Insee Analyses BretagneLa Bretagne : première région française pour la production et la transformation de viande

Linda Deschamps, Kristina Frétière (Draaf Bretagne) - Alain Maillochon, Valérie Molina (Insee Bretagne)

En Bretagne, la filière viande génère près de 55 000 emplois. Elle est fortement présente à tous les échelons. Première région française de production, la Bretagne fournit en effet plus du tiers des animaux finis du pays. Elle assure également 40 % de la production d’aliments pour animaux de ferme. Elle se situe aussi au premier rang en termes d’emploi dans l’abattage-transformation avec 27 000 salariés. Enfin, les activités de commerce de gros sont également bien implantées sur le territoire avec 400 établissements.

Face aux difficultés récentes, la filière s’est restructurée mais reste fragilisée, notamment en raison du coût des matières premières et de la dépendance des marchés étrangers pour le secteur export.

Insee Analyses Bretagne
No 32
Paru le :Paru le15/01/2016
Linda Deschamps, Kristina Frétière (Draaf Bretagne) - Alain Maillochon, Valérie Molina (Insee Bretagne)
Insee Analyses Bretagne No 32- Janvier 2016

La filière viande rassemble tous les acteurs impliqués de manière significative dans la production de viandes ou de produits à base de viande. Elle se compose ainsi de quatre principaux segments d'activité, dont les deux plus importants sont l’élevage et les industries d' abattage-transformation. En amont figurent également les fournisseurs des exploitations en lien direct avec l'élevage : fabricants d'aliments pour animaux de ferme et vétérinaires. Enfin, les opérateurs du commerce de gros, qui interviennent tout au long du processus de production, forment le quatrième segment.

Comptant près de 55 000 emplois (figure 1), la filière dégage une valeur ajoutée de 2,4 milliards d'euros, dont un tiers pour le segment de l'élevage.

Figure_1Près de 55 000 emplois générés par la filière viande

  • Insee, Clap 2013. Agreste, Draaf, recensement agricole 2010

La Bretagne, première région d’élevage pour la viande

Avec 1,97 million de tonnes équivalent carcasse (tec) produites en 2013 (figure 2), la Bretagne est la première région d’élevage pour la viande en France. Elle fournit plus du tiers des animaux finis produits dans le pays. En particulier, la région est au premier rang national pour la production de porcs, de volailles de chair et de veaux. Pour les gros bovins, principalement issus du troupeau laitier, la Bretagne arrive au 6e rang des treize régions françaises.

Figure_2Un poids important de la Bretagne dans tous les maillons

Volumes de production des activités de la filière en 2013
Un poids important de la Bretagne dans tous les maillons (Volumes de production des activités de la filière en 2013)
Bretagne Part Bretagne/France métropolitaine (en %) France métropolitaine
Production totale animaux finis (en tec*) 1 966 930 37 5 308 940
gros bovins 115 210 10 1 211 470
dont vaches laitières et génisses laitières 51 740 19 267 180
veaux 40 210 22 183 620
porcins 1 238 050 58 2 116 890
volaille de chair 559 960 35 1 622 470
autres 13 500 8 174 490
Abattages animaux de boucherie (en tec) 1 440 920 42 3 417 450
Abattages volailles lapins (en tec) 559 420 32 1 731 090
Découpes volailles lapins (en tonnes) 248 990 38 659 920
Charcuteries et conserves de viandes (en tonnes) 337 240 32 1 061 920
Aliments composés pour le bétail (en milliers de tonnes) 8 260 39 21 160
  • * tec : tonne équivalent carcasse
  • Source : Agreste, SAA, enq. auprès des abattoirs, Coop de France nutrition animale, SNIA, FICT, enq. de branche déléguée

La valeur de la production de bétail et de volailles atteint 3,5 milliards d’euros. Elle représente 40 % de la production de la branche agricole bretonne, une part deux fois supérieure à celle observée au niveau national.

En Bretagne, cette production de bétail et de volailles est réalisée par 25 500 exploitations qui élèvent des animaux destinés à la viande. Elles représentent 74 % des exploitations bretonnes, contre 48 % en France. Ces exploitations utilisent 21 200 Unités de Travail Annuel (UTA), soit plus du tiers des effectifs agricoles de la région. Les exploitations valorisant de la viande pour plus de la moitié de leur chiffre d’affaires emploient 15 500 UTA, principalement en exploitations hors-sol. Le reste des emplois liés à la production de viande se trouve en majorité dans des exploitations laitières. La production de viande est réalisée sur 7 300 ateliers bovins viande, 5 700 ateliers porcins et 2 600 ateliers de volailles de chair, mais aussi sur 13 800 ateliers bovins lait (vaches et génisses de réforme). Près de la moitié des exploitations bretonnes produisant de la viande combinent au moins deux ateliers.

