Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine · Mars 2022 · n° 116

Vingt ans d’industrie néo-aquitaine L’industrie en Nouvelle-Aquitaine

Fin 2018, l’industrie néo-aquitaine emploie 285 000 personnes, soit 8,7 % de l’emploi industriel de France métropolitaine, une proportion similaire au poids de sa population. Avec 21,7 milliards d’euros, elle contribue à hauteur de 7,7 % à la valeur ajoutée industrielle nationale. Ainsi, la Nouvelle-Aquitaine se situe au cinquième rang des régions françaises aussi bien en volume d’emploi que de valeur ajoutée industriels, derrière l’Auvergne-Rhône-Alpes, l’Île-de-France, Grand Est et les Hauts-de-France.

L’industrie représente 11,8 % de l’emploi régional total et 13,8 % de la valeur ajoutée, des niveaux identiques à la moyenne nationale.

En Nouvelle-Aquitaine, comme en France métropolitaine, la concurrence internationale, les mutations technologiques et organisationnelles ainsi que l’externalisation d’une partie de l’activité vers des entreprises des services ont entraîné d’importantes pertes d’emplois dans les secteurs industriels. Entre 1998 et 2018, la région perd ainsi 43 000 emplois salariés industriels, hors intérim, alors que les activités de services administratifs et de soutien ainsi que les activités scientifiques et techniques en créent 97 000. En effet, pour rationaliser la gestion de leurs moyens techniques et humains, certaines entreprises industrielles se recentrent sur leur métier en externalisant des services qui n’en relèvent pas directement, notamment l'informatique, la comptabilité, la logistique et diverses fonctions administratives.

L’industrie néo-aquitaine résiste mieux cependant avec une baisse deux fois moins importante (– 0,7 % en moyenne annuelle contre – 1,2 % en France) (figure 1). Comparée à la période avant-crise (1998-2009), cette résistance est encore plus importante sur la période après-crise (2009-2018) avec une diminution moindre des emplois dans la région. L’année 2016 marque un tournant puisque la tendance s’inverse : l’emploi industriel se redresse, trois fois plus fortement en Nouvelle-Aquitaine qu’au niveau national (+ 0,8 % contre + 0,3 % en moyenne annuelle entre 2016 et 2018).

La Nouvelle-Aquitaine fait partie des sept régions qui enregistrent des pertes d’emplois moins importantes qu’au niveau national. Entre 2009 et 2018, seules la Corse et l’Occitanie renforcent leurs effectifs industriels. La résistance industrielle néo-aquitaine résulte de deux effets : celui des spécificités sectorielles et celui du contexte local (méthodologie), limitant le recul à 10 300 emplois industriels entre 2009 et 2018, contre 20 300 en l’absence de ces effets.

La construction aéronautique et spatiale et les industries agroalimentaires en sont les deux principaux contributeurs.

Avec 6,7 % des emplois industriels régionaux contre 4,2 % en moyenne nationale, la construction aéronautique et spatiale, la plus pourvoyeuse d’emplois, est surreprésentée en Nouvelle-Aquitaine. Industrie de pointe en plein essor, son effet local est toutefois moindre, avec une croissance des emplois salariés deux fois moins prononcée qu’au niveau national. Néanmoins, son organisation en filière entraîne dans sa dynamique positive d’autres industries telles que la forge, le traitement des métaux, l’usinage ainsi que la réparation et installation de machines et d’équipements. En outre, les fournisseurs et sous-traitants de ce secteur bénéficient d’un rayonnement international et de savoir-faire leur permettant de s’implanter sur d’autres marchés.

Également surreprésentées, les industries agroalimentaires néo-aquitaines ont créé des emplois, contrairement à la stabilité observée au niveau national. La transformation et conservation de la viande, de poissons et la fabrication de boissons, notamment, appartiennent à ces industries de type traditionnel, débouchés de la spécificité agricole de la Nouvelle-Aquitaine. La qualité de leur production bénéficie d’une renommée au-delà de la région, parfois jusqu’à l’international (cognac, foie gras, viande porcine). De plus, certaines d’entre elles entraînent dans leur sillage d’autres activités, comme la tonnellerie ou la verrerie.

D’autres activités favorisent également, dans une moindre mesure, la résistance industrielle de la région : parmi elles figurent la construction navale, surreprésentée mais dont les emplois progressent moins fortement qu’au niveau national, ainsi que la fabrication de véhicules automobiles, remorques et carrosseries, secteur moins présent mais dont le déclin des emplois est plus limité qu’en France métropolitaine (– 10,5 % contre – 24,2 %).

En revanche, d’autres secteurs, également surreprésentés au niveau régional, grèvent l’évolution de l’industrie néo-aquitaine : la fabrication d’équipements automobiles, la fabrication de meubles, la fabrication d’autres minéraux non métalliques et le travail du bois. En perte de vitesse au niveau national, la baisse des effectifs y est, à l’exception du travail du bois, encore plus marquée dans la région.

