Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes Brexit : des effets incertains mais sans doute limités à l’échelle de la région

Emma Bianco, Anna Simon, Insee

Auvergne-Rhône-Alpes entretient avec le Royaume-Uni des liens socio-économiques étroits. À l’approche de l’échéance de la date effective du Brexit, le nouveau cadre des relations entre le Royaume-Uni et l’Union européenne reste encore très incertain. À l’échelle régionale, cette sortie de l’Union européenne pourrait d’abord avoir des conséquences pour les 15 000 Britanniques qui résident en Auvergne-Rhône-Alpes. Les touristes, les entreprises et l’administration pourraient également être affectés, même si la région est sans doute moins concernée que celles de la façade atlantique.

Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes
No 56
Paru le :Paru le02/04/2019
Emma Bianco, Anna Simon, Insee
Insee Flash Auvergne-Rhône-Alpes No 56- Avril 2019

Le 23 juin 2016, les électeurs britanniques ont voté en faveur d’un retrait de l’Union européenne (UE), plus de quarante ans après l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté économique européenne (CEE). Les conséquences de ce Brexit, difficiles à prévoir, dépendront en particulier des accords qui pourraient être conclus dans les prochains mois.

Quelle incidence pour les 15 000 Britanniques résidant en Auvergne-Rhône-Alpes ?

Le Brexit pourrait tout d’abord affecter les 14 800 Britanniques qui vivent habituellement en Auvergne-Rhône-Alpes. En 2015, la région se classe 4e pour le nombre de résidents britanniques, après la Nouvelle-Aquitaine (39 400), l’Occitanie (25 200) et l’Île-de-France (19 200). Au total, 150 000 Britanniques vivent en France en 2015. Contrairement aux régions de l’ouest ou du sud de la France, où la part de retraités est importante, les Britanniques d’Auvergne-Rhône-Alpes, comme ceux d’Île-de-France et du Grand Est, sont plus souvent en activité. En 2015, plus de la moitié des Britanniques de la région, soit environ 7 600 personnes, occupent un emploi (figure 1). Parmi elles, près de 1 800 travaillent en Suisse, pour la plupart dans le cadre d’accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE (un quart d’entre eux étant employés dans les organisations internationales et consulats). La Haute-Savoie et l’Ain, départements frontaliers, sont d’ailleurs ceux où les Britanniques sont les plus nombreux.

Figure 1Les Britanniques d’Auvergne-Rhône-Alpes sont plus souvent en emploiRépartition des résidents britanniques selon le type d’activité déclaré au recensement de la population (en volume et en %)

Les Britanniques d’Auvergne-Rhône-Alpes sont plus souvent en emploi - Note de lecture : 51 % des Britanniques vivant en Auvergne-Rhône-Alpes, soit 7 600 personnes, occupent un emploi. Ce n’est le cas que de 37 % de ceux vivant en France métropolitaine.
Britanniques vivant en Auvergne Rhône-Alpes Britanniques vivant en France métropolitaine
Actifs ayant un emploi 51,2 36,9
Chômeurs 3,9 4,5
Retraités ou préretraités 15,0 35,3
Elèves, étudiants, stagiaires 6,0 5,2
Femmes ou hommes au foyer 5,2 5,0
Autres inactifs (y compris enfants de moins de 15 ans) 18,6 13,1
  • Note de lecture : 51 % des Britanniques vivant en Auvergne-Rhône-Alpes, soit 7 600 personnes, occupent un emploi. Ce n’est le cas que de 37 % de ceux vivant en France métropolitaine.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2015

Figure 1Les Britanniques d’Auvergne-Rhône-Alpes sont plus souvent en emploiRépartition des résidents britanniques selon le type d’activité déclaré au recensement de la population (en volume et en %)

  • Note de lecture : 51 % des Britanniques vivant en Auvergne-Rhône-Alpes, soit 7 600 personnes, occupent un emploi. Ce n’est le cas que de 37 % de ceux vivant en France métropolitaine.
  • Source : Insee, Recensement de la population 2015

Ces résidents pourraient être concernés par un alourdissement des formalités administratives pour s’établir ou travailler en France, en cas de restriction des accords sur la libre circulation des personnes. Cela pourrait inciter les Britanniques à demander un titre de séjour ou l’acquisition de la nationalité française. Celle-ci pourrait notamment concerner les 3 000 Britanniques de la région vivant avec un conjoint français en 2015.

