Insee Analyses Nouvelle-AquitainePauvretés dans les 81 quartiers de la politique de la ville

Hélène Decorme, Anne-Lise Duplessy, Insee

En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes, 200 000 habitants résident dans 81 quartiers de la politique de la ville localisés dans 26 unités urbaines. Au-delà de la pauvreté monétaire, d'autres difficultés liées par exemple à l'insertion sur le marché du travail ou à un déficit de formation touchent aussi leur population. Le faible niveau de mixité sociale, en lien avec la concentration des logements sociaux, pénalise ces quartiers. Les situations au regard du reste de leurs unités urbaines englobantes sont variables.

Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine
No 24
Paru le :Paru le03/05/2016
Hélène Decorme, Anne-Lise Duplessy, Insee
Insee Analyses Nouvelle-Aquitaine No 24- Mai 2016

En application de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, la géographie d'intervention prioritaire de la politique de la ville est recentrée au 1er janvier 2015 sur les zones considérées comme les plus en difficulté (encadré). En Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes (ALPC), 81 quartiers de la politique de la ville (QPV) se répartissent dans 26 unités urbaines (). Environ 200 000 habitants – entre 3 % et 4 % de la population régionale – vivent dans ces quartiers.

Des quartiers de la politique de la ville moins peuplés

La région ne concentre que 4 % de la population métropolitaine vivant dans un quartier de la politique de la ville, alors que la région représente 9 % de la population métropolitaine totale. Les QPV concernent 55 % des unités urbaines de plus de 10 000 habitants en ALPC, contre 62 % en France métropolitaine. Seuls 8 % de la population des unités urbaines (UU) concernées y résident, soit le taux le plus faible des régions de France métropolitaine. Dans les unités urbaines de Châtellerault, Limoges, Guéret et Poitiers, la géographie prioritaire concerne plus de 13 % de la population. À l'inverse, c'est moins de 5 % dans celles de Périgueux, Pau, Royan et de la partie française de Bayonne.

Figure 1Davantage de pauvreté dans les quartiers de la politique de la ville

Davantage de pauvreté dans les quartiers de la politique de la ville
Région Population des QPV/population des Unités urbaines englobantes (en %) Niveau de vie médian (en €) Taux de pauvreté (en %)
dans les quartiers de la politique de la ville UU englobantes dans les quartiers de la politique de la ville UU englobantes
Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes 8 12 914 19 990 41 13
France métropolitaine 13 12 871 19 786 42 16
  • Population, niveau de vie et taux de pauvreté dans les quartiers de la politique de la ville et leurs unités urbaines englobantes
  • Champ : Unités urbaines englobant les quartiers de la politique de la ville en France métropolitaine.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

En ALPC, les quartiers de la politique de la ville se caractérisent par leur petite taille. En ALPC, plus de 90 % des QPV comptent moins de 5 000 habitants en 2010, soit 10 points de plus qu'en France métropolitaine.

Les quartiers « Saint-Michel » et « Palmer-Saraillère-8-Mai-45-Dravemont » à Bordeaux ou « Couronneries » à Poitiers sont les plus peuplés ; les trois unités urbaines qui abritent le plus d'habitants en QPV (Bordeaux, Limoges et Poitiers) concentrent plus de la moitié de la population concernée par cette géographie prioritaire.

Trois fois plus de pauvreté

Le contraste par rapport à leur environnement distingue les quartiers de la politique de la ville d'ALPC : un habitant de ces quartiers est 3,1 fois plus souvent pauvre que la moyenne de son unité urbaine. Cette différence est plus marquée qu'en France métropolitaine. Pourtant, le taux de pauvreté dans les QPV de la région est le 4e taux le plus faible des régions de France métropolitaine (41 %). Mais la pauvreté ne touche que 13 % des habitants dans les unités urbaines qui englobent ces quartiers contre 16 % en France métropolitaine. Le niveau de vie annuel médian (12 914 euros) est, quant à lui, 35 % plus faible dans les QPV que dans leurs unités urbaines. Cet écart est comparable à la moyenne métropolitaine.

