Insee Analyses BretagneUn fort ancrage de la filière bois dans l’économie bretonne

Ludivine Neveu, Sébastien Pons et Michel Rouxel, Insee

La filière bois bretonne, bien que caractérisée par une faible ressource forestière, se distingue par des établissements dédiés au bois maillant l’ensemble de la région. Cette filière constitue un enjeu significatif pour les territoires bretons, comme source d’emplois locaux et vecteur de développement économique. Les activités d’emballage et de la construction en sont les principaux moteurs dans la région. L’emploi salarié de cette filière se caractérise principalement par des postes d’ouvriers qualifiés, un moindre encadrement et une prédominance masculine.

Ludivine Neveu, Sébastien Pons et Michel Rouxel, Insee
Insee Analyses Bretagne No 79- Décembre 2018

Avec plus de 400 000 hectares de surface forestière, la forêt occupe 14 % du territoire breton 1 . La Bretagne figure ainsi parmi les régions les moins boisées de France, son étant bien inférieur à la moyenne nationale (30 %). Toutefois, des activités économiques d’exploitation, de transformation et de négoce du bois se sont développées sur l’ensemble de la région, en utilisant la ressource locale ou des matières premières importées. Les deux tiers des communes de la région comptent ainsi au moins un établissement dont l’activité est entièrement dédiée au bois.

En outre, certaines spécificités du tissu économique breton, telle la place occupée par l’industrie agroalimentaire, ont contribué au développement du segment des emballages bois.

Ainsi, partiellement déconnectée de la ressource naturelle mais ancrée à l’économie régionale, la filière bois en Bretagne constitue un système économique délicat à appréhender.

Par ailleurs, d’autres établissements basent leurs activités sur le produit bois, sans s’y consacrer totalement. Pour ces établissements, l’estimation de la force de travail mobilisée au titre de la filière bois s’avère plus délicate à mesurer.

1- Sources : IGN 2014 – Forêts de production et peupleraies de surface et Agreste, Draaf Bretagne.

10 300 postes salariés dans des établissements consacrés exclusivement au travail du bois

En 2014, le noyau de la filière bois bretonne comprend 1 950 établissements dont l’activité est entièrement dédiée au bois. Parmi ceux-ci, 1 200 n’emploient aucun salarié. Les 750 autres établissements regroupent 10 300 postes salariés, représentant 1 % des emplois salariés bretons. L’ensemble des 1 950 établissements se répartit au sein de huit segments d’activité (champ) dont certains, tels la construction en bois ou la fabrication de meubles, peuvent également concerner des acteurs économiques n’appartenant pas au noyau de la filière.

En effet, ces établissements, par exemple de fabrication de cuisines, d’agencement pour magasins ou de fermetures pour l’habitat, mobilisent leurs effectifs, leur savoir-faire et leurs infrastructures pour élaborer des produits en bois, mais également d’autres matériaux afin d’être présents sur différents marchés. S’agissant en particulier de la force de travail mobilisée à ce titre, elle s’avère complexe à évaluer. Grâce aux travaux d’expertise menés par Abibois 2 et la Direccte 3 , un premier chiffrage retient une estimation de 3 700 salariés.

Cela conduirait ainsi à un ordre de grandeur global d’environ 14 000 emplois dans la filière bois en Bretagne. Toutefois, ce chiffrage nécessiterait d’être affiné, par exemple par une enquête auprès d’un échantillon de ces établissements, afin de déterminer pour ceux-ci la part exacte de leurs ressources mobilisées pour le produit bois. Au regard de ces difficultés d’estimation, les informations données dans la suite portent sur le noyau de la filière bois, c’est-à-dire les établissements se consacrant uniquement à ce produit.

2- Le réseau des professionnels du bois en Bretagne.

3- Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

Une empreinte économique spécifique pour la filière bois en Bretagne

En Bretagne, cinq segments rassemblent 98 % des 10 300 emplois des établissements du noyau (figure 1). Comme en France, le sciage et travail du bois ainsi que l’industrie du papier et du carton sont les activités dominantes. Le segment du sciage et travail du bois est, en proportion, plus représenté en Bretagne qu’en France (+ 6,1 points) au contraire de l’industrie du papier et du carton (– 5,5 points) en lien avec la moindre fabrication de pâte à papier dans la région (figure 2). La fabrication de meubles (+ 4,8 points) et la construction bois (+ 2,2 points) regroupent en Bretagne une plus grande part des emplois qu’ailleurs.

