Insee Analyses Hauts-de-FranceUn portrait de l’Aisne Le département le moins dense de la région

Antoine Van Assche, Patrick Le Scouëzec, Insee Hauts-de-France

L’Aisne est le plus étendu des départements des Hauts-de-France mais c’est aussi celui qui compte le moins d’habitants. Sa population est stable depuis de nombreuses années et vieillit. Elle est confrontée à un chômage et à un taux de pauvreté élevés, même si ce dernier est inférieur à ceux du Nord et du Pas-de-Calais. L’emploi est en recul et insuffisant pour satisfaire la demande des actifs. Ce contexte conduit une partie de ces actifs à aller travailler dans la Marne et en Île-de-France. Le département est structuré en réseau autour de villes de taille moyenne (Saint-Quentin, Laon, Soissons, Château-Thierry) qui offrent, chacune, un pôle d’emplois avec souvent une spécificité propre et un niveau d’équipements et de services satisfaisant, permettant d’assurer une cohésion et une relative homogénéité du département. Cet équilibre reste cependant fragile.

Insee Analyses Hauts-de-France
No 39
Paru le :Paru le22/12/2016
Antoine Van Assche, Patrick Le Scouëzec, Insee Hauts-de-France
Insee Analyses Hauts-de-France No 39- Décembre 2016

Le département le moins dense de la région

Le département de l’Aisne se situe au sud-est de la région Hauts-de-France. Il est aux confins de 3 régions, bordant l’Île-de-France par la Seine-et-Marne, et le Grand Est par la Marne et les Ardennes. Il possède également une frontière au nord-est avec la Belgique. Avec 55 698 habitants, Saint-Quentin est la commune la plus peuplée du département devant Soissons (28 472 habitants) et la préfecture de Laon (25 219 habitants). Elle se classe au 8e rang au niveau régional, loin dernière Lille (231 491 habitants).

Ce département est traversé par d’importants axes routiers comme les autoroutes A29, A26 et A4. Mais la nationale 2, reliant Paris à Maubeuge, qui traverse du nord au sud le département, ne joue plus son rôle d’axe structurant bien que desservant les principales communes de l’Aisne (Hirson, Vervins, Laon, et Soissons) faute d’accès rapide entre ces villes.

Son territoire est relativement peu artificialisé au regard de la moyenne régionale (respectivement 5,6 % et 9,6 %), avec une part non négligeable occupée par les forêts qui atteint 19,0 % contre 12,8 % au niveau régional.

540 067 Axonais au 1er janvier 2013

L’Aisne est le moins peuplé des départements de la région avec 540 067 habitants au 1er janvier 2013, soit 9 % de la population des Hauts-de-France. C’est pourtant le plus étendu avec une superficie de plus de 7 300 km². De fait, l’Aisne est le département où la densité est la plus faible avec 73 habitants au km² pour une moyenne de 188 au niveau régional (figure 1).

Figure 1L’Aisne est un département peu denseLes communes de l’Aisne selon la grille de densité 2015

  • Source : Insee, grille de densité 2015.

Le département est composé de nombreuses communes très peu denses. Elles couvrent 40 % du territoire et concentrent 10 % de la population axonaise. Plus d’un habitant sur deux réside dans une des 782 communes de moins de 2 000 habitants.

55 % de la population du département est regroupée dans les arrondissements de Laon et Saint-Quentin comptant, respectivement, 165 852 habitants et 130 944 habitants.

Depuis 1975, la population de l’Aisne n’évolue pratiquement pas. Ainsi, entre 2008 et 2013, elle n’a augmenté que de 1 277 habitants. Alors que l’excédent des naissances sur les décès a permis à la population de croître en moyenne de 0,3 % par an sur cette période, le déficit migratoire (– 0,2 % par an) a quasiment annulé ces gains. Ce déficit est particulièrement important parmi les 15 à 25 ans, qui quittent le département pour poursuivre leurs études dans les grands pôles universitaires comme ceux d’Amiens, Lille ou encore Reims, ou pour trouver un premier emploi (figure 2).