Figure 2Des conditions plus défavorables par rapport à leur environnement dans les QPV d'ALPC

Des conditions plus défavorables par rapport à leur environnement dans les QPV d'ALPC - Lecture : En proportion, il y a 3,1 fois plus de personnes en situation de pauvreté dans les QPV que dans les UU englobantes en ALPC, 2,6 fois plus en France métropolitaine.
Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes France métropolitaine
Logements sociaux 4,4 3,2
Part des étrangers| dans la population 3,2 2,3
Taux de pauvreté (en %) 3,1 2,6
Part des élèves en retard| scolaire à l'entrée en 6e 2,0 1,8
Part de la population| en emploi précaire| (CDD, apprentissage, intérim, stages) 1,8 1,5
Part des familles monoparentales| dans l'ensemble des ménages 1,7 1,6
Part des ménages de 5 personnes| ou plus dans l'ensemble des ménages 1,6 1,8
Part des ménages percevant| des allocations chômage 1,5 1,5
Part des femmes| n'ayant pas d'emploi 1,4 1,4
Part de la population| de 0 à 14 ans dans la population 1,4 1,4
Part de la population| de 15 ans ou plus peu diplômée 1,4 1,4
  • Surreprésentation de différentes variables dans les QPV en ALPC et France métropolitaine
  • Lecture : En proportion, il y a 3,1 fois plus de personnes en situation de pauvreté dans les QPV que dans les UU englobantes en ALPC, 2,6 fois plus en France métropolitaine.
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012 ; Insee, RP 2010 ; MENESR-DEPP, Système d'information Scolarité ; enquête n° 16 sur les établissements privés hors contrat. ; SOES RPLS 2013.

Figure 2Des conditions plus défavorables par rapport à leur environnement dans les QPV d'ALPC

  • Surreprésentation de différentes variables dans les QPV en ALPC et France métropolitaine
  • Lecture : En proportion, il y a 3,1 fois plus de personnes en situation de pauvreté dans les QPV que dans les UU englobantes en ALPC, 2,6 fois plus en France métropolitaine.
  • Sources : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012 ; Insee, RP 2010 ; MENESR-DEPP, Système d'information Scolarité ; enquête n° 16 sur les établissements privés hors contrat. ; SOES RPLS 2013.

Les situations de pauvreté sont plus ou moins marquées selon les quartiers de la politique de la ville. Dans les unités urbaines de Saintes, Agen et Cognac, plus de la moitié des habitants des QPV vivent en situation de pauvreté. Ils sont moins de 40 % dans ce cas dans onze autres unités urbaines dont Bordeaux, Dax et Bayonne.

Figure_3Des situations de pauvreté dans les QPV contrastées entre les unités urbaines

  • Taux de pauvreté et population dans les QPV
  • Champ : Unités urbaines englobant les quartiers de la politique de la ville.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Poches de pauvreté ou pauvreté diffuse

Par définition, les QPV correspondent à des zones qui concentrent la pauvreté. Au-delà de cette concentration des ménages en bas de l'échelle des revenus, les plus aisés ont également des revenus faibles.

Par ailleurs, la pauvreté ne se limite pas aux seuls quartiers de la politique de la ville. Dans les centre-villes, là où la densité de la population est la plus forte, le nombre de personnes pauvres est également le plus important. La pauvreté peut être diffuse dans un rayon assez large autour de la zone la plus précaire, comme dans l'unité urbaine de Guéret, ou se situer dans d'autres poches de pauvreté, comme dans le centre-ville de Mont-de-Marsan. Dans l'unité urbaine de Bordeaux, des zones de pauvreté émergent à proximité du quartier Thouars, du fait de la présence de logements sociaux et étudiants sur une partie du campus universitaire et à proximité.

Figure_4Des situations de pauvreté contrastées au niveau le plus fin

  • Taux de pauvreté dans l'unité urbaine de Bordeaux
  • Note : Les données cartographiées sont des données carroyées, lissées à 400 mètres.
  • Source : Insee-DGFiP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Fichier localisé social et fiscal 2012.

Des logements sociaux plus présents qu'ailleurs

L'offre de logements sociaux détermine en partie les contours des quartiers de la politique de la ville. En effet, le public accueilli induit une concentration de pauvreté et limite la mixité sociale. En France métropolitaine, c'est la forte part de logements sociaux qui différencie le plus ces quartiers de leur territoire englobant : rapporté au nombre de ménages, on y compte 3,2 fois plus de logements sociaux. En ALPC, c'est 4,4 fois plus. Alors que l'offre de logements sociaux dépasse légèrement la moyenne métropolitaine dans les QPV de la région (+ 2 points), elle demeure bien inférieure dans les unités urbaines englobantes (– 6 points).

