Insee Analyses Pays de la LoireLa métropole nantaise : premier rempart face à la crise dans les Pays de la Loire

Marianne Borzic, Nicole Gicquaud (Insee)

La crise économique amorcée en 2008 a affecté de manière inégale les territoires des Pays de la Loire comme de France métropolitaine, notamment les différentes villes et leur aire d’influence. Nantes, à l’image des grandes métropoles françaises, a relativement bien résisté grâce à ses activités de service à forte valeur ajoutée. L’emploi y augmente sensiblement entre 2006 et 2011 et s’accompagne d’une croissance de la population active et du niveau de qualification. Les autres grandes aires régionales connaissent des résultats différenciés : positifs pour Saint-Nazaire, La Roche-sur-Yon et Angers, moins favorables au Mans et à Laval. La croissance de l’emploi est généralement plus modeste pour les villes de plus petite taille, dont les activités sont davantage orientées vers l’industrie et dont la population active est moins qualifiée. Par comparaison avec l’échelle nationale, l’attractivité et les spécificités du tissu économique local ont permis aux territoires des Pays de la Loire, comme à ceux des autres régions de l’Ouest, de mieux faire face à la crise économique.

Insee Analyses Pays de la Loire
No 1
Paru le :Paru le26/06/2014
Marianne Borzic, Nicole Gicquaud (Insee)
Insee Analyses Pays de la Loire No 1- Juin 2014

En 2011, les Pays de la Loire comptent 1 494 000 emplois au sens du recensement. Depuis 2006, l’emploi a ainsi augmenté de 2,9 %, contre + 1,9 % en France métropolitaine. Sur la même période, la région, à la fois plus jeune et plus attractive que d’autres, a vu sa population âgée de 25 à 54 ans progresser de + 0,7 % tandis qu’elle baissait de 0,6 % en métropole. Cette augmentation, conjuguée au taux d’activité le plus élevé des régions, notamment celui des femmes, a conduit à une croissance plus marquée qu’ailleurs du « noyau dur » (encadré) de la population active. Dans la région, comme au niveau national, la crise économique amorcée en 2008 a affecté de manière inégale les territoires. Les trajectoires se différencient nettement selon l’importance de l’aire d’influence des villes , mesurée par leur nombre d’emplois.

Figure_1Évolution de l’emploi total entre 2006 et 2012 dans les aires des Pays de la LoireUne forte croissance de l’emploi à Nantes et à La Roche-sur-Yon

L’aire urbaine de Nantes préservée par son économie tertiaire

Les très grandes aires urbaines françaises (Paris et les treize qui comptent plus de 210 000 emplois en 2011 : Lyon, Marseille - Aix-en-Provence, Toulouse, Lille, Bordeaux, Nantes, Nice, Strasbourg, Rennes, Grenoble, Rouen, Montpellier et Toulon) résistent davantage que les autres aires à la crise qui a débuté en 2008. Le cas de l’aire urbaine de Nantes, une des plus dynamiques de France métropolitaine, est emblématique. En 2011, elle compte 402 000 emplois, plus d’un emploi régional sur quatre. Entre 2006 et 2011, l’emploi total y a progressé de 7,3 % (+ 27 000 emplois) alors qu’il a très peu augmenté (+ 0,8 %) dans l’ensemble des grandes aires urbaines françaises, en dehors des quatorze plus grandes, voire régressé dans les moyennes et petites aires. La croissance de l’emploi dans l’aire urbaine de Nantes est même nettement plus importante qu’à Paris (+ 2,6 %) ou qu’en moyenne dans les treize plus grandes aires urbaines de province (+ 4,7 %). Seules celles de Montpellier et Toulouse font mieux avec des hausses respectives de 10,9 % et 8,3 %.

Comme dans les quatorze métropoles, la structure des activités de Nantes se distingue par une orientation tertiaire des emplois très marquée. Le secteur « commerce, transports, services divers » y occupe une place prépondérante : 50,3 % contre 41,7 % en moyenne régionale. L’aire urbaine de Nantes regroupe ainsi un tiers des emplois régionaux du secteur. À l’inverse, la part de l’industrie y est plus faible et représente 18 % des emplois industriels ligériens. Or, la crise économique a touché de plein fouet l’industrie et, dans ce contexte, les très grandes aires urbaines ont cumulé les avantages : elles ont bénéficié à la fois d’une structure sectorielle favorable et d’une croissance de ces secteurs plus élevée que la moyenne. Dans l’aire urbaine de Nantes, la part du secteur « commerce, transports, services divers », notamment grâce aux services aux entreprises (information, communication, activités scientifiques et techniques, etc.), s’est ainsi accrue de 2,1 points entre 2006 et 2011 contre + 1,7 point en moyenne régionale.

