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Insee Analyses Ile-de-France · Octobre 2022 · n° 159
Insee Analyses Ile-de-FranceSans travaux de rénovation énergétique, près d’un logement francilien sur deux bientôt interdit à la location

Kevin Chaput, Philippe Serre, Ivan Tissot (Insee), Franziska Barnhusen, Sandrine Beaufils (L’Institut Paris Region)

En Île-de-France, en 2018, 2,3 millions de résidences principales ont un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé E, F ou G, soit 45 % du parc francilien de résidences principales. De tels logements, du fait de la loi Climat et résilience, pourraient être soumis à des interdictions quant à leur location sans rénovation. Ces interdictions entreront progressivement en vigueur, selon l’étiquette énergétique du logement, entre 2025 et 2034. Dans le parc locatif privé, le nombre de résidences principales dites « énergivores » s’élève à 745 000, soit 55 % de ce parc. Moins touché par le phénomène en raison de son ancienneté moindre, le parc locatif social compte en son sein 29 % d’étiquettes E, F ou G, soit 354 000 logements. Dans le contexte francilien d’un marché immobilier tendu, une meilleure connaissance de ces logements est indispensable pour cibler les actions prioritaires à mettre en œuvre et ainsi massifier la rénovation énergétique.

Insee Analyses Ile-de-France
No 159
Paru le :Paru le13/10/2022

2,3 millions de résidences principales franciliennes avec un DPE E, F ou G

Dans un contexte de forte hausse des prix de l’énergie, les des logements représentent un enjeu majeur. En Île-de-France, les tensions sur le marché du logement sont fortes et pourraient encore s’amplifier si les habitations les plus énergivores du parc ne sont pas rapidement rénovées, sans quoi elles ne pourront bientôt plus être louées. En effet, la loi Climat et résilience vise la disparition des logements à faible performance énergétique. Après le gel des loyers des logements étiquetés F ou G, entré en vigueur en août 2022, des interdictions de louer s’imposeront en 2025, 2028 et 2034, frappant progressivement les logements de classe G, puis F et enfin E. La loi Climat et résilience renforce aussi l’information sur la performance des logements en imposant la réalisation d’un audit énergétique pour chaque vente. Quantifier, localiser et caractériser les logements énergivores constituent donc des priorités afin que soient identifiés les enjeux de rénovation pour baisser les émissions de gaz à effet de serre (GES), améliorer le confort d’usage des logements et préserver l’usage résidentiel du parc existant.

En 2018, l’Île-de-France compte 2,3 millions de résidences principales étiquetées E, F ou G (figure 1), selon les étiquettes énergétiques en vigueur avant le 1er juillet 2021. Cela représente 20 % du parc énergivore de France métropolitaine, alors que le parc francilien dans son ensemble équivaut à 18 % du parc de France métropolitaine. En raison de son histoire et de ses caractéristiques urbaines, l’Île-de-France a un parc de logements énergivores (45 %) supérieur à celui des autres régions.

Figure 1Nombre et part des résidences principales franciliennes à faible et forte performance énergétique selon le statut d’occupation en 2018

Nombre et part des résidences principales franciliennes à faible et forte performance énergétique selon le statut d’occupation en 2018 - Lecture : en Île-de-France, 55 % des logements du parc locatif privé sont à faible performance énergétique.
Logements à faible performance énergétique (E, F, G) Logements à forte performance énergétique (A, B, C, D)
Parc locatif privé Propriétaire Parc locatif social Ensemble Parc locatif privé Propriétaire Parc locatif social Ensemble
Nombre de logements 745 340 1 176 082 354 297 2 275 719 609 155 1 267 809 848 520 2 725 484
dont logements F 222 254 289 889 77 050 589 193 - - - -
dont logements G 161 661 133 706 26 064 321 431 - - - -
Part de logements (en %) 55 48 29 45 45 52 71 55
Niveau de vie médian annuel (en euros) 21 985 29 362 17 408 24 831 23 407 30 730 17 765 24 340
  • Lecture : en Île-de-France, 55 % des logements du parc locatif privé sont à faible performance énergétique.
  • Champ : ensemble des résidences principales localisées en Île-de-France au 1ᵉʳ janvier 2018 dont le ménage occupant a un niveau de vie positif.
  • Sources : Insee, Fidéli 2018 ; Ademe, base des DPE 2017 et 2018, modèle Enerter (année 2015).

