Insee
Insee Analyses Martinique · Mars 2021 · n° 45
Insee Analyses Martinique2018 : une année favorable pour les entreprises martiniquaises

Philippe Clarenc (Insee)

En 2018, l’activité des entreprises implantées en Martinique est bien orientée avec une hausse de 5 % du chiffre d’affaires. L’impact a été positif sur la richesse créée par les entreprises avec une valeur ajoutée en hausse ; sa part dans le chiffre d’affaires atteint 27,2 % en 2018. Le commerce reste l’activité majeure du territoire. Un taux de frais de personnel plus faible permet de dégager un taux de marge plus important en Martinique qu’en Guadeloupe ou en Guyane. L’investissement corporel évolue favorablement en Martinique et l’investissement représente 40 % de la valeur ajoutée en 2018.

Insee Analyses Martinique
No 45
Paru le :Paru le26/03/2021

En 2018, l’ensemble des secteurs marchands non agricoles et non financiers comptabilise 25 240 entreprises pour un chiffre d’affaires global de 13 milliards d’euros. Le climat des affaires est favorable en Martinique avec une hausse du chiffre d’affaires de 5,1 % (2018).

Le commerce, une activité prépondérante en Martinique

Le commerce est une activité prépondérante en Martinique : il pèse 45 % du chiffre d’affaires total. Le commerce de détail représente presque la moitié du chiffre d’affaires de ce secteur, loin devant le commerce de gros (38 %) et le commerce et réparation d'automobiles et de motocycles (14 %).

Le taux de marque, qui mesure la marge commerciale d’une entreprise sur le prix de vente d’un produit, s’élève en 2018 à 23 % dans le secteur du commerce. Elle fluctue selon le type de commerce : 22 % dans le commerce et la réparation d'automobiles et de motocycles, 18 % dans le commerce de gros et 27 % dans le commerce de détail.

C’est dans le seul secteur du commerce de détail que les marges commerciales augmentent en valeur. Pour les 2 autres secteurs, un effet de ciseau, - les charges commerciales progressant plus vite que les ventes -, ont rogné le montant total des marges entre 2017 et 2018 (figure 1).

Figure 1Le commerce du détail se détache par une hausse des marges commerciales La marge commerciale et ses composantes en Martinique (2018)

Le commerce du détail se détache par une hausse des marges commerciales - Lecture : en Martinique, les marges commerciales s’élèvent à 1 353 millions d’euros et elles ont progressé de 3,0 % en 2018.
Selon secteur Marge commerciale Ventes de marchandises Coût d’achat des marchandises
Montant Évolution relative Montant Évolution relative Montant Évolution relative
(en millions d’€) (en %) (en millions d’€) (en %) (en millions d’€) (en %)
Commerce et réparation d'automobiles et de motocycles 181 -0,3 733 5,6 552 7,7
Commerce de gros * 395 -2,3 2 116 4,6 1 721 6,4
Commerce de détail * 777 6,7 2 797 5,6 2 020 5,2
Ensemble commerce 1 353 3,0 5 647 5,3 4 294 6,0
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Martinique, les marges commerciales s’élèvent à 1 353 millions d’euros et elles ont progressé de 3,0 % en 2018.
  • Champ : les entreprises de commerce implantées en Martinique en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les marges commerciales permettent de fixer le prix de vente d’un produit à partir du coût d’achat des marchandises vendues au cours de l’exercice. En Martinique, les entreprises du commerce achètent en grande quantité des produits importés destinés à la revente, sans transformation majeure. Contrairement à la France métropolitaine, les commerces martiniquais doivent faire face à des contraintes liées à l’éloignement géographique de leur territoire. Cet éloignement implique notamment une gestion adaptée des stocks ainsi que des coûts supplémentaires et inévitables, constitués de frais d’approche comme le transport maritime, l’octroi de mer et des taxes diverses. Ces contraintes expliqueraient en partie les écarts des prix entre la Martinique et la France métropolitaine.