Figure 2L’Aisne est le moins peuplé des départements de la régionTaux d’évolution annuel moyen de la population 2008-2013

en %
L’Aisne est le moins peuplé des départements de la région (en %) -
Départements Population 2013 (en milliers) Variation moyenne annuelle 2008 – 2013
Totale Due au solde
Naturel Migratoire apparent
Aisne 540,10 0,1 0,3 -0,2
Nord 2 595,50 0,2 0,6 -0,4
Oise 815,40 0,4 0,6 -0,2
Pas-de-Calais 1 465,20 0,1 0,4 -0,3
Somme 571,70 0,1 0,3 -0,1
Hauts-de-France 5 987,90 0,2 0,5 -0,3
France métropolitaine 65 564,80 0,5 0,4 0,1
  • Source : Insee, recensements de la population 2008 et 2013

Ces départs contribuent à faire de l’Aisne un département vieillissant. La part des 60 ans ou plus est de 17,5 % contre 15,5 % dans les Hauts-de-France. L’âge moyen y est près de 2 ans supérieur à la moyenne régionale : 40,2 ans en 2013 contre 38,6 ans. Ce niveau reste toutefois légèrement inférieur à celui de France métropolitaine (40,3 ans) (figure 3).

Figure 3Les 15-25 ans partent de l’AisnePyramide des âges de la population de l’Aisne en 2013

  • Source : Insee, recensement de la population 2013.

En 2013, la taille moyenne des ménages est de 2,3 personnes, soit la plus faible de la région avec la Somme. Près de 43 % des ménages vivent sans enfant, soit 3,3 points de plus qu’au niveau régional. Cette proportion est identique à la moyenne nationale.

En matière de logement, les habitants vivent majoritairement dans une maison dont ils sont propriétaires. Ainsi, la part des propriétaires est de 62,1 %, classant l’Aisne au premier rang de la région, juste devant l’Oise (61,8 %). De même, la part des maisons dans le parc des résidences principales est de 75,9 %, soit 4,5 points de plus que la moyenne régionale. Toutefois, 8,6 % des logements sont vacants, soit la part la plus importante de la région (7,1 %). Cette part n’a cessé de croître depuis 1999, où elle représentait 6,6 %. En outre, le parc de logements est vieillissant puisque 39,6 % des habitations ont été achevées avant 1946.

Entre un parc de logements constitué majoritairement de maisons offrant plus d’espaces que les appartements et une faible croissance démographique, les situations dans lesquelles le nombre de pièces des logements est insuffisant au regard du nombre de personnes logées, sont peu fréquentes. En 2013, la part de ces résidences principales, dites en situation de suroccupation, est de 4,8 %, alors qu’elle est de 6,2 % au niveau régional et 9,0 % au niveau national.

Un emploi agricole encore très présent

Plus d’un emploi sur dix du département est un emploi non salarié, alors que cette part est de 8,3 % au niveau régional. Différents facteurs peuvent expliquer cette surreprésentation. D’une part, les PME et en particulier les micro-entreprises (19 % de l’emploi total) sont plus présentes dans le tissu productif local que dans les autres départements de la région. D’autre part, le poids du secteur agricole représente 4,5 % de l’emploi départemental, soit le niveau le plus élevé de la région. En 2010, 51 % des exploitations agricoles de l’Aisne sont orientées vers les grandes cultures. Le sud du département est le seul espace viticole des Hauts-de-France grâce à la présence d’une partie de l’AOC champagne. Cet espace concentre 16 % des structures agricoles départementales, une proportion légèrement supérieure à la moyenne nationale (14,3 %). Ces activités sont complétées au nord par de l’élevage, notamment en Thiérache.

L’Aisne est également marquée par le poids important du tertiaire non marchand qui représente 36,0 % de l’emploi total. Cette part classe le département au second rang de la région, juste derrière la Somme (36,4 % des emplois). Les plus gros employeurs sont les centres hospitaliers de Saint-Quentin, Soissons et Laon qui, en 2013, totalisent plus de 4 800 emplois à eux trois. Dans les Hauts-de-France, le poids de ce secteur atteint 34,5 %.