Les revenus des exploitations produisant de la viande ont fortement varié ces dernières années, en raison d’une volatilité croissante des prix des produits animaux mais aussi et surtout à cause du coût des intrants, en particulier l’alimentation animale. Les exploitations porcines sont les plus sensibles au coût de l'aliment qui représente plus de la moitié de leurs charges.

La majorité des emplois de la filière viande concentrée dans l’abattage-transformation

Avec plus de 300 établissements et 26 500 salariés, le segment de l’abattage-transformation de la viande regroupe les trois quarts des emplois de la filière, hors élevage (figure 3). Il représente ainsi plus de 15 % de l’emploi industriel breton et se répartit sur tout le territoire de la région.

Figure_3Des établissements répartis sur l'ensemble du territoire

  • Insee, Clap 2013

Le secteur de la transformation de viandes de boucherie (15 000), emploie plus de la moitié des salariés, devant celui de la viande de volaille (5 400), de la préparation industrielle de produits à base de viande (5 500) et de la fabrication d'aliments pour animaux de compagnie (600) (figure 4). Plus de la moitié des emplois sont liés à la filière porcine, un quart à la filière volaille et un cinquième à la filière bovine.

Figure_4Viande de boucherie dans les zones d'emploi de Saint-Brieuc et Rennes, volaille dans le sud Bretagne

  • Insee, Clap 2013

La part des femmes (40 %) y est plus élevée que dans les autres segments (30 %). Trois quarts des salariés de l'abattage-transformation occupent des emplois d’ouvriers. En conséquence, ce segment est souvent moins rémunérateur que ceux du reste de la filière, particulièrement dans le secteur de la transformation de la viande de volaille où le taux d’emploi féminin dépasse 50 %. Le recours à l’intérim y est également fréquent. De plus, une quinzaine d'établissements prestataires de service mettent 1 600 salariés à disposition des abattoirs et ateliers de transformation.

Enfin, l'abattage-transformation se caractérise par une forte concentration des emplois dans des grandes unités de production. Le quart des effectifs est employé dans les quatre plus gros établissements et six salariés sur dix travaillent dans un établissement de 250 salariés ou plus. Plus de la moitié des emplois dépendent de groupes français dont le centre de décision est situé hors de la région. Une partie appartient à la grande distribution (Leclerc, Intermarché).

La Bretagne, première région française d’abattage

Avec 40 % des tonnages nationaux, la Bretagne est, loin devant les Pays de la Loire, la première région d’abattage, notamment pour les porcins, les veaux, les volailles et les gros bovins (respectivement 57 %, 36 %, 33 % et 21 % des tonnages nationaux). Les lapins, volailles et animaux de boucherie sont abattus dans des outils distincts.

Pour les animaux de boucherie, la tendance est à la spécialisation des chaînes d'abattage par espèce, ou des abattoirs eux-mêmes. La part des abattoirs spécialisés est ainsi particulièrement importante pour le porc (80 % des tonnages). En outre, ces outils d'abattage sont généralement de plus grande taille qu'ailleurs en France. Vingt des trente abattoirs d'animaux de boucherie sont de dimension industrielle et possèdent un rayon d'action national. Ils sont de statut privé et souvent spécialisés. La Bretagne dispose en effet des plus grands abattoirs français de porcs (Cooperl à Lamballe), de gros bovins (SVA à Vitré) et de veaux (Tendriade Collet à Châteaubourg). Néanmoins, à l'échelle européenne, ces constats sont à nuancer : avec environ 200 000 tonnes équivalent carcasse, les activités de la Cooperl sont loin d’atteindre celles de géants européens comme l’abattoir porcin de Tönnies à Rheda en Allemagne, qui abat 1,1 million de tec par an.

À côté de ces grandes unités de production, une dizaine d'abattoirs, la plupart publics à portée très locale, traitent des volumes limités mais jouent un rôle important dans le développement des filières locales et des circuits courts.

S'agissant de la volaille, les abattoirs se caractérisent également par l'existence de grandes unités de production : sur la vingtaine d'abattoirs bretons, deux tiers dépassent annuellement les 10 000 tonnes équivalent carcasse et réalisent 95 % des tonnages régionaux. La région abrite par ailleurs le plus grand abattoir au niveau national (Doux à Châteaulin). La production de poulets est majoritairement orientée vers le poulet standard, notamment du poulet entier congelé destiné à l'export vers les pays du Proche et Moyen-Orient. Le taux d'exportation des entreprises bretonnes s'élève en 2012 à 46 %, contre 17 % en moyenne nationale. En juillet 2013, la suppression des aides à l'exportation a fragilisé la filière entière. Les entreprises, dont le taux d'export est descendu à 27 % en 2013, ont connu de sévères difficultés économiques. En amont, la production de volailles a reculé en 2014. Après les restructurations de Doux et Tilly-Sabco, et avec l’évolution favorable de la parité euro-dollar, la filière export repart.