Figure 2Le commerce, une activité prépondérante en Martinique Les principales statistiques par secteur en 2018

Le commerce, une activité prépondérante en Martinique - Lecture : en Martinique, le commerce représente 45,7 % du chiffre d’affaire et 23,4 % de la valeur ajoutée.
Secteur Entreprise Chiffre d’affaires Valeur ajoutée
en nombre en % en euros en % en euros en %
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 1 521 6,0 2 260 170 17,4 520 367 14,7
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 369 1,5 478 234 3,7 136 364 3,9
Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements 158 0,6 138 976 1,1 36 831 1,0
Construction 2 299 9,1 929 073 7,2 292 568 8,3
Commerce, transport et entreposage, hébergement et restauration 6 047 24,0 7 138 581 55,1 1 230 292 34,8
- Commerce 3 595 14,2 5 919 677 45,7 826 787 23,4
dont
Commerce de gros * 678 2,7 2 216 970 17,1 224 733 6,4
Commerce de détail * 2 373 9,4 2 885 536 22,3 452 875 12,8
- Transports et entreposage 1 192 4,7 770 771 5,9 227 515 6,4
- Hébergement et restauration 1 260 5,0 448 133 3,5 175 989 5,0
Information et communication 441 1,7 616 645 4,8 329 905 9,3
Activités immobilières 865 3,4 385 411 3,0 259 735 7,4
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien 12 858 50,9 1 381 414 10,7 828 113 23,5
- Activités de services administratifs et de soutien 11 068 43,9 868 786 6,7 553 596 15,7
Autres activités de services 1 208 4,8 247 743 1,9 69 636 2,0
Ensemble 25 239 100,0 12 959 037 100,0 3 530 615 100,0
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Martinique, le commerce représente 45,7 % du chiffre d’affaire et 23,4 % de la valeur ajoutée.
  • Champ : les entreprises implantées en Martinique en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

La création de richesse des entreprises progresse légèrement

Avec une conjoncture favorable, la hausse de la valeur ajoutée en 2018 est plus rapide que celle du chiffre d’affaires (figure 3). La croissance plus rapide de la production des entreprises par rapport à celle des consommations intermédiaires favorise cette hausse de la valeur ajoutée. En conséquence, le taux de valeur ajoutée progresse de 0,3 % en 2018. La richesse créée par les entreprises, représente donc cette année 27,2 % de leur chiffre d’affaires.

Néanmoins, le taux de valeur ajoutée varie fortement selon les secteurs économiques : de 14 % pour le commerce à 67 % pour les entreprises immobilières.

Figure 3Une progression contenue des consommations intermédiaires les indicateurs clés de la création de richesse en Martinique en 2018

Une progression contenue des consommations intermédiaires - Lecture : le chiffre d’affaires des entreprises martiniquaises s’élève à 13 milliards d’euros en 2018.
Indicateur comptable Montant Évolution
(en milliard d’euros) (en %)
Chiffre d'affaires 13,0 5,1
Production finale 8,3 5,1
Consommation intermédiaire 4,8 4,0
Valeur ajoutée 3,5 6,6
  • Lecture : le chiffre d’affaires des entreprises martiniquaises s’élève à 13 milliards d’euros en 2018.
  • Champ : les entreprises implantées en Martinique en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Les frais de personnels : près de 60 % de la valeur ajoutée

Sous l'angle des revenus, la valeur ajoutée se partage entre les différents types de revenus bruts de l'ensemble des secteurs institutionnels et l'. Les frais de personnels représentent 60 % de la valeur ajoutée (figure 4), les impôts de la production et subvention d’exploitation comptant pour une faible part. Ils varient beaucoup selon le secteur d’activité. Ainsi, les frais de personnels ne représentent que 40 % de la valeur ajoutée dans le secteur très capitalistique des activités immobilières mais près de 80 % dans le secteur fortement employeur de l’hébergement et la restauration.

La maîtrise des frais de personnel est un objectif important pour le chef d’entreprise mais cette volonté est aussi dépendante de la politique économique du Gouvernement et ceci notamment par le biais du taux de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), un avantage fiscal dont ont bénéficié jusqu’en 2018 les entreprises qui employaient des salariés.

L’entrepreneur individuel, bien qu’il puisse comptabiliser une partie de ses revenus ou charges patronales obligatoires en charges de personnel, se rémunère le plus souvent sur le résultat de son entreprise sans retenir de charges de personnel.

