Une production de blé abondante, des prix généralement moins élevés et des élevages qui continuent de souffrir

Michel Tison, Sylvain Skrabo, Direction régionale de l’alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf)

La production de céréales à paille d’été est particulièrement abondante en 2015 dans le Grand Est, mais les cours sont généralement en deçà de l’année précédente. Les cultures récoltées à l’automne (maïs, betteraves…) ont plus pâti de la sécheresse estivale et la production a globalement diminué. Dans un contexte où les disponibilités mondiales en céréales sont importantes, les prix demeurent au même niveau qu’en 2014. Avec la libéralisation de la production laitière en 2015, les volumes européens progressent, ce qui impacte significativement le prix du lait. Le constat est identique pour la viande bovine comme porcine, dont les prix s’écartent en moyenne de 10 à 20 centimes de ceux de 2014 et les éleveurs peinent à équilibrer charges et ressources.

Insee Conjoncture Grand Est
Paru le :Paru le31/05/2016
Michel Tison, Sylvain Skrabo, Direction régionale de l’alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf)
Insee Conjoncture Grand Est- Mai 2016

La production de céréales à paille d’été est particulièrement abondante en 2015 dans le Grand Est, mais les cours sont généralement en deçà de l’année précédente. Les cultures récoltées à l’automne (maïs, betteraves…) ont plus pâti de la sécheresse estivale et la production a globalement diminué. Dans un contexte où les disponibilités mondiales en céréales sont importantes, les prix demeurent au même niveau qu’en 2014. Avec la libéralisation de la production laitière en 2015, les volumes européens progressent, ce qui impacte significativement le prix du lait. Le constat est identique pour la viande bovine comme porcine, dont les prix s’écartent en moyenne de 10 à 20 centimes par kilo de ceux de 2014 et les éleveurs peinent à équilibrer charges et ressources.

En 2015, la production de céréales de la région Grand Est atteint 11 millions de tonnes, soit 3,7 % de plus qu’en 2014. Elle dépasse de 8,8 % la moyenne quinquennale.

Les stocks mondiaux de blé sont abondants pour la troisième année consécutive. Les rendements élevés de la récolte française, du fait d’un hiver doux suivi d’un été chaud et ensoleillé, n’ont pas contribué à faire remonter les prix. La hausse de la production des pays importateurs sans développement de la demande conduit au maintien de cours en retrait par rapport aux années 2011 et 2012. À l’exportation, les blés français, fortement concurrencés par les productions russes et ukrainiennes, ne se sont pas montrés très compétitifs, malgré une parité euro-dollar globalement favorable à l’euro sur l’année 2015.

Production céréalière : progression des rendements, baisse des prix

Dans la région Grand Est, la sole de blé progresse de 10 % par rapport à 2014. Avec 84 quintaux par hectare, le rendement est très satisfaisant. Il dépasse de cinq quintaux celui de 2014 et de dix quintaux la moyenne des cinq années précédentes. La production régionale de blé se chiffre à six millions de tonnes, soit 17,5 % de plus qu’en 2014. Le prix annuel moyen du blé est inférieur de 3,6 % à celui de 2014, mais de 21 % à celui de 2013.

La production d’escourgeon et d’orge d’hiver s’élève à 1,77 million de tonnes, soit 16 % de plus qu’en 2014 et 35,5 % de plus que la moyenne 2010-2014. La hausse des surfaces et des rendements explique cette évolution. Avec 1,45 million de tonnes, la production d’orge de printemps baisse de 4,7 % par rapport à 2014. Les surfaces perdent 14 %. Les rendements atteignent respectivement 78 et 69 q/ha, supérieurs de sept et six quintaux à ceux de 2014. En moyenne annuelle, le prix de l’orge d’hiver recule de 4 % par rapport à 2014 et celui de l’orge de printemps de 2,2 %.

