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Insee Analyses · Mars 2023 · n° 81
Insee AnalysesCrise sanitaire et développement du télétravail : davantage de départs des pôles des grandes métropoles et de l’aire parisienne

Groupe de travail Insee sur le thème « télétravail et mobilité des ménages »

Plusieurs indicateurs rendant compte d’une partie des déménagements récents tendent à montrer une accélération des mouvements vers des régions déjà attractives par le passé. Les restrictions successives liées à la crise sanitaire et le développement du télétravail pourraient avoir modifié le rapport des ménages à leur lieu de résidence. Les pôles des grandes métropoles et de l’aire parisienne, déjà déficitaires avant la pandémie par rapport à leurs couronnes, le sont encore plus après 2020. Le même mouvement s’observe depuis ces grandes aires vers celles de taille plus modeste. Si nombre de ces mouvements migratoires relèvent de choix résidentiels liés au cycle de vie traditionnellement observés (retraite, entrée en études supérieures), l’intensification des tendances peut suggérer des évolutions de comportement, notamment chez les actifs avec jeunes enfants.

Des mouvements de population importants au printemps 2020 au départ des zones denses

Le premier confinement décidé au printemps 2020 pour lutter contre l’épidémie de Covid-19 a donné lieu à d’importants mouvements de population, au départ des zones les plus denses notamment [Galiana et al., 2020]. Le double contexte, lié d’une part, aux mesures prises pour limiter la propagation du virus (confinement, restrictions de déplacement) et d’autre part, à la généralisation concomitante du télétravail, a pu contribuer à modifier les choix du lieu de résidence, et notamment conférer plus d’attractivité à des lieux d’habitat plus éloignés du lieu de travail. Cette étude vise à identifier d’éventuelles évolutions en matière de migrations résidentielles, et à repérer des signes de leur potentielle persistance. À cette fin, elle croise plusieurs sources de données permettant chacune d’appréhender la situation des années récentes selon son prisme propre : contrats de réexpédition définitive de La Poste, répertoire statistique des véhicules routiers, effectifs d’élèves scolarisés dans le premier degré, sources relatives à l’emploi (encadré ; sources). Sans permettre d’anticiper précisément les évolutions de populations telles qu’elles pourront être établies in fine à partir des données du recensement de la population, ces sources permettent de produire un faisceau d’indices avancés sur les tendances en cours.

Avec la crise sanitaire, les flux migratoires vers les régions déjà très attractives s’accentuent

Au cours de la dernière décennie, les mouvements migratoires entre régions ont été marqués par une forte attractivité des régions de l’arc atlantique et du sud du pays. À l’inverse, dans les régions Île-de-France, Grand Est et Hauts-de-France, les départs d’habitants étaient plus nombreux que les arrivées [Ouvrir dans un nouvel ongletANCT, 2022]. Les données du recensement ne sont pas encore disponibles sur les dernières années, mais des sources alternatives, comme les contrats de réexpédition définitive de La Poste, ou le répertoire statistique des véhicules routiers qui recense les propriétaires de voitures et leur lieu de résidence (RSVERO), rendent indirectement compte d’une partie des déménagements des ménages sur la période récente (méthodes). D’après ces deux sources de données, les tendances générales de la dernière décennie se renforcent après 2020. En Corse et en Occitanie, le ratio entre les entrées et les sorties calculé à partir des contrats de réexpédition excède 1,5 et ne cesse de s’amplifier, y compris en 2022 (figure 1a et figure 1b). À un moindre niveau, ce ratio progresse aussi en Provence-Alpes-Côte d’Azur. Selon les deux sources, la Bretagne est toujours la région la plus attractive : en 2021, les arrivées mesurées y sont environ deux fois plus nombreuses que les départs pour les deux indicateurs. L’attractivité de cette région au lendemain de la crise avait été très forte, mais elle s’estompe en 2022. Un diagnostic analogue peut être porté sur la Normandie et la Nouvelle-Aquitaine à partir des deux sources. Enfin, dans les Pays de la Loire, les deux ratios, élevés de 2017 à 2019, ne progressent pas au cours des années suivantes.