Figure 4De forts écarts de taux de marge entre les secteursQuelques ratios comptables par secteur d’activité en Martinique en 2018

en %
De forts écarts de taux de marge entre les secteurs (en %) - Lecture : en Martinique, le taux de marge est en 2018 de 32 % pour le commerce contre 38,5 % pour l’ensemble des entreprises.
Secteur Taux de valeur ajoutée Taux de marge Taux de frais de personnels
Industrie manufacturière, industries extractives et autres 23,0 34,9 65,1
Fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac 28,5 32,0 68,0
Fabrication de produits métalliques à l'exception des machines et des équipements 26,5 30,7 69,3
Construction 31,5 18,5 81,5
Commerce, transport et entreposage, hébergement et restauration 17,2 27,4 72,6
- Commerce 14,0 29,7 70,3
dont
Commerce de gros * 10,1 32,5 67,5
Commerce de détail * 15,7 29,1 70,9
- Transports et entreposage 29,5 26,3 73,7
- Hébergement et restauration 39,3 18,4 81,6
Information et communication 53,5 73,5 26,5
Activités immobilières 67,4 64,8 35,2
Activités spécialisées, scientifiques et techniques et activités de services administratifs et de soutien 59,9 42,7 57,3
- Activités de services administratifs et de soutien 63,7 50,2 49,8
Autres activités de services 28,1 31,9 68,1
Ensemble 27,2 38,5 59,4
  • Note : * à l'exception des automobiles et des motocycles.
  • Lecture : en Martinique, le taux de marge est en 2018 de 32 % pour le commerce contre 38,5 % pour l’ensemble des entreprises.
  • Champ : les entreprises implantées en Martinique en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018, données individuelles.

Le taux de marge dépend fortement du secteur

Au final, le rapport de l'EBE à la valeur ajoutée appelé taux de marge s’élève à 38,5 %. Il correspond à ce qui reste à disposition des entreprises, notamment pour rémunérer le capital et investir, une fois déduites les rémunérations salariales.

Un taux de marge élevé résulte en général de la mise en œuvre d’un capital d’exploitation important; il n’implique pas nécessairement une rentabilité économique forte, mais il peut permettre de financer les investissements.

Ainsi, le taux de marge est donc très influencé par l’appartenance d’une entreprise à un secteur économique. Le taux de marge va de 18 % pour le secteur de « Hébergement et restauration » à 74 % pour secteur de « Information et de la communication ». Un secteur se distingue aussi par un taux de marge nettement plus fort : les activités immobilières avec un taux de marge de 65 %. L’écart entre le taux de marge total et celui des entreprises employeuses est plus important dans les activites immobilières car les entreprises sans salarié sont très nombreuses dans ce secteur. En effet, le taux de marge des entreprises sans salarié atteint fréquemment 100 % car l’entrepreneur individuel se rémunère la plupart du temps sur les bénéfices de son entreprise.

Le système productif de la Martinique peut être comparé à ceux de la Guyane et de la Guadeloupe (figure 5). En effet, ces économies sont proches en matière de spécialisation sectorielle. Cette spécialisation se mesure à l’aide de la répartition du chiffre d’affaires selon les secteurs. Les trois économies se caractérisent toutes par un poids plus important dans le commerce.

En Martinique, la spécialisation dans le secteur de l’industrie est plus élevée qu’en Guadeloupe et en Guyane. Avec une expansion démographique forte, le secteur de la construction se distingue dans l’économie guyanaise. En Guadeloupe, l’activité du commerce représente la moitié du chiffre d’affaires. La Martinique a un taux de marge plus élevé que les autres territoires. Ce résultat découle d’un taux de frais de personnel bien plus faible. Enfin, pour le secteur du commerce, le taux de marque est bien plus faible en Martinique.

Les investissements corporels immobiliers dominent

Sur cent euros d’investissement brut, les dépenses sont réparties en 78 euros d’investissement corporels, 18 euros d’investissements financiers et 4 euros d’investissements incorporels.

En Martinique, au niveau sectoriel, le volume d’investissement au niveau sectoriel fluctue fortement d’une année sur l’autre. Il dépend de la politique globale des entreprises.

En 2018, le taux d’investissement est de 40 %. Son évolution est bien orientée avec une hausse de 4,9 points. La hausse de l’investissement corporel brut hors apport est portée cette année par les secteurs des activités immobilières (+ 85 millions d’€), de la fabrication de denrées alimentaires, de boissons et de produits à base de tabac (+ 29 millions d’€) et des transports et entreposage (+ 28 millions d’€).

L’investissement corporel reste à un niveau élevé dans le secteur de l’énergie en 2018 (87 millions d’euros). Il faut dire que L’État et la Région ont élaboré conjointement le projet de Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) de Martinique 2016-2023 dont l'objectif ambitieux vise une autonomie énergétique de la Martinique à l’horizon de 2030.