Au niveau industriel, l’Aisne est le troisième département de la région derrière l’Oise et la Somme. 15,6 % des emplois se concentrent dans cette activité, soit 1,0 point de plus que la moyenne régionale (14,6 %) et 3,1 points de plus qu’au niveau métropolitain (12,5 %). Le département s’est notamment spécialisé dans l’industrie agroalimentaire (IAA), en lien avec la place qu’occupe l’agriculture. Plus de 5 800 personnes travaillent dans l’IAA en 2013 (soit 22,6 % de l’emploi industriel). Les grands groupes Tereos, Nestlé ou encore Materne font partie des principaux employeurs du département. Tereos, spécialisé dans le sucre et les biocarburants en dérivant, y a même son siège. Le département accueille également le siège du pôle de compétitivité à vocation mondiale « Industrie et Agro-ressources » (IAR). Le second secteur industriel porteur est celui de la fabrication d’équipements électriques. En 2013, 3 000 personnes y travaillent (soit 11,4 % de l’emploi industriel). Dans ce domaine d’activité SA Godin, Noirot ou encore Zehnder Group sont quelques-uns des plus gros employeurs du département.

Certains territoires ont leurs spécificités. C’est le cas dans la zone d’emploi de Château-Thierry où l’agriculture représente 5,0 % de l’emploi salarié. Dans la Thiérache, 27,0 % de l’emploi est concentré dans l’industrie, ce qui en fait la première zone d’emploi industrielle de l’Aisne devant Tergnier (18,5 %). Enfin, les activités non marchandes sont très présentes sur Laon où elles pèsent 45,0 % de l’emploi total salarié de la zone (figure 4).

Figure 4Au sein de l’Aisne, des spécificités productivesRépartition de l’emploi salarié par secteur d’activité et zone d’emploi de l’Aisne en 2013

  • Source : Insee, estimations d’emploi au 31 décembre 2013.

Un fort taux de chômage

L’Aisne est le département de la région le plus touché par le chômage. Son taux atteint 14 % au 4e trimestre 2015, un point de plus que les départements du Nord et du Pas-de-Calais. C’est aussi un des taux les plus importants de France puisqu’au niveau métropolitain, seuls l’Hérault et les Pyrénées-Orientales dépassent ce niveau (respectivement 14,1 % et 15,4 %). La part des demandeurs d’emplois de longue durée est également supérieure : 7,9 % en 2014 contre 6,7 % en moyenne au niveau régional.

Différents facteurs sont à l’œuvre pour expliquer ce phénomène. Tout d’abord, le tissu productif local repose davantage sur des secteurs d’activités plus exposés aux aléas de l’économie : c’est le cas par exemple de l’agriculture, de la métallurgie, du textile ou des produits en caoutchouc ou plastique pour l’industrie, du transport-entreposage et du commerce pour le tertiaire. L’absence de grands pôles urbains limite par ailleurs l’effet d’entraînement sur l’emploi dont bénéficie certains départements au niveau régional. Ce contexte conduit une partie de la population active de l’Aisne à aller travailler hors du département, notamment dans la Marne et en Île-de-France, où le marché de l’emploi est plus favorable. Le niveau de qualification de la main-d’œuvre est relativement faible dans le département. En 2013, le nombre d’actifs n’ayant pas atteint le baccalauréat ou le brevet professionnel parmi l’ensemble des actifs est supérieur à la moyenne régionale (respectivement 57,2 % et 49,5 %). Les difficultés, pour certains, commencent dès la sixième où la part des élèves ayant un an de retard est de 13,1 % contre 11,6 % au niveau régional et 9,9 % au niveau national. Ce déficit en matière de formation se traduit pour les jeunes Axonais par des difficultés d’insertion sur le marché du travail. En 2013, 33,3 % des 18–25 ans ne sont ni étudiants ni en emploi. La moyenne régionale est de 28,0 %. L’Aisne occupe le premier rang au niveau régional devant le Pas-de-Calais (32,7 %). En 2013, un peu plus d’un jeune sur quatre de 18-24 ans se déclare en situation de chômage contre un sur cinq dans les Hauts-de-France.

Enfin, beaucoup de jeunes diplômés, ceux qui ont poursuivi leurs études au-delà du baccalauréat, ne reviennent pas dans le département en raison d’une offre limitée d’emplois de niveau supérieur. Ainsi, la part des cadres supérieurs n’est que de 9,4 % contre 13,2 % en région. En 2013, 29,1 % des actifs âgés de 15 à 64 ans sont ouvriers, soit la proportion la plus élevée au niveau régional. Ils sont aussi 30,4 % à être employés, ce qui en fait le deuxième département de la région, derrière le Pas-de-Calais (31,0 %).