Figure 1a – Ratios des entrées sur les sorties par région de France métropolitaine selon les données de réexpédition de La Poste

ratio des entrées sur les sorties
Figure 1a – Ratios des entrées sur les sorties par région de France métropolitaine selon les données de réexpédition de La Poste (ratio des entrées sur les sorties) - Lecture : en 2022, 1,90 entrée a lieu pour 1 sortie en Bretagne d’après les contrats de réexpédition définitive souscrits à La Poste.
Régions 2019 2020 2021 2022
Bretagne 1,85 2,01 2,06 1,90
Corse 1,45 1,41 1,65 1,69
Nouvelle-Aquitaine 1,56 1,65 1,78 1,68
Occitanie 1,50 1,53 1,60 1,61
Pays de la Loire 1,43 1,41 1,47 1,41
Provence-Alpes-Côte d’Azur 1,21 1,25 1,30 1,30
Normandie 1,13 1,25 1,30 1,22
Centre-Val de Loire 1,04 1,12 1,13 1,10
Bourgogne-Franche-Comté 1,02 1,09 1,12 1,08
Auvergne-Rhône-Alpes 1,07 1,11 1,11 1,08
Grand Est 0,85 0,88 0,88 0,85
Hauts-de-France 0,81 0,82 0,83 0,77
Île-de-France 0,43 0,36 0,31 0,35
  • Lecture : en 2022, 1,90 entrée a lieu pour 1 sortie en Bretagne d’après les contrats de réexpédition définitive souscrits à La Poste.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : La Poste, d’après les contrats de réexpédition définitive ; traitements Insee.

Figure 1a – Ratios des entrées sur les sorties par région de France métropolitaine selon les données de réexpédition de La Poste

  • Lecture : en 2022, 1,90 entrée a lieu pour 1 sortie en Bretagne d’après les contrats de réexpédition définitive souscrits à La Poste.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : La Poste, d’après les contrats de réexpédition définitive ; traitements Insee.

En Île-de-France, les arrivées sont moins nombreuses que les départs : en 2022, 35 arrivées de ménages en provenance d’autres régions pour 100 départs sont enregistrées via les données de réexpédition. Ce ratio se redresse légèrement par rapport à 2021 (31 arrivées pour 100 départs), mais reste nettement inférieur à celui d’avant-crise (43 arrivées pour 100 départs) ; il est aussi bien plus faible que celui des autres régions de France métropolitaine.

L’accentuation du déficit de l’Île-de-France profite à toutes les régions, y compris celles du Nord et de l’Est. Ainsi, en 2021, deux départs de ménages franciliens sont mesurés en direction des Hauts-de-France au travers des données de réexpédition pour une seule arrivée en sens inverse (figure 1c), alors que le ratio s’établissait à 1,45 seulement en 2019. Pour le Grand Est, le déséquilibre à l’égard de la région Île-de-France se renforce également, mais plus modérément : le ratio passe de 1,39 à 1,79 sur la même période. En 2022, toutefois, les tendances post-crise s’atténuent pour la plupart des régions, avec parfois un retour du ratio des entrées sur les sorties à l’égard de l’Île-de-France au niveau observé en 2020.

Les flux en faveur des villes de taille plus modeste s’accroissent

Les mouvements migratoires observés à l’aide des données de La Poste avant la crise sanitaire deviennent plus favorables aux villes de taille moyenne ou petite : ainsi, dans les de moins de 200 000 habitants, qui bénéficiaient de flux excédentaires avant 2020, le rapport entre les entrées et les sorties s’accroît. En 2021, par exemple, les aires de Colmar et Vannes accueillent respectivement 122 et 110 transferts de courrier arrivants pour 100 transferts de courrier partants.

Le ratio entre les entrées et les sorties des aires de moins de 50 000 habitants passe de 1,19 en 2019 à 1,28 en 2022 (figure 2). Ce surcroît d’attractivité s’accentue vis-à-vis de toutes les autres catégories d’aires et augmente avec la taille des aires : il passe en particulier de 2,64 à 3,10 depuis l’aire de Paris.