Avec 1,61 million de tonnes, la production de maïs grain baisse de 29,2 % par rapport à l’année précédente, et de 24,5 % par rapport à la moyenne quinquennale. Cette évolution s’explique par une réduction des surfaces de 14,7 % et par une chute du rendement moyen de 19 quintaux provoquée par le manque de pluie et une chaleur estivale. Excepté dans les deux départements alsaciens où l’irrigation a limité les effets du climat, les rendements ont été catastrophiques. En moyenne annuelle, le prix du maïs FOB Rhin (Free On Board, c’est-à-dire acheté hors frais de transport, taxes et assurances) régresse de 5,3 % par rapport à 2014.

Figure 1Productions végétales en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine

Productions végétales en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine
Production (en milliers de tonnes) Variation de la production (en %)
2015 2014 2015/2014 Évolution 2015/moyenne quinquennale 2014-2010
Céréales 11 002 10 605 3,7 8,8
dont Blé 5 997 5 102 17,5 21,1
dont Orge d'hiver 1 773 1 529 16,0 35,5
dont Orge de printemps 1 445 1 517 -4,7 -5,9
dont Maïs grain 1 611 2 275 -29,2 -24,5
Oléagineux 1 223 1 317 -7,2 4,9
dont Colza 1 167 1 246 -6,3 7,1
dont Tournesol 39 60 -35,2 -41,3
Protéagineux 168 144 17,1 17,1
dont Pois protéagineux 139 119 16,4 21,2
dont Féverole 29 24 21,0 0,7
Betteraves 7 366 9 483 -22,3 -14,4
Pommes de terre 779 939 -17,1 -27,7
dont féculières 209 269 -22,4 -32,8
dont consommation 552 650 -15,1 -26,1
Chanvre (fibre) 32 45 -30,5 -5,5
Luzerne 568 650 -12,6 -6,9
Tabac 2 163 2 384 -9,3 -22,3
Houblon 517 606 -14,8 -20,9
  • Source : Draaf, Agreste - statistique agricole définitive 2010 à 2014, provisoire 2015.

Figure 2Cours des céréales

Moyennes mensuelles €/tonne (en € courants)
Cours des céréales (Moyennes mensuelles €/tonne (en € courants))
Blé tendre Orge de printemps Colza Maïs
Jan 2011 248,00 242,25 509,38 232,75
Fév 2011 255,00 225,12 485,12 217,50
Mar 2011 217,20 197,00 470,20 215,25
Avr 2011 231,38 209,25 471,50 216,00
Mai 2011 228,50 245,33 475,00 223,00
Juin 2011 210,60 281,20 462,00 221,80
Juil 2011 189,40 257,80 445,30 225,00
Aoû 2011 193,30 257,00 434,90 221,25
Sep 2011 193,88 252,50 445,75 196,75
Oct 2011 181,00 240,00 440,88 178,88
Nov 2011 172,80 247,90 436,00 176,10
Déc 2011 171,00 252,50 433,00 174,50
Jan 2012 188,50 255,50 457,50 188,87
Fév 2012 194,88 257,63 463,50 194,75
Mar 2012 193,80 239,00 476,20 195,60
Avr 2012 201,63 230,63 501,50 206,75
Mai 2012 203,00 211,75 479,80 207,00
Juin 2012 201,60 206,50 477,60 202,60
Juil 2012 239,63 242,00 502,13 213,50
Aoû 2012 252,40 243,50 506,40 249,00
Sep 2012 254,63 240,50 508,50 247,50
Oct 2012 249,63 233,63 476,25 235,00
Nov 2012 258,60 240,30 476,20 244,50
Déc 2012 248,50 241,50 466,00 239,13
Jan 2013 237,90 231,80 473,00 226,90
Fév 2013 227,00 214,50 475,00 210,13
Mar 2013 228,50 214,50 479,75 210,50
Avr 2013 234,38 213,38 479,38 211,50
Mai 2013 232,50 206,00 465,00 206,00
Juin 2013 212,50 211,25 457,50 210,75
Juil 2013 180,70 207,60 386,90 195,62
Aoû 2013 169,75 187,00 369,50 178,50
Sep 2013 172,38 187,00 377,25 169,25
Oct 2013 178,63 183,38 372,25 161,13
Nov 2013 185,25 186,75 377,25 164,38
Déc 2013 189,50 181,50 375,25 170,75
Jan 2014 181,60 181,80 363,95 164,75
Fév 2014 177,25 180,60 390,25 166,25
Mar 2014 188,88 189,80 414,80 172,50
Avr 2014 187,75 196,38 415,63 171,63
Mai 2014 174,56 190,30 377,60 166,00
Juin 2014 170,25 197,80 352,80 163,00
Juil 2014 167,70 189,30 322,40 163,10
Aoû 2014 162,25 182,50 322,25 145,50
Sep 2014 142,25 178,00 315,60 128,75
Oct 2014 139,20 183,00 322,60 135,10
Nov 2014 153,63 196,90 333,38 139,88
Déc 2014 164,00 204,83 344,67 145,83
Jan 2015 167,50 202,00 357,00 145,67
Fév 2015 162,00 183,25 353,75 138,75
Mar 2015 160,20 176,80 369,40 141,70
Avr 2015 157,00 176,50 374,25 146,75
Mai 2015 149,00 173,50 373,33 142,17
Juin 2015 147,25 194,00 374,00 141,38
Juil 2015 176,10 206,90 386,80 163,70
Aoû 2015 167,75 192,38 376,63 168,00
Sep 2015 154,00 185,63 365,60 153,50
Oct 2015 164,30 188,80 377,80 158,20
Nov 2015 166,00 183,00 380,25 163,88
Déc 2015 160,25 158,00 379,50 169,38
  • Source : La dépêche