Un contexte d’instabilité lié au Brexit pourrait entraîner une dépréciation de la livre par rapport à l’euro, qui se traduirait par une perte de pouvoir d’achat pour les Britanniques vivant en Europe. Cela renchérirait notamment le coût de la vie pour les retraités établis en France qui perçoivent leur retraite en livres. Une partie des 2 200 retraités britanniques qui vivent habituellement en Auvergne-Rhône-Alpes pourraient ainsi être concernés. Au-delà de l’influence de la parité monétaire, une augmentation des commissions et des frais entre les banques anglaises et européennes pourrait également entamer le pouvoir d’achat des ménages britanniques en France.

Enfin, la question de l’accès aux droits sociaux pourrait se poser également pour les Britanniques en France et en particulier l’accès au système de santé et de protection sociale.

Le Brexit pourrait d’autre part affecter la mobilité des étudiants et des enseignants-chercheurs mais aussi le financement de certains projets de recherche avec des partenaires britanniques. À la rentrée 2016, près de 500 étudiants britanniques étaient inscrits dans une université en Auvergne-Rhône-Alpes ( source : académies de Clermont-Ferrand, Grenoble et Lyon). En parallèle, le Royaume-Uni est la première destination choisie par les étudiants de la région. Plus de 700 d’entre eux y sont partis pour étudier, et plus de 1 000 pour y suivre un stage, dans le cadre du programme Erasmus+ pour l’année académique 2016-2017 (source : StatErasmus+).

Des effets incertains sur le tourisme

Le secteur du tourisme pourrait aussi subir les effets du Brexit. Pour les hôtels de la région, le Royaume-Uni est la première origine de la clientèle internationale. Les Britanniques y ont réalisé 1,2 million de nuitées en 2017, et presque autant dans les autres hébergements collectifs de tourisme (villages de vacances, résidences hôtelières et de tourisme, auberges de jeunesse…). Les touristes britanniques contribuent aussi à l’activité des campings, avec 384 000 nuitées en 2018. D’autres sont propriétaires d’une résidence secondaire dans la région. L’affaiblissement de la livre face à l’euro pourrait, à terme, contraindre les Britanniques à limiter leurs dépenses en Europe. L’impact sur la fréquentation globale resterait limité puisque les touristes en provenance du Royaume-Uni ne représentent que 5 % des nuitées hôtelières de la région, mais il pourrait être important pour certains établissements, dans les stations de ski des Alpes par exemple (figure 2).

Figure 2La clientèle britannique très présente dans les deux SavoieRépartition de la fréquentation hôtelière en Auvergne-Rhône-Alpes par département (en %)

La clientèle britannique très présente dans les deux Savoie
Nuitées totales Nuitées britanniques
Savoie 14,5 35,9
Haute-Savoie 19,5 31,3
Isère 10,8 11,2
Rhône 23,4 9,5
Ain 5,6 3,5
Puy-de-Dôme 8,3 2,9
Drôme 5,2 2,0
Ardèche 2,7 1,0
Loire 3,0 0,9
Allier 3,5 0,9
Cantal 2,0 0,5
Haute-Loire 1,4 0,4
  • Source : Insee en partenariat avec les comités départementaux et régionaux du tourisme et la DGE, Enquête Hébergements collectifs 2017

Figure 2La clientèle britannique très présente dans les deux SavoieRépartition de la fréquentation hôtelière en Auvergne-Rhône-Alpes par département (en %)

  • Source : Insee en partenariat avec les comités départementaux et régionaux du tourisme et la DGE, Enquête Hébergements collectifs 2017