Figure 2 – Évolution du ratio des entrées sur les sorties par taille et catégorie d’aire d’attraction des villes de 2018 à 2022

ratio des entrées sur les sorties
Figure 2 – Évolution du ratio des entrées sur les sorties par taille et catégorie d’aire d’attraction des villes de 2018 à 2022 (ratio des entrées sur les sorties) - Lecture : en 2021, le ratio des entrées sur les sorties depuis les aires d’attraction des villes (AAV) de 700 000 habitants ou plus (hors Paris) vers les autres AAV s’élève à 0,82 selon la source RSVERO. Ce ratio calculé à partir des seuls pôles des AAV de 700 000 habitants ou plus (hors Paris) vers les autres AAV s’élève à 0,80.
Catégorie d’aire d’attraction des villes (AAV) D’après les contrats de réexpédition définitive souscrits à La Poste D’après les changements d’adresse issus du répertoire des cartes grises RSVERO
2018 2019 2020 2021 2022 2018 2019 2020 2021 2022
Aire de Paris 0,46 0,44 0,38 0,32 0,36 0,40 0,38 0,34 0,29 0,30
Pôle 0,43 0,42 0,35 0,30 0,34 0,41 0,38 0,33 0,28 0,29
Couronne 0,54 0,51 0,48 0,41 0,44 0,38 0,38 0,35 0,31 0,30
700 000 habitants ou plus (hors Paris) 0,95 0,93 0,87 0,83 0,85 1,03 0,99 0,90 0,82 0,85
Pôle 0,83 0,81 0,74 0,71 0,73 1,07 1,02 0,90 0,80 0,86
Couronne 1,09 1,06 1,02 0,96 0,97 1,00 0,96 0,91 0,83 0,85
De 200 000 à 700 000 habitants 1,06 1,07 1,09 1,12 1,11 1,07 1,07 1,06 1,08 1,09
Pôle 0,91 0,92 0,93 0,97 0,96 1,01 1,00 0,98 1,00 1,04
Couronne 1,24 1,23 1,25 1,27 1,26 1,13 1,13 1,13 1,15 1,12
De 50 000 à 200 000 habitants 1,17 1,19 1,22 1,28 1,25 1,10 1,12 1,15 1,21 1,20
Pôle 1,00 1,03 1,04 1,10 1,07 0,99 1,01 1,02 1,09 1,08
Couronne 1,32 1,34 1,37 1,43 1,41 1,19 1,21 1,25 1,31 1,29
Moins de 50 000 habitants 1,17 1,19 1,28 1,33 1,28 1,11 1,13 1,20 1,27 1,24
Pôle 1,08 1,10 1,17 1,22 1,17 1,04 1,07 1,12 1,18 1,17
Couronne 1,35 1,35 1,45 1,52 1,47 1,20 1,22 1,31 1,40 1,34
Hors aire d’attraction des villes 1,24 1,26 1,37 1,42 1,36 1,28 1,29 1,36 1,45 1,40
  • Lecture : en 2021, le ratio des entrées sur les sorties depuis les aires d’attraction des villes (AAV) de 700 000 habitants ou plus (hors Paris) vers les autres AAV s’élève à 0,82 selon la source RSVERO. Ce ratio calculé à partir des seuls pôles des AAV de 700 000 habitants ou plus (hors Paris) vers les autres AAV s’élève à 0,80.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Sources : La Poste ; RSVERO, Sdes ; traitements Insee.

La tendance est similaire pour les territoires hors aires d’attraction des villes. Le ratio des entrées sur les sorties progresse de 1,26 en 2019 à 1,36 en 2022, avec un pic en 2021 (1,42). Or, dans ces territoires, l’excédent migratoire tendait à se tarir avant la pandémie [de Bellefon et al., 2020].

Un diagnostic similaire émerge des données relatives aux changements de résidence des propriétaires de voiture. En particulier, les aires d’attraction des villes de moins de 50 000 habitants attirent de plus en plus de nouveaux arrivants véhiculés : le ratio entre les entrées et les sorties croît nettement en 2021 (1,27) par rapport à 2019 (1,13) et se tasse légèrement (1,24) en 2022.