Figure 5Un taux de marge plus fort pour la MartiniqueIndicateurs comptables principaux selon les territoires caribéens en 2018

Un taux de marge plus fort pour la Martinique - Lecture : en 2018, le taux de marge de la Martinique est de 38,5 % contre 32,7 % en Guadeloupe et 32,3 % en Guyane.
Indicateurs Guadeloupe Martinique Guyane
Évolution du chiffre d’affaires 3,9 5,1 7,7
Taux de valeur ajoutée 25,4 27,2 28,8
Taux de marge 32,7 38,5 32,3
Frais de personnel sur la VA 64,2 59,4 62,8
Part des MCO sur le CA 24,8 22,9 26,1
Poids du commerce dans le CA total 50,7 45,7 43,0
  • Note : VA = Valeur ajoutée, MCO = Marge commerciale, CA = chiffre d’affaires
  • Lecture : en 2018, le taux de marge de la Martinique est de 38,5 % contre 32,7 % en Guadeloupe et 32,3 % en Guyane.
  • Champ : les entreprises implantées dans chaque territoire en 2018.
  • Source : Insee, Esane 2018 , données individuelles

Encadré : La location et la location-bail d'actifs corporels ou incorporels non financiers

Le secteur des activités de services administratifs et de soutien regroupent en son sein l’ensemble des activités de location et la location-bail à des entreprises d'actifs corporels ou incorporels non financiers. Le financement locatif facilite la gestion de projets à court terme et l’utilisation d’équipements dont l’entreprise a réellement besoin sans avoir à investir massivement. Les loyers sont en général peu élevés et adaptés aux contraintes budgétaires des sociétés. Le risque d’obsolescence est minimisé puisque les matériels sont renouvelés régulièrement. Composé essentiellement de petites entreprises souvent sans salarié, ce secteur dispose d’un capital d’exploitation important et d’une masse salariale distribuée très faible.

Publication rédigée par :Philippe Clarenc (Insee)

Sources

Les résultats de l’étude sont issus du Fichier Esane « FARE 2018 méthode 2018 » comprenant les 25 240 unités légales implantés en Martinique. Les entreprises retenues sont celles dont le siège social est situé dans les Antilles-Guyane (hors îles du Nord). Les données comptables des entreprises présentes sur plusieurs territoires, sont régionalisées à partir d’une clé unique. Extraite de la source FLORES 2017, la variable utilisée est la « rémunération brute des salariés » selon les établissements d’une entreprise.

Définitions

Excédent brut d’exploitation : L’excédent brut d’exploitation (EBE) est égal à la valeur ajoutée, diminuée de la rémunération des salariés, des autres impôts sur la production et augmentée des subventions d’exploitation.

La valeur ajoutée : la valeur ajoutée est égale à la valeur de la production diminuée des consommations intermédiaires, elle est calculée hors taxes.

Marge commerciale : la marge commerciale réalisée par une entreprise, pour un exercice comptable donné, est définie comme la différence entre le montant hors taxes des ventes de marchandises réalisées au cours de cet exercice comptable et le coût d’achat hors taxes des marchandises vendues au cours de l’exercice.

Investissements corporels : les investissements corporels sont les investissements en actifs physiques destinés à être utilisés durablement par l'entreprise comme moyens de production (constructions, installations techniques, matériel et outillage industriels…).

Investissements financiers : les investissements financiers sont les investissements en actifs financiers destinés à être conservés durablement par l'entreprise. Ces investissements sont le plus souvent le résultat d’opération en capital entre les entreprises d’une même groupe.

Champ

Le champ de l’étude correspond aux sociétés et entreprises individuelles, marchandes et productives ou participant au système productif, non agricoles et non financières (mais y compris les holdings) implantées en Martinique. Les secteurs de la « santé humaine et de l’action sociale » et de « l’enseignement » sont exclus vu le poids économique important des établissements publics.

Pour en savoir plus

Cornut M. , « Comptes économiques 2018 de Martinique - La croissance redémarre », Insee Analyses, N° 34, Octobre 2019

« Le bilan économique 2018 de Martinique - Des signes de reprise encore fragiles », Insee Conjoncture, N° 5, Juin 2019,

Les entreprises en France, Édition 2019, Insee, Décembre 2019