Facteurs de fragilité : parc ancien, privé et petites surfaces

Plusieurs facteurs caractérisent le parc de logements étiquetés E, F ou G. La période d’achèvement du logement joue un rôle prépondérant (figure 2), en lien avec l’introduction progressive de réglementation thermique pour la construction des bâtiments. Avant 1974, année de la première réglementation de ce type, aucune norme n’encadrait la performance énergétique des logements construits. Ainsi, 55 % des logements achevés avant cette date sont étiquetés E, F ou G, contre 16 % de ceux construits depuis 2000. L’année 2000 a vu apparaître l’exigence de performance globale du bâtiment, suivie par des renforcements réguliers de la réglementation thermique.

Les logements de petite surface, plus fréquents dans le parc ancien, sont plus souvent énergivores que les grands logements. En effet, près des deux tiers des logements de moins de 40 m² sont étiquetés E, F ou G. Toutefois, le phénomène touche aussi les grands logements, en particulier les maisons individuelles, qui sont majoritairement énergivores (51 %, contre 43 % pour les appartements).

Le parc privé apparaît comme le plus exposé aux enjeux de rénovation énergétique. C’est notamment le cas des locations, qui sont davantage concernées par le phénomène (55 % étiquetées E, F ou G) que les logements occupés par leurs propriétaires (48 %). Ces proportions relativement fortes reflètent non seulement les singularités architecturale et urbaine de ce parc plus ancien que le parc social, mais découlent aussi, pour partie, des difficultés des propriétaires et copropriétaires privés lorsqu’il s’agit de programmer et d’engager des travaux de rénovation.

Figure 2Proportion de logements dont le DPE est classé E, F ou G selon la période de construction, la surface ou le type de logement

en %
Proportion de logements dont le DPE est classé E, F ou G selon la période de construction, la surface ou le type de logement (en %) - Lecture : 65 % des logements construits avant 1948 et 51 % des maisons individuelles ont un DPE classé E, F ou G.
Critères Part des logements classés E, F ou G
Type de logement
Maison individuelle 51
Appartement 43
Surface du logement
80 m² ou plus 42
De 40 à 79 m² 42
Moins de 40 m² 64
Date de construction
Entre 2012 et 2018 9
Entre 2001 et 2011 21
Entre 1989 et 2000 34
Entre 1948 et 1988 45
Avant 1948 65
  • Lecture : 65 % des logements construits avant 1948 et 51 % des maisons individuelles ont un DPE classé E, F ou G.
  • Champ : ensemble des résidences principales localisées en Île-de-France au 1ᵉʳ janvier 2018.
  • Sources : Insee, Fidéli 2018 ; Ademe, base des DPE 2017 et 2018, modèle Enerter (année 2015).

Figure 2Proportion de logements dont le DPE est classé E, F ou G selon la période de construction, la surface ou le type de logement

  • Lecture : 65 % des logements construits avant 1948 et 51 % des maisons individuelles ont un DPE classé E, F ou G.
  • Champ : ensemble des résidences principales localisées en Île-de-France au 1ᵉʳ janvier 2018.
  • Sources : Insee, Fidéli 2018 ; Ademe, base des DPE 2017 et 2018, modèle Enerter (année 2015).

Le parc locatif privé, premier impacté par la loi

Le parc locatif privé est le plus concerné par les dispositions de la loi Climat et résilience. Au regard des performances énergétiques, sans rénovation efficace, 745 000 logements pourraient être interdits de mise en location, dont 22 % dès 2025 (étiquette G), 30 % en 2028 (étiquette F) et 48 % à l’horizon 2034 (étiquette E). Cet important volume de logements représente 15 % de la totalité des logements occupés en Île-de-France, équivalant à près de onze années de construction, en se fondant sur l’objectif fixé par la loi relative au Grand Paris de bâtir 70 000 logements chaque année.

Cette situation s’explique d’abord par l’ancienneté des logements du parc locatif privé : 69 % se concentrent dans Paris et la petite couronne, où la grande majorité (73 %) date d’avant 1974, c’est-à-dire avant les premières réglementations thermiques. Paris est de loin le territoire le plus concerné, avec 265 000 logements locatifs privés classés E, F ou G, soit les deux tiers du parc locatif privé parisien.