Une baisse d’attractivité des grandes aires

Entre 2019 et 2022, le ratio des entrées sur les sorties de l’aire de Paris est passé de 0,38 à 0,30 selon les données RSVERO. La propension à conserver sa voiture lors d’un déménagement a certes évolué au cours de la dernière décennie, au gré des politiques visant à favoriser les mobilités douces dans les centres urbains, notamment à Paris. Mais le constat issu des données RSVERO est cohérent avec celui émanant des données sur les réexpéditions de courrier.

Avant la crise, les grandes aires de plus de 700 000 habitants hors Paris avaient une attractivité globalement positive. Entre 2013 et 2018 s’y installaient davantage d’habitants qu’ils n’en partaient, sauf pour Lille et Grenoble [Ouvrir dans un nouvel ongletANCT, 2022]. Au cours de cette période, ce solde migratoire positif révélé par le recensement de la population est aussi visible dans les données RSVERO, avec, en 2018, un ratio entre les entrées et les sorties en métropole légèrement supérieur à 1. Entre 2019 et 2022, ce ratio diminue de 14 %, traduisant pour ces grandes aires une tendance post-crise similaire à celle de l’aire de Paris. Les données de La Poste mettent en évidence, elles aussi, cette baisse d’attractivité pour les grandes aires (-8 %), alors même, compte tenu des différences de champ, que le niveau initial du ratio des entrées sur les sorties issu des données de La Poste est très légèrement inférieur à 1.

Au sein des grandes aires y compris celle de Paris, les déficits migratoires au profit des autres aires s’accentuent, et cela concerne aussi bien les communes du pôle que celles des couronnes. Mais pour ces dernières, le déficit est en partie compensé par le renforcement de la périurbanisation.

La périurbanisation se renforce au sein des grandes métropoles

Quelle que soit la taille de l’aire d’attraction des villes, les pôles perdent des habitants dans leurs échanges avec leurs couronnes. Durant la période 2017-2019 qui précède immédiatement la pandémie, selon les données de réexpédition de La Poste, le ratio des entrées sur les sorties de la couronne par rapport à son pôle croît avec la taille des aires : de 1,2 dans les aires de moins de 50 000 habitants à plus de 2 dans les aires de plus de 700 000 habitants (figure 3).

Figure 3 – Ratios des entrées sur les sorties des couronnes par rapport à leurs pôles selon la catégorie d’aire d’attraction des villes

ratio des entrées sur les sorties
Figure 3 – Ratios des entrées sur les sorties des couronnes par rapport à leurs pôles selon la catégorie d’aire d’attraction des villes (ratio des entrées sur les sorties) - Lecture : en 2022, dans les couronnes des aires de 700 000 habitants ou plus (hors Paris), 2,49 entrées se font en provenance de leur pôle pour 1 sortie vers ce même pôle.
Catégorie d'aire d'attraction des villes
(AAV)
2017 2018 2019 2020 2021 2022
Aire de Paris 1,89 1,84 1,87 2,22 2,38 2,15
700 000 habitants ou plus (hors Paris) 2,11 2,03 2,06 2,39 2,68 2,49
200 000 à 700 000 habitants 1,61 1,53 1,58 1,74 1,82 1,73
50 000 à 200 000 habitants 1,40 1,33 1,33 1,43 1,49 1,40
Moins de 50 000 habitants 1,22 1,20 1,21 1,23 1,19 1,16
  • Note : pour 2017, le ratio est calculé sur les six derniers mois de l’année.
  • Lecture : en 2022, dans les couronnes des aires de 700 000 habitants ou plus (hors Paris), 2,49 entrées se font en provenance de leur pôle pour 1 sortie vers ce même pôle.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : La Poste, d’après les contrats de réexpédition définitive ; traitements Insee.

Figure 3 – Ratios des entrées sur les sorties des couronnes par rapport à leurs pôles selon la catégorie d’aire d’attraction des villes

  • Note : pour 2017, le ratio est calculé sur les six derniers mois de l’année.
  • Lecture : en 2022, dans les couronnes des aires de 700 000 habitants ou plus (hors Paris), 2,49 entrées se font en provenance de leur pôle pour 1 sortie vers ce même pôle.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : La Poste, d’après les contrats de réexpédition définitive ; traitements Insee.

