Insee PremièreLe nouveau zonage en aires urbaines de 2010 Poursuite de la périurbanisation et croissance des grandes aires urbaines

Jean-Michel Floch, département de l’Action régionale et David Levy, pôle Analyse territoriale, Insee

En métropole, entre 1999 et 2008, la périurbanisation se poursuit. Les emplois se concentrent davantage dans les grands pôles urbains, alors que de nombreux ménages font le choix de s’en éloigner. Résultat de ces deux effets conjugués, un grand nombre de communes entrent dans l’espace d’influence des grandes aires urbaines. La croissance des grands pôles urbains est forte, mais celle de leurs couronnes est encore plus marquée.

Les grands pôles urbains et l’espace périurbain couvrent en 2008 la moitié du territoire et rassemblent plus de 80 % de la population et des emplois. La plupart des grandes aires continuent de s’étendre, certaines très fortement, comme Lyon, Avignon ou Saint-Étienne. D’autres, comme Lille, conservent leur périmètre de 1999. L’extension territoriale s’accompagne souvent d’une densification de la population sur certaines parties du territoire. La combinaison et l’intensité de ces deux mouvements (extension territoriale et densification) permet de distinguer plusieurs types de croissance des grandes aires urbaines.

Jean-Michel Floch, département de l’Action régionale et David Levy, pôle Analyse territoriale, Insee
Insee Première No 1375- Octobre 2011

Les espaces périurbains continuent de s'étendre

Élaboré à partir du recensement de la population de 2008, le nouveau zonage en aires urbaines de 2010 définit, à partir des déplacements entre domicile et lieu de travail, un espace des grandes aires urbaines. En métropole, cet espace est structuré autour des 230 unités urbaines offrant plus de 10 000 emplois, appelées grands pôles urbains. Il englobe à la fois les (les grands pôles urbains et les couronnes de ces derniers) et les communes multipolarisées des grandes aires urbaines, communes attirées simultanément par plusieurs grandes aires.

De 1999 à 2008, l’espace des grandes aires urbaines s’est fortement étendu (+ 39,2 %). Il représente aujourd’hui près de la moitié du territoire (46,1 %), contre un tiers dix ans auparavant ; il englobe plus de 80 % de la population et des emplois (tableau 1). Les grands pôles urbains, dont la surface s’est accrue de 22 %, concentrent toujours la majorité de la population (58,8 %) et des emplois (70 %). Mais la croissance est encore plus élevée aux périphéries qu’aux centres, qu’il s’agisse des couronnes ou des espaces multipolarisés des grandes aires. Les couronnes des grandes aires constituent désormais la catégorie la plus étendue du zonage (28,6 % du territoire) : leur superficie dépasse celle des communes isolées hors influence des villes.

Les communes multipolarisées des grandes aires couvrent quant à elles 10 % du territoire métropolitain et rassemblent plus de 5 % de la population. Elles sont plus éloignées des grands pôles qu’il y a dix ans, les plus proches ayant été absorbées par les couronnes. Mais leur superficie totale progresse, dans la mesure où elles ont absorbé des communes classées précédemment en dehors de l’influence des grandes aires. Au total, l’espace périurbain (couronnes et communes multipolarisées des grandes aires) englobe à présent plus du tiers du territoire métropolitain (38 %) et presque un quart de la population.