Dans les territoires ruraux, notamment en Seine-et-Marne, les logements locatifs privés sont peu nombreux en volume mais, parce qu’ils se concentrent là aussi dans le parc ancien, ils présentent plus souvent de moins bonnes performances énergétiques (figure 3a). Dans le Gâtinais Val de Loing, le Provinois ou le Pays de Fontainebleau, près des deux tiers des locations privées sont énergivores. À l’inverse, les logements locatifs énergivores sont moins présents dans les territoires où l’urbanisation est plus récente, comme dans les ex-villes nouvelles : ainsi, seulement 38 % du parc locatif privé de la communauté d’agglomération de Val d’Europe est étiqueté E, F ou G, ou 43 % de celui de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise.

En moyenne, les locataires des logements énergivores franciliens disposent de revenus inférieurs de 6,1 % à ceux des autres locataires. C’est dans le parc locatif privé que les écarts de revenus entre occupants de logements énergivores et occupants de logements plus performants sont les plus importants – sauf à Paris, où l’écart est plus important parmi les propriétaires. Du reste, si près de la moitié des logements locatifs du parc privé sont occupés par des personnes vivant seules (47 %), cette situation est encore plus fréquente dans les logements énergivores (52 %).

Figure 3aNombre et part des résidences principales avec un DPE classé E, F ou G selon le statut d’occupation, par EPCI et EPT francilien, en 2018Parc locatif privé

Nombre et part des résidences principales avec un DPE classé E, F ou G selon le statut d’occupation, par EPCI et EPT francilien, en 2018 - Lecture : dans le parc locatif privé de la CA du Pays de Meaux, 54,1 % des logements ont un DPE classé E, F ou G, ce qui représente 4 960 logements.
Code Territoires Nombre Part (en %)
200017846 CA Étampois Sud-Essonne 2 807 54,7
200023125 CC Les Portes Briardes entre Villes et Forêts 1 638 52,2
200023240 CC Pays de Nemours 1 753 64,3
200023919 CC Gâtinais Val de Loing 1 120 66,4
200033090 CC Plaines et Monts de France 766 51,1
200033173 CC de la Haute Vallée de Chevreuse 857 52,5
200034130 CC Gally Mauldre 612 52,2
200035970 CC Vexin Centre 964 54,8
200037133 CC du Provinois 2 583 65,4
200040251 CC Bassée-Montois 956 64,7
200055655 CA Roissy Pays de France 12 395 52,0
200056232 CA Communauté Paris-Saclay 13 291 47,7
200056380 CA Plaine Vallée 7 914 50,4
200057859 CA Cœur d'Essonne Agglomération 6 314 47,2
200057958 CA Paris - Vallée de la Marne 8 245 53,8
200058477 CA Val d'Yerres Val de Seine 5 777 49,1
200058485 CA Val Parisis 9 100 44,8
200058519 CA Saint-Germain Boucles de Seine 16 773 53,4
200058782 CA de Saint-Quentin-en-Yvelines 6 638 47,1
200059228 CA Grand Paris Sud Seine Essonne Sénart 11 313 47,0
200059889 CU Grand Paris Seine et Oise 14 420 48,2
200070779 CC Brie des Rivières et Châteaux 1 319 58,8
200071074 CC Les Portes de l'Ile de France 704 52,5
200072130 CA du Pays de Meaux 4 960 54,1
200072346 CA du Pays de Fontainebleau 4 695 65,2
200072544 CC des Deux Morin 1 351 62,2
200072874 CC Val Briard 1 365 61,1
200073013 CC Carnelle Pays-De-France 995 50,1
200073344 CA Rambouillet Territoires 3 222 50,1
200090504 CA Coulommiers Pays de Brie 5 183 61,3
247700032 CC Moret Seine et Loing 1 806 64,3
247700057 CA Melun Val de Seine 5 683 56,6
247700065 CC du Pays de l'Ourcq 880 60,5
247700107 CC Pays de Montereau 3 420 62,1
247700339 CA Val d'Europe Agglomération 1 857 38,0
247700594 CA Marne et Gondoire 4 930 44,1
247700644 CC l'Orée de la Brie 1 108 50,6
247700701 CC Brie Nangissienne 1 108 64,5
247800550 CC du Pays Houdanais (C.C.P.H.) 965 54,7
247800584 CA Versailles Grand Parc (C.A.V.G.P.) 14 770 53,2
247800618 CC Cœur d'Yvelines 1 601 51,2
249100074 CC du Pays de Limours (CCPL) 918 53,1
249100157 CC des Deux Vallées 887 58,8
249100546 CC du Val d'Essonne (CCVE) 1 693 48,5
249100553 CC Entre Juine et Renarde (CCEJR) 986 51,2
249100595 CC Le Dourdannais en Hurepoix (CCDH) 1 077 51,0
249500109 CA de Cergy-Pontoise 6 786 42,8
249500430 CC Sausseron Impressionnistes 573 53,3
249500455 CC de la Vallée de l'Oise et des Trois Forêts 1 260 51,9
249500489 CC du Haut Val d'Oise 1 021 44,4
249500513 CC du Vexin-Val de Seine 701 55,8
217500016 Ville de Paris - T1 265 007 65,1
200057966 Vallée Sud Grand Paris - T2 19 813 48,9
200057974 Grand Paris Seine Ouest - T3 23 104 50,6
200057982 Paris Ouest La Défense - T4 36 298 50,5
200057990 Boucle Nord de Seine - T5 26 338 53,4
200057867 Plaine Commune - T6 29 367 54,3
200058097 Paris Terres d'Envol - T7 16 137 52,4
200057875 Est Ensemble - T8 26 168 53,9
200058790 Grand Paris - Grand Est - T9 19 677 49,5
200057941 Paris-Est-Marne et Bois - T10 32 856 50,2
200058006 Grand Paris Sud Est Avenir - T11 12 457 42,3
200058014 Grand-Orly Seine Bièvre - T12 34 058 46,9
  • Lecture : dans le parc locatif privé de la CA du Pays de Meaux, 54,1 % des logements ont un DPE classé E, F ou G, ce qui représente 4 960 logements.
  • Champ : ensemble des résidences principales localisées en Île-de-France au 1ᵉʳ janvier 2018.
  • Sources : Insee, Fidéli 2018 ; Ademe, base des DPE 2017 et 2018, modèle Enerter (année 2015).