Dans les grandes aires, l’éloignement des centres urbains s’accentue à partir de 2020. En 2021, dans les aires de plus de 700 000 habitants, les couronnes accueillent depuis leur pôle 2,68 fois plus de ménages qu’il n’en part. Par exemple à Lyon, pour 100 transferts de courrier de la couronne vers le pôle, on compte 330 transferts dans l'autre sens. Pour l’aire de Paris, le mouvement de périurbanisation du territoire se renforce : la couronne accueille de plus en plus de nouveaux arrivants en provenance du pôle au regard des départs. Le ratio des entrées sur les sorties augmente fortement, de 1,87 en 2019 à 2,15 en 2022, avec un pic à 2,38 en 2021.

Les variations sont moins marquées pour les aires de 200 000 à 700 000 habitants. Elles sont faibles ou inexistantes dans les aires de moins de 200 000 habitants.

À la faveur de la crise, les couronnes des métropoles semblent avoir ainsi accentué leur attractivité par rapport aux pôles, mais l’ont vue se détériorer par rapport aux plus petites aires. Les couronnes de ces dernières ont sensiblement profité de ce mouvement, avec des flux accrus en provenance aussi bien des grands pôles urbains que de leur périphérie, mais n’ont pas ou peu bénéficié d’une plus forte attractivité au niveau local. Les familles avec jeunes enfants semblent avoir contribué à l’ensemble de ces mouvements (encadré).

Le télétravail, facteur d’évolution des comportements

Les évolutions différenciées mises en évidence au sein des territoires tiennent sans doute pour partie aux possibilités nouvelles qu’offre le télétravail. Selon l’information sur la pratique du télétravail à partir de l’enquête Emploi en continu et les données du recensement (sources), une corrélation peut ainsi être établie à l’échelle des départements entre le profil des emplois et les tendances en matière de migrations résidentielles : c’est dans les départements où les emplois apparaissent les plus compatibles avec le télétravail que le ratio des entrées sur les sorties mesuré à partir des données de réexpédition de La Poste a le plus baissé entre 2018 et 2021. Il en est ainsi des départements d’Île-de-France, du Rhône et de la Haute-Garonne, où les fonctions métropolitaines et les emplois de bureau sont surreprésentés.

L’hypothèse du lien entre télétravail et migrations résidentielles semble confirmée par l’évolution des distances domicile-travail. Selon les déclarations sociales nominatives (DSN) (sources), la distance pour se rendre à son lieu de travail varie assez peu entre 2019 et 2021 dans les grandes aires (Paris et celles de plus de 700 000 habitants), sauf pour les trajets les plus longs correspondant aux 10 % des salariés les plus éloignés de leur lieu de travail l’année considérée. La distance minimale parcourue par ces 10 % de salariés les plus éloignés de leur lieu de travail augmente légèrement pour les emplois plutôt non télétravaillables (+5 % dans les aires de plus de 700 000 habitants), mais plus vivement pour les emplois plutôt télétravaillables (+14 %). Le caractère télétravaillable est ici évalué par une classification des métiers assise sur l’enquête Tracov de la Dares de 2021 [Ouvrir dans un nouvel ongletBarry, Obser, 2022]. Pour l’aire de Paris, les tendances sont de même nature (respectivement +7 % et +13 %), ce qui semble traduire un éloignement plus important du pôle pour les salariés ayant la possibilité de télétravailler. Un tel constat est spécifique aux aires les plus peuplées.

Encadré – Une baisse d’attractivité des grands pôles urbains à l’égard des familles avec jeunes enfants

Avant 2019, le nombre d’élèves scolarisés dans le premier degré dans l’aire de Paris diminuait plus faiblement qu’au niveau national (-0,2 % par an entre 2015 et 2019, contre -0,5 %), que ce soit dans le pôle ou la couronne (figure A). Dans les autres grandes aires (Montpellier, Aix-Marseille, Lyon, etc.), le nombre d’enfants scolarisés dans le premier degré augmentait légèrement. Dans les trois métropoles de l’Ouest (Nantes, Bordeaux, Toulouse), il s’accroissait davantage dans le pôle qu’au sein de la couronne.