Comme ailleurs, des caractéristiques propres...

En ALPC comme en France métropolitaine, la population des quartiers de la politique de la ville affiche des caractéristiques spécifiques. Elle est plus jeune : la part des habitants de moins de 15 ans dépasse de 6 points celle des unités urbaines englobantes. La part des étrangers y est supérieure de 11 points. Les familles sont plus souvent monoparentales (+ 8 points) et les ménages de grande taille un peu plus présents (+ 3 points). Hors QPV, les familles ont tendance à s'éloigner et vivre en dehors des unités urbaines, entraînant une diminution de la part des jeunes enfants et des ménages de grande taille en leur sein.

...malgré un effet géographique

Dans son ensemble, l'ALPC est une région âgée, qui compte en proportion moins d'étrangers et moins de ménages de grande taille que la moyenne métropolitaine. Ces spécificités régionales se retrouvent dans les quartiers de la politique de la ville. Ainsi, 22 % de la population des QPV de la région a moins de 15 ans, soit 2 points de moins qu'en moyenne France métropolitaine. 16 % de la population est de nationalité étrangère, contre 19 % en moyenne. Seuls 8 % des ménages comptent plus de cinq personnes (contre 14 % en moyenne France métropolitaine).

Des pauvretés pas seulement monétaires

Les habitants des quartiers de la politique de la ville s'insèrent plus difficilement sur le marché du travail que le reste de la population. 24 % des ménages qui résident dans ces quartiers perçoivent des allocations chômage, contre 17 % dans les unités urbaines englobantes.

58 % des femmes n'ont pas d'emploi contre 41 %. 26 % des emplois sont précaires contre 15 %. Ce différentiel est particulièrement fort dans la région : en moyenne en France métropolitaine, 21 % des actifs occupés des QPV et 14 % de ceux des unités urbaines englobantes sont en contrat à durée déterminée, contrat d'apprentissage, intérim ou stage et non en contrat à durée indéterminée.

Déficits de formation et de qualification existent en amont. À l'entrée en 6e, le retard scolaire touche 21 % des élèves dans les quartiers de la politique de la ville, soit 10 points de plus que dans les unités urbaines englobantes. La part de la population de 15 ans ou plus avec un diplôme inférieur au baccalauréat ou sans diplôme atteint 75 % dans les QPV, soit 20 points de plus que dans leur environnement.

Des fractures plus fortes pour certaines unités urbaines

La différence entre les caractéristiques de la population des quartiers de la politique de la ville et du reste de l'unité urbaine peut être plus ou moins marquée. À Villeneuve-sur-Lot et Tonneins, ces différences sont minimes. Il s'agit d'unités urbaines globalement pauvres et la très faible part de logements sociaux dans ces QPV ne concentre pas les populations les plus en difficulté. Dans une moindre mesure, cette faible distinction se retrouve aussi à Bergerac et à Rochefort.

Dans d'autres unités urbaines, les habitants des quartiers de la politique de la ville se démarquent plus fortement. À Saintes par exemple, les moins de 15 ans, les familles monoparentales et les actifs en emploi précaire sont proportionnellement deux fois plus présents que dans l'unité urbaine englobante. La concentration de l'offre de logements sociaux peut expliquer ce positionnement. Dans les unités urbaines de Pau, Cognac ou Brive-la-Gaillarde, les écarts sont multidimensionnels avec des logements sociaux relativement concentrés. Malgré une moindre surreprésentation des logements sociaux dans ses QPV, Agen appartient aussi aux unités urbaines où les écarts avec l'unité englobante sont plus marqués. Pourtant, la part des ménages de grande taille et le taux de pauvreté dans l'ensemble de l'unité urbaine d'Agen dépassent déjà la moyenne des unités urbaines de la région.

Figure_5Davantage d'emploi précaire dans les QPV

  • Part de l'emploi précaire dans les UU et les quartiers de la politique de la ville qu'elles englobent
  • Note : Les données sont manquantes pour l'unité urbaine de Thouars.
  • Lecture : Le centre du quadrant correspond à la situation moyenne en ALPC, c'est-à-dire en abscisse la part de la population en emploi précaire dans les unités urbaines (UU) d'ALPC qui abritent un QPV (environ 15 %), et en ordonnée la surreprésentation moyenne de l'emploi précaire dans les QPV par rapport à leur UU englobante en ALPC (un peu moins d'1,8 fois plus, en proportion). Le point France métropolitaine correspond à la situation moyenne dans les UU de France métropolitaine qui abritent un QPV.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2010.