Figure 3aNombre et part des résidences principales avec un DPE classé E, F ou G selon le statut d’occupation, par EPCI et EPT francilien, en 2018Parc locatif privé

  • Lecture : dans le parc locatif privé de la CA du Pays de Meaux, 54,1 % des logements ont un DPE classé E, F ou G, ce qui représente 4 960 logements.
  • Champ : ensemble des résidences principales localisées en Île-de-France au 1ᵉʳ janvier 2018.
  • Sources : Insee, Fidéli 2018 ; Ademe, base des DPE 2017 et 2018, modèle Enerter (année 2015).

Le parc occupé en propriété : près de la moitié des logements classés E, F ou G

Près de 1,2 million de logements occupés par leurs propriétaires sont énergivores, soit 24 % de l’ensemble des résidences principales de la région. Cela constitue le volume de logements énergivores le plus important de l’Île-de-France.

À l’inverse des logements locatifs privés, les logements occupés en propriété, qu’ils soient énergivores ou non, se répartissent de façon plus homogène sur le territoire régional. Ainsi, d’un département à l’autre, la proportion de logements étiquetés E, F ou G au sein du parc occupé en propriété varie peu (figure 3b). Moindre dans les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne (43 %), elle atteint son maximum (51 %) dans les Yvelines et en Seine-et-Marne. Ces écarts, quoique modérés, reflètent la variété de logements composant ce parc : en grande couronne, les logements occupés en propriété sont certes plus récents, mais il s’agit souvent de grandes maisons individuelles typiques de la périurbanisation des années 1970 et 1980 ; à Paris et en petite couronne, en revanche, le parc occupé en propriété correspond souvent à des appartements, moins énergivores que des maisons. À l’échelle infra-départementale, les logements énergivores sont moins concentrés dans les territoires au développement urbain récent et dense (Val d’Europe Agglomération, Grand Paris Sud-Est Avenir, etc.) ainsi que dans les territoires aisés, notamment les Hauts-de-Seine.

Les logements énergivores en propriété sont plus souvent occupés par des retraités et des personnes seules, notamment des femmes, que l’ensemble des logements en propriété. Les couples avec enfant(s) y sont légèrement moins présents (34 % contre 36 %). Par ailleurs, les ménages résidant dans ces logements énergivores disposent d’un systématiquement inférieur à celui des autres propriétaires (29 360 euros en moyenne par an contre 30 730 euros).