À l’inverse, dans les aires de plus petite taille (moins de 200 000 habitants), le nombre d’élèves diminuait plus que la moyenne nationale, en particulier dans les couronnes. Dans les couronnes des aires de 50 000 à 200 000 habitants, ce nombre baissait chaque année de 1,3 % en moyenne entre 2015 et 2019.

En 2021, contrairement à la période précédente et dans un contexte de baisse démographique de la classe d’âge concernée plus prononcé que les années antérieures (-1,4 %, après -0,5 % en moyenne annuelle entre 2015 et 2019), c’est dans les pôles de Paris et des grandes aires que le recul est le plus marqué. En outre, au sein de l’aire de Paris, un fort contraste apparaît entre le pôle (-2,1 %) et la couronne (+0,1 %) (figure B). Dans les aires des autres grandes métropoles également, les pôles (-1,6 %) deviennent moins attractifs que les couronnes (-0,6 %).

Dans le même temps, dans les aires de moins de 200 000 habitants, la diminution devient, en 2021, du même ordre qu’au niveau national, alors qu’elle était plus vive sur la période 2015-2019.

Figure A – Évolution annuelle moyenne des effectifs scolarisés dans le premier degré par aire d’attraction de 2015 à 2019

Figure A – Évolution annuelle moyenne des effectifs scolarisés dans le premier degré par aire d’attraction de 2015 à 2019
Les données sont disponibles dans le fichier en téléchargement.

Figure A – Évolution annuelle moyenne des effectifs scolarisés dans le premier degré par aire d’attraction de 2015 à 2019

  • Note : les évolutions ne sont pas calculées pour les aires de moins de 1 000 élèves.
  • Lecture : entre 2015 et 2019, les effectifs scolarisés en maternelle et élémentaire dans la couronne de l’aire d’attraction de Paris diminuent de 0,2 % en moyenne.
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : Depp - Ministère de l'Éducation nationale, de la Jeunesse et des Sports.
Publication rédigée par :Groupe de travail Insee sur le thème « télétravail et mobilité des ménages »

Méthodes

Les données issues des contrats de réexpédition cohérentes avec les données fiscales

Un rapprochement entre les données issues des contrats de réexpédition définitive de La Poste et celles relatives aux déménagements issues de la source fiscale Fidéli a été effectué pour les années 2019 et 2020, afin d’évaluer la cohérence entre ces deux sources tout en tenant compte des limites de chacune. En effet, chacune est susceptible de sous-estimer certains types de déménagement.

Le nombre global annuel de déménagements de personnes repérés par les sources fiscales est environ quatre fois plus élevé que celui des déménagements donnant lieu à contrat de réexpédition, qui correspond à des ménages. En matière de structure (répartition par région ou catégorie de territoire), les flux de déménagements entre régions, entre catégories d’aires d’attraction des villes ou selon le type de communes au sein de ces aires (pôle ou couronne) sont cependant très proches. Toutefois, en 2018 comme en 2019, les flux sortants sont légèrement surreprésentés dans les données de La Poste en Île‑de‑France.

L’utilisation des ratios entre les flux entrants et sortants

Selon l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), le nombre de courriers adressés a baissé de plus de 30 % entre 2017 et 2021, en raison de la numérisation croissante des échanges. Sur la même période, le nombre de contrats de réexpédition a diminué de 17 %. L’évolution des flux sortants ou des flux entrants dans un territoire donné n’est pas analysée ici, car elle traduit à la fois cette tendance globale et la tendance particulière affectant ce territoire. Seul le ratio entre les flux entrants et sortants, peu sensible à la tendance globale, fait l’objet d’une analyse.

Sources

La présente étude recourt aux données issues des contrats de réexpédition définitive souscrits par les clients personnes physiques (ménages) auprès de La Poste, consolidées annuellement à la maille de la commune.