Un département relativement pauvre

Le taux de pauvreté de l’Aisne est de 18,6 %, niveau inférieur à ceux du Nord (18,9 %) et du Pas-de-Calais (20,2 %), mais sensiblement supérieur à celui de France métropolitaine (14,5 %). Un Axonais sur dix vit avec moins de 9 874 euros par an. À l’opposé, les 10 % d’Axonais les plus riches ont un niveau de vie supérieur à 31 594 euros par an. Au sein du département, ce sont les petits pôles urbains comme Guise, Hirson ou les zones peu denses de la Thiérache qui concentrent la plus forte proportion d’habitants pauvres. Les couronnes périurbaines de Saint-Quentin et Laon sont plus épargnées par la pauvreté. De même, le sud axonais est davantage préservé, en raison notamment de l’influence de l’aire urbaine de Paris où une partie de la population va quotidiennement travailler (figure 5).

Figure 5Les couronnes périurbaines de Saint-Quentin et Laon plus épargnées par la pauvretéCarte communale des taux de pauvreté dans l’Aisne en 2012

  • Source : Insee-DGFIP-Cnaf-Cnav-CCMSA, Filosofi 2012.

Cette pauvreté explique que les effets de la redistribution des revenus soient importants dans l’Aisne. Ainsi, la part des prestations sociales atteint 7,1 % du revenu disponible des ménages en 2013, situant le département, au plan national, au même niveau que les Ardennes, et juste devant les cinq départements où cette part est la plus forte (l’Aude, les Pyrénées-Orientales, le Nord, le Pas-de-Calais, et la Seine-Saint-Denis). Le département se distingue enfin sur le sujet de la dépendance : 4,2 % de la population est couverte par l’allocation adulte handicapé, soit le taux le plus élevé de la région devant la Somme (4,0 %) (figure 6).

Figure 6Une proportion de jeunes non insérés plus présentePosition relative de l’Aisne par rapport à la région des Hauts-de-France

  • 1- Les indicateurs sont construits comme le ratio entre le département et la moyenne régionale. Un ratio supérieur à 1 indique que l’indicateur est plus élevé que la moyenne régionale.
  • 2- La part de la population couverte par le RSA socle non majoré rapporte le nombre de personnes couvertes par un allocataire percevant le RSA socle non majoré (l’allocataire, son conjoint et les personnes à charge) à cette même population « potentiellement éligible » issue du recensement. Le Revenu de Solidarité Active (RSA) est un supplément de revenu aux personnes sans ressources ou à faibles revenus d’activité.
  • Source : Insee ; DGFIP ; Cnaf ; Cnam.

Le niveau de vie de la moitié des Axonais est inférieur à 18 345 euros par an en 2013. C’est à peine plus que celui des Pas-de-Calaisiens qui est de 17 706 euros par an. C’est 1 885 euros de moins que ce que perçoit un Français sur deux (20 185 euros). L’Aisne se classe au 89e rang parmi les 96 départements que compte l’hexagone, derrière le Vaucluse mais devant les Ardennes.

Du fait de la structure des emplois du département et du poids des non salariés, les revenus d’activités non salariés sont assez importants. Ils représentent 7,7 % du revenu disponible des ménages axonais en 2013 (5,9 % en moyenne au niveau national). L’Aisne est le premier département de la région avec la Somme de ce point de vue (14e rang des 96 départements de France métropolitaine).

Des communes bien dotées en équipements

L’Aisne dispose de nombreuses communes bien dotées en équipements et réparties de façon homogène dans le département. Ainsi dans le quatuor de tête des communes les mieux équipées du département se trouvent Saint-Quentin, Laon, Soissons et Château-Thierry. Même les communes peu denses, comme Sissonne, Ribemont ou Crécy-sur-Serre, bénéficient de la présence de nombreux équipements. Toutefois, les Axonais ont besoin de 1,5 fois plus de temps que les habitants du Nord pour accéder aux équipements courants, en raison de la faible densité du département.

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