Des obstacles à la rénovation, spécifiques au parc privé

Dans un contexte de marché tendu, la performance énergétique semble demeurer pour beaucoup de personnes un critère secondaire dans le choix de son logement. Selon une récente étude du Conseil supérieur du notariat, la « valeur verte » des logements, c’est-à-dire le surplus de valeur lié à leurs performances énergétiques, est très limitée en Île-de-France : l’effet de l’étiquette « énergie » est, en 2020, de seulement - 2 points pour les « passoires thermiques ». Les logements locatifs privés sont pour leur part convoités car ils constituent une étape souvent incontournable pour une majorité des nouveaux ménages (les décohabitants et ceux arrivant de province) en raison de leur localisation centrale. Leur location s’en trouve facilitée, sans que leurs propriétaires n’aient besoin d’assumer d’importants travaux.

Les deux tiers du parc privé sont composés d’appartements, généralement situés dans des copropriétés. Or, la gouvernance de ces immeubles exige des décisions partagées pour engager des travaux. Depuis le début des années 2000, le désengagement des bailleurs institutionnels ainsi que les politiques de l’habitat ont contribué à la constitution de nouvelles copropriétés (mixité des programmes neufs, ventes HLM dispersées au sein du parc existant…). Cette multiplication d’acteurs au sein d’un même immeuble affaiblit la capacité à engager des rénovations énergétiques efficaces. La difficulté est renforcée par le profil des occupants du parc énergivore, davantage composé de personnes seules, âgées ou modestes. L’accompagnement des copropriétaires devient dès lors essentiel.

En ce qui concerne les propriétaires bailleurs, la rénovation des logements énergivores pose également question, a fortiori quand ces logements accueillent des ménages âgés, qui y résident depuis plus longtemps et qui s’acquittent ainsi de loyers inférieurs aux niveaux du marché.

Les retours d’expérience montrent que les logements les plus énergivores ne seraient pas nécessairement rénovés en priorité et que les travaux réalisés ne seraient pas synonymes de gains énergétiques suffisants. À titre d’exemple, l’observatoire CoachCopro (plateforme nationale développée par l’Agence parisienne du climat) a recensé les étiquettes énergie de 130 000 logements dans des copropriétés rénovées énergétiquement. Avant travaux, selon les audits énergétiques menés sur ces copropriétés, seuls 7 % des logements rénovés présentaient une étiquette F ou G et 25 % une étiquette E, soit une sous-représentation par rapport au poids total des logements énergivores dans le parc. En 2017, l’enquête TREMI (Travaux de rénovation énergétique des maisons individuelles) a permis à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) de tirer un bilan similaire sur l’habitat pavillonnaire : 75 % des travaux intégrant un volet énergétique n’avaient pas permis d’améliorer la classe énergétique de la maison. Ces éléments témoignent notamment des difficultés à intégrer les contraintes patrimoniales (immeubles haussmanniens, maisons en meulière, etc.) à la rénovation énergétique. La loi Climat et résilience en prend acte et prévoit des exemptions à l’interdiction de louer en cas de contraintes architecturales importantes. Des questions se posent également en matière de compétences, tant pour la réalisation des travaux que pour leur pilotage. Coordonner un projet global de rénovation énergétique dépasse généralement les capacités des propriétaires. Enfin, en cas de rénovation lourde, quitter son logement le temps des travaux peut s’avérer aussi nécessaire que difficile en pratique.

Une longueur d’avance pour le parc social

Dans le parc social, la situation apparaît plus favorable : 29 % des logements sociaux franciliens sont énergivores, soit 354 000 logements. Cela tient en partie à la relative jeunesse du parc social (43 % des logements ont été construits après 1974). Mais ces bons résultats sont aussi issus d’une gestion centralisée et des rénovations globales assurées par les bailleurs sociaux avec le soutien de l’État et des collectivités. D’un point de vue technique, ces rénovations ont pu être facilitées par des contraintes architecturales moindres lorsqu’elles concernent des immeubles construits entre 1948 et 1974 (période dite des Trente Glorieuses), ce qui est le cas de 43 % du parc social francilien.