Chaque déclaration d’impôt (source fiscale Fidéli) comporte à la fois l’adresse de la résidence principale du ménage au 1er janvier de l’année de déclaration et l’adresse un an plus tôt. Il est ainsi possible de calculer des flux de déménagement au niveau des ménages et au niveau des personnes qui les composent.

Le répertoire statistique des véhicules routiers (RSVERO) recense les véhicules routiers immatriculés sur le territoire français à partir du système d’immatriculation des véhicules (SIV). Il est produit par le Service des données et études statistiques (Sdes) du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Il enregistre notamment l’ensemble des changements d’adresse déclarés par les utilisateurs de véhicules, exploités ici sur le seul champ des voitures.

Mise en place en 1950, l’enquête Emploi en continu interroge chaque trimestre un échantillon d’environ 80 000 logements afin de calculer des indicateurs sur le marché du travail de manière structurelle et conjoncturelle, comme le taux de chômage. Une question sur le télétravail introduite en 2021 permet de modéliser la propension au télétravail à partir du secteur employeur et de la profession. Un score de télétravailleurs potentiels est calculé au niveau local, notamment au niveau du département, en mobilisant ces mêmes caractéristiques individuelles dans les données du recensement de la population, au 1er janvier 2019.

Les déclarations sociales nominatives (DSN) concernent l’ensemble des salariés et permettent d’estimer la distance entre leur domicile et leur travail. Elles offrent des caractéristiques détaillées sur les emplois occupés (secteur d’activité et adresse de l’établissement employeur, profession ou catégorie socioprofessionnelle du salarié ainsi que son lieu de résidence).

Par ailleurs, les questions sur le télétravail de l’enquête sur le vécu du travail et du chômage pendant la crise sanitaire liée à la Covid-19 (TraCov) de janvier 2021 de la Dares permettent d’associer une probabilité de télétravailler à des caractéristiques de profession et d’activité [Ouvrir dans un nouvel ongletBarry, Obser, 2022].

Auteurs

Cette étude, pilotée par Isabelle Kabla-Langlois et Jean-Philippe Martin (Direction régionale Île-de-France de l’Insee), est issue d’un groupe de travail associant plusieurs autres directions régionales de l’Insee (Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Hauts-de-France, Auvergne-Rhône-Alpes, Grand Est, La Réunion, Bretagne, Normandie), son département de l’emploi et des revenus d’activité ainsi que le Sdes et la Dares. Ont en particulier contribué à ces travaux Simon Beck, Emma Bianco, Daniel Bonnery, Arthur Cazaubiel, Louisa Hamzaoui, Thomas Morin, Alexis Raymond, Amandine Rodrigues, Mustapha Touahir et Corentin Trevien.

Publication rédigée par :Groupe de travail Insee sur le thème « télétravail et mobilité des ménages »

Définitions

Une aire d’attraction des villes définit l’étendue de l’influence d’une ville sur les communes environnantes. Il s’agit d’un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué d’un pôle de population et d’emploi et d’une couronne qui regroupe les communes dont au moins 15 % des actifs travaillent dans le pôle.

Pour en savoir plus

Barry V., Obser J., « Ouvrir dans un nouvel ongletQuelles mobilités géographiques des salariés privés durant la crise sanitaire ? », Dares Analyses n° 14, mars 2022.

Jauneau Y., « En 2021, en moyenne chaque semaine, un salarié sur cinq a télétravaillé », Insee Focus n° 263, mars 2022.

PUCA, « Ouvrir dans un nouvel ongletExode urbain, un mythe, des réalités », Rapport de présentation des résultats, février 2022.

ANCT, « Ouvrir dans un nouvel ongletTerritoires et transitions : enjeux démographiques », Cahier n° 1, Observatoire des territoires, décembre 2021.

de Bellefon M.-P., Eusebio P., Forest J., Pégaz‑Blanc O., Warnod R., « En France, neuf personnes sur dix vivent dans l’aire d’attraction d’une ville », Insee Focus n° 211, octobre 2020.

Galiana L., Suarez Castillo M., Sémécurbe F., Coudin É., de Bellefon M.-P., « Retour partiel des mouvements de population avec le déconfinement », Insee Analyses n° 54, juillet 2020.