Le secteur aérien est aussi concerné. En l’absence d’accords communautaires, certaines compagnies pourraient perdre le droit automatique d’opérer des vols entre l'UE et le Royaume-Uni. En 2018, dans la région, 1,2 million de passagers ont été transportés en provenance ou à destination du Royaume-Uni via la quinzaine de lignes existantes (source : Union des Aéroports français et Civil Aviation Authority UK). Si ces flux représentent une faible part du trafic des aéroports de Lyon Saint-Exupéry et Clermont-Ferrand-Auvergne, ce n’est pas le cas de ceux de Chambéry et Grenoble. Fonctionnant essentiellement en hiver pour accueillir les touristes, ces derniers effectuent les trois quarts de leur trafic avec les aéroports d’outre-manche. À court terme, les voyageurs britanniques pourront continuer de voyager au sein de l’UE avec un passeport ou une carte d’identité, mais de nouvelles formalités administratives pourraient s’imposer par la suite.

Le Royaume-Uni, partenaire économique important

Comme la plupart des régions françaises, Auvergne-Rhône-Alpes entretient des relations commerciales étroites avec le Royaume-Uni. En 2018, les entreprises présentes dans la région ont exporté pour 4 milliards d’euros de marchandises vers le territoire britannique, soit 6,6 % du montant des exportations régionales en valeur. Le Royaume-Uni constitue ainsi l’un des principaux clients de la région après l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne (source : Douanes).

La fluidité de ces échanges commerciaux pourrait ne plus être garantie en cas de sortie non négociée du marché unique. Le Royaume-Uni redevenant un pays tiers, des droits de douanes et des barrières tarifaires supplémentaires seraient susceptibles de s’appliquer. De nouvelles formalités administratives pourraient s’imposer également aux entreprises. En outre, de nombreuses normes sanitaires, techniques ou environnementales ne seraient peut-être plus reconnues de part et d’autre. Les enjeux seraient particulièrement importants dans des secteurs comme l’industrie agroalimentaire, la chimie ou encore l’automobile. Les firmes seraient variablement concernées selon l’organisation de leur chaîne de production. Certaines anticipent d’ores et déjà des difficultés d’approvisionnement et modifient leur comportement de stock. Les entreprises régionales qui exportent au Royaume-Uni pourraient perdre en compétitivité en cas de dépréciation de la livre. À un niveau plus global, une contraction des échanges et/ou un ralentissement économique au Royaume-Uni risquerait de fragiliser l’économie des autres pays européens. En 2018, la croissance du Royaume-Uni a atteint son plus bas niveau en 6 ans.

Moins de 20 000 salariés sous contrôle de groupes britanniques

L’influence britannique sur l’économie régionale peut également s’apprécier à travers l’implantation d’entreprises. En 2015, 840 établissements présents dans la région dépendent d’une multinationale dont le centre de décision est situé au Royaume-Uni. Ces établissements emploient 19 800 salariés, un volume qui reste très faible rapporté à celui des effectifs salariés de la région (1,1 %). Les zones d’emploi de Lyon et Grenoble sont les plus attractives envers les capitaux britanniques. Le commerce, la fabrication de produits en caoutchouc ou en plastique, ou encore les activités de services administratifs et de soutien sont les secteurs qui emploient le plus de salariés sous dépendance britannique. Les incertitudes économiques autour du Brexit et ses modalités pourraient amener les investisseurs à revoir leur stratégie d’implantation, et choisir de relocaliser certaines activités hors du Royaume-Uni.

Définitions

Un résident britannique est une personne déclarant résider en France et détenir la nationalité britannique au recensement de la population. En revanche, un touriste est considéré comme britannique s’il déclare être domicilié au Royaume-Uni, quelle que soit sa nationalité.

Les nuitées sont le nombre total de nuits passées par les clients dans un établissement ; deux personnes séjournant trois nuits dans un hôtel comptent ainsi pour six nuitées de même que six personnes ne séjournant qu’une nuit.