Des disparités entre voisins

En ALPC, dix-sept unités urbaines comptent plusieurs quartiers de la politique de la ville. Dans certaines, ces quartiers sont plutôt semblables, comme à Mont-de-Marsan, Périgueux ou Brive-la-Gaillarde. Dans d'autres, les différents quartiers présentent de fortes disparités. Ainsi, à Agen, les quartiers de « Montanou » et « Pin » sont très dissemblables, tant en termes de taux de pauvreté que de caractéristiques socio-démographiques des habitants. Pour Bordeaux, le nombre important de QPV (21) peut favoriser une certaine hétérogénéité.

L'offre en logements sociaux est la principale source de différenciation entre quartiers. Ainsi, les quartiers « Benauge-Henri Sellier-Léo Lagrange » à Bordeaux, « Lac Renardières Ozon » à Châtellerault ou « La Bastide » à Limoges, qui disposent d'une offre importante, présentent des taux de pauvreté plus élevés et des écarts de revenus entre les ménages faibles. À l'inverse, dans ces mêmes unités urbaines, l'éventail des revenus est plus large dans les quartiers de la politique de la ville proposant le moins de logements sociaux. Ces quartiers où un processus de « gentrification » peut être à l'oeuvre se situent généralement près du centre-ville : « Pontreau Colline Saint André » à Niort ou « Saint-Michel » à Bordeaux.

La réforme de la politique de la ville

La loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine du 21 février 2014, entrée en vigueur au 1er janvier 2015, a introduit une nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville qui a pour objectif de recentrer l'action publique sur les quartiers les plus en difficulté. Les quartiers de la politique de la ville (QPV) ont été définis au sein des unités urbaines de 10 000 habitants ou plus sur la base de deux critères. Un QPV doit avoir un nombre minimal d'habitants, et un revenu médian par UC inférieur à un certain seuil. Ce seuil dépend du revenu médian par UC de l'unité urbaine englobante et du revenu médian national. Les travaux de définition ont été menés par le Commissariat Général à l'Égalité des Territoires (CGET) à partir de données carroyées de l'Insee issues des revenus fiscaux localisés de 2011. Les QPV remplacent les zonages formés par les zones urbaines sensibles (ZUS) et les contrats urbains de cohésion sociale (CUCS). 1 296 QPV sont situés en France métropolitaine, 140 dans les départements d'outre-mer et environ 80 en Polynésie française et à Saint-Martin.

Définitions

Une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants.

Dans cette étude, pour un quartier de la politique de la ville donné, on appelle unité urbaine englobante l'unité urbaine à laquelle il appartient.

Le revenu disponible d'un ménage est le revenu à sa disposition pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d'activité, les revenus de remplacement (retraites et pensions, indemnités de chômage, indemnités de maladie), les revenus du patrimoine et les prestations sociales reçues (prestations familiales, minima sociaux et prestations logements). Au total de ces ressources, quatre impôts directs sont déduits : l'impôt sur le revenu, la taxe d'habitation, la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Le niveau de vie d'une personne (ou d'un ménage) est égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d'unités de consommation (UC) dans ce ménage. Le niveau de vie est donc le même pour toutes les personnes d'un même ménage. On attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans afin de prendre en compte les économies d'échelle. Le niveau de vie médian, qui partage la population en deux, est tel que la moitié des personnes disposent d'un niveau de vie inférieur et l'autre moitié d'un niveau de vie supérieur.

Pauvreté monétaire : une personne (ou un ménage) est considérée comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Selon des conventions européennes, ce seuil est fixé à 60 % du niveau de vie médian national.

Le taux de pauvreté correspond à la proportion de personnes (ou de ménages) dont le niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté (11 871 euros annuels en 2012).

Pour en savoir plus

Renaud A., Sémécurbe F., « La pauvreté côtoie d'autres fragilités », Insee Première n° 1593, mai 2016.

Balouzat B., Châtel F., Duplessy AL., Lacour C., « La pauvreté touche une personne sur huit en Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes », Insee Analyses Limousin n° 12 - juin 2015.