Les abattoirs bretons traitent des animaux de Bretagne et d’ailleurs

Zone d'élevage laitier et d'engraissement, la Bretagne a naturellement accueilli de fortes capacités d'abattage bovin. Sept vaches abattues sur dix sont des réformes laitières (une sur deux en France). 703 000 gros bovins sont abattus en Bretagne dont 281 000 ont été élevés dans la région, soit 40 %. Pour les veaux, cette part est de 60 %. Si l'essentiel des veaux non bretons proviennent des deux régions limitrophes, les gros bovins viennent parfois de plus loin, notamment pour les vaches allaitantes. Plus attractifs, les outils spécialisés bovins de Bretagne ont un taux d’utilisation de l’ordre de 84 %, soit 10 points de plus que pour le reste des abattoirs français.

Par ailleurs, plus de 13 millions de porcs sont abattus en Bretagne en 2013. Parmi ceux-ci, 90 % sont élevés dans la région. À l’inverse, 9 % des porcs bretons sont abattus ailleurs. La plupart des opérateurs bretons appartiennent en effet à des groupes dont la logique de fonctionnement est interrégionale.

Le secteur de l'abattage porcin est fragilisé par la concurrence internationale, notamment du fait de pays à coûts de main-d’œuvre plus faibles. Depuis la fermeture de GAD à Lampaul-Guimiliau, fin 2013, le taux d'utilisation des chaînes d'abattage porcin est estimé à 85 %.

Les entreprises du secteur de la viande de boucherie dégagent en 2013 un taux de marge de 11 %, plus faible que dans l’ensemble des IAA (24 %). Cette activité reste en effet peu mécanisée, le traitement de carcasses rendant l'automatisation compliquée. Les industriels ont donc tendance à intégrer des activités générant plus de richesse (découpe, désossage, conditionnement pour libre-service, produits élaborés à base de viande). En effet, le taux de marge des entreprises fabriquant des produits à base de viande est de 34 %. La Bretagne fabrique un tiers des charcuteries et salaisons nationales. Malgré de bonnes disponibilités régionales, l'approvisionnement en pièces de porc des charcutiers salaisonniers implantés en Bretagne n'est pas nécessairement breton.

La Bretagne assure 40 % de la production nationale d'aliments pour animaux de ferme

En sus de l'élevage et de l'abattage-transformation, une centaine d’établissements concourt également à la filière viande au titre de la fabrication de 8,3 millions de tonnes d'aliments composés, principalement destinés aux porcs (48 %), volailles (37 %) et bovins (13 %). Ce tonnage baisse toutefois régulièrement depuis 2010, notamment en 2012 avec l’envolée des prix des matières premières. Face à cette tendance, la fabrication d’aliments à la ferme se développe et couvrirait actuellement le tiers des besoins du cheptel porcin breton.

Les évolutions brutales du coût des matières premières fragilisent la filière. Néanmoins, les fabricants tentent de lisser le prix de l'aliment et accordent des délais de paiement aux éleveurs.

Pour la fabrication d'aliments, la Bretagne est déficitaire en céréales et surtout en tourteaux de soja qui représentent 14 % des matières premières utilisées. La France ne produisant quasiment pas de soja et peu de substituts équivalents, près de la moitié des protéines sont importées chaque année. Des mesures d'incitation aux cultures de protéagineux tentent de réduire cette dépendance qui est une véritable menace pour la filière.

Les 4 000 salariés des établissements de l'alimentation animale bénéficient de rémunérations supérieures à celles des autres segments de la filière. Le taux de valeur ajoutée y est cependant très faible (8,6 %), mais les volumes produits sont importants.

Des circuits de commercialisation différents et complexes

Avec près de 400 établissements et 2 800 salariés, le segment du commerce de gros (animaux vifs, viandes, produits à base de viandes) complète la filière et se caractérise par une forte proportion de petits établissements. Le fonctionnement du commerce de gros d'animaux vivants diffère d'une espèce à l'autre.

S'agissant du porc, la commercialisation par les Organisations de Producteurs Commerciales (OPC) est la règle. Généralement de statut coopératif, ces structures, créées à l'initiative d'agriculteurs, ont vocation à rééquilibrer les relations commerciales avec les opérateurs d'aval. Malgré les récentes restructurations, il en demeure encore neuf en Bretagne. Elles assurent la mise en marché de plus de 97 % de la production régionale (90 % en France). Elles interviennent auprès de 6 200 adhérents produisant près de 16,2 millions de porcs charcutiers, soit 70 % du total national. Plusieurs coopératives ont des adhérents hors de la région. La plupart des OPC interviennent en amont des élevages (agrofournitures), mais peu dans l'aval. La Cooperl Arc Atlantique est la seule à avoir investi directement dans des outils d'abattage-transformation tandis que d’autres investissaient dans l'aval au travers de prises de participation.