La concentration accrue des emplois, notamment de certains emplois tertiaires, dans les plus grandes aires est typique du phénomène de « métropolisation » . Ce processus de transformation des grandes villes, à la fois fonctionnel et morphologique, se conjugue à une croissance de la population en âge de travailler. De fait, le « noyau dur » de la population active augmente de 4,2 % dans l’aire urbaine nantaise entre 2006 et 2011, alors qu’il stagne dans les autres aires de la région : – 0,1 % dans les moyennes aires par exemple (figure 2). C’est l’une des plus fortes hausses des très grandes aires urbaines de province (+ 2,6 % en moyenne). Cette croissance repose à la fois sur l’attractivité du territoire due aux créations d’emploi, à l’offre d’enseignement, de services mais aussi sur un taux d’activité plus élevé qu’ailleurs, notamment chez les femmes.

L’évolution de la structure des activités des très grandes aires urbaines s’accompagne d’une hausse de la qualification des actifs. Plus les aires comptent d’emplois, plus la part de cadres est forte, et le phénomène s’accentue entre 2006 et 2011. Avec 20 % de cadres parmi ses actifs en 2011 (+ 2,2 points depuis 2006), Nantes confirme sa première place régionale, loin devant les autres (figure 3). Le niveau élevé de qualification, rempart important contre le chômage, a contribué à protéger l’aire urbaine de Nantes. La part des actifs de 25 à 54 ans se déclarant au chômage y évolue moins fortement que dans les autres grandes aires de la région (+ 0,6 point contre + 1,1 point entre 2006 et 2011). Sans toutefois être épargnée, avec une hausse deux fois supérieure à la moyenne des quatorze métropoles, elle reste, avec Rennes, l’une de celle où le chômage est le plus bas (figure 4).

Figure 2Emploi total et population des 25-54 ans en 2011 ; évolutions depuis 2006

Emploi total et population des 25-54 ans en 2011 ; évolutions depuis 2006
Emploi total Population de 25 à 54 ans
Nombre d'emplois en 2011 (milliers) Évolution du nombre d'emplois 2006-2011 (%) Population active en 2011 (milliers) Évolution de la population active 2006-2011 (%) Évolution de la population totale 2006-2011 (%) Évolution de la part des chômeurs dans la population active 2006-2011 (points de %)
Aire urbaine de Nantes 402 7,3 337 4,2 2,5 0,6
Autres grandes aires urbaines régionales 692 1,6 556 -0,4 -1,6 1,1
Moyennes aires 81 1,1 60 -0,1 -1,8 0,7
Petites aires 111 1,0 71 0,2 -1,2 1,0
Communes Multipolarisées 170 0,6 237 7,7 5,7 0,8
Communes isolées hors influence des pôles 38 1,4 33 0,1 -1,6 1,1
Pays de la Loire 1 494 2,9 1 294 2,3 0,7 0,8
Aire urbaine de Paris 5 771 2,6 4 826 1,1 0,3 0,2
13 métropoles de province 5 712 4,7 4 815 2,6 1,1 0,3
France métropolitaine 25 752 1,9 22 551 0,8 -0,6 0,7
  • Note : emploi comptabilisé au lieu de travail, population au lieu de résidence.
  • Source : Insee, Recensements de la population 2006 et 2011.

Des situations contrastées pour les quinze autres grandes aires urbaines

Avec une industrie plus présente et des activités tertiaires moins développées que l’aire de Nantes, les autres grandes aires urbaines de la région disposent d’une structure de leur économie qui les rend a priori plus fragiles face aux mutations économiques induites par la crise. Entre 2006 et 2011, la croissance de l’emploi est ainsi globalement modeste (+ 1,6 %) mais supérieure aux villes plus petites des Pays de la Loire et surtout deux fois supérieure à la moyenne des autres grandes aires urbaines de France métropolitaine.

La Roche-sur-Yon se distingue avec une des plus fortes dynamiques de l’emploi de la région (+ 6,8 %) portée par la croissance du secteur « commerce, transports, services divers ». Contrairement aux quatre autres chefs-lieux de département, la capitale vendéenne ne perd pas d’emplois industriels, néanmoins, le chômage y progresse davantage.