Tableau 1Zonage en aires urbaines en 2008 et évolutions entre 1999 et 2008

Zonage en aires urbaines en 2008 et évolutions entre 1999 et 2008
Catégorie du zonage de 2010* 2008 Évolutions (en %)
Population Surface Densité Emploi Population Surface Emploi
en % en % en %
Grands pôles urbains (1) 36 513 532 58,8 43 362 8,0 842,1 17 945 057 70,0 8,8 21,7 16,8
Couronnes des grands pôles urbains (2) 11 566 682 18,6 155 817 28,6 74,2 2 856 676 11,2 39,1 41,5 48,5
Communes multipolarisées des grandes aires urbaines (3) 3 207 765 5,2 51 451 9,5 62,3 862 783 3,4 45,3 50,1 60,6
Espace périurbain (2+3) 14 774 447 23,8 207 268 38,1 71,3 3 719 459 14,5 40,4 43,5 51,2
Espace des grandes aires urbaines (1+2+3) 51 287 979 82,6 250 631 46,1 204,6 21 664 516 84,5 16,3 39,2 21,5
Autres catégories 10 846 887 17,4 293 316 54,0 37,0 3 931 413 15,4 − 24,8 − 19,4 − 21,0
France métropolitaine 62 134 866 100,0 543 947 100,0 114,2 25 595 929 100,0 6,2 -− 12,3
  • * voir définitions.
  • Population et emploi en effectif ; surface en km² ; densité en habitants par km².
  • Champ : France métropolitaine.
  • Source : Insee, recensements de la population de 1999 et 2008.

Une expansion quasi-générale des grandes aires, selon des formes variées

La très grande majorité des grandes aires urbaines étendent leur superficie : seules deux d’entre elles perdent en surface et une vingtaine, dont l’aire urbaine de Lille, conservent le même périmètre. Pour les autres, l’expansion suit des rythmes et des formes très variés. Les aires de Lyon, Bordeaux, Nantes et Rennes s’étendent de plus de 50 % en dix ans, tandis que les aires parisienne et marseillaise progressent de 20 %.

Selon les cas, la croissance territoriale est plutôt isotrope ou fait apparaître des directions privilégiées. Ainsi, suivant les voies de communication, l’aire urbaine de Rennes se développe vers le sud, tandis que celle de Nantes progresse au nord. L’aire de Bordeaux s’étend à l’ouest jusqu’à l’océan. Lorsque le maillage territorial est serré, comme le long de la frontière du Nord, les aires urbaines se touchent ou ne sont séparées que par un faible espace multipolarisé et s’étendent moins. L’aire urbaine de Lyon, qui était déjà en contact avec celle de Saint-Étienne, l’est désormais pratiquement avec celle de Grenoble. Les contraintes naturelles (relief, littoral, ...) ont beaucoup d’influence sur l’évolution des aires. La combinaison de ces contraintes est particulièrement sensible sur le pourtour méditerranéen.

Les emplois se concentrent toujours davantage dans les grands pôles urbains

Les grands pôles urbains renforcent leur caractère structurant pour l’emploi. Les 18 millions d’emplois qu’ils offrent sont occupés à hauteur de 14 millions par leurs résidents. Les 4 millions restants sont occupés pour l’essentiel par les habitants des couronnes (2,7 millions) et des communes multipolarisées des grandes aires (1,3 million). À périmètre identique, les grands pôles gagnent près de 2 millions d’emplois entre 1999 et 2008, alors que leur population active résidente n’augmente que de 1,3 million de personnes. Ce surcroît d’emplois contribue à attirer des actifs d’autres communes et fait entrer dans les grandes aires des communes plus éloignées. Sur 3 200 communes qui rejoignent les couronnes des grandes aires, 2 550 étaient déjà dans l’espace d’influence des villes : 1 350 étaient auparavant multipolarisées des grandes aires et 1 200 relevaient de la catégorie des autres communes multipolarisées. Les communes restantes étaient isolées (au sens des catégories du zonage de 2010). Des communes situées à la périphérie des grandes aires s’y rattachent ainsi progressivement, pour deux raisons : d’une part, de faibles créations d’emplois dans ces communes ; d’autre part, le choix fait par certains ménages travaillant dans les aires urbaines d’habiter plus loin, pour des raisons liées au coût du logement ou au cadre de vie. Ainsi, les communes qui ont rejoint les couronnes des grandes aires en 2010 n’ont gagné que 40 000 emplois entre 1999 et 2008, alors que leur population active a augmenté de 140 000 personnes.

Un double mouvement de densification de la population et d’extension du territoire

L’extension territoriale n’explique pas à elle seule la croissance démographique de l’espace des grandes aires urbaines. La population augmente également à périmètre constant parce que de nouveaux habitants viennent s’y installer. Ainsi, la densité de la population s’accroît dans les territoires qui appartiennent aux couronnes des grandes aires à la fois en 1999 et en 2008 : elle passe de 72,7 à 81,7 habitants par km2.