Les éleveurs peuvent choisir de vendre leurs porcs, par l'intermédiaire de leur OPC, au marché de Plérin, seul marché au cadran français en porc. Les enchères électroniques dégressives assurent une transparence dans la fixation des prix. Plus de 3,1 millions de porcs ont ainsi été vendus en 2014. Malgré une baisse de 13 % en dix ans, ce volume représente plus de 10 % de la production française. La cotation établie à Plérin sert de référence nationale, ce qui ne l’empêche pas d'être épisodiquement remise en cause.

Concernant les gros bovins, la part de marché des OPC est difficile à estimer. Les éleveurs bovins non adhérents d'une OPC vendent leurs animaux à des négociants en bestiaux ou à des abatteurs.

L'intégration, modèle dominant en veau et en volaille

La production de veaux de boucherie est presque totalement réalisée en intégration. L’intégrateur finance l’achat de veaux de 8 jours et de l’aliment. Il rémunère l'éleveur pour sa main-d'œuvre et la mise à disposition des bâtiments. Les principaux intégrateurs sont Denkavit, Ouest Élevage, Serval et Tendriade Collet mais les abatteurs Kermené et SVA pratiquent également cette activité.

La production de volaille en Bretagne est également largement intégrée. La contractualisation se fait avec des fabricants d'aliments pour un quart des surfaces de poulaillers et avec des abatteurs-transformateurs pour un cinquième. Ce type de relations se développe dans le secteur coopératif comme dans le secteur privé.

La consolidation de la filière viande est essentielle à l'avenir de la Bretagne

À l'heure où les exploitations d'élevage, notamment porcin, et les entreprises de la filière viande bretonne souffrent de l'augmentation de la volatilité des prix et de la concurrence internationale, il est important de se doter d'une vision globale de la filière. Cette synthèse complète l'étude réalisée pour le Grand Ouest (Bretagne, Normandie, Pays de la Loire). Elle met en évidence le poids de chaque maillon et les enjeux qui le caractérisent. Ceux-ci font écho aux axes de travail définis par le Plan agricole et agroalimentaire pour l'avenir de la Bretagne (P3AB), pilier essentiel du pacte d'avenir pour la Bretagne. L'amélioration de l'autonomie protéique des élevages, l'investissement pour une meilleure compétitivité des outils industriels, le renforcement de l'adéquation des produits aux différents marchés, y compris export, en sont les exemples les plus parlants.

Philippe de Guenin, directeur de la Draaf Bretagne

Définitions

La construction du champ sur l’activité agricole est basée sur le recensement agricole 2010. La Production brute standard (PBS) totale de l'exploitation est le potentiel de production valorisé à partir des surfaces agricoles et des cheptels. Une PBS viande est estimée en retenant les élevages à finalité viande et une partie de la PBS des vaches laitières. Les exploitations du champ sont celles dont la PBS comprend une part d’au moins 10 % en viande. Les emplois affectés à la viande sont calculés au prorata de la PBS viande.

L’unité de travail annuel (UTA) correspond à l’équivalent du temps de travail d’une personne à temps complet pendant un an. Les données de production agricole sont issues de la Statistique agricole annuelle (SAA).

Pour les autres activités en amont et aval de l'élevage, le périmètre d’établissements de la filière est construit à partir d’une liste d’activités principales exercées (APET). Les établissements ayant des activités d’abattage et de transformation de la viande et ceux du commerce de gros de viande ou de produits carnés sont tous inclus. Pour les autres (intermédiaires de commerce, fabrication d’aliments pour animaux de ferme et stockage et entreposage frigorifique), une expertise a été menée par la Draaf Bretagne.

Les données sur les établissements sont issues de la source Connaissance locale de l’appareil productif (Clap) 2013.

Les indicateurs comptables et financiers portent sur les entreprises mono ou quasi-mono régionales, soit celles dont au moins 80 % des salariés travaillent dans la région. Ils sont issus du Fichier approché des résultats Ésane (FARE) 2013. La valeur ajoutée (VA) des entreprises est la différence entre le chiffre d'affaires et les consommations intermédiaires. Le taux de VA est le rapport entre la VA et le chiffre d'affaires. Le taux de marge correspond à la part de la valeur ajoutée conservée une fois versés les charges, les salaires et les impôts. Le taux d'exportation mesure la part des ventes exportées.

Les volumes de production sont issus des enquêtes auprès des abattoirs et des enquêtes de branche. Les sources concernant les flux d'animaux sont la BDNI et la BDPORC.