La qualification des actifs est en hausse dans les grandes aires ligériennes, davantage encore que dans celles des autres régions. La part des cadres et des professions intermédiaires augmente au détriment de celle des employés et plus encore de celle des ouvriers. À Angers, deuxième aire urbaine derrière Nantes en termes de part de cadres, l’emploi a été plutôt préservé : + 1,8 % entre 2006 et 2011 et malgré une légère baisse du « noyau dur » de la population active, le chômage a été relativement contenu. Quant à l’aire urbaine de Saint-Nazaire, elle connaît une croissance de l’emploi assez marquée (+ 4,4 %) et surtout une diminution du chômage déclaré.

Si dans l’aire urbaine de Laval, l’emploi comme la population active stagnent, certaines grandes villes, notamment de Sarthe, sont davantage à la peine. Pour exemple, dans l’aire urbaine du Mans comme dans celle de La Ferté-Bernard, les nombreuses destructions d’emplois industriels conjuguées aux très faibles créations dans les autres secteurs ont entraîné une baisse des emplois, de respectivement – 1,0 % et – 3,4 %. Dans les aires de Fontenay-le-Comte ou, plus encore, de Saumur, tous les secteurs économiques ont été fragilisés par la crise depuis 2008 et, en lien avec un déficit d’attractivité, la population active des 25-54 ans a assez fortement diminué et le chômage augmenté.

Figure_3Part des cadres dans la population active de 25 à 54 ans en 2011 en fonction la taille de l’aireUn niveau de qualification plus élevé dans les plus grandes aires

  • Lecture : à Nantes en 2011, 20 % des actifs de 25 à 54 ans sont des cadres.
  • Note : en abscisse figure le logarithme de la taille de l’aire urbaine, au sens de l’emploi total en 2011.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2011.

Les moyennes et petites aires : des territoires plus fragilisés

Au niveau national, tout ce qui semble faire la force des aires urbaines lorsqu’elles sont de grande taille s’amenuise au fur et à mesure que leur nombre d’emplois est plus faible. Le constat reste vrai dans les Pays de la Loire même s’il est moins prononcé qu’ailleurs. Ainsi, entre 2006 et 2011, l’emploi progresse moins dans les moyennes et petites aires de la région que dans les plus grandes (figure 2), mais tout de même deux fois plus que dans l’ensemble de leurs homologues de France métropolitaine. Si la forte présence de l’industrie dans ces territoires les a davantage exposés, les secteurs tertiaires, bien que moins présents ont globalement mieux compensé les destructions d’emplois industriels que dans les autres régions. Le recul de l’industrie est plus modéré dans les aires moyennes que dans les plus petites, mais certaines petites villes sont néanmoins très dynamiques en termes d’emploi. Ainsi, Chemillé, Doué-la-Fontaine, Longué-Jumelles, Varades et Saint-Fulgent enregistrent des hausses d’emploi supérieures à 10 %.

Particularité ligérienne, les moyennes et petites aires forment un maillage dense du territoire. Leur proximité avec de grandes aires dynamiques ainsi que les spécificités de leur structure productive (industrie agroalimentaire notamment) sont autant d’éléments qui peuvent expliquer leur meilleure trajectoire que les villes de taille comparable d’autres régions. Elles sont également plus attractives et le « noyau dur » de leur population active est stable entre 2006 et 2011 alors qu’en moyenne il s’amenuise dans les moyennes et petites aires de France métropolitaine.

Dans ces territoires, la hausse de la qualification de la population active se traduit surtout par une augmentation de la part des professions intermédiaires, au détriment de celle des ouvriers. La part des chômeurs dans la population active des 25-54 ans y est inférieure à la moyenne des aires de même taille de France métropolitaine et y a moins augmenté.

Figure_4Part des chômeurs déclarés parmi les actifs de 25 à 54 ans en 2011Un chômage davantage contenu dans la métropole nantaise

Figure_5Évolution de la part des chômeurs parmi les actifs de 25 à 54 ans depuis 2006Les écarts se creusent entre les différents type d'aires

Les communes isolées souffrent d’une moindre attractivité

Dans les communes isolées des Pays de la Loire, éloignées du rayonnement des grandes villes, l’emploi progresse légèrement ces mêmes territoires au niveau national (+ 0,3 %). Cette hausse est essentiellement portée par le secteur « administration publique, enseignement, santé, action sociale » qui concentre 26,2 % des emplois en 2011, soit 3,5 points de plus qu’en 2006.