L’évolution de population entre 1999 et 2008 de ces espaces peut être décomposée en un effet de densification (croissance de la population à périmètre constant) et un effet d’extension territoriale (encadré). L’augmentation totale de la population des grandes aires urbaines est de 6,2 millions d’habitants : 54 % par extension territoriale et 46 % par densification de la population à périmètre constant (tableau 2). La prédominance de l’effet d’extension territoriale est plus marquée dans les couronnes, alors que l’effet de densification l’emporte légèrement dans les pôles. Quant à la dynamique de l’emploi, elle est totalement différente de celle de la population : 70 % de l’augmentation de l’emploi relève de l’effet de densification.

Tableau 2Décomposition des évolutions de la population et de l'emploi dans les grandes aires urbaines

en %
Décomposition des évolutions de la population et de l'emploi dans les grandes aires urbaines (en % ) - Lecture : 45,7 % de l'augmentation de la population dans les grandes aires urbaines s'explique par l'effet densification (augmentation de population à périmètre constant), dont 24,7 % dans les pôles et 21,0 % dans les couronnes.
Évolution due à la densification Évolution due à l'extension territoriale Évolution totale
Pôle Couronne Ensemble Pôle Couronne Ensemble Pôle Couronne Ensemble
Population 24,7 21,0 45,7 22,8 31,5 54,3 47,5 52,5 100,0
Emploi 59,5 10,2 69,7 13,9 16,3 30,3 73,5 26,5 100,0
  • Lecture : 45,7 % de l'augmentation de la population dans les grandes aires urbaines s'explique par l'effet densification (augmentation de population à périmètre constant), dont 24,7 % dans les pôles et 21,0 % dans les couronnes.
  • Champ : grandes aires urbaines de France métropolitaine.
  • Source : Insee, recensements de la population de 1999 et 2008.

Neuf types de croissance des grandes aires urbaines regroupés en trois ensembles

Le premier ensemble, fortement représenté dans l’ouest et le sillon rhodanien, est celui où prédomine une dynamique démographique très favorable (carte 1). Elle peut résulter en premier lieu d’une forte densification comme dans le groupe représenté par l’aire urbaine de Toulouse. L’aire toulousaine gagne ainsi 250 000 habitants entre 1999 et 2008, dont 180 000 par densification à la fois du pôle et de la couronne. Les autres aires urbaines de ce groupe, moins peuplées, se situent dans le sud (Montauban, Ajaccio, Bastia, Sète, ...) ou sur le littoral breton (Vannes, Auray). L’accroissement du nombre des emplois est très important et le solde migratoire plus favorable que dans la plupart des grandes aires. Dans d’autres aires, dont Montpellier est l’exemple le plus typique, la densification importante s’accompagne de fortes recompositions entre le pôle et la couronne, le périmètre de l’aire urbaine n’étant guère modifié.

La croissance démographique peut être due également à l’extension de la couronne, comme c’est le cas à Strasbourg, Grenoble ou Rouen, ou encore à celle du pôle, comme pour Avignon ou Saint-Étienne. À Strasbourg, l’extension explique les deux tiers de l’accroissement : le pôle bouge assez peu alors que la couronne s’étend au sud-ouest. À Avignon, la croissance du pôle due à l’absorption de trois unités urbaines explique à elle seule près des trois quarts de la forte croissance démographique. Dans les deux groupes où domine l’extension territoriale, la croissance de la population ne s’accompagne pas d’une croissance similaire des emplois.

Enfin, dans un dernier modèle de dynamique démographique favorable, l’extension et la densification se combinent. À Bordeaux et à Nantes, les effets de la densification et de l’extension sont équivalents. Rattachée à ce groupe, l’aire urbaine de Lyon, qui absorbe celle de Bourgoin-Jallieu, connaît à la fois une forte extension territoriale, tout comme celle de Strasbourg, et une densification très importante.