Figure 1Les segments du sciage-travail du bois et de l’industrie du papier et du carton concentrent les deux tiers des emploisRépartition des emplois salariés par segment de la filière bois (en %)

Les segments du sciage-travail du bois et de l’industrie du papier et du carton concentrent les deux tiers des emplois
Segments Bretagne France
Nombre % Nombre %
Sciage et travail du bois 3 953 38,4 67 065 32,3
Industrie du papier et du carton 2 912 28,3 70 055 33,8
Construction en bois 1 642 16,0 28 677 13,8
Fabrication de meubles 1 196 11,6 14 064 6,8
Sylviculture et exploitation forestière 373 3,6 21 189 10,2
Objets divers en bois 103 1,0 3 116 1,5
Commerce et transport intra-filière 95 0,9 1 187 0,6
Equipements pour la transformation du bois 15 0,1 2 160 1,0
Equipements pour l'exploitation forestière 0 0,0 34 0,0
Total 10 289 100,0 207 547 100,0
  • Source : Insee, Clap 2014.

Figure 1Les segments du sciage-travail du bois et de l’industrie du papier et du carton concentrent les deux tiers des emploisRépartition des emplois salariés par segment de la filière bois (en %)

  • Source : Insee, Clap 2014.

Figure 2Le noyau de la filière bois regroupe 10 300 salariés en BretagneUne lecture de la filière bois bretonne

  • Source : Insee, Clap 2014.

L’amont de la filière peu développé en lien avec un boisement moins important

La Bretagne figure parmi les régions les moins boisées de France. Le taux de boisement y est inférieur de 16 points à la moyenne nationale. La faiblesse relative de la ressource en bois régionale explique que l’activité sylviculture et exploitation forestière ne constitue que 3,6 % des emplois salariés de la filière régionale contre 10,2 % au niveau national.

Ce segment représente 700 établissements employant 400 postes salariés. Il est constitué d’un tissu d’établissements similaire à celui de l’Hexagone. En effet, comme au niveau national, la plupart des structures (84 %) sont des exploitations sans salarié et 15 % des établissements comptent de 1 à 9 salariés.

Ces acteurs économiques entretiennent des liens avec le segment du sciage et travail du bois pour la fourniture d’une partie de ses intrants. Toutefois les sources du développement de ce segment de première transformation du bois sur le territoire sont plutôt à chercher parmi les spécificités du tissu économique régional.

La construction et les productions agricoles orientent le segment de la première transformation

Le segment de la première transformation, le sciage et le travail du bois, regroupe 4 000 postes salariés en Bretagne en 2014. Ce segment est présent dans l’ensemble des zones d’emploi de la région (figure 3). Les activités de travail du bois y sont prépondérantes. En effet, les activités de fabrication de charpentes, de panneaux, placages ou parquets rassemblent deux tiers des effectifs salariés de la première transformation. Leur développement apparaît relié à la demande du secteur de la construction, notamment en maisons individuelles, qui constitue en Bretagne 7,5 % de la demande nationale soit davantage que le poids démographique de la région. La fabrication des emballages bois représente, pour sa part, plus de 800 emplois salariés. Elle répond à la demande de l’industrie en produisant des caisses et palettes à base de résineux ainsi que des emballages légers – cagettes, bourriches et barquettes – sur la base d’intrants en peupliers pour les marchés légumiers et ostréicoles. Les activités de travail du bois concernent très majoritairement des structures de moins de 50 salariés.

Figure 3Une filière bois présente dans l’ensemble des zones d’emploi bretonnesEffectif salarié des segments de la filière bois par zone d’emploi en 2014

Une filière bois présente dans l’ensemble des zones d’emploi bretonnes
Zone d’emploi Construction en bois Fabrication de meubles Industrie du papier et du carton Sciage et travail du bois Sylviculture et exploitation forestière Ensemble
Brest 152 76 139 147 8 522
Carhaix-Plouguer 11 5 222 93 25 356
Dinan 13 10 0 267 1 291
Fougères 38 48 89 222 5 402
Guingamp 26 31 25 62 3 147
Lannion 29 55 0 8 6 98
Lorient 135 54 706 112 15 1022
Loudéac 49 42 9 12 112
Morlaix 37 24 18 11 8 98
Ploërmel 24 21 352 208 50 655
Pontivy 11 73 61 132 1 278
Quimper 84 78 143 160 35 500
Redon 27 9 116 107 2 261
Rennes 419 228 423 911 103 2084
Saint-Brieuc 278 135 288 425 44 1170
Saint-Malo 82 7 26 222 0 337
Vannes 168 49 282 331 53 883
Vitré 59 249 22 445 0 775
  • Source Insee Clap 2014.