Figure 2Cours des céréales

  • Source : La dépêche

Surfaces et rendements en retrait pour les autres productions

En 2015, la production de colza atteint 1,17 million de tonnes, soit 6,3 % de moins qu'en 2014. Cette baisse est due à une diminution conjointe des rendements et des surfaces. Les raisons sont certainement climatiques mais aussi liées à l’évolution de la réglementation de certains produits phytosanitaires. La production régionale dépasse toutefois de 7,1 % la moyenne quinquennale. Pendant le premier semestre 2015, le marché des huiles soutient le prix du colza, malgré la baisse du prix du pétrole et en dépit d’une parité euro-dollar fluctuante. Les cours baissent légèrement avec le début de la nouvelle campagne, puis remontent et se maintiennent jusqu’à la fin de l’année. En moyenne annuelle, le prix du colza augmente de 4,5 % par rapport à 2014. Il est toutefois inférieur de 12,2 % à son niveau de 2013.

Toujours dans un contexte climatique moins favorable, avec 7,37 millions de tonnes, la production régionale betteravière régresse de 22,3 % par rapport à la campagne précédente. Cette baisse est due aux rendements moins élevés, passant de 98 t/ha à 81 t/ha. Les surfaces diminuent également de 5 %. La production de pommes de terre de consommation baisse de 15,2 %, résultat d’une chute de 11,6 % des rendements. La cotation des variétés à chair normale augmente fortement avec l’arrivée de la nouvelle campagne. En moyenne annuelle, elle progresse de 15,3 % par rapport à 2014. La production de pommes de terre féculières baisse de 22,4 % sous l’effet d’un recul du rendement de 34 %, malgré une hausse des surfaces de 17,7 %.

Production laitière : des volumes en hausse, des prix en baisse

En 2015, les producteurs de lait du Grand Est ont livré 23,4 millions d’hectolitres de lait, volume légèrement supérieur à celui de 2014 pour un effectif de vaches laitières en repli de 0,6 %. Ce niveau de production dépasse de 4,5 % le niveau annuel moyen de la période 2010-2014. La livraison mensuelle moyenne en 2015 atteint 1,95 million d’hectolitres, en hausse de 4,9 % par rapport à celle des cinq années précédentes.

Les quotas laitiers, dont l’objectif était de réguler la production afin d’équilibrer l’offre et la demande, ont été supprimés en avril 2015, entraînant une hausse de la production européenne et une baisse des prix. Le prix moyen du lait conventionnel s’établit à 321 € pour 1 000 litres en 2015, soit 57 € de moins qu’en 2014 et une vingtaine d’euros de moins que la moyenne 2010-2014. Le prix du bio reste élevé même s’il a également subi une perte de 20 € par rapport à 2014. L’année 2015 succède aussi à une année où le prix du lait avait été rémunéré à la hausse pendant le premier semestre, grâce à une demande asiatique qui ne s’est pas confirmée au second.