Le deuxième ensemble se caractérise par un moindre dynamisme démographique (carte 2). Selon les cas, le facteur prédominant est soit la densification, comme dans les aires urbaines de Paris, Marseille-Aix-en-Provence ou Toulon, soit l’extension territoriale, comme dans celles de Clermont-Ferrand, Orléans ou Angers. Dans l’aire parisienne, l’accroissement de la population approche un million d’habitants, la densification en explique les trois quarts. Dans celle de Marseille-Aix-en-Provence, les deux effets sont équivalents mais d’ampleur limitée.

Les aires moins dynamiques forment le troisième ensemble (carte 3). Ni la densification, ni l’extension ne sont très marquées. Dans des aires comme Lille, Douai-Lens ou Metz, la population est pratiquement stable. Certaines aires connaissent même une baisse de leur population (Le Havre, Montbéliard). Cet ensemble se localise très majoritairement dans le quart nord-est du territoire.

Carte 1Les grandes aires urbaines en forte croissance

  • Champ : grandes aires urbaines de France métropolitaine.
  • Source : Insee, recensements de la population de 1999 et 2008.

Carte 2Les grandes aires urbaines en croissance moyenne

  • Champ : grandes aires urbaines de France métropolitaine.
  • Source : Insee, recensements de la population de 1999 et 2008.

Carte 3Les grandes aires urbaines en faible croissance

  • Champ : grandes aires urbaines de France métropolitaine.
  • Source : Insee, recensements de la population de 1999 et 2008.

Décomposition de l’évolution des grandes aires urbaines entre densification et extension territoriale

Pour mesurer l’évolution des grandes aires urbaines, la méthode de zonage élaborée en 2010 est appliquée aux données des recensements de la population de 1999 et 2008. Les contours des aires ainsi obtenues à partir des données de 1999 peuvent légèrement différer de celles de l'ancien zonage.

Pour chacune des grandes aires urbaines, les évolutions de sa population sur la période 1999-2008 sont décomposées selon les effets d’extension territoriale et de densification, deux formes d’accroissement de l’emprise territoriale de la ville :

- l’effet d’extension territoriale est lié au fait que des actifs viennent travailler de plus loin dans les pôles urbains ; il est mesuré par le nombre d’habitants en 1999 dans les nouvelles communes rattachées à l’aire ;

- l’effet de densification apparaît lorsque des territoires déjà sous influence urbaine gagnent en population ; il est mesuré par l’accroissement de la population entre 1999 et 2008 à périmètre constant (celui de 2010).

Pour pouvoir comparer ensuite les aires entre elles, malgré leur différence de tailles, les effets calculés sont rapportés à la population en 1999 dans le périmètre initial.

Sources

Les résultats sont issus du recensement de la population de 2008, cumul des cinq enquêtes annuelles de recensement réalisées de 2006 à 2010 en métropole. Elles décrivent une situation moyenne au début 2008.

Définitions

Le zonage en aires urbaines de 2010 s’appuie sur les définitions suivantes :

- un pôle est une unité urbaine d’au moins 1 500 emplois. Une unité urbaine est une commune ou un ensemble de communes présentant une zone de bâti continu (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) qui compte au moins 2 000 habitants ;

- une aire est composée d’un pôle et le plus souvent d’une couronne. Sa couronne correspond aux communes ou unités urbaines, dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci selon un processus itératif. On distingue les grandes aires urbaines, basées sur des pôles d’au moins 10 000 emplois, les moyennes aires, basées sur des pôles de 5 000 à moins de 10 000 emplois et les petites aires basées sur des pôles de 1 500 à moins de 5 000 emplois ;

- les communes multipolarisées des grandes aires urbaines sont les communes situées hors des aires, dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans plusieurs grandes aires urbaines, sans atteindre ce seuil avec une seule d’entre elles. Elles forment avec elles un ensemble d’un seul tenant, appelé espace des grandes aires urbaines. L’ensemble constitué par les couronnes des grands pôles urbains et les communes multipolarisées des grandes aires constituent l'espace périurbain ;

- les autres communes multipolarisées sont les communes situées hors de l'espace des grandes aires urbaines, dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans plusieurs aires (qu'elles soient grandes, moyennes ou petites) ;

- les communes isolées hors influence des pôles sont les communes n'appartenant pas à une aire et non multipolarisées.