Entre 2009 et 2018, comme dans les autres régions de France métropolitaine, la place de l’industrie dans l’économie régionale s’amoindrit, passant de 13,8 % de l’emploi à 12,7 %. Ce recul est toutefois moins prononcé qu’en Hauts-de-France, Grand Est, Bourgogne-Franche-Comté ou Auvergne-Rhône-Alpes. Ainsi, grâce à une meilleure résistance, le poids de l’emploi salarié industriel néo-aquitain se renforce dans l’industrie nationale, passant ainsi de 8,2 % à 8,6 % (figure 2).

Entre 2009 et 2018, le paysage sectoriel dans l’industrie ne change pas fondamentalement. En effet, les secteurs les plus structurants, c’est-à-dire à la fois les plus employeurs et plus présents qu’ailleurs, restent plutôt stables sur la période : la construction aéronautique et spatiale, le travail du bois et la fabrication d'articles en bois et en liège, la transformation et conservation de la viande et préparation de produits à base de viande ainsi que la fabrication d'autres équipements électriques figurent aux quatre premières places, aussi bien en 2009 qu’en 2018. Le poids dans l’emploi local de la construction aéronautique et spatiale se renforce, mais sa spécificité régionale s’amoindrit. Pour les trois autres secteurs, cette dernière reste stable, avec un affaiblissement de leur poids dans l’économie locale, à l’exception de la transformation et conservation de la viande et préparation de produits à base de viande.

Parmi les autres secteurs structurants en 2009, quatre ne le sont plus en 2018 : la fabrication d’autres produits alimentaires, la fabrication d’équipements automobiles, l’imprimerie et reproduction d’enregistrements ainsi que la fabrication de meubles. Hormis le premier, ils enregistrent des baisses d’emplois sur la période. À l’inverse, la fabrication de boissons devient un secteur structurant de l’industrie régionale en 2018, grâce à la hausse d’emplois qui renforce cette activité déjà spécifique en 2009.

À côté de ces secteurs structurants, d’autres sont fortement employeurs mais non surreprésentés, avec notamment pour les trois plus importants un renforcement de leur contribution à l’emploi salarié industriel régional entre 2009 et 2018. Ainsi, la réparation et installation de machines et d’équipements, la forge, le traitement des métaux et l’usinage, et la production, transport et distribution d’électricité concentrent près de 15 % des emplois en 2018, soit un point de plus qu’en 2009. De même, des secteurs surreprésentés en Nouvelle-Aquitaine, mais peu pourvoyeurs d’emplois en 2009, tels que l’extraction d’hydrocarbures et les services de soutien aux industries extractives, le sont restés en 2018.

Le caractère industriel ou non des zones d’emploi de la région ne se modifie pas entre 2009 et 2018. Les zones d’emploi les plus industrielles le sont toujours en 2018. Ainsi, à Châtellerault, Saint-Junien, Bressuire, Thouars, Oloron-Sainte-Marie et Cognac, le poids de l’industrie dans l’économie locale reste très élevé en 2018, entre 21 % et 33 %, et se renforce même légèrement dans les zones de Châtellerault et d’Oloron-Sainte-Marie.

De même, la répartition de l’industrie sur le territoire reste relativement stable depuis 2009 et les zones d’emploi qui concentrent le plus d’emplois industriels sont les mêmes que celles de 2009 (figure 3). Toutefois, après la crise, l’emploi industriel néo-aquitain se resserre légèrement sur une dizaine de zones d’emploi et plus particulièrement celle de Bordeaux, où le poids dans l’emploi salarié industriel régional progresse de 1,3 point. À l’inverse, le poids de treize zones d’emploi recule, surtout celui de Brive-la-Gaillarde mais aussi ceux de Pau, Saintes, Angoulême et Limoges.

Une analyse structurelle-résiduelle a été mise en œuvre dans cette étude. Elle permet d’analyser les différences d’évolution de l’emploi industriel entre la région Nouvelle-Aquitaine et la France métropolitaine. Ces écarts peuvent tenir à des différences de répartition de l’emploi dans les secteurs (effet structurel) ou à des effets complémentaires pouvant être attribués par exemple à une plus ou moins grande compétitivité locale, à des capacités d’innovation différentes (effet résiduel ou local).

L’effet structurel est calculé à partir d’une décomposition de l’industrie en 129 secteurs (A129). Il est mesuré en appliquant à la structure sectorielle propre à la région l’évolution observée au niveau national par secteur. Une valeur théorique est ainsi calculée, qui représente ce qui serait observé sur le territoire avec la dynamique moyenne nationale. L’écart entre cette valeur théorique et le taux national observé relève donc de la différence des structures sectorielles.

L’effet résiduel ou local est la part de l’écart à l’évolution nationale qui ne s’explique pas par la structure sectorielle du territoire. Les composantes de cet effet résiduel peuvent être nombreuses et difficilement identifiables : effets de structure autres que sectoriels (taille, innovation, appartenance à un groupe, français ou étranger…), histoire et topographie du territoire, histoire et stratégie des entreprises, politiques économiques locales…

L'étude porte sur l'emploi salarié total dans les secteurs de l'industrie pour la période 1998 à 2018. Le champ de l'analyse structurelle résiduelle est celui des secteurs de l'industrie hormis ceux de l'artisanat commercial des industries agroalimentaires (charcuterie, code NAF 1013B ; cuisson de produits de boulangerie, 1071B ; boulangerie artisanale,1071C ; pâtisserie artisanale,1071D).