La géographie du parc social n’est pas uniforme en Île-de-France : 63 % des logements sociaux se situent dans la métropole du Grand Paris. Celle des logements sociaux énergivores ne l’est pas non plus. La part de logements sociaux étiquetés E, F ou G est la plus forte à Paris (figure 3c), les logements énergivores représentant plus d’un tiers du parc social parisien, contre 27 % en petite couronne et 30 % en grande couronne.

Les occupants de ces logements énergivores se différencient peu des autres occupants du parc social. En effet, les rénovations énergétiques sont entreprises en fonction des caractéristiques des bâtiments, indépendamment de leurs occupants.

Encadré 1 - L’énergie de chauffage, un facteur déterminant pour le classement du logement

La réédition du diagnostic de performance énergétique, formalisée dans la réglementation environnementale de 2020 (RE2020), apporte un nouvel indicateur « climat » dans l’étiquette « énergie ». Le diagnostiqueur doit désormais évaluer les émissions de gaz à effet de serre (GES) propres au système de chauffage et d’eau chaude sanitaire. L’étiquette « GES » favorise les logements en chauffage électrique, considérés comme moins émetteurs que ceux chauffés au gaz, par exemple. Le fioul, dont les impacts environnementaux sont particulièrement forts, fera l’objet de restrictions croissantes à partir de 2023.

En complément du caractère énergivore ou non des logements, le mode de chauffage et l’énergie employée peuvent constituer des facteurs aggravant la vulnérabilité énergétique des occupants, surtout dans le contexte actuel de hausse des prix de l’énergie. Actuellement, en Île-de-France, le gaz de ville est majoritaire pour le chauffage des logements (42 %), suivi par l’électricité (34 %) et le chauffage urbain (15 %). Les autres sources d’énergie (fioul, bois ou autres) sont minoritaires. Si l’on s’intéresse au profil des logements énergivores selon le type d’énergie de chauffage, il ressort que le chauffage urbain est sous-représenté par rapport à l’ensemble des logements (- 2 points), tandis que le fioul (+ 1 point) et l’électricité (+ 2 points) sont très légèrement surreprésentés.

Les logements chauffés au fioul sont ainsi les plus énergivores (53 %). Principalement présent dans le parc en propriété, le chauffage au fioul concerne les logements les plus anciens : 76 % des logements concernés datent d’avant 1971. Les logements énergivores chauffés au fioul sont majoritairement situés en grande couronne, ainsi possédés par des ménages exposés aux variations des tarifs du pétrole.

À l’opposé du spectre, le chauffage urbain, surtout s’il est alimenté en énergies renouvelables ou de récupération, garantit généralement un impact climatique moindre ainsi que des coûts maîtrisés pour les occupants : 39 % des logements connectés au chauffage urbain sont considérés comme énergivores. Le parc social est le premier à profiter de ce réseau : il totalise 52 % des logements connectés au chauffage urbain. Les réseaux de chaleur sont particulièrement développés sur le territoire métropolitain.

Encadré 2 - Le mot du partenaire

Plusieurs enjeux se dégagent donc pour atteindre les objectifs de réduction des émissions de CO2 du parc de logements et améliorer les conditions de vie des Franciliens. Il s’agit, d’abord, d’assurer la mobilisation et l’accompagnement des propriétaires, mais aussi de soutenir la poursuite des rénovations dans le parc social. Pour cela, il s’agirait de lever les freins du financement des travaux et de renforcer l’accompagnement technique et la formation de l’ensemble des acteurs impliqués, notamment les syndics de copropriété. Les collectivités ont un rôle à jouer en tant que financeurs des dispositifs publics de conseil au niveau local ou au travers des aides complémentaires à l’action nationale qu’elles peuvent apporter, en visant notamment les foyers les plus modestes. Avec cette étude, il s’agit d’accompagner les collectivités territoriales en apportant une première estimation de l’ampleur des enjeux locaux.

Ensuite, un défi réel réside dans l’amélioration de la performance des travaux réalisés. Il s’agit d’associer les professionnels du secteur du bâtiment au défi que représente la rénovation du parc pour développer les savoir-faire sur la rénovation énergétique globale, sur l’articulation entre les différents postes (isolation, chauffage, ventilation…) et les matériaux biosourcés.

Se pose enfin la question de l’accompagnement social des populations. En effet, les habitants des logements à faible performance énergétique ne sont pas les plus gros consommateurs d’énergie. Cela demande d’anticiper dès à présent les effets potentiels des restrictions, y compris sur les ménages les plus modestes, dont certains pourraient de facto se trouver exclus du parc locatif privé si la rénovation entraîne des hausses de loyer.

