte 7 040 habitants de 18 ans ou plus vivant dans des
ménages ne disposant pas de voiture, soit 32 % des habitants du centre-ville.
Ces 7 040 habitants représentent par ailleurs 26 % des ménages sans voiture de la commune d’Amiens. - Source : Insee, recensement de la population 2015.
Dans les quartiers du nord d’Amiens et d’Étouvie, l’absence de véhicule semble davantage liée à des difficultés économiques. Respectivement 2 500 personnes et 1 000 personnes ne disposent pas de voiture à leur domicile. Ces espaces accueillent plusieurs quartiers prioritaires de la ville (QPV). Dans les quartiers du nord d’Amiens résident 9 % des Amiénois sans voiture et 4 % à Étouvie. La population de ces quartiers y est particulièrement touchée par le chômage, notamment de longue durée. En outre, les actifs occupés ont souvent un statut précaire : leur taux d’emploi en CDI est inférieur à la moyenne de l’agglomération (65 % d’emploi en CDI à Étouvie contre 72 % en moyenne sur Amiens).
Les habitants des quartiers d’Amiens Nord bénéficient de la Liane 2 qui les place à moins de 45 minutes de l’hôpital. En revanche, les habitants d’Étouvie doivent passer par le centre-ville pour accéder au nouveau site du CHU. Leur temps de transport dépasse ainsi 45 minutes. En 2019, le nouveau réseau de transports permettra de relier Étouvie au CHU sans passer par le centre-ville via un changement entre les lignes 18 et 7, positionné à mi-distance entre Étouvie et le centre-ville. Ce changement placera les habitants de ce quartier à moins de 45 minutes de l’hôpital.
Une localisation des sites de l’université au centre-ville…
L’agglomération amiénoise propose une offre estudiantine étoffée. Elle accueille ainsi chaque année près de 6 500 étudiants. Fin 2018, ces sites de l’université sont regroupés en deux principaux pôles d’enseignement (figure 4) :
- le pôle « Citadelle – Saint-Leu – Cathédrale » (groupe en rouge) avec les sciences, l’art, le droit, les sciences politiques, l’économie et la gestion. Depuis 2018, ce pôle regroupe également les enseignements de lettres, histoire-géographie, langues étrangères, philosophie et sciences humaines, anciennement situés sur « Salouël » ;
- le pôle « Centre-ville-sud » (groupe en jaune), qui regroupe les enseignements de médecine et de pharmacie qui seront déplacés à Salouël, respectivement en 2019 et 2022.
- le pôle « Amiens-sud-santé » (groupe en violet), est un pôle secondaire car il s’est vidé des humanités et n’accueille pas encore les nouveaux établissements de médecine et de pharmacie.
Situés au centre-ville, les sites universitaires sont bien desservis par les transports en commun. Les temps d’accès sont faibles à partir du centre-ville et du sud-ouest d’Amiens, respectivement moins de 15 et de 25 minutes. La première zone bénéficie de sa proximité géographique avec l’université, la seconde de la densité de lignes de bus sur l’axe gare d’Amiens-Longueau. Il faut compter entre 25 et 35 minutes à partir d’Amiens Nord, entre 35 et 45 minutes à partir du sud‑est d’Amiens et de 35 à 45 minutes à partir d’Étouvie pour les rejoindre (pour comprendre).
graphiqueFigure 4 – Un accès rapide aux sites universitaires pour les étudiantsTemps d’accès aux différents établissements de l’université via le réseau de transports de 2017
… à proximité des étudiants
Bien que l’université de Picardie Jules Verne soit un important employeur au sein de l’agglomération amiénoise, la population à enjeu pour l’accès aux sites universitaires en transports en commun se limite principalement aux étudiants, contrairement au CHU qui concerne potentiellement tous les habitants. Deux zones de surreprésentation de cette population estudiantine sont identifiées : le centre-ville et le quartier Henriville situé au sud d’Amiens (figure 4).
Au sein d’Amiens, les étudiants sont très présents au centre-ville (environ 5 700 personnes, soit 31 % de la population étudiante totale d’Amiens). Cette forte concentration d’étudiants s’explique par l’implantation de résidences étudiantes (Campus, Néméa, Beffroi, Néoresid…) à proximité notamment du pôle « Citadelle – Saint‑Leu – Cathédrale ». Les étudiants du centre-ville sont ainsi proches des différents sites universitaires. Le recours au bus est même inutile pour nombre d’entre eux.