Figure 3Une filière bois présente dans l’ensemble des zones d’emploi bretonnesEffectif salarié des segments de la filière bois par zone d’emploi en 2014

  • Source Insee Clap 2014.

Contrairement au travail du bois, le sciage s’avère peu représenté, avec environ 500 emplois salariés, et partiellement lié à la fabrication ou la construction à partir du bois. En Bretagne, le sciage, le rabotage et l’imprégnation 4 sont portés par des établissements le plus fréquemment constitués de moins de 5 postes salariés.

4- Traitement conservateur du bois par pulvérisation, trempage ou auto-clavage sous vide.

Bâtiment et emballage pour l’agroalimentaire : des débouchés pour la seconde transformation

Pour sa partie totalement intégrée au noyau de la filière, la construction bois emploie 1 600 salariés dans l’installation de charpente. Ces établissements de faible effectif (88 % des établissements ont moins de 10 salariés) travaillent avec les unités productrices de charpentes du segment de première transformation. Leur savoir-faire dépasse largement le marché des maisons individuelles puisque certains acteurs s’orientent vers les bâtiments publics ou agricoles. Ce segment s’étend au-delà du noyau de la filière bois avec notamment les activités de menuiserie qui s’appuient sur le bois mais également sur d’autres matériaux (PVC, aluminium…).

Malgré l’absence de production de pâte à papier en Bretagne, l’industrie du papier et du carton emploie 2 900 salariés afin de fournir le marché de l’emballage pour l’agroalimentaire. Concentrés dans quelques établissements de taille relativement importante (9 établissements de plus de 100 salariés), la majorité des effectifs produisent des cartons d’emballage, des cartonnages ou des cartons ondulés sur la base de pâte à papier venue de l’extérieur de la région ainsi que des emballages en papier.

Autre segment d’activités de la seconde transformation, la fabrication de meubles s’approvisionne en bois majoritairement à l’extérieur de la région et représente autour de 1 200 emplois salariés complètement dédiés aux produits en bois. Produisant notamment des cuisines, des meubles de bureau et d’autres meubles dans de petites structures, ces activités existent dans une partie des établissements aux productions mixtes.

Des emplois d’ouvriers qualifiés, majoritairement occupés par des hommes

Les différentes activités de la filière bois nécessitent une main-d’œuvre ouvrière importante. En France, 68 % des emplois de la filière correspondent à des métiers d’ouvriers, à comparer aux 51 % dans l’ensemble des entreprises industrielles. En Bretagne, cette part d’ouvriers dans la filière bois est plus importante puisqu’elle s’élève à 71 % (figure 4). Les parts des professions intermédiaires (12 %) et des cadres (5 %) sont en revanche plus faibles en Bretagne (respectivement 14 % et 7 % en France).

Le moindre encadrement de la filière bois bretonne se retrouve dans l’ensemble des secteurs industriels de la région (28 % de cadres et professions intermédiaires en Bretagne comparé à 37 % en France). Ce constat résulte principalement d’effets de structure sectorielle. En effet, si l’industrie bretonne avait la même la répartition sectorielle qu’au niveau national 5 , tout en conservant ses taux d’encadrement par secteur, elle compterait dans ses rangs 39 % de cadres et professions intermédiaires, soit un résultat plus proche de la moyenne nationale.

5- Nomenclature des secteurs en 88 postes.

Figure 4Des emplois d’ouvriers majoritairement occupés par des hommesLe noyau de la filière bois en Bretagne par segment d’activité

Des emplois d’ouvriers majoritairement occupés par des hommes
Postes salariés au 31/12/2014 (nombre) Salariés en équivalent temps plein (nombre) Part des femmes (%) Part des ouvriers (%) âge moyen des salariés Salaire moyen mensuel en equivalent temps plein (€)
Sylviculture et exploitation forestière 373 313 13 68 38,8 1 663
Sciage et travail du bois 3 953 3 619 20 71 42,4 1 696
Industrie du papier et du carton 2 912 2 691 31 66 44,2 2 157
Fabrication de meubles 1 196 1 126 22 69 41,5 1 714
Construction en bois 1 642 1 527 8 83 37,3 1 680
Ensemble de la filière bois 10 289 9 474 21 71 41,9 1 830
Ensemble de l’économie bretonne 1 094 837 831 882 50 32 41,6 1 833
  • Source : Insee, Clap 2014.