Publication rédigée par :Kevin Chaput, Philippe Serre, Ivan Tissot (Insee), Franziska Barnhusen, Sandrine Beaufils (L’Institut Paris Region)

Pour comprendre

Les données des diagnostics de performance énergétique (DPE) proviennent d’une collaboration entre l’Ademe et le Service des données et des études statistiques (SDES). Ces étiquettes DPE datant de 2017-2018 sont établies sur la base des caractéristiques propres des bâtiments (année de construction, mode de chauffage, taille du logement…) pour ceux construits avant 1948, et sur la base de la facturation énergétique pour ceux construits après 1948. En juillet et octobre 2021, la méthodologie a évolué afin de tenir compte des deux étiquettes « énergie » et « climat » du DPE et afin de couvrir l’ensemble des types d’habitation (résidence principale, résidence secondaire ou logement vacant).

L’étude porte principalement sur les données Fidéli (Fichier démographique sur les logements et les individus). Cette source administrative regroupe notamment des données de la taxe d’habitation, des propriétés bâties, des impôts et des déclarations de revenus. Pour chaque logement de la base Fidéli, le caractère énergivore a été imputé à partir des données franciliennes agrégées de la base SDES-Ademe 2017-2018 et d’une modélisation prenant en compte la surface du logement, l’année de construction, le statut d’occupation et le type de logement (maison ou appartement). Sont exclus de l’étude les logements occupés à titre gratuit, les logements vacants ainsi que les résidences secondaires.

Cette analyse est donc menée au prisme des « anciennes » étiquettes énergétiques saisies dans la base de données de l’Ademe et issues des diagnostics de performance énergétique réalisés avant la RE2020 qui, depuis le 1er juillet 2021, a rendu plus strictes les règles méthodologiques auxquelles sont tenus les diagnostiqueurs. Il est aujourd’hui difficile d’évaluer quels seront les effets de ce nouvel encadrement de la méthodologie DPE sur les étiquettes « énergie » et nous ne disposons pas encore des données nécessaires pour pouvoir prendre en compte cet élément dans la présente étude.

Définitions

Le diagnostic de performance énergétique (DPE) renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment (étiquettes A à G), en évaluant sa consommation d’énergie. Il s’inscrit dans le cadre de la politique énergétique définie au niveau européen afin de réduire la consommation d’énergie des bâtiments.

Le niveau de vie est égal au revenu disponible (revenus après redistribution) du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation (UC). Le niveau de vie est donc le même pour tous les individus d’un même ménage. Les unités de consommation sont fixées selon une échelle qui attribue 1 UC au premier adulte du ménage, 0,5 UC aux autres personnes de 14 ans ou plus et 0,3 UC aux enfants de moins de 14 ans.

Pour en savoir plus

Le Saout R., Mesqui B., Rathle J.-Ph., « Ouvrir dans un nouvel ongletLe parc de logements par classe de performance énergétique au 1ᵉʳ janvier 2022 », rapport de l’Observatoire national de la rénovation énergétique, juillet 2022.

Chaput K., Serre Ph., Jankel S., Roger S., « À Paris, des enjeux de rénovation énergétique très forts pour plus de la moitié des logements », Insee Analyses Île-de-France n° 154, juin 2022.

Chaput K., Mosny E., « En Île-de-France, depuis 50 ans, le nombre de logements a plus fortement augmenté en grande couronne », Insee Flash Île-de-France n° 59, septembre 2021.

« Ouvrir dans un nouvel ongletCartographie interactive sur la rénovation énergétique des copropriétés franciliennes », Cartoviz, système d’information géographique de l’Arec, département énergie-climat de L’Institut Paris Region, janvier 2021.

Merly-Alpa T., Riedinger N., Baudry M., « Ouvrir dans un nouvel ongletLe parc de logements par classe de consommation énergétique au 1ᵉʳ janvier 2018 », rapport de l’Observatoire national de la rénovation énergétique, septembre 2020.

Barnhusen F., « Ouvrir dans un nouvel ongletRénovation énergétique des copropriétés en Île-de-France », monographie régionale de l’Arec, département énergie-climat de L’Institut Paris Region, février 2020.