Les sites de médecine et de pharmacie du pôle « santé » qui vont être transférés à côté de l’hôpital au sud d’Amiens (en 2019 et 2022 respectivement) sont bien desservis par le réseau de bus à hautes fréquences (Liane 2 et ligne X11). Il faut compter entre 7 et 25 minutes de transport. En 2019, cet accès express entre le centre-ville et Amiens Sud sera maintenu avec la ligne à haut niveau de service Nemo 2, mise en service en mai 2019.
La présence des étudiants est également marquée à Henriville (environ 670 étudiants), situé au sud du centre-ville d’Amiens. En sus d’une offre de logements privés importante, à travers par exemple la scission de maisons bourgeoises amiénoises en petits logements indépendants, ce quartier comprend également une cité scolaire dotée d’un internat.
Les étudiants du quartier sont un peu plus éloignés des établissements universitaires que ceux habitant au centre-ville. Les sites du pôle « Citadelle – Saint-Leu – Cathédrale » sont toutefois accessibles en bus directement (Liane 4) avec un temps compris entre 15 et 25 minutes. Ceux du pôle « santé », plus proches géographiquement, sont cependant plus éloignés en temps car il n’existe pas de ligne directe les desservant. Il faut compter entre 25 et 35 minutes en transports en commun. Toutefois, pour partie,les étudiants d’Henriville suivent des études supérieures à la cité scolaire non rattachée à l’université, comme des classes préparatoires ou des BTS.
Pour comprendre
Pour identifier les zones et populations à enjeu en matière de desserte de transports en commun, l’étude met en regard deux sources d’informations : le recensement de la population 2015 (RP 2015) et la base transports en commun 2017 (TC 2017). Cette dernière contient l’intégralité des lignes et services (bus, train, etc.), les arrêts et horaires de passage théoriques en 2017. Elle est fournie par la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal).
Dans les communes les plus peuplées, le recensement de la population permet de caractériser la population à l’infra-communal à travers des carreaux de 200 m de côté. Il faut alors que le secret statistique soit respecté, c’est-à-dire que le carreau soit suffisamment peuplé. Chaque carreau contient une population ayant des caractéristiques socio-économiques proches. Parfois, l’une d’entre elles est bien plus présente dans le carreau, comme lorsqu’il y a par exemple beaucoup plus d’étudiants. On dit alors du carreau qu’il est une zone de surreprésentation des étudiants. Dans l’étude, les zones de surreprésentations sont déterminées en trois étapes. Premièrement, on sélectionne les carreaux se caractérisant par une part de population d’intérêt supérieure à la moyenne d’Amiens. Puis, on retient le quart des carreaux où la surreprésentation est la plus marquée. Enfin, une procédure d’agrégation et de lissage permet de déterminer les contours des zones de surreprésentation.
La base TC 2017 permet de calculer les temps de transport en commun sur la base des horaires de bus de certaines plages horaires et de temps d’attentes moyens. Les temps d’attentes moyens sont calculés à la montée des transports en commun ou en cas de changement de ligne. Sur les lignes à faible fréquence, le temps d’attente est estimé à 7 minutes 30. On considère en effet que les utilisateurs se renseignent sur les horaires avant de se rendre à l’arrêt de transports en commun. Pour les lignes à haute fréquence, les temps d’attentes sont égaux à la moitié de la fréquence (temps entre deux bus). Les fréquences de passage utilisées pour l’accès à l’hôpital sont les fréquences moyennes observées en journée de semaine, de 8h à 20h. Pour l’accès à l’université, on retient les fréquences de passage des bus circulant du lundi au vendredi de 7h à 9h, hors vacances et jours fériés. Le déplacement à pied nécessaire pour se rendre du carreau à l’arrêt de bus puis de l’arrêt de bus à l’équipement est également comptabilisé sur la base d’une vitesse de déplacement de 3,6 km/h.
Ces temps de transport sont calculés entre chaque carreau et chaque équipement. L’hôpital et l’université ayant plusieurs sites, plusieurs temps de transport sont estimés entre le carreau et l’équipement. Le temps de transport retenu dans l’étude est le temps le plus court.
Pour en savoir plus
« La voiture, un mode de transport privilégiés pour les travailleurs du bassin minier », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 8, avril 2016
« Des enjeux en termes d’accès aux services en transports en commun dans six zones du bassin minier », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 9, avril 2016
« Entrée dans l’enseignement supérieur : plus de mobilités avec les autres académies à Amiens qu’à Lille », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 79, juin 2018
« Un temps d’accès à l’hôpital le plus faible de France métropolitaine, mais des disparités entre les territoires », Insee Analyses Hauts-de-France, n° 80, juin 2018