Les ouvriers bretons de la filière bois occupent pour 74 % d’entre eux des postes qualifiés, soit 9 points au-dessus du taux national. Cela constitue une particularité de cette filière dans la région, qui repose relativement plus sur un artisanat qualifié.

Dans le détail par segment, les établissements de la filière bois en Bretagne se singularisent par des taux d’encadrement plus faibles dans l’industrie du papier-carton et dans la sylviculture.

Par ailleurs, représentant 2,1 % des emplois, l’apprentissage y est plus fréquent que dans l’ensemble de l’économie (1,6 % des emplois). C’est en premier lieu le cas dans la fabrication de meubles (4 % des emplois) ou la pose de charpentes (6 %).

Par ailleurs, la plupart des salariés sont des hommes. Ils représentent 79 % des emplois dans la filière bois, cette proportion allant de 69 % dans l’industrie du papier-carton à 92 % dans la construction.

Des salariés plutôt plus âgés, sauf dans la construction

La population des salariés de la filière bois est un peu plus âgée que celle de l’ensemble de l’économie. Les salariés âgés de 40 ans ou plus sont majoritaires (57 %) et l’âge moyen atteint 42 ans. Le segment de la construction se distingue avec un effectif beaucoup plus jeune (40 % de salariés ayant 40 ans ou plus et 37 ans d’âge moyen).

Des salaires plutôt inférieurs dans la filière bois en Bretagne

Le salaire net horaire moyen de la filière bois s’élève à 12,30 € en 2014 en Bretagne (figure 5), soit un peu moins qu’au niveau national (13 €). C’est aussi le cas si l’on compare à la moyenne enregistrée dans la région (12,80 €). Toutefois, ces rémunérations diffèrent sensiblement selon les segments. Dans l’industrie du papier et du carton, les salaires sont les plus élevés avec une moyenne de 14,40 € car y figurent plus fréquemment des personnels plus qualifiés (7 % de cadres mais aussi 15 % de techniciens).

Figure 5Des salaires plus élevés dans l'industrie du papier et du cartonSalaires nets horaires (en €)

Des salaires plus élevés dans l'industrie du papier et du carton
Nombre de salariés 1ᵉʳ décile 1ᵉʳ quartile Médiane Moyenne 3ᵉ quartile 9ᵉ décile
Ensemble filière bois 10 612 8,07 9,02 10,63 12,29 13,45 18,33
Construction en bois 1 804 8,19 9,52 11,21 11,71 12,94 15,15
Sciage et travail du bois 3 951 7,88 8,57 9,96 11,35 11,98 15,32
Fabrication de meubles 1 148 8,20 9,00 10,11 11,27 11,89 15,49
Industrie du papier et du carton 2 619 8,62 9,75 12,43 14,43 17,44 21,15
  • Champ : salariés de la filière bois en Bretagne.
  • Source Insee DADS 2014.

Figure 5Des salaires plus élevés dans l'industrie du papier et du cartonSalaires nets horaires (en €)

  • Champ : salariés de la filière bois en Bretagne.
  • Source Insee DADS 2014.

A contrario, dans les entreprises de construction, notamment de pose de charpentes, le salaire net horaire moyen s’avère plus faible (10 €). Cela s’explique notamment par des salariés plus jeunes, une proportion plus faible de cadres et de professions intermédiaires et plus élevée d’apprentis.

Sources

L’étude mobilise principalement le fichier Clap (Connaissance locale de l’appareil productif) et le fichier DADS (Déclaration annuelle de données sociales) fournissant des informations sur les effectifs et les caractéristiques des salariés.

Définitions

Taux de boisement : rapport entre la surface boisée d’un territoire et sa superficie.

Champ

Le périmètre de la filière forêt-bois est issu d’une sélection d’établissements à partir du code APE (activité principale exercée) des établissements renseignés dans le répertoire Sirène, de l’enquête annuelle de production de l’Insee (EAP) et des enquêtes de branche du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

La liste des établissements retenus comme participant à la filière bois provient d’une sélection de codes APE et d’une mise en concordance avec les échantillons d’établissements enquêtés dans les enquêtes spécifiques du ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Le noyau de la filière bois rassemble les établissements implantés dans la région dont l’activité est dédiée au bois. Par différence le halo désigne les établissements travaillant avec du bois mais également avec d’autres matériaux (PVC, aluminium...).

La filière bois est constituée des huit segments suivants : sylviculture et exploitation forestière, sciage et travail du bois, industrie du papier et du carton, construction en bois, fabrication de meubles, objets divers en bois, commerce et transport intra-filière, équipements pour la transformation du bois.