Une année morose pour les éleveurs

Pour la production de viande, l’année 2015 restera marquée par des prix en baisse par rapport aux années précédentes : de dix à trente centimes d’écart par kilogramme de carcasse pour la vache par rapport à 2014, dix centimes pour le jeune boeuf et entre dix et vingt centimes pour le porc. Suite à des mesures exceptionnelles dans le courant de l’été, les écarts se sont résorbés mais pour se creuser de nouveau en fin d’année. Le prix de compensation, qui constate le différentiel entre l’évolution des prix des aliments et des prix à la production, reste relativement stable pour la production de viande, mais traduit toujours un écart en défaveur de l’éleveur. Dans un contexte de baisse des cours, les animaux peuvent prendre plus souvent le chemin de l’abattoir. Cela se ressent pourtant moins qu’au niveau national, car la production de viande bovine de la région Grand Est régresse de 1,3 % par rapport à 2014 contre + 2,7 % en France. En revanche, les tonnages de viande porcine augmentent de 1,5 %. Ils se situent toutefois à 3 % en dessous de la moyenne des cinq années précédentes. Ceux de la viande ovine progressent de 3,1 %, mais sont inférieurs de 9 % à la moyenne 2010-2014.

Figure 3Productions animales en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine

Productions animales en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine
Production (en tonnes) Variation de la production (en %)
2015 2014 2015/2014 Évolution 2015/moyenne quinquennale 2014-2010
Gros bovins 87 980 89 096 -1,3 -13,2
dont Vaches 29 394 29 651 -0,9 -10,8
dont Génisses 10 043 9 627 4,3 -6,4
dont Taurillons 38 909 40 330 -3,5 8,2
dont Bœufs 7 948 7 740 2,7 -29,8
Veaux de boucherie 1 540 1 510 2,0 -20,6
Ovins 1 519 1 474 3,1 -9,0
dont Agneaux 1 471 1 434 2,6 -9,5
Porcins 20 949 20 645 1,5 -2,9
dont Porcs charcutiers 20 595 20 298 1,5 -1,0
Lait - Unités : milliers d'hl 23 369 23 236 0,6 4,5
  • Source : FranceAgrimer - Enquête mensuelle laitière

Figure 4Prix dans la filière porcine

base 100 en 2010
Prix dans la filière porcine (base 100 en 2010)
Année IPAMPA* - Aliments pour porcins IPPAP** - Porcins - Données brutes
2005 85,5 104
2006 87,5 108,9
2007 106 98,5
2008 123,1 109,5
2009 100 101,1
2010 100 100
2011 126,3 113
2012 133,9 124,2
2013 139,7 126,3
2014 123,5 115,6
2015 118,1 107,3
  • * : indice annuel brut des prix d'achat des moyens de production agricole
  • ** : indice annuel des prix agricoles à la production
  • Source : Insee - Division « Indices des prix à la production ».

Figure 4Prix dans la filière porcine

  • * : indice annuel brut des prix d'achat des moyens de production agricole
  • ** : indice annuel des prix agricoles à la production
  • Source : Insee - Division « Indices des prix à la production ».

Figure 5Prix dans la filière bovine

base 100 en 2010
Prix dans la filière bovine (base 100 en 2010 )
Année IPAMPA* - Aliments pour gros bovins IPPAP** - Gros bovins - Données brutes
2005 84,9 101
2006 85,5 105,5
2007 95,6 100,5
2008 112,9 102,3
2009 101,9 98,7
2010 100 100
2011 115,9 107,2
2012 125,5 122,3
2013 134,3 128,9
2014 125,7 121,6
2015 122,2 120,4
  • * : indice annuel brut des prix d'achat des moyens de production agricole
  • ** : indice annuel des prix agricoles à la production
  • Source : Insee - Division « Indices des prix à la production ».

Figure 5Prix dans la filière bovine

  • * : indice annuel brut des prix d'achat des moyens de production agricole
  • ** : indice annuel des prix agricoles à la production
  • Source : Insee - Division « Indices des prix à la production ».