Signe d’une moindre attractivité de ces territoires isolés, la croissance de la population repose uniquement sur les personnes de 55 ans et plus. Toutefois, le taux d’activité continue d’augmenter et permet de compenser la baisse de la population de 25 à 54 ans. Ainsi, le « noyau dur » de la population active se maintient entre 2006 et 2011 (+ 0,1 %) tandis qu’il diminue en moyenne en France métropolitaine (– 1,4 %) dans les territoires isolés.

La montée en qualification de l’emploi est moins perceptible que dans le reste de la région. La part des actifs se déclarant au chômage augmente un peu plus dans les communes isolées ligériennes que dans les villes plus grandes mais reste inférieure à la moyenne nationale des territoires isolés en 2011 (8,6 % contre 9,2 %).

Le recensement de la population, une source pour mesurer l’impact de la crise sur le territoire

Les résultats sont issus des recensements de la population de 2006 et de 2011. La méthode de recensement de la population a été rénovée en 2004. À la collecte exhaustive qui avait lieu tous les huit ou neuf ans se substitue désormais une enquête réalisée chaque début d’année. Elle concerne successivement toutes les communes au cours d’une période de cinq ans. Le recensement de la population millésimé 2006 a ainsi été élaboré à partir des enquêtes réalisées de 2004 à 2008. Avec la diffusion du recensement de 2011, fondé sur les enquêtes de 2009 à 2013, deux millésimes peuvent pour la première fois être directement comparés puisque constitués chacun à partir de cinq enquêtes annuelles distinctes. De plus, la dernière grande crise économique ayant démarré au deuxième semestre 2008, confronter les résultats de ces deux millésimes du recensement permet d’analyser à un niveau géographique relativement fin les grands changements intervenus autour de la crise sur la population active et l’emploi.

Le recensement est déclaratif et les questions des enquêtes sont nécessairement simples et courtes. Les résultats sur le chômage ne se situent pas dans le cadre de la définition du bureau international du travail (BIT). Ils permettent cependant de mesurer les évolutions à un niveau géographique fin et de faire des comparaisons spatiales.

Dans cette étude, on se limite au champ des actifs de 25 à 54 ans de France métropolitaine afin de mesurer l’impact de la crise sur le « noyau dur » de la population active, à des âges où la très grande majorité des personnes sont en emploi ou en recherche d’emploi. On analyse ainsi les effets directs de la crise sur l’emploi de ces personnes. Dans un contexte économique difficile, les plus jeunes et les plus âgés sont quant à eux davantage susceptibles de modifier leur comportement en entrant ou sortant plus ou moins tardivement de la vie active. À titre d’illustration, la population active des 55-64 ans a crû très fortement entre 2006 et 2011, de 25,2 %, sous le double effet des hausses démographiques et des maintiens en activité.

Définitions

Aire d’influence des villes : une aire urbaine ou « grande aire urbaine » est un ensemble de communes constitué par un pôle urbain (unité urbaine) de plus de 10 000 emplois, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. La notion d’aire urbaine permet ainsi de définir un concept de grande ville ou métropole à l’aide d’une approche fonctionnelle et économique.

Métropolisation : processus de renforcement de la puissance des métropoles par l’accroissement de la population, de la densité des réseaux de communication, de la concentration d’organismes de commandement (économique, politique, culturel…) et de fonctions tertiaires supérieures. Elle conduit à des recompositions territoriales, tant sur le plan interne des ensembles urbains concernés que sur celui de leurs relations externes.

La population active regroupe les personnes ayant un emploi et les chômeurs. Le taux d’activité est le rapport entre le nombre d’actifs et l’ensemble de la population correspondante.

De la même façon le zonage en aires urbaines 2010 définit les moyennes aires (pôle de 5 000 à 10 000 emplois) et les petites aires (pôle de 1 500 à 5 000 emplois). Les communes multipolarisées sont des communes situées hors des aires, dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans plusieurs aires, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles. Les autres communes en dehors des aires sont les communes isolées, hors influence des pôles.

Pour en savoir plus

Borzic M. et Le Jeannic T., En matière d’emploi, les métropoles ont davantage résisté à la crise, Insee, Insee Première, n°1503, juin 2014.

Clanché F., Trente ans de démographie des territoires. Le rôle structurant du Bassin parisien et des très grandes aires urbaines, Insee, Insee Première, n°1483, janvier 2014.

Lacroix S., Les conséquences de la crise sur l’emploi dans les régions, Insee, Insee Première, n°1295, mai 2010.

Gray P. et Hautbois L., Le zonage en aires urbaines 2010 : en Pays de la Loire, les villes tissent leur toile toujours plus loin, Insee Pays de la Loire, Études